FAQAnar:F.2.2 - Les capitalistes-"libertariens" supportent-ils l'esclavage ?

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Oui.

FAQ anarchiste
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« L'anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir »
F - L’anarcho-capitalisme est-il un type d’anarchisme ?

Introduction

F.1 - Les "anarcho"-capitalistes sont-ils vraiment des anarchistes ?


F.2 - Que signifie "liberté" pour les "anarcho"-capitalistes ?


F.2.1 - Comment la propriété privée affecte la liberté ?
F.2.2 - Les libertarians-capitalistes supportent-ils l'esclavage ?

F.3 - Pourquoi les "anarcho"-capitalistes n'attribuent-ils généralement peu ou pas de valeur à l'"égalité" ?


F.3.1 - Pourquoi la négligence vis-à-vis de l'égalité est-elle si importante ?
F.3.2 - Peut-il y avoir une harmonie des intérêts dans une société inégalitaire ?

F.4 - Quelle est la position des libertariens sur la propriété privée ?


F.4.1 - Quel est le problème avec la théorie de propriété « homesteading » ?

F.5 - Privatiser les « terrains communaux » augmentera-t-il la liberté ?


F.6 - L'"anarcho"-capitalisme est il contre l'État ?


F.6.1 - Quel est le problème avec cette justice de « libre marché » ?
F.6.2 - Quelles sont les conséquences sociales d'un tel système ?
F.6.3 - Mais sûrement que les forces du marché arrêteront l'abus des riches ?
F.6.4 - Pourquoi ces « associations de défense » sont-elles des États ?

F.7 - Comment l'histoire de l'"anarcho"-capitalisme prouve-t-elle que cette théorie n'est pas anarchiste ?


F.7.1 - Les gouvernements en concurrence sont-ils de l'anarchisme?
F.7.2 - Le gouvernement est-il compatible avec l'anarchisme ?
F.7.3 - Peut-il exister un "anarchisme" de droite ?

F.8 - Quel rôle l'État a-t-il pris dans la création du capitalisme ?


F.8.1 - Quelles sont les forces sociales derrière la montée du capitalisme ?
F.8.2 - Quel était le contexte social amenant le « laissez-faire » ?
F.8.3 - Quelles autres formes l'intervention de l'État ont-elles prises en créant le capitalisme ?
F.8.4 - Les « enclosures » ne sont-elles pas un mythe socialiste ?
F.8.5 - Que diriez-vous du manque de clôtures en Amérique ?
F.8.6 - Comment les travailleurs voient-ils l'élévation de capitalisme ?
Sommaire complet et détaillé


Catégorie:L’anarcho-capitalisme est-il un type d’anarchisme ? Ça peut paraître comme une surprise pour plein de gens, mais le libertarianisme est une des quelques théories politiques qui justifient l'esclavage. Par exemple, Robert Nozick demande ceci "Un système libre permettrait [à l'individu] de se vendre lui-même en esclavage" et il répond "Je pense que oui."[1] Bien que quelques "libertarians" soient en désaccord avec Nozick, il n'y a pas de base logique dans leur idéologie pour un tel désaccord.

Cela peut être vu de par le capitaliste "anarcho" Walter Block, qui, comme Nozick, supporte l'esclavage volontaire. Tel qu'il écrit ça, "si je posséde quelquechose, je peux le vendre (et je devrais être autorisé par la loi à le faire). Si je peux pas vendre, alors, et jusqu'à ce degré, Je ne le posséde pas vraiment."[2] Cet accord pour se vendre pour une durée donnée "est un véritable contrat" qui, si "abrogé, le vol se produit." Il critique ces autres "libertarians" (tel Murray Rothbard) qui s'opposent à l'esclavage volontaire en étant contradictoire à leurs principes. Block, de par ses mots, cherche à faire "un petit ajustement" qui "renforce le libertarianisme en lui donnant une plus grande cohérence interne." Il considère que cette position montre que "le contrat, affirmé sur la propriété privée [peut] s'étendre aux autres domaines de l'interaction humaine, même aux contrats d'esclavage volontaires." [3]

Donc la logique est simple, tu ne peux pas vraiment posséder quelque chose à moins que tu puisses la vendre. La possession de soi-même est une pierre angulaire de l'idéologie capitaliste du laissez-faire. Donc, depuis que tu te possèdes, tu peux te vendre.

