Cosaquerie

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La Cosaquerie est un mouvement de guerriers libres regroupés dans les steppes du sud de la Russie et de l'Ukraine et vivant en marge des Etats. Ces hommes furent d'abord constitués de renégats mongols qui se mélangèrent avec des populations autochtones et se slavisèrent rapidement. Ils furent peu à peu rejoints par de nombreux fuyards (pauvres, bandits, esclaves, aventuriers) qui tentaient d'échapper à l'oppression grandissante des Etats qui commençaient à s'organiser autour d'eux (Pologne et Russie).

Pirates égalitaires[edit]

Apparus dès le XIVe siècle, les Cosaques, qui n'étaient ni un peuple ni une ethnie mais une simple association libres d'individus, virent leur histoire se mêler à celle de la Russie pendant sept cents ans. Pirates et pillards à leurs débuts, les Cosaques devinrent gardes-frontière et mercenaires au service des Etats limitrophes pour pouvoir survivre. Ils s'organisèrent tout d'abord en bandes, puis en communautés et finalement en armées territoriales. Ils accueillaient les fugitifs des Etats voisins et vivaient en toute autonomie, principalement de pêche, de pillage et de mercenariat. Pirates le long des grands fleuves et jusqu'à la mer Noire et la mer Caspienne, ils étaient organisés comme les flibustiers, en communautés d'hommes librement associés et ne cherchant qu'à échapper à l’autorité des gouvernements. Politiquement, économiquement et socialement leurs structures étaient démocratiques et leurs ambitions égalitaires. Dans leurs communautés, il n’y avait ni seigneurs ni gouverneurs, le produit de la chasse, de la pêche et des campagnes militaires était partagé équitablement, le droit à la propriété était le même pour tous et il n’y avait pas de différences de classes, non plus que raciales ou ethniques.

Cosaques récupérés[edit]

C’est à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle que la cosaquerie va vraiment prendre de l’ampleur. Avec cette croissance, les établissements vont prospérer, le nombre d’hommes va augmenter et les armées se multiplier. Devant ce phénomène grandissant, les États voisins vont se mobiliser et peu à peu faire main basse sur ces hommes trop libres et trop dangereux. Tout d’abord, les Cosaques se verront subventionnés, puis enregistrés et finalement récupérés. Cette emprise des gouvernements, hormis qu’elle finira par les anéantir, commencera par saper de l’intérieur leur élan libertaire. Avec la croissance économique et politique, les affaires se complexifièrent et demandèrent de nouvelles structures. Les chefs se dotèrent de petits comités d’officiers chargés de les assister, puis se mirent à préparer les points à faire voter avant de les soumettre à la foule. Techniquement parlant, on se rapprocha donc d’un parlement au sein duquel le chef et ses aides choisissaient en privé les solutions qu’ils désiraient voir adoptées et se chargeaient ensuite de les faire accepter. Cette minorité réduite se transforma en une oligarchie, qui put facilement présenter les choses de manière à ce que le peuple, a priori souverain, accède à ses désirs. Cette manipulation «politique» n’a d’ailleurs rien de bien différent de celle qui se pratique dans nos démocraties d’aujourd’hui… Plus tard, les institutions cosaques, particulièrement les organes exécutifs, se développèrent et une classe dirigeante vit le jour. Cette première dominance politique alla de pair avec une suprématie économique, le pouvoir et l’argent étant comme toujours étroitement liés. De là, apparurent des distinctions sociales et les Cosaques pauvres devinrent une classe à part entière, une plèbe cosaque désormais dirigée par une élite installée de longue date. À ce moment-là, au milieu du XVIIe siècle, les Cosaques riches ne représentaient pas encore une véritable caste de nantis, mais les inégalités commençaient à se faire sentir. Une société à deux vitesses prenait le dessus sur la communauté égalitaire du départ et le jeu des influences permettait aux plus ambitieux de gagner fortune et pouvoir. On peut donc dire que la Cosaquerie ne fut guère libre plus de deux siècles sur les sept de son existence totale. Son pourrissement fut progressif, sa récupération lente et régulière, mais sa fin était programmée. Faut-il pour autant en déduire la faillite de son système, l’échec de sa tentative d’organisation libertaire ? De toute évidence, la réponse est non: tout d’abord, la situation en pays cosaque n’égala jamais celle du reste de la Russie, et même si les privilèges de la communauté cosaque s’érodèrent jusqu’à épuisement complet, ils offrirent aux Cosaques un mode de vie bien plus libre qu’ailleurs à la même époque. Ensuite, l’exemple de la Sietch zaporogue, sur le bas-Dniepr, démontre à lui seul que ce modèle de société basé sur les libertés individuelles était viable, puisqu’il perdura chez ces Cosaques jusqu’à leur dissolution. Chez eux, le creuset social resta toujours la norme, et ce malgré les avantages que ses membres directeurs finirent par s’octroyer, comme dans les autres armées cosaques.

