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| The web page has been saved by the Internet Archive. Please consider linking to an appropriate archived version: [http://web.archive.org/web/*/http://www.chez.com/vap]. --[[Utilisateur:AlterBot|AlterBot]] 22 septembre 2008 Ã 07:12 (UTC) | | The web page has been saved by the Internet Archive. Please consider linking to an appropriate archived version: [http://web.archive.org/web/*/http://www.chez.com/vap]. --[[Utilisateur:AlterBot|AlterBot]] 22 septembre 2008 Ã 07:12 (UTC) |
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− | == essayer de comprendre ==
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− | que penser de cela ? :-)
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− | sachant que l'athéisme (tel qu'il est pensé en France) est issu de la
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− | civilisation judéo-chrétienne (traduction de "judéo-chrétien" :
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− | "occidental"), comment penser que l'athéisme n'est pas une croyance,
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− | ni une religion (par le biais des idéologies qui s'en réclamaient :
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− | communisme, stalinisme, maoïsme, khmer rouge... au dernière nouvelle,
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− | l'anarchisme n'oblige pas d'être "athée", ce qui est le cas du
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− | communisme) ? Selon moi, l'athéisme est aujourd'hui une forme de
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− | néo-colonialisme (d'autant plus que dans la plupart des pays
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− | occidentaux, la pratique religieuse CONSCIENTE est réduite à néant, ou
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− | Ã des ruines : l'Occident est ressenti partout ailleurs dans le monde
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− | - : pays forcément colonisés - comme athée, et il l'est, rassurez-vous...
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− | enfoncer une porte déjà ouverte a au moins le mérite de surprendre, et
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− | je le dis sans ironie).
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− | Depuis qu'il y a une humanité, il n'y a jamais eu de civilisation
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− | non-religieuse ; je ne vois pas en quoi et comment l'homme (et sa
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− | civilisation) sera un jour "non-croyant" : la croyance, c'est entre le
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− | doute et la certitude : il faut au moins CROIRE que la vie mérite
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− | d'être vécue pour continuer à vivre : aucune certitude, lorsqu'un
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− | enfant né, que sa vie soit plus heureuse que malheureuse, lui qui de
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− | toute manière est condamné à mort ; si l'on doute que sa propre vie ne mérite
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− | plus d'être vécue : on se suicide ; si l'on est pas croyant ni
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− | religieux de manière consciente, on le reste de manière INCONSCIENTE,
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− | car toute croyance et religion sont liées à une hiérarchie des
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− | valeurs, cette même
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− | hiérarchie étant liée à une civilisation particulière. Allez expliquer
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− | à l'ancien peuple colonisé par le "Blanc", que c'est toujours une même
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− | idéologie occidentale ("l'athéisme"), qui les sauvera de leurs
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− | erreurs... n'est-ce-pas, au fond, un discours particulièrement
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− | judéo-chrétien, de vouloir "sauver" (si ce n'est convertir) les
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− | "mécréants" qui ont forcément torts, plongés dans leur "ignorance" ?
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− | Car l'athéisme occidental n'est-il pas une des nombreuses branches (ou
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− | tentacules) de la civilisation judéo-chrétienne ?
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− | cordialement ; Dino Castelbou
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− | *
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− | Jean-louis GABIN : Parmi les articles sur lesquels je travaille en ce
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− | moment pour les Cahiers du Mleccha, il y en a un qui a été publié dans
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− | le Monde en 1973 sous le titre "Hindouisme Hippie" et dans lequel vous
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− | évoquez la question des drogues...
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− | Alain DANIELOU : Dans toutes les religions il y a toujours eu une
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− | drogue considérée comme facilitant la concentration pour obtenir une
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− | certaine perception du monde et sortir de la matérialité des questions
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− | ordinaires. Mais c'est très différent d'utiliser des produits dans un
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− | but précis, comme le font les yoguis par exemple, et de les vulgariser
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− | par un usage absolument irrationnel, et alors extrêmement pernicieux.
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− | JLG : Parce que dans ce cas c'est un usage contrôlé, dans un but de
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− | connaissance, et dans l'autre un refuge contre la réalité ?
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− | AD : Oui. D'un côté c'est une façon d'aller plus loin dans la
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− | recherche, et de l'autre c'est une tentative de la fuir. C'est pour
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− | cela que l'usage des drogues était, et devrait toujours être,
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− | ritualisé. Il y a des rites du bhang, du haschich, dans les boissons
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− | qu'on en fait en Inde, qui montrent leur caractère sacré. Les drogues
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− | sont des substances chimiques mais aussi des entités magiques, liées Ã
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− | des êtres subtils. IL existe un génie de l'opium, comme il existe un
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− | génie du chanvre, que l'on doit rendre propice par des rites. C'est
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− | tout à fait autre chose que d'en prendre à tout bout de champ, et non
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− | dans des périodes de tranquilité, de réflexion. C'est toute la
| |
− | différence entre certains rites liés au vin, dans le christianisme, et
| |
− | l'alcoolisme. Il ne faut pas confondre des choses qui existent dans la
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− | nature, qui jouent un rôle dans l'équilibre naturel, et qui ont donc
| |
− | toute leur raison d'être, avec leur usage aberrant et irrationnel.
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− | JLG : Lorsque vous dites qu'il faut une certaine tranquilité et un
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− | cadre protecteur pour pouvoir utiliser telle substance dans un but de
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− | recherche, est-ce qu'on ne pourrait pas le dire aussi à propos du yoga ?
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− | AD : Le yoga est une technique pour arriver à développer certaines
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− | facultés et certains pouvoirs ; ça n'a rien à voir avec une
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− | gymnastique que les gens pratiquent à n'importe quel moment en pensant
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− | Ã leurs occupations habituelles. S'asseoir dans une posture de yoga,
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− | dans ce cas, ça n'a aucun sens.
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− | JLG : Le yoga vise à développer quel genre de faculté ?
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− | AD : Le yoga, c'est l'union avec des principes d'ordre supérieur.
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− | C'est au fond l'essentiel même de la religion. C'est la méthode pour
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− | établir des contacts avec le surnaturel. Dans les moments où on
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− | effectue ces exercices, on ne doit avoir aucune préoccupation, et
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− | l'essentiel est d'être dans un endroit isolé. On peut essayer alors de
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− | pratiquer cette espèce de méthode de méditation qui vous permet
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− | d'arriver à une certaine connaissance. Ca n'a rien à voir avec des
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− | exercices collectifs.
