FAQAnar:A.2.13 - Les anarchistes sont-ils des individualistes ou des collectivistes ?

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Catégorie:Que représente l'Anarchisme?

FAQ anarchiste
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« L'anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir »
A - Qu'est-ce que l'anarchisme ?

Introduction

A.1 - Qu'est ce que l'Anarchisme ?


A.1.1 - Qu'est-ce que "Anarchie" signifie ?
A.1.2 - Qu'est-ce que "Anarchisme" signifie ?
A.1.3 - Pourquoi l'Anarchisme est appelé aussi socialisme libertaire ?
A.1.4 - Les Anarchistes sont-ils socialistes ?
A.1.5 - D'où vient l'anarchisme ?


A.2 - Que représente l'Anarchisme?


A.2.1 - Quelle est l'essence de l'anarchisme ?
A.2.2 - Pourquoi les anarchistes prônent-ils la liberté ?
A.2.3 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de l'organisation ?
A.2.4 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de la liberté "absolue" ?
A.2.5 - Pourquoi les anarchistes sont-ils en faveur de l'égalité ?
A.2.6 - Pourquoi la solidarité est importante pour les anarchistes ?
A.2.7 - Pourquoi les anarchistes plaident-ils pour l'émancipation individuelle ?
A.2.8 - Est-il possible d'être un anarchiste sans s'opposer à la hiérarchie ?
A.2.9 - Quelle sorte de société les anarchistes veulent-ils ?
A.2.10 - Qu'est-ce que la suppression de la hiérarchie signifiera et amènera ?
A.2.11 - Pourquoi la plupart des anarchistes soutiennent-ils la démocratie directe ?
A.2.12 - Le consensus est-il une alternative pour s'organiser en démocratie ?
A.2.13 - Les anarchistes sont-ils des individualistes ou des collectivistes ?
A.2.14 - Pourquoi le volontarisme n'est pas suffisant ?
A.2.15 - Que dites-vous de la nature humaine ?
A.2.16 - L'anarchisme exige-t-il des personnes "parfaites" pour qu'une société anarchiste puisse exister ?
A.2.17 - Est-ce que la plupart des gens ne sont pas trop stupides pour qu'une société libre puisse exister ?
A.2.18 - Est-ce que les anarchistes supportent le terrorisme ?
A.2.19 - Quelles vues éthiques les anarchistes tiennent-ils ?
A.2.20 - Pourquoi la plupart des anarchistes sont athées ?


A.3 - Quelles sortes d'anarchisme existe-t-il ?


A.3.1 - Quelles sont les différences entre les individualistes et les socialistes anarchistes ?
A.3.2 - Y-a-t-il des différents types d'anarchisme socialiste ?
A.3.3 - Quels sortes d'écologisme anarchiste y a t il ?
A.3.4 - Est-ce que l'anarchisme est pacifiste ?
A.3.5 - Qu'est-ce que l'anarcha-feminisme ?
A.3.6 - Quelle est la culture Anarchiste ?
A.3.7 - Existe-t-il des anarchistes religieux ?
A.3.8 - Qu'est-ce que "anarchisme sans adjectif" ?
A.3.9 - Qu'est ce que l'anarcho-primitivisme ?


A.4 - Qui sont les penseurs reconnus dans l'anarchisme ?


A.5 - Quels sont des exemples "d'anarchie en action" ?


A.5.1 - La commune de Paris
A.5.2 - Les martyrs de Haymarket
A.5.3 - La création des unions syndicales
A.5.4 - Les anarchistes dans la Révolution russe
A.5.5 - Les anarchistes dans les occupations d'usines en Italie
A.5.6 - L'anarchisme et la révolution en Espagne
A.5.7 - Révolte en France en Mai/Juin 1968

Sommaire complet et détaillé


Ni l'un ni l'autre ! Ceci est illustré par le fait que les érudits et universitaires libéraux dénoncent des anarchistes comme Bakounine d'être collectivistes quand dans le même temps, les marxistes accusent Bakounine, et les anarchistes en général, d'être des individualistes.

Sans surprise, les anarchistes rejettent ces deux idéologies absurdes. Qu'ils le veuillent ou non, individualistes et collectivistes non-anarchistes sont les deux côtés de la même médaille capitaliste. Cela peut être mieux cerné en considérant le capitalisme moderne, dans lequel les tendances « individualiste » et « collectiviste » sont en interaction constante, avec le plus souvent la structure politique et économique qui oscille d'un pôle à l'autre. Le collectivisme et l'individualisme capitalistes ne sont que deux aspects d'un même côté de l'existence humaine, et sont, comme toutes les manifestations de déséquilibre, profondément viciés.