Les Cosaques et la TAZ[edit]

Dans son livre sur les Cosaques, Mikhaïl W. Ramseier conclut son essai historique en reprenant les notions de Hakim Bey et de sa TAZ, à savoir qu'en définitive c’est moins la durée qui importe, en terme de liberté, que l’expérience en soi. Même temporaire, l’autonomie et l’indépendance d’un groupe d’individus permettent à ceux-ci de s’émanciper des États oppresseurs. Et si, quelque temps plus tard, l’expérience doit tourner court, il sera toujours temps de recommencer ailleurs. Cette sorte de fuite en avant des hommes qui refusent de se soumettre est d’ailleurs la seule façon de résister. Car l’histoire l’a maintes fois démontré, les gouvernements parviennent toujours à faire ployer ceux qui tentent de leur échapper. Selon Ramseier, qui avait déjà abordé le sujet dans son livre La Voile noire, les flibustiers, comme les Cosaques dans la steppe, bénéficièrent de conditions favorables pour émerger dans les Caraïbes, à une époque où les États n’avaient pas encore les moyens de s’y imposer. Puis, pour prendre place dans cette nouvelle Amérique, ces derniers utilisèrent les flibustiers comme alliés, tout comme la Russie le fit avec les Cosaques. S’appuyant alors sur les forbans et leur structure, les pays européens prirent peu à peu leurs marques et, lorsqu’ils furent prêts à se passer de leurs services, les anéantirent. Pour l’essayiste Peter Lamborn Wilson, alias Hakim Bey, l’expérience que les pirates vécurent entre Caraïbes et océan Indien est une manifestation de son concept de « Zone temporaire d’autonomie » – ou TAZ en abrégé (de l’anglais Temporary Autonomous Zone). Ce principe met en avant le fait que seule l’insurrection peut assurer, très momentanément, une forme de liberté qui permettra de vivre en marge des autorités, oppressives par définition. Car l’État, quel qu’il soit, aura toujours pour visée essentielle de conserver le pouvoir durement acquis et donc de tenter de diminuer, et de supprimer lorsqu’il le peut, les libertés individuelles qui peuvent remettre en question son hégémonie. Pour cette raison, toute révolution, aussi absolue soit-elle, est vouée à l’échec par le simple fait qu’une fois dépassé l’instant de la rébellion un nouvel État se met en place. Cette idée induit que le soulèvement ne peut qu’être temporaire puisqu’il se transformera dès qu’il aura triomphé et que son idéal de départ laissera la place à un nouveau gouvernement. Il semble donc que l’histoire des Cosaques obéisse à cette idée, au même titre d'ailleurs que la flibuste. C’est ce que Lamborn Wilson appelle des « utopies pirates », des micro-sociétés qui virent le jour à des époques et dans des espaces géographiques spécifiques. Vivant délibérément hors la loi, ces communautés évoluèrent en liberté jusqu’à ce qu’elles fussent identifiées puis supprimées. Anarchistes mais non anarchiques, au sens désordonné du terme, celles-ci s’organisaient selon des règles librement choisies et vivaient volontairement en dehors de la civilisation.

Enclaves libertaires[edit]