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− | JLG : Une autre question que je voulais de poser, toujours à partir de
| |
− | ces textes sur lesquels je travaille, c'est à propos des
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− | préoccupations écologiques que vous exprimez depuis une vingtaine
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− | d'année, où vous parliez de pollution, de surpopulation, à une époque
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− | où c'était tout à fait minoritaire. Or aujourd'hui ces questions se
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− | sont terriblement aggravées, et j'aurai voulu savoir quel est le sens
| |
− | que vous donnez à cette aggravation.
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− | AD : C'est une caractéristique de la décadence des civilisations de ne
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− | s'occuper d'un problème que lorsqu'il atteint un niveau
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− | catastrophique. On ne s'intéresse d'ailleurs qu'aux catastrophes. Il
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− | faut qu'il y ait des dizaines d'accidents sur une autoroute pour qu'on
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− | décide que peut-être ce virage était mal fait. Et c'est ainsi pour
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− | tout. Pour des raisons d'économie, d'intérêt, on ne sait pas. Mais
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− | tous les problèmes du monde moderne étaient prévus depuis longtemps,
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− | et connus. C'est extraordinaire justement qu'on néglige des risques
| |
− | comme ceux-là et qu'on attende des catastrophes pour s'en occuper.
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− | JLG : Lorsqu'on lit vos textes sur l'organisation de la civilisation
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− | hindoue, sur le système des castes par exemple, qui témoignait de la
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− | recherche d'un certain équilibre entre les différents groupes, les
| |
− | différentes ethnies composant cette civilisation, et qu'on compare
| |
− | avec la situation qu'on connaît aujourd'hui, on a l'impression que les
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− | dirigeants politiques du monde moderne vivent dans l'imprévoyance la
| |
− | plus totale, n'ont aucune vision globale de l'intérêt de la société.
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− | AD : Je crois qu'il s'agit surtout d'une ignorance de la nature des
| |
− | choses. Au lieu de considérer que le monde est bien fait, qu'il y a
| |
− | des raisons pour tout, et qu'il faut essayer de les comprendre et de
| |
− | s'y associer, on considère que le monde est mal fait, que nous sommes
| |
− | là pour tout réorganiser, avec des résultats qui sont évidemment ceux
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− | que nous voyons.
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− | JLG : Un des obstacles à la compréhension de la civilisation indienne,
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− | qui empêche justement ceux qui essaient de réfléchir, de tirer
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− | éventuellement des leçons de cette civilisation, c'est l'image que
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− | nous en avons aujourd'hui. On nous parle de famines, de problèmes
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− | d'intolérance, toujours rapportés à la religion. Et on nous dit, ou
| |
− | sous-entend, que ces problèmes devraient être dépassés par la
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− | démocratie...
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− | AD : La démocratie est un système politique qui n'a rien à voir avec
| |
− | les conceptions traditionnelles de la société. Aujourd'hui on présente
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− | la démocratie comme une panacée, ce qui est une excuse pour ne pas
| |
− | s'occuper des vrais problèmes. Le tableau qu'on a fait de la
| |
− | civilisation indienne a d'ailleurs été calculé et systématique. Cela
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− | faisait parti d'un programme pour christianiser l'Inde en présentant
| |
− | cette civilisation et cette religion comme aberrantes, monstrueuses,
| |
− | etc. Ca a été fait systématiquement et absolument sans tenir compte
| |
− | des réalités.
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− | JLG : A propos de ce qui s'est passé autour de la mosquée d'Ayodhya,
| |
− | on a parlé dans les médias de l'émergence d'un intégrisme hindou et on
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− | a montré l'hindouisme comme une religion aussi intolérante et
| |
− | fanatique que les autres.
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− | AD : C'est toujours une façon de présenter les problèmes à l'envers et
| |
− | de mettre sur le même plan des choses qui ne le sont pas. Ce ne sont
| |
− | pas les Hindous qui ont construits un temple sur un lieu sacré des
| |
− | Musulmans, qui d'ailleurs n'en avaient pas en principe, mais ce sont
| |
− | des Musulmans qui ont détruits un lieu sacré, et pour marquer leur
| |
− | mépris en quelque sorte, ont construits là -dessus une mosquée de
| |
− | manière à empêcher qu'on reconstruise le temple. C'est une histoire
| |
− | simple. Qu'il y ait une réaction, une fois... Il y a une chose dont on
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− | n'a pas l'air de s'apercevoir, c'est que les Musulmans refont des
| |
− | mosquées avec des églises que les Chrétiens avaint construites sur des
| |
− | emplacements qui leur étaient sacrés. Est-ce que Sainte-Sophie est un
| |
− | monument musulman à tout jamais, alors que c'est un chef-d'oeuvre de
| |
− | l'art chrétien ? Bien sûr, qu'il peut y avoir un certain fanatisme des
| |
− | gens pour rétablir des choses anciennes, pour retrouver des lieux
| |
− | sacrés. Mais est-ce que si les Incas prétendaient retourner au temple
| |
− | du Soleil, il faudrait le leur reprocher comme un outrage à la
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− | civilisation ?
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− | JLG : Dans la littérature ancienne, l'Inde a été considérée depuis
| |
− | l'antiquité comme un pays de richesses fabuleuses. Or aujourd'hui elle
| |
− | est devenue synonyme de pauvreté et, dans l'esprit du public, c'est la
| |
− | société indienne elle-même, ses traditions, sa religion, qui génèrent
| |
− | la misère.
