La peste tricolore
La peste tricolore est un poème de Benjamin Péret.
Issu d'un vomissement dans un pot de chambre bleu
Chiappe la vieille chique sucée et resucée
se rabougrit en séchant
Déjà tout enfant il empestait le gendarme
que les bandits de son dépotoir tuent comme un cafard sous une fesse
et les autres le traitaient de chien galeux
Plus tard
plus rabougri encore
il fermenta longuement
dans la fosse où l'on fait les flics
qui deviendront un si beau jeu de massacre
Enfin un jour
qu'on vidait dans la préfecture
la répugnante poubelle du ministère de l'intérieur
la tête enfouie dans un vieux soulier d'inspecteur
dont la puanteur l'émerveillait
on découvrit Chiappe entre deux trognons de choux pourris
et l'on fit de lui le chef des assassins
car
fumier professionnel
dont le sex-appeal enivre les mouches et les égouts
il ne pouvait que haïr le balai qui le nettoiera
la barricade de balais qui écraseraient les crânes des chiens noirs
pour venger Sacco et Vanzetti
Pour lui tout était bon
l'ordure qui vient de droite
comme les déjections de la gauche
tout pourvu qu'il restât à la tête de ses maquereaux ivres
avec sa puante femelle
nageant dans les latrines des gardiens de la matraque
Je serai dans la rue
dit-il le jour où il fut craché
avec tous les rats pesteux qui envahiront la place de la Concorde
et je répandrai l'épidémie
Ah que la grenade et la mitraille
n'ont-elles supprimé des milliers de ces gonocoques
Ah que n'a-t-on rôti dans un kiosque incendié
le sanglant avorton qui l'avait fait flamber
- Première parution 1936, in Je ne mange pas de ce pain-lÃ