Toutes ces zones de liberté temporaire, ces enclaves libertaires dans un monde en perpétuelle recherche de domination, ont ceci en commun qu’elles représentèrent, à un certain moment de l’histoire, des espaces vierges qui pouvaient être colonisés par des hommes cherchant à se construire une vie meilleure. À ce titre, la Cosaquerie, qui s’initia dans les steppes, se développa dans le Caucase et se répandit en Sibérie, est à classer au rang des TAZ, même si celles-ci, selon Bey, ne sont pas clairement définissables. Car de l’Ukraine au Pacifique, le mouvement cosaque fut à l’origine d’une multitude de différents établissements ou courants qui, tous, plus ou moins durablement et plus ou moins efficacement, furent des refuges insurrectionnels. Que l’on songe aux premiers aventuriers qui se regroupèrent sur la Volga, le Don ou sur les crêtes du Caucase ; aux Haïdamaks, Zaporogues et Cosaques slobodiens ; aux soulèvements de Bolotnikov, de Stenka Razine, de Boulavine et de Pougatchev ; aux mouvements parallèles qui participèrent à l’histoire cosaque, comme la révolte de Kronstadt, l’Ukraine anarchiste de Makhno et la Mongolie du baron Ungern-Sternberg. Durant toute son histoire, la cosaquerie a engendré ou alimenté de nombreux îlots autonomes, qui s’organisèrent en marge de l’autorité des États comme autant de poches de résistance. Partageant une même origine, une culture de base et un mode de vie, tous ces éléments communiquèrent entre eux, se métissèrent et souvent se liguèrent contre le danger, que celui-ci vînt de la guerre ou de l’État.

Îlots de résistance[edit]

On se rapproche ici d’une autre facette importante que soulève Lamborn Wilson dans sa théorie et qui est la mise en réseau des « utopies pirates ». Les communautés cosaques, répandues sur tout le territoire sud de la Russie, constituaient leur propre toile au sein même de l’Empire. Ce réseau permit de nombreuses migrations aux Cosaques, selon les événements du moment ; ceux de la Volga descendirent vers le Caucase, ceux du Don prirent le chemin de la Sibérie, tandis que les Zaporogues se réfugièrent au Kouban. Pour Lamborn Wilson, ce concept d’« Ã®les en réseau » est essentiel à l’organisation d’une TAZ, non seulement pour véhiculer et relayer l’information mais aussi pour se transporter d’un point à un autre en toute discrétion, modifier sa structure interne à l’abri des regards et déplacer les forces selon les besoins. Car l’invisibilité est obligatoire pour toute communauté qui prétend vivre libre. C’est que le choc frontal avec l’État n’est non seulement pas souhaitable, mais surtout voué à l’échec. Or, dès qu’une zone autonome est identifiée par un gouvernement elle est réprimée et supprimée aussi rapidement que possible, et généralement dans le sang. Dans les steppes, les Cosaques vivaient librement car ils y étaient hors d’accès et restaient dans l’anonymat. N’importe quel fuyard pouvait d’ailleurs les rejoindre et vivre en toute clandestinité. Ce dernier point, précisément, était celui qui dérangeait le plus les États concernés et ceux-ci tentèrent tout au long de leur histoire d’empêcher les Cosaques d’accueillir les réfugiés dans leurs rangs. Lorsque les fuyards ne pouvaient plus faire autrement, ils prenaient de nouveau la route et changeaient de territoire. Le mode de vie de ces hommes, partageant leur existence entre combat, fêtes et beuveries, sans souci du lendemain, avec pour seule ambition de pouvoir exister sans entrave, était aussi celui des flibustiers ; vivre selon ses propres règles, ne reconnaître que l’autorité choisie et acceptée, autant d’éléments qui seront revendiqués plus tard par les anarchistes. Les théoriciens du mouvement – Proudhon, Bakounine, Stirner et Kropotkine en tête – prônaient la mise en place d’un monde plus juste, mais structuré : de manière fédérative, sans État pour les asservir, les peuples peuvent sans doute exister dans un système de communes autonomes, reliées entre elles au sein de provinces indépendantes qui, au final, forment les nations. Pour autant que le pouvoir s’exerce du bas vers le haut, toute la mécanique fonctionne en préservant la liberté de chacun, même du plus faible. Cette utopie anarchiste, qui fut vécue en partie par les pirates du XVe siècle, fut également expérimentée par les Cosaques.

Les cosaques aujourd'hui[edit]

En Russie, les cosaques d'aujourd'hui revendiquent un héritage de soldats des tsars avec un uniforme datant de plus de 100 ans. Les tsars se sont radicalisés et sont devenus une figure d'autorité dans le sud de la Russie, revendiquant le droit de porter un arme et de garder les frontières, en particulier près de la Tchétchénie. Plusieurs se battent au côté de l'armée russe en Tchétchénie. Leurs idées sont réactionnaires et fermement anti-caucasienne, partageant un ennemi commun avec la droite radicale russe.

Bibliographie[edit]

Voir aussi[edit]