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− | AD : On oublie simplement que lorsque les Européens sont arrivés dans
| |
− | l'Inde, le niveau de vie de ce pays était le plus élevé du monde. La
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− | richesse de l'Inde était proverbiale, et réelle. Ce n'était pas la
| |
− | richesse de quelques princes, c'était un bien-être général de la
| |
− | population dont on a bien la preuve par la floraison de la production
| |
− | artistique - ces milliers de sculteurs qui ont construit des temples.
| |
− | C'est un pays qui avaient des industries très avancées, qui faisait
| |
− | les plus beaux textiles du monde, qui était très riche, et que l'on a
| |
− | sciemment ruiné. Quand les Anglais ont mis des taxes à l'exportation
| |
− | des textiles indiens, lesquels étaient très recherchés, et entrée
| |
− | libre pour les textiles anglais, en quelques années ils ont ruiné
| |
− | l'industrie de l'Inde? Et ils ont fait cela sur tous les plans? Ce
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− | n'est pas du tout par hasard. Et ensuite on nous dit que ce sont les
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− | Indiens qui sont responsables de leur pauvreté. Pas du tout. C'est une
| |
− | série de gouvernements, d'abord islamiques - les conquêtes islamiques
| |
− | ont commis des destructions effroyables - et ensuite l'exploitation
| |
− | systématique par les Occidentaux qui ont réduit ce pays à la misère?
| |
− | Il suffit tout de même de regarder les statistiques de l'Histoire.
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− | C'est comme si vous disiez que l'état de misère des Indiens d'Amérique
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− | vient du fait de leur nature, de leur religion. C'est absurde, c'est
| |
− | un mensonge épouvantable.
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− | JLG : Il y a un autre élément que l'on présente toujours comme
| |
− | négative lorsqu'on parle de l'Inde - je m'excuse de me faire l'écho de
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− | tout cela, mais c'est pour connaître vos arguments - c'est celui du
| |
− | statut des femmes, leurs droits, leur liberté sexuelle en particulier
| |
− | dans le monde traditionnel.
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− | AD : Je crois que c'est la domination islamique qui a provoqué
| |
− | l'enfermement des femmes, qui n'existaient absolument pas dans l'Inde
| |
− | ancienne. Les hordes musulmanes et mongoles qui sont arrivées en Inde
| |
− | saisissaient les femmes et de les appropriaient, provoquant une
| |
− | réaction de retrait qui a fait, en effet, que les Hindous - pas
| |
− | seulement les Hindous, toutes les religions de l'Inde, les Jaïns, les
| |
− | Bouddhistes - ont cherché à protéger leurs familles et leurs femmes.
| |
− | Mais ce retrait des femmes atteint certaines classes de la société,
| |
− | parce qu'il y a toujours eu une place extraordinaire de la femme dans
| |
− | la société indienne. Ca existe encore. Si vous allez dans les
| |
− | villages, les femmes ne sont pas du tout enfermées, elles sont très
| |
− | libres, elles s'amusent beaucoup. Allez dans une foire d'un village
| |
− | indien, vous n'aurez pas du tout l'impression d'avoir affaire à de
| |
− | pauvres créatures humiliées et frustées. Tout ça, ce sont des images
| |
− | fabriquées sur de fausses données.
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− | JLG : Malgré ces images négatives, il y a tout de même un mouvement
| |
− | qui porte depuis des années des jeunes vers l'Inde, mais alors on dit
| |
− | en Occident qu'il s'agit d'une fuite, que ce qu'ils vont chercher dans
| |
− | l'Inde, ils pourraient le trouver aussi bien dans les traditions
| |
− | occidentales.
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− | AD : C'est vrai du monde gréco-romain. Ce n'est pas vrai du monde
| |
− | sémitique. Or le christianisme, comme l'islam, dérive du monde
| |
− | sémitique qui était très particulier et très restrictif, alors qu'au
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− | fond, si on remonte à des périodes préchrétiennes, la différence est
| |
− | très peu de chose. La vie en Grèce, en Egypte, et la vie indienne,
| |
− | c'est sur un certain plan la même civilisation. En revanche, si vous
| |
− | pensez à ce que représentait l'Egypte et ce que représente l'Egypte
| |
− | islamique : ça n'a rien à voir. Il y a eu une conquête qui a détruit
| |
− | totalement une civilisation pour la remplacer par une autre, avec des
| |
− | conceptions de la vie, de la recherche, de la société, complétement
| |
− | différentes.
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− | JLG : Ce qui est frappant en effet, lorsqu'on visite l'Egypte, c'est
| |
− | d'abord que les temples sont vides - et lorsqu'on va en Inde on peut
| |
− | imaginer ce que devrait être la vie de ces temples - et d'autre part
| |
− | que la population égyptienne actuelle n'a aucunn respect pour l'Egypte
| |
− | ancienne, si ce n'est parce qu'elle attire les touristes.
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− | AD : On a construit toutes les églises de Rome sur des sanctuaires
| |
− | anciens. Exactement comme cette mosquée qui recouvre une partie du
| |
− | temple de Louxor. C'est une façon de détruire les valeurs d'une
| |
− | société que, malheureusement, ensuite, on ne retrouve pas... Parce
| |
− | que, tout de même, ce qui nous reste des pensées les plus importantes,
| |
− | c'est essentiellement préchrétien. C'est Pythagore, c'est Aristote,
| |
− | c'est Platon. ce n'est pas Thomas d'Aquin, ni Saint Paul, qui peuvent
| |
− | servir d'inspiration pour une pensée philosophique et un mode de vie.
| |
− | Mais beaucoup de gens qui, aujourd'hui, sont soi-disant attirés par
| |
− | l'Inde fuient en réalité l'Occident. C'est un prétexte. s'il n'y avait
| |
− | pas l'Inde, ce serait autre chose. Ils n'y comprennent rien, ils y
| |
− | amènent leurs préjugés, et ils ne peuvent pas avoir de contact avec
| |
− | ceux qui pourraient leur apporter quelque chose.
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− | JLG : Ils sont la plupart du temps orientés vers les ashrams, et
| |
− | conditionnés par toute une littérature qui présente une certaine idée
| |
− | de l'Inde.
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− | AD : C'est comme tout, dans le monde moderne, il y a des sortes de
| |
− | mafias qui canalisent les bonnes intentions et s'en servent pour des
| |
− | fins de profit économique ou de pouvoir. La notion d'ashram, telle
| |
− | qu'on la présente aujourd'hui, n'a jamais existé. L'enseignement dans
| |
− | l'Inde traditionnelle ne peut pas avoir un caractère commercial. Donc
| |
− | on ne peut pas dire aux gens de participer aux frais (rire), ce n'est
| |
− | pas possible. C'est une situation contraire à l'esprit des Hindous.
| |
− | Ces ashrams sont en réalité des organisations commerciales,
| |
− | occidentales, sous couvert de faux-indianisme. Qu'est-ce que l'Inde
| |
− | peut y faire ? Sûrement pas grand chose.