Cette défense de l'esclavage ne devrait pas être une surprise pour ceux qui sont familiers avec le libéralisme classique. Une idéologie élitiste, sa principale raison est de défendre la liberté et le pouvoir des possédants et de justifier les relations sociales non libre (tel que le gouvernement et le travail salarié) en termes de "consentement." Nozick et Block amènent juste cela à ces conclusions logiques. C'est pourquoi cette position n'est pas nouvelle mais, comme avec d'autres libertarians, peut être trouvé dans le travail de John Locke. La différence clef est que Locke refusait le terme "esclavage" en faveur de "servitude", car, pour lui, l'esclavage signifie une relation "entre un conquérant légal et un captif" où le premier a le pouvoir de vie et de mort sur le dernier. Une fois qu'un "contrat" est accepté entre eux, "un accord pour un pouvoir limité d'un côté, et l'obéissance de l'autre... l'esclavage cesse." Aussi longtemps que le maitre ne pouvait pas tuer l'esclave, alors c'était de la "servitude". Comme Nozick, il reconnait que "Les hommes se sont vendus ; mais, c'est clair, c'était seulement à la servitude, pas à l'esclavage : il est évident que, la personne vendue n'était pas sous un pouvoir absolu, arbitraire, despotique : le maître ne pourrait pas avoir le pouvoir de le tuer, à tout moment, à qui, à un certain moment, il a été obligé de laisser aller librement hors de son service." [4]. En d'autres mots, l'esclavage volontaire était bien mais il l'appelait autrement.

Pas que Locke fut dérangé par l'esclavage involontaire. Il était lourdement impliqué dans le commerce d'esclave. Il possédait des parts dans la "compagnie royale d'afrique"[5] laquelle portait sur le commerce d'esclave pour l'angleterre, faisant un profit quand ils les vendaient. Il tenait une part significative dans d'autres compagnies d'esclaves, la "Bahama Adventurers". Dans le "Second traité", Locke justifie l'esclavage en terme de "Captifs capturés dans une guerre juste", une guerre payé contre les agresseurs [6]. Cela, bien sur, n'avait rien à faire avec l'esclavage actuel auquel Locke profitait (Les incursions d'esclaves étaient communes, par exemple). Ni que ses principes "liberaux" le stoppait en lui suggerant une constitution qui assurerait que "tous les hommes libres de Caroline devrait avoir le pouvoir absolu et l'autorité au dessus de leurs esclaves noirs". La constitution elle-même était typiquement autocratique et hiérarchique, désignait explicitement d'"éviter l'emergence d'une démocratie du nombre"[7].

Donc, la notion d'esclavage contractuel a une longue histoire au sein du libéralisme de droite, malgré que la plupart refusent d'appeler cela par son nom. C'est bien sur un simple embarras, qui stoppe beaucoup de libertarians d'appeler une bêche une bêche. Ils supposent de maniére inexacte que l'esclavage doit être involontaire. En fait, historiquement, les contrats d'esclavage volontaire ont étés courant ("Property and Contract in Economics" de David Ellerman est une excellente ouverture à ce sujet). Toutes les nouvelles formes d'esclavage volontaire serait une forme "civilisé" d'esclavage et pourrait se produire quand un individu donnerait son "accord" pour vendre son temps de travail à un autre (autant que quand un travailleur affamé donnerait son "accord" pour devenir un esclave en retour de nourriture). En outre, le contrat pourrait être cassé sous certaines conditions (peut-être en retour de la rupture de contrat, le premier esclave aurait à payer des dommages à sa ou son maitre pour le travail que leur maitre perdrait -- une importante quantité sans aucun doute et un tel paiement pourrait avoir comme conséquence l'esclavage de dette, qui est la plus courante forme d'esclavage "civilisé". De tels dommages peuvent être convenus dans le contrat comme une "obligation d'execution" ou d'un "échange conditionnel".

En résumé, les libertarians parlent d'esclavage "civilisé" (ou, en d'autres termes, d'esclavage civil) et non d'esclavage forcé. Pendant que certains peuvent avoir des réserves quant à appeler cela esclavage, ils sont d'accord avec le concept basique que depuis que les gens se possèdent ils peuvent se vendre, par la vente de leur travail pour un moment de leur vie plutôt qu'à la pièce.

Nous devons insister sur le fait que ce n'est aucunement une discussion d'universitaire. L'esclavage "Volontaire" a été un problème dans beaucoup de sociétés et existe encore dans plusieurs pays aujourd'hui (particulièrement au tiers monde où le travail obligatoire -- c-à-d où les dettes sont utilisées pour soumettre les gens -- est la forme la plus courante). Avec la montée du travail des enfants et des centres d'exploitations dans beaucoup de pays "développés" tel que les USA, l'esclavage "volontaire" (peut-être via les dettes et le travail obligatoire) peut devenir courant dans toutes les parties du monde -- un résultat ironique (sans surprise) par "libération" du marché et étant indifférent à la liberté réelle de ceux qui y vivent soumis.