Pour les anarchistes, l'idée que les individus devraient se sacrifier pour le « groupe » ou pour « le plus grand bien » est absurde. Les groupes sont constitués d'individus, et si les gens ne pensent qu'à ce qui est mieux pour le groupe, le groupe ne sera qu'une coquille sans vie. Ce n'est que la dynamique de l'interaction humaine au sein des groupes qui leur donne vie. Les « groupes » ne peuvent pas penser, seuls les individus le peuvent. Paradoxalement, cela conduit les autoritaires « collectivistes » à un type très particulier d'« individualisme », à savoir le « culte de la personnalité » et le culte du chef. Cela est à prévoir, étant donné que le collectivisme réunit les individus dans des groupes abstraits, nie leur individualité, et finit par nécessiter une personne ayant assez de personnalité pour prendre des décisions — un problème qui est « résolu » par le principe de chef de file. Le stalinisme et le nazisme sont d'excellents exemples de ce phénomène.

Par conséquent, les anarchistes admettent que l'individu est l'unité de base de la société et que seuls les individus peuvent avoir des intérêts et des sentiments. Cela veut dire qu'ils opposent le « collectivisme » et la glorification du groupe. Selon la théorie anarchiste, le groupe n'existe que pour aider et pour développer les individus qui y sont impliqués. C'est pourquoi nous tenons tant à ce que les groupes soient structurés de manière libertaire — seule une organisation libertaire permettant aux individus d'un groupe de pleinement s'exprimer, de gérer directement leurs propres intérêts et de créer les relations sociales qui encouragent l'individualité et la liberté individuelle. Donc bien que la société et les groupes modèlent les individus, ces-derniers sont la vraie base de la société. Ainsi, Errico Malatesta dit :

« Quelle est la part respective de l'initiative individuelle et de l'action sociale dans la vie et dans le progrès de la société humaine ? [...] Affirmer comme certains le font que c'est grâce à l'initiative individuelle que le monde des hommes peut fonctionner, c'est passer désormais pour audacieux. [...] Ce qui existe réellement, c'est l'homme, c'est l'individu : la société ou collectivité - et l'Etat ou gouvernement qui prétend la représenter - ne peuvent être que des abstractions vides si elles ne sont pas des ensembles d'individus. C'est de l'organisme de chaque individu que tirent nécessairement leur origine toutes les pensées et tous les actes des hommes, pensées et actes qui d'individuels deviennent collectifs quand ils sont ou deviennent communs à beaucoup d'individus. L'action sociale n'est donc ni la négation, ni le complément de l'initiative individuelle : elle est la résultante des initiatives, des pensées et des actions de tous les individus qui composent la société. [...] La question n'est donc pas vraiment de modifier les rapports entre la société et l'individu ; la question n'est pas d'accroître l'indépendance individuelle aux dépens de l'ingérence de la société, ou celle-ci aux dépens de celle-là. Il s'agit plutôt d'empêcher que quelques individus puissent opprimer les autres ; de donner les mêmes droits et les mêmes moyens d'action à tous les individus ; et d'en finir avec la seule initiative d'un petit nombre qui entraîne nécessairement l'oppression de tous les autres. »[1]

Ces considérations ne signifient pas que l'« individualisme » trouve grâce aux yeux des anarchistes. Comme le montre Emma Goldman :

« l’"individualisme acharné" [...] n'est qu'une tentative cachée de réprimer et de défaire l'individu et son individualité. Le soi-disant individualisme est un laissez-faire social et économique : l'exploitation des masses par les classes [dirigeantes] grâce à la tromperie légale, à la corruption spirituelle et à l'endoctrinement systématique des esprits serviles. [...] Cet "individualisme" corrompu et pervers est la camisole de force de l'individualité. [...] Il est finalement devenu le meilleur esclavage moderne et la distinction de classes la plus grossière, conduisant des millions d'individus au seuil de l'indigence. L'"individualisme acharné" signifie que tout l'individualisme est pour les maîtres, tandis que le peuple est enrégimenté dans ces castes d'esclaves pour servir une poignée de "surhommes" égoïstes. »[2]

Tandis que les groupes ne peuvent pas penser, les individus peuvent vivre ou discuter par eux-mêmes. Les groupes et les associations sont des aspects essentiels de la vie individuelle. En fait, comme les groupes génèrent les relations sociales selon leur vraie nature, ils aident à façonner l'individu. En d'autres termes, les groupes structurés d'une manière autoritaire auront un impact négatif sur la liberté et l'individualité des individus qui les composent. Toutefois, à cause de la nature abstraite de leur « individualisme », les individualistes capitalistes ne peuvent pas voir les différences entre les groupes structurés de manière libertaire et ceux structurés de manière autoritaire — pour eux/elles, ce ne sont que des « groupes ». Ironiquement, à cause de leur vision unilatérale du problème, les « individualistes » en arrivent à soutenir des institutions parmi les plus « collectivistes » — les entreprises capitalistes — et, de plus, éprouvent toujours le besoin de l'État en dépit de leurs fréquentes dénonciations de son existence. Ces contradictions proviennent de la dépendance de l'individualisme capitaliste au contrat individuel dans une société inégale, c'est-à-dire à l'individualisme abstrait.