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− |
| |
− | JLG : Vous vous moquez de certains Occidentaux qui, pendant leurs
| |
− | vacances en Inde, dites-vous, s'échangent des adresses de bons gourous
| |
− | comme on s'échange des adresses de bons restaurants. Est-ce que leur
| |
− | recherche ne vous semble pas correspondre à quelque chose de sincère ?
| |
− |
| |
− | AD : Pourquoi quelqu'un possédant réellement des connaissance et une
| |
− | certaine sagesse voudrait-il les transmettre à un Occidental plus ou
| |
− | moins déboussolé ? Pourquoi ? Je crois que les motivations ne sont pas
| |
− | légitimes. Si elles l'étaient, s'il s'agissait de gens qui cherchaient
| |
− | vraiment, comme à certaines époques, dans le monde chrétien, on a
| |
− | essayé de retrouver la sagesse antique... Mais là il ne s'agit pas de
| |
− | quête, il s'agit de gens qui se croient tellement importants qu'ils
| |
− | estiment que des personnes possédant de véritables connaissances sont
| |
− | Ã leur disposition. S'ils avaient des qualifications pour les obtenir,
| |
− | ils les trouveraient. C'est différent. Tous ces problèmes sont pris Ã
| |
− | l'envers.
| |
− |
| |
− | JLG : A propos de poésie, lorsque vous citez l'Atharva Veda qui
| |
− | établit des correspondances entre les couleurs, les sentiments, les
| |
− | notes de musique, cela rejoint tout à fait la théorie des
| |
− | Correspondances de Baudelaire. Mais cette théorie est présentée en
| |
− | Occident comme une fantaisie "poétique" dans le sens péjoratif que
| |
− | l'on peut donner à ce mot, alors que, d'après ce que vous dites, elle
| |
− | fait partie des sciences traditionnelles hindoues ?
| |
− |
| |
− | AD : Ces théories correspondent à une recherche sur la nature du
| |
− | monde. La façon dont a été construite la matuère et la façon dont nous
| |
− | avons des sens pour la percevoir sont forcément liées. Cela fait
| |
− | partie d'un système. Les conceptions cosmologiques cherchent Ã
| |
− | retrouver les facteurs dominants dans toutes les formes de la
| |
− | Création. C'est pourquoi elles mettent en évidence des connexions et
| |
− | des correspondance entre des domaines apparemment séparés. Cette
| |
− | conception des correspondances n'est pas seulement indienne : les
| |
− | Grecs avaient la même idée quand ils considéraient que la musique, la
| |
− | recherche des rapports numériques entre les sons, était la clé des
| |
− | sciences. Ce n'est pas du tout une fantaisie, c'est vrai... Et
| |
− | probablement qu'en poussant un peu les recherches, aussi bien sur la
| |
− | nature de la matière dans ses formes microscopiques que dans ses
| |
− | formes astronomiques, on arriverait à des données de fond d'ordre
| |
− | mathématique qui ont été considérées depuis toujours dans la
| |
− | cosmologie hindoue.
| |
− |
| |
− | JLG : Pensez-vous que, si le savoir traditionnel de l'Inde parvenait Ã
| |
− | être connu et étudié dans le monde moderne, il pourrait conduire à une
| |
− | nouvelle Renaissance ?
| |
− |
| |
− | AD : L'Inde souffre de l'occupation étrangère depuis presque plus d'un
| |
− | millénaire. Et le trésor de connaissances qu'elle représente, qui a
| |
− | disparu en Egypte et en Occident, est toujopurs vivant mais devient de
| |
− | plus en plus caché puisqu'il est persécuté et incompris. Donc on ne
| |
− | sait pas si l'Inde pourra un jour trouver des circonstances qui
| |
− | permettront à sa pensée et à sa civilisation de refleurir, comme c'est
| |
− | déjà arrivé deux ou trois fois dans les périodes historiques, quand le
| |
− | shivaïsme a été redévouvert, s'est de nouveau manifesté. Il était
| |
− | occulté pendant plusieurs siècles, et puis tout d'un coup il a connu
| |
− | une effervescence dans le développement de sa pensée, des arts, de la
| |
− | philosophie, de la vie sociale, extraordinaire. Ca peut très bien
| |
− | arriver à nouveau si le noyau secret reste vivant.
| |
− |
| |
− | JLG : Votre oeuvre, par rapport à cette situation, qui peut paraître
| |
− | pessimiste, est allée dans le sens, justement, de faire connaître et
| |
− | respecter par le monde occidental des valeurs qui étaient celle de
| |
− | l'Inde. Vous avez réussi à ranimer la musique traditionnelle, qui
| |
− | semblait condamnée par le modernisme, et vous n'avez pas craint de
| |
− | défendre des notions très attaquées, comme le polythéisme ou le
| |
− | système des castes. Pensez-vous que ce rôle que vous avez joué
| |
− | pourrait être poursuivi par d'autres ?
| |
− |
| |
− | AD : Ca, j'ai eu la chance, par hasard, parce que je me trouvais là et
| |
− | que j'étais sans préjugés, sans ambition, de pouvoir apprendre
| |
− | certaines choses de certaines gens qui appartenaient au plus haut
| |
− | niveau de la tradition indienne. Et ce sont eux qui m'ont dit qu'il
| |
− | serait utile que j'essaie de présenter hors de l'Inde le vrai visage
| |
− | de cette civilisation, parce que l'attitude des gens envers
| |
− | l'hindouisme était perverse et nocive. Est-ce que cela pourrait
| |
− | arriver à d'autres ?... Oui, parce que, dans un sens, si quelques
| |
− | personnes changent leur point de vue et comprennent où sont les vrais
| |
− | valeurs, c'est une chose qui n'est pas négligeable... Ca ne veut pas
| |
− | dire qu'on peut sauver le monde actuel. Ce qui est important c'est
| |
− | peut être de sauver quelque chose de l'hindouisme en lui évitant des
| |
− | persécutions excessives. Ce n'est pas du tout de sauver l'Occident,
| |
− | qui suit son cours malencontreux, et n'a pas l'intention de la changer.
| |
− |
| |
− | JLG : En même temps, ne vous paraît-il pas invraisembable que
| |
− | l'Occident reconnaisse tout d'un coup comme positives les valeurs qui
| |
− | ont maintenu la civilisation indienne pendant des millénaires,
| |
− | c'est-à -dire qu'il désavoue sa propre histoire depuis quatre ou cinq
| |
− | cent ans ?
| |
− |
| |
− | AD : Ce serait pourtant la seule chose à faire. Il suffirait d'arrêter
| |
− | le processus, de retrouver les valeurs de civilisation qui étaient
| |
− | celles de l'Occident préchrétien, la présence des forces
| |
− | surnaturelles, que l'on nie, des rites qui permettent l'harmonie entre
| |
− | les dieux et les hommes, le respect de la vie et des espèces,
| |
− | c'est-Ã -dire une attitude envers le monde qui est simplement du bon
| |
− | sens. Si les Hindous ont conservé certains aspects, ça ne veut pas
| |
− | dire qu'il faut le faire pour nous sous cette forme. Simplement, c'est
| |
− | une question de sagesse, de raison, d'autoprotection. si l'on
| |
− | s'attache à de faux systèmes, à ce qu'on appelle des idéologies, il
| |
− | n'y a pas de raison d'en sortir...
| |
− |
| |
− | JLG : Je pense qu'il y avait des rites agrestes encore vivants dans
| |
− | les campagnes tout près de nous. Dans les Pyrénées, dans les années
| |
− | trente, il a fallu une ordonnance de l'évêque de Tarbes pour interdire
| |
− | les dances "obsènes" autour des feux de la Saint Jean, c'est-à -dire
| |
− | les rites liés au solstice. A la même époque, toujours dans les
| |
− | Pyrénées, les autorités ecclésiastiques ont fait abattre les pierres
| |
− | phalliques préhistoriques, extrêmement réalistes, qui étaient encore
| |
− | vénérées par les villageois. il en est resté quelques-unes,
| |
− | heureusement, et d'autres ont été surmontées d'un croix.
| |
− |
| |
− | AD : Le catholicisme a d'abord essayé d'assimiler et de christianiser
| |
− | les rites, les fêtes, les lieux sacrés, et dans un second temps de les
| |
− | désacraliser. C'est une stratégie de domination qui a, je crois,
| |
− | toujours été pratiquée par les religions prophétiques-missionnaires,
| |
− | qui ont voulu imposer des façons d'être et de penser. Le bouddhisme a
| |
− | fait ça pendant un temps en Inde. Puis ça a changé complétement et on
| |
− | est revenu, sous d'autres noms, Ã l'ancienne religion, aux anciens
| |
− | symboles, aux anciens dieux.
| |
− |
| |
− | JLG : Mais en Inde des ordres monastiques avaient maintenu vivantes
| |
− | les connaissances secrètes, ce qui en Occident, pour autant qu'on
| |
− | sache, n'a pas eu lieu.
| |
− |
| |
− | AD : En Occident il y a eu des persécutions effroyables, tous les
| |
− | vestiges des l'ancienne croyances, les anciennes organisations, les
| |
− | Templiers... Plus près de nous, au début de la Renaissance, l'Acadamia
| |
− | Romana a essayé de retrouver la sagesse antique, mais elle aussi a été
| |
− | massacrée. Il n'en reste que quelques noms, mais on ne connaît pas le
| |
− | résultat éventuel de ses recherches. Si des groupements initiatiques
| |
− | authentiques existent en Occident, ils sont bien secrets. Parce que
| |
− | toutes les organisations qui prétendent maintenir certaines
| |
− | connaissances, comme la Maçonnerie, les Rose-Croix, sont des
| |
− | reconstitutions falsifiées. Il subsiste quelques éléments mais pas du
| |
− | tout une continuité initiatique et de véritables connaissances...
| |
− | Peut-être reste-t-il, je ne sais pas, au Caucase ou en Arménie
| |
− | quelques sectes qui ont maintenu un savoir. Mais on traite les choses
| |
− | avec tellement d'irrespect.
| |
− |
| |
− | JLG : Un élément peut-être encourageant, c'est qu'aujourd'hui on
| |
− | arrive à comparer. On fait de l'ethnologie comparée, de la religion
| |
− | comparée : tout cela n'existait pas il y a cinquante ans.
| |
− |
| |
− | AD : Oui, mais à condition de ne pas tout mettre sur le même plan, et
| |
− | de ne pas juger des valeurs d'une religion en termes d'une autre.
| |
− | C'est là qu'il est très difficile pour des Chrétiens de perdre leur
| |
− | superbe. C'est une question d'humilité : l'humilité est un élément
| |
− | fondamental de toute recherche. Malheureusement, ce n'est pas une
| |
− | vertu très répandue. Si on étudie un système pour retrouver sa vérité,
| |
− | c'est une chose. Si on l'étudie comme une curiosité bizarre,
| |
− | ethnologique, ça ne mène à rien...
| |
− |
| |
− | JLG : Il y a aussi ce que vous dites à la fin du Kali Yuga, par des
| |
− | explosions pareilles à mille soleils. C'est stupéfiant que cela ait
| |
− | été écrit bien avant notre ère, et qu'aujourd'hui on en soit si proche ?
| |
− |
| |
− | AD : C'est d'ailleurs écrit : quand le poids des hommes devient trop
| |
− | pesant pour la Terre, les dieux leur inspirent le moyen de leur
| |
− | destruction.
| |
− |
| |
− | JLG : C'est écrit ?
| |
− |
| |
− | AD : Dans les Pourana, bien sûr. Et dans beaucoup d'endroits on trouve
| |
− | cette notion du poids excessif des hommes.
| |
− |
| |
− | JLG : C'est cette idée qu'il y a eu plusieurs humanités ?
| |
− |
| |
− | AD : Pour les Hindous, nous sommes la septième humanité. Déjà six fois
| |
− | celle-ci a été complétement détruite et on a recommencé à zéro. D'un
| |
− | côté, Platon parle de l'Atlantide. Mais les açouras sont aussi une
| |
− | humanité qui a été complétement anéantie.
| |
− |
| |
− | JLG : Pou en revenir au monothéisme, pourquoi dites-vous que c'est une
| |
− | simplification ?