En revanche, les anarchistes soutiennent l'« individualisme » social (un synonyme, peut-être plus fidèle, pourrait être « individualité communautaire »). L'anarchisme « insiste sur le fait le centre de gravité de la société est l'individu — qui doit penser par lui-même [ou elle-même], agir librement, et vivre pleinement. [...] S'il [ou Si elle] doit se développer librement et pleinement, il [ou elle] doit être libéré[e] des interférences et de l'oppression d'autrui. [...] Cela n'a rien à voir avec [...] l'"individualisme acharné". Un tel individualisme prédateur est en réalité plus flasque qu'acharné. Au moindre danger qui menace sa sécurité, il se réfugie à l'abri de l'État et implore sa protection. [...] Leur "individualisme acharné" n'est rien d'autre qu'un des faux-semblant que la classe dirigeante fabrique pour masquer le business débridé et l'extorsion politique. »[3]

Les anarchistes rejettent l'individualisme abstrait ou capitalisme, et ses idées de liberté « absolue » des individus contraints par autrui. Cette théorie fait abstraction du contexte social où la liberté existe et se développe. « La liberté que nous voulons », dit Malatesta, « pour nous-mêmes et pour les autres, n'est pas une liberté absolue, métaphysique et abstraite qui, en pratique, se transforme inévitablement en oppression des plus faibles ; mais la vraie liberté, la liberté possible, qui est la communauté consciente de ses intérêts, la solidarité volontaire. »[4]

Une société basée sur l'individualisme entraîne une inégalité de pouvoir entre les individus contractants et implique par conséquent le besoin d'une autorité basée sur des lois au-dessus d'eux/elles et d'une coercition organisée pour faire respecter les contrats qu'ils/elles ont pris entre eux/elles. Cette conséquence est évidente pour le capitalisme et, encore plus, dans la théorie du « contrat social » qui régit le développement de l'État. Dans cette théorie, on suppose que les individus sont « libres » quand ils/elles sont isolé(e)s les un(e)s des autres, puisqu'ils/elles étaient originellement dans l'« Ã©tat de nature. » Une fois qu'ils/elles ont rejoint la société, ils/elles créent prétendument un « contrat » et un État pour administrer ces contrats. Toutefois, outre le fait qu'il ne s'agisse que d'une fantaisie sans base réelle (les êtres humains ont toujours été des animaux sociaux), cette « théorie » n'est en réalité qu'une justification de l'État pour obtenir de plus grands pouvoirs sur la société ; et n'est en fait qu'une justification du système capitaliste, qui requiert un État fort. Cette théorie imite aussi les résultats des relations économiques capitalistes sur lesquelles elle repose. Dans le capitalisme, les individus contractent « librement » des accords entre eux/elles, mais, en pratique, le propriétaire domine l'ouvrier tant que le contrat est en place (voir les sections A.2.14 et B.4 pour plus de précisions).

Ainsi les anarchistes rejettent l'« individualisme » capitaliste car c'est, pour reprendre Piotr Kropotkine, « un individualisme étroit et égoïste, un égoïsme stupide qui rabaisse les individus [et qui n'est] pas du tout un individualisme. Il ne mènera pas à ce qui était établi comme but, c'est-à-dire le développement complet le plus large et le plus parfaitement atteignable de l'individualité. » La hiérarchie du capitalisme résulte de l'« appauvrissement de l'individualité » plutôt que de son développement. À cela les anarchistes opposent « l'individualité qui atteint le meilleur développement individuel grâce à la plus haute sociabilité communiste dans ce qui concerne à la fois les besoins primordiaux et les relations avec les autres. »[5] Pour les anarchistes, notre liberté est enrichie par ceux qui nous entourent quand nous avons avec eux une relation d'égal à égal et non de maître à esclave.

En pratique, l'individualisme et le collectivisme mènent à un déni de la liberté individuelle et de l'autonomie et dynamique de groupe. De plus, chacun entraîne l'autre, le collectivisme menant à une forme particulière d'individualisme et l'individualisme à une forme particulière de collectivisme.