| |
− |
| |
− | AD : Dans les religions abrahamiques, on a réuni tous les aspects
| |
− | maléfiques dans un entité qu'on appelle Diable, et tous les aspect
| |
− | bénéfiques sous une fiction qu'on appelle Dieu. on confond un être
| |
− | extérieur au monde, qui pense le monde et le crée, avec toutes les
| |
− | manifestations par lesquelles il organise la Création. On prétend que
| |
− | ce dieu Créateur s'occupe de savoir comment vous mangez, comment vous
| |
− | faites l'amour, comment vous ordonnez la société : c'est complétement
| |
− | absurde ! C'est une simplification de ce qui est nécessairement une
| |
− | hiérarchie, qui existe aussi dans la matière, qui existe dans les
| |
− | espèces, comme elle existe dans les forces qui organisent le monde.
| |
− | C'est là que le monothéisme est complétement irréel. Le résultat,
| |
− | évidemment, c'est qu'on ne peut aboutir à aucune solution des
| |
− | véritables problèmes du monde. On se trompe d'échelle, on se trompe de
| |
− | niveau.
| |
− |
| |
− | JLG : Et on a attribué au diable tout ce qui était révéré dans les
| |
− | anciennes civilisations : les rites extatiques, érotiques, les
| |
− | bacchanales. Même les cornes, symbole de la royauté sacrée, comme vous
| |
− | l'indiquez, ont été diabolisées, et le trident de Shiva. Finalement
| |
− | vous pensez qu'une attitude peut-être simplement polémique au départ,
| |
− | pour affirmer le christianisme en tant que nouvelle religion, est
| |
− | devenue une condamnation dogmatique des forces de la Nature qui
| |
− | entraîne le monde à la destruction ?
| |
− |
| |
− | AD : Evidemment. D'ailleurs on ne voit pas comment il pourrait y avoir
| |
− | des dogmes dans le créé. Qui pourrait définir les formes d'action qui
| |
− | sont conformes à l'ordre du créé ? Avec des dogmes, on invente des
| |
− | choses généralement aberrantes qui sont tout à fait contraires à ce
| |
− | que devrait être une société humaine par rapport aux sociétés animales
| |
− | ou végétales.
| |
− |
| |
− | JLG : Dans lesquelles il n'y a pas de dogmes, mais il y a des lois.
| |
− |
| |
− | AD : Oui ! Ce qui n'est pas la même chose !
| |
− |
| |
− | JLG : Parce que les lois peuvent être exprimées sans a priori, comme
| |
− | vous dites que certains savants modernes s'approchent davantage de la
| |
− | réalité du monde que les monothéismes ?
| |
− |
| |
− | AD : Parce que tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de comprendre.
| |
− | Si l'on ne comprend pas la raison d'être du monde, est-ce qu'on peut
| |
− | prétendre y faire des modifications ? C'est la connaissance qui est la
| |
− | base de toute recherche valable, et finalement, de toute religion.
| |
− | Mais ce n'est pas cela qu'on appelle "religion" : c'est le contraire.
| |
− |
| |
− | JLG : En tout cas, cet exercice de l'intelligence, cet effort de
| |
− | compréhension, c'est ce qui rend tellement intéressant l'hindouisme
| |
− | tel que vous le présentez. La question que l'on pourrait se poser
| |
− | c'est si réellement il en a toujours été ainsi, si l'hindouisme, par
| |
− | nature, a toujours cherché à comprendre, a toujours cherché Ã
| |
− | favoriser la liberté de la spéculation métaphysique et scientifique,
| |
− | ou s'il s'agit d'un aspect ou d'un moment particulier auquel vous avez
| |
− | eu accès ?
| |
− |
| |
− | AD : Ce c'est difficile à dire. Je crois qu'il y a toujours eu des
| |
− | tyrans et des soi-disant prophètes, qui ont voulu imposer aux gens
| |
− | leur façon de voir dans des buts de domination. Et c'est pour ça, au
| |
− | fond, que tout ce qu'on appelle religions aujourd'hui sont des
| |
− | religions prophétiques, qui n'essaient pas du tout de comprendre le
| |
− | monde, la nature de sa manifestation, et finalement la nature du
| |
− | divin... A bien des égards, on devrait les appeler plutôt des
| |
− | anti-religions... Il se trouve que ce que l'on sait de certaines
| |
− | explications qui ont fleuri dans l'Inde à partir de périodes très
| |
− | anciennes était orienté vers cette recherche. C'est pourquoi aussi
| |
− | bien le yoga que le sâmkhya, que tous les autres aspects de la
| |
− | philosophie indienne font partie des darshana, selon lesquels chaque
| |
− | aspect de la recherche a ses limites. Aucune formede recherche ne peut
| |
− | mener à l'absolu, parce que le plan de l'univers et des mondes n'est
| |
− | pas à la portée de notre esprit. Alors, il y a cette série
| |
− | extraordinaire de méthodes qui sont diverses, qui sont coordonnées,
| |
− | qui aboutissent à des conclusions différentes : certaines méthodes
| |
− | aboutissent à une divinité, à un être qui organisent les choses,
| |
− | d'autres sont athées, et en les suivant, vous ne pouvez arriver Ã
| |
− | aucune conception du divin. La seule conception considérée comme
| |
− | aberrante est d'estimer que l'univers est le fruit du hasard. On peut
| |
− | tout à fait considérer que la cause du monde est hors notre portée,
| |
− | qu'il vaut mieux pas s'en occuper, mais on ne peut pas affirmer
| |
− | qu'elle n'existe pas. Le monde moderne n'a pas cette prudence - ou ce
| |
− | réalisme -, ce qui l'entraîne à ce manque de respect envers le créé,
| |
− | qui n'a jamais été le fait d'aucune civilisation traditionnelle. Donc,
| |
− | il y a eu, en effet, dans l'Inde, une pensée extraordinairement
| |
− | évolué. Qu'une pensée similaire ait pu exister ailleurs, c'est
| |
− | probable. Mais nous n'en savons rien, parce qu'il n'y a que dans
| |
− | l'Inde qu'on a conservé des traités - qui ont d'ailleurs été
| |
− | transcrits à partir de connaissances beaucoup plus anciennes. Par
| |
− | conséquent, on eput dire que cette sorte de recherche fondamentale,
| |
− | qui est le but de la connaissance, remonte à des périodes très
| |
− | anciennes de l'humanité.
| |
− |
| |
− | JLG : Ce qui est frappant aussi dans cette recherche fondamentale,
| |
− | c'est que le corps est y soit volontier associé, qu'il n'y a pas cette
| |
− | dichotomie que l'on constate presuqe toujours en Occident. Dans le
| |
− | yoga, ou dans le tantrisme tel que vous le présentez, il semble que le
| |
− | corps soit à la fois le moyen de connaissance et l'image de l'univers ?
| |
− |
| |
− | AD : Le corps est notre seul instrument. Si nous avons un système
| |
− | nerveux, des sens de perception, une organisation cérébrale assez
| |
− | remarquable, ceci est lié à notre aspect physique, qu'on ne peut pas
| |
− | isoler de l'aspect mental, parce que si on vous coupe la tête, le
| |
− | corps, - le cerveau, cesse de penser, c'est fini. (Rire). Cette
| |
− | séparation du physique et d'un soi-diant esprit est une chose
| |
− | complétement irrationnelle. C'est d'ailleurs pourquoi on arrive à des
| |
− | conceptions comme la réincarnation qui suppose que, en dehors du
| |
− | corps, il peut rester une mémoire, une personnalité. Ce n'est pas
| |
− | réaliste.
| |
− |
| |
− | JLG : Vous niez la réincarnation, tel que pour un Hindou elle existe ?
| |
− |
| |
− | AD : justement : non ! Mais je souligne cette mauvaise interprétation
| |
− | au sujet de la réincarnation que les Occidentaux font généralement :
| |
− | quand le corps meurt, il meurt, et l'esprit, - oeuvre du
| |
− | cerveau, meurt aussi, pour se dissoudre dans l'univers ; la seule
| |
− | chose qui reste, ce sont nos actions, - qui elles, ont toujours des
| |
− | conséquences même après notre mort physique. Ce qui se réincarne dans
| |
− | l'hindouisme, c'est l'atman, l'âme, ou le Soi, quelque chose qui n'est
| |
− | pas l'esprit, car l'esprit fait corps au corps, si je puis dire :
| |
− | l'âme demeure, indifférente au temps, au corps, dans lesquels, en tant
| |
− | que simple principe vital, elle s'incarne. Le corps, comprenant
| |
− | l'esprit, est toujours prisonnier d'une forme de dualité : féminin,
| |
− | masculin par exemple. L'âme, elle, est "neutre", universelle tout en
| |
− | étant singulière à chaque être vivant, aussi minuscule ou gigantesque
| |
− | soit-il : l'atman, c'est le principe de la Vie, l'essence de
| |
− | l'existence dans le cycle des renaissances. Dans la pensée hindoue,
| |
− | nous devenons ce que nous accomplissons, - c'est la loi du karma :
| |
− | l'existence est un miroir ; les êtres n'échappent pas au reflet de
| |
− | leur vie ; d'où la réincarnation du Soi. il n'est pas réellement
| |
− | souhaitable de se réincarner - sauf si nécessaire -, mais de se
| |
− | réaliser : c'est le but de toute les philosophies panindiennes ;
| |
− | échapper au devenir des actes égoïstes et à son propre
| |
− | conditionnement, - pour enfin être dans et pour l'Être. C'est une
| |
− | recherche strictement intime, - et qui, étant intime, ne peut être que
| |
− | sincère et authentique.
| |
− |
| |
− | JLG : ce qui est amusant, c'est que les penseurs qui sont arrivés Ã
| |
− | des conclusions semblables aux vôtres, en ce qui concerne le corps, en
| |
− | Europe, ce sont les matérialistes.
| |
− |
| |
− | AD : Mais le matérialisme fait partie des techniques, des darshana,
| |
− | "points de vue", des méthodes de recherche hindoues. La première
| |
− | chose, c'est de se débarrasser des idées aberrantes. Si vous ne
| |
− | commencez pas par nettoyer un système basé sur des conceptions
| |
− | complétement erronées, vous ne pouvez pas aller plus loin . Le
| |
− | matérialiste, pour commencer, cherche à se libérer de ce fardeau des
| |
− | fantasmagories prétendument philosophiques et religieuses. A ce moment
| |
− | là , le matérialiste peut être aussi une méthode. Et c'est même
| |
− | peut-être la seule qui nous soit accessible en tant qu'Occidental pour
| |
− | comprendre l'hindouisme. Il est d'ailleurs assez curieux de constater
| |
− | que dans le psychisme humain la croyance en la réincarnation -
| |
− | c'est-à -dire du non-néant pour le Soi -, lui permet de vivre au mieux
| |
− | sa vie comme si elle était la seule en définitive... ! C'est un
| |
− | paradoxe qui s'explique facilement : ne plus voir la vie comme ayant
| |
− | une fin, mais une éternité déjà réelle, - puisque vécue au même moment
| |
− | -, enlève à l'esprit la pression énorme de "rater sa vie" ; avoir
| |
− | peur de rater sa vie, c'est la meilleure façon d'échouer et d'avoir
| |
− | des regrets bien amers ! La peur n'aide pas, mais la confiance dans la
| |
− | suprématie de l'être, oui.
| |
− |
| |
− | JLG : Une autre méthode accessible en Inde, si j'ai bien compris, dans
| |
− | le cadre du tantrisme, c'est l'érotisme, qui peut être une voie de
| |
− | connaissance ?
| |
− |
| |
− | AD : Tout peut être un instrument de connaissance. Vous pouvez prendre
| |
− | n'importe quel aspect de la réalité, comme vous prenez dans n'importe
| |
− | quel aspect de la réalité, comme vous prenez n'importe quelle cellule
| |
− | de votre corps pour arriver à retrouver l'ADN, les éléments, le code
| |
− | qui sert à leur formation. Et bien c'est la même chose si vous prenez
| |
− | n'importe quel aspect de l'existence et que vous le poussiez au
| |
− | maximum. Vous arrivez nécessairement à la même réalité.
| |
− |
| |
− | JLG : Mais est-ce que la dialectique, telle qu'elle a été formulée par
| |
− | Hegel en Allemagne, et qui a ouvert la voie au matérialisme, n'a pas
| |
− | été einfluencée par la pensée hindoue ? Il y a eu aussi les
| |
− | préromantiques allemands comme Hölderlin...