Le collectivisme, qui est la suppression implicite de l'individu, revient finalement à appauvrir la communauté, puisque les groupes n'existent que grâce aux individus qui les composent. L'individualisme, qui est la suppression explicite de la communauté (c'est-à-dire les gens avec qui vous vivez), revient finalement à appauvrir l'individu, puisque les individus ne peuvent pas exister pas en dehors la société. De plus, l'individualisme finit par nier les idées et habilités des individus qui composent le reste de la société, et donc est une source de sacrifice de soi. C'est le défaut fatal — et la contradiction — de l'individualisme, précisément « l'impossibilité pour l'individu d'atteindre un développement complet dans des conditions d'oppression des masses par les "aristocrates magnifiques". Son développement demeurera unilatéral. »[6]

Les vraies liberté et communauté existent autre part.

Notes et références

  1. « Si è fatto un gran discorrere sulla parte che hanno rispettivamente, nella vita e nel progresso delle società umane, l'iniziativa individuale e l'azione sociale; e si è riuscito, coi soliti artifizii del linguaggio metafisico, ad imbrogliare talmente le cose, che poi sono apparsi audaci coloro i quali hanno affermato che tutto si regge e cammina nel mondo umano per opera dell'iniziativa individuale. In realtà è questa una verità di senso comune, che appare evidente non appena si cerca di rendersi conto delle cose che le parole significano. L'essere reale è l'uomo, è l'individuo: la società o collettività - e lo Stato o governo che pretende rappresentarla - se non sono vuote astrazioni, non possono essere che aggregati d'individui. Ed è nell'organismo di ciascun individuo che hanno necessariamente origine tutti i pensieri e tutti gli atti umani, i quali, da individuali, diventano pensieri ed atti collettivi quando sono o si fanno comuni a molti individui. L'azione sociale, dunque, non è né la negazione, né il complemento dell'iniziativa individuale, ma è la risultante delle iniziative, dei pensieri e delle azioni di tutti gli individui che compongono la società: risultante che, posta ogni altra cosa eguale, è più o meno grande secondo che le singole forze concorrono allo stesso scopo, o sono divergenti od opposte. E se invece, come fanno gli autoritarii, per azione sociale s'intende l'azione governativa, allora essa è ancora la risultante di forze individuali, ma solo di quegli individui che fanno parte del governo, o che per la loro posizione possono influire sulla condotta del governo.
    « Quindi, nella contesa secolare tra libertà ed autorità, o, in altri termini, tra socialismo e stato di classe, non è questione veramente di alterare i rapporti tra la società e l'individuo; non è questione di aumentare l'indipendenza individuale a scapito dell'ingerenza sociale, o questa a scapito di quella. Ma si tratta piuttosto di impedire che alcuni individui possano opprimere altri; di dare a tutti gli individui gli stessi diritti e gli stessi mezzi di azione; e di sostituire l'iniziativa di pochi, che produce necessariamente l'oppressione di tutti gli altri. Si tratta insomma, sempre e poi sempre, di distruggere la dominazione e lo sfruttamento dell'uomo sull'uomo, in modo che tutti siano interessati al benessere comune, e le forze individuali, invece di esser soppresse o di combattersi ed elidersi a vicenda, trovino la possibilità di uno sviluppo completo, e si associno insieme per il maggior vantaggio di tutti. »
    Errico Malatesta, L'anarchia.
  2. « 'rugged individualism' [...] is only a masked attempt to repress and defeat the individual and his individuality. So-called Individualism is the social and economic laissez-faire: the exploitation of the masses by the [ruling] classes by means of legal trickery, spiritual debasement and systematic indoctrination of the servile spirit [...] That corrupt and perverse 'individualism' is the straitjacket of individuality [...] [It] has inevitably resulted in the greatest modern slavery, the crassest class distinctions driving millions to the breadline. 'Rugged individualism' has meant all the 'individualism' for the masters, while the people are regimented into a slave caste to serve a handful of self-seeking 'supermen.' »
    Emma Goldman, Red Emma Speaks, p. 112.
  3. « insists that the centre of gravity in society is the individual — that he must think for himself, act freely, and live fully. [...] If he is to develop freely and fully, he must be relieved from the interference and oppression of others. [...] [T]his has nothing in common with. . . 'rugged individualism.' Such predatory individualism is really flabby, not rugged. At the least danger to its safety, it runs to cover of the state and wails for protection. [...] Their 'rugged individualism' is simply one of the many pretences the ruling class makes to mask unbridled business and political extortion. »
    Emma Goldman, Op. Cit., pp. 442-443.
  4. « La libertà che noi vogliamo, per noi e per gli altri, non è la liberta assoluta, astratta, metafisica, che in pratica si traduce fatalmente in oppressione del debole; ma è la libertà reale, la liberta possibile, che è la comunanza cosciente degli interessi, la solidarietà volontaria. »
    Errico Malatesta, Op. Cit.
  5. Piotr Kropotkine, in Selected Writings on Anarchism and Revolution, p. 295, p. 296 et p. 297. À ressourcer
  6. Piotr Kropotkine, in Anarchism, p. 293. À ressourcer

Sources