| |
− |
| |
− | AD : Oui, il y a eu une influence très importante de la pensée
| |
− | indienne, dont on a eu connaissance en Allemagne bien avant la France
| |
− | et l'Angleterre. Cette connaissance a pu donner une sorte d'impulsion.
| |
− | Mais il n'y avait pas d'études assez poussées, pour des raisons
| |
− | matérielles, et les philosophes n'avaient accès qu'à des connaissances
| |
− | fragmentaires, des résumés de certains textes fondamentaux.
| |
− |
| |
− | JLG : Donc ils n'avaient pas accès directement aux textes, ni surtout
| |
− | à la transmission orale, c'est-à -dire à ce que vous nous apportez et
| |
− | que personne avant vous, peut-être, n'avait amené jusqu'à nous ?
| |
− |
| |
− | AD : Et bien si, il y a eu quelques personnages. Mais je ne connais
| |
− | que l'Anglais Sir John Woodroffe. Parce que le système indien est
| |
− | construit de telle sorte que les textes ne sont que des aide-mémoire.
| |
− | Et leur explication est de tradition orale. Précisément, un aspect qui
| |
− | est complétement laissé de côté en Occident, c'est l'importance et les
| |
− | méthodes de la transmission orale, qui fait que beaucoup de textes que
| |
− | nous connaissons ont été construits à l'époque où il n'y avait pas
| |
− | d'écriture. C'est pourquoi ils ont des formes poétiques et rythmiques
| |
− | qui permettent de les mémoriser. Nous avons une telle superstition de
| |
− | l'écrit que nous ne nous rendons pas compte que la pensée la plus
| |
− | avancée fonctionne en dehors de l'écriture. En fait, l'écriture n'est
| |
− | qu'une façon de communiquer. Mais toute l'évolution d'une pensée, même
| |
− | scientifique, toutes les découvertes, sont faites mentalement. Et déjÃ
| |
− | le fait de les transcrire les limites. La chose extraordinaire c'est
| |
− | ce magasin de connaissances qui peut exister dans un cerveau humain et
| |
− | qui fait que, au moment où on en besoin, on trouve tout d'un coup le
| |
− | texte qui vous explique ce que vous cherchez. Mais si vous n'avez pas
| |
− | ce bagage vous manquez d'éléments pour formuler votre pensée, et
| |
− | l'améliorer.
| |
− |
| |
− | JLG : D'ailleurs cette idée que le langage n'est que la traduction
| |
− | approximative d'une pensée préexistante - ce qui nient certaines
| |
− | théories modernes pour lesquelles en dehors d'un langage la pensée
| |
− | n'existe pas - c'est bien le tourment des poètes.
| |
− |
| |
− | AD : Toute la formation du langage, les quatre stades du langage dont
| |
− | parlent les Indiens, cette espèce de notion vague de quelque chose,
| |
− | dans laquelle tout d'un coup une lumière apparaît, qui est une idée,
| |
− | et ensuite la façon dont on cherche à l'exprimer par des mots, puis
| |
− | ensuite à la transmettre d'une manière orale ou écrite, tout cela est
| |
− | un processus assez curieux. Et les communications de pensée, par
| |
− | exemple quand on se comprend avec un animal se font sur un plan de pré
| |
− | formulation, avant d'avoir trouvé les mots.
| |
− |
| |
− | JLG : Et peut-on imaginer aussi que, quelquefois, il n'y ait pas de mots ?
| |
− |
| |
− | AD : Et comment ! C'est déjà tellement difficile de passer d'une
| |
− | langue dans une autre ! Justement, avec un vocabulaire aussi raffiné
| |
− | et aussi étudié que celui du sanskrit, pour trouver les mots dans les
| |
− | langues occidentales capables d'exprimer les mêmes notions, on a
| |
− | beaucoup de difficulté. On est tout le temps obligé d'utiliser des
| |
− | périphrases pour exprimer des choses qui sont très simples.
| |
− |
| |
− | JLG : C'est ce qui rend si fastidieuse la lecture des traductions de
| |
− | sanskrit...
| |
− |
| |
− | AD : Et alors, en plus, si les traducteurs n'ont pas la véritable
| |
− | formation, ils ne comprennent pas vraiment le poids des mots. Ils
| |
− | utilisent des termes qui ressemblent un petit peu, et finalement, Ã
| |
− | force d'approximations, la traduction n'a plus de sens.
| |
− |
| |
− | JLG : C'est le problème de beaucoup des traductions universitaires,
| |
− | qui sont des traductions littérales.
| |
− |
| |
− | AD: Soi-disant littérales, mais où chaque mot est à côté de la plaque.
| |
− |
| |
− | JLG : Et, si j'ai bien compris, les mots en sanskrit peuvent avoir des
| |
− | sens différents selon le contexte où on les emploie ?
| |
− |
| |
− | AD : On dit que , théoriquement, chaque mot sanskrit a trente-deux
| |
− | sens, adaptés aux trente-deux sciences fondamentales. C'est vrai, car
| |
− | il s'agit de structures parallèles, et quand vous parlez de musique,
| |
− | ou d'astronomie, ou de médecine, forcément, vous parlez du même
| |
− | univers. Et à ce moment là , dans un système comme le système
| |
− | occidental où il n'y a pas de centralisme de la pensée, on ne peut pas
| |
− | employer le même mot dans des sciences qui, pour nous, ont des
| |
− | vocabulaires différents.
| |
− |
| |
− | JLG : C'est ce qui explique que linga puisse se traduire par signe,
| |
− | par phallus, par symbole divin...
| |
− |
| |
− | AD : Bien sûr. En fait, le mot linga veut dire signe de
| |
− | reconnaissance. Il se trouve que, si on veut savoir si un bébé est
| |
− | mâle ou femelle, c'est à ce signe là qu'on le reconnaît. Donc ça a
| |
− | pris dans ce cas-là le sens d'organe viril. Mais ça n'a pas ce sens
| |
− | dans d'autres sciences. Et quand on dit que l'Univers est le signe
| |
− | qu'il y a Créateur, un des signes visibles de l'Être qui l'a créé,
| |
− | évidemment, c'est un Linga. De là à considérer que l'univers a la
| |
− | forme d'un phallus humain, c'est un petit peu... prendre les choses
| |
− | pas tout à fait pour ce qu'elles sont !
| |
Est-ce que les athées sont nécessairement(par la définition) matérialistes? - samarre
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