Quelques libertarians sont évidemment mal à l'aise avec la conclusion logique de leur propre définition de la liberté. Murray Rothbard, par exemple, insistait sur l'"innaplicabilité, dans la théorie libertarienne, du contrat d'esclavage volontaire". Bien sûr, d'autres théoriciens "libertarians" affirment l'exact opposé, du coup la "théorie libertarienne" ne fait plus de quelconque prétention, mais on s'en fout ! Essentiellement, son objection tourne autour de l'affirmation qu'une personne "ne peut pas, en nature, se vendre en esclavage et imposer cette vente -- ceci signifierait que sa volonté future, qui dépassant son propre corps, serait prévu à l'avance[8] et que si un "travailleur reste totalement soumis à la volonté de son maître volontairement, il n'est pas encore un esclave puisque sa soumission est volontaire". Cependant, tel que nous l'avons noté dans la section F.2, Rothbard insiste à ne pas reconnaître le déni actuel sur la volonté et le contrôle de son propre corps, qui est explicite dans le travail salarié[9]. C'est cet échec des contrats libertarians pro-esclavage qui est souligné -- Ils considérent le contart d'esclavage comme une extension du contrat salarié. En outre, un contrat d'esclavage moderne prendrait probablement la forme d'une "garantie de bonne fin", à la Rothbard qui se lamente sur sa «regrettable suppression» par l'État. Dans un tel système, l'esclave peut accepter d'exécuter X années de travail ou de payer leur maître d'importants dommages si il ne parvient pas à les faire. C'est la menace des dommages et intérêts qu'impose le contrat et un tel "contrat", avec lequel Rothbard est en accord, est imposé. Un autre moyen de créer un contrat d'esclavage serait "l'échange conditionnel", que soutient également Rothbard. En ce qui concerne la servitude pour dettes, cela aussi lui semble acceptable. Il note que le paiement des dommages et intérêts et des dettes dans ces contrats est très bien tel "l'argent, bien sûr, est aliénable" et oublie qu'il a besoin d'être gagné par le travail qui, affirme-t-il, n'est pas aliénable![10]

Il convient de noter que le contrat d'esclavage ne peut être nul et sans effet parce qu'il est inapplicable, comme Rothbard le suggère. La raison en est que la doctrine de l'imposition s'applique à tous les contrats, pas seulement aux contrats de travail. La raison en est que tous les contrats précisent certaines impositions futures. Dans le cas de la durée du contrat de travail, il peut se répartir de la manière que l'esclave paie tous ces dommages et intérêts. Comme le dit Rothbard ailleurs, "si A est convenu de travailler à vie pour B en échange de 10000 grammes d'or, il devra restituer le montant proportionnel de la propriété s'il met fin à l'arrangement et cesse de travailler."[11] Cela est compréhensible, étant donné que la loi permet généralement des dommages matériels lors de violations de contrats, de même que Rothbard dans son soutien à la "garantie de bonne fin" et "d'échange conditionnel". Inutile de dire, qu'avoir à payer de tels dommages et intérêts (soit un montant forfaitaire ou sur une période de temps) pourraient faire de lui le type le plus commun des esclaves modernes, l'esclave de dette.

Et il est intéressant de noter que, même Murray Rothbard n'est pas contre la vente d'humains. Il a fait valoir que les enfants sont la propriété de leurs parents qui peuvent (en fait le meurtre par la violence) font ce qu'ils leur plaît avec eux, même les vendre sur un "marché de libre enfants épanouis".[12] Combiné avec un soutien de tout cœur pour le travail des enfants (après tout, l'enfant peut quitter ses parents si elle s'oppose à travailler pour eux) un tel "marché libre d'enfants" pourrait facilement devenir un "marché d'enfants d'esclaves" - avec les entrepreneurs faisant un sain bénéfice en vendant des nourrissons et des enfants ou leur travail aux capitalistes (comme ça a pu se produire au 19e siècle en grande-Bretagne). Sans surprise, Rothbard ne tient pas compte des possibles aspects désagréables d'un tel marché dans la chair humaine (tels que des enfants vendus pour travailler dans des usines, des maisons et des maisons closes). Mais cela est d'ailleurs un autre point.

Bien sûr, cette justification théorique de l'esclavage au cÅ“ur d'une idéologie qui se fait appeler "libertarianisme" est difficile pour de nombreux "libertarians" à accepter et ils font valoir que de tels contrats seraient très difficile à appliquer. Cette tentative de sortir de la contradiction n'est pas simple parce qu'elle ignore la nature du marché capitaliste. S'il y a une demande pour des contrats d'esclavage à imposer, alors les entreprises se développeront en prévoyant ce « service » (et il serait intéressant de voir comment les deux firmes de « protection », une défendant un contrat d'esclavage et l'autre non, risque de compromettre et parvenir à un accord pacifique sur l'opportunité que les contrats d'esclavage sont valables). Ainsi, nous pourrions voir une soi-disant société "libre" produisant des firmes dont le but spécifique est de traquer des esclaves échappés (c'est-à-dire des personnes en contrats d'esclavages qui n'ont pas versés des dommages et intérêts à leurs propriétaires pour leur liberté). Bien sûr, peut-être Rothbard prétendra que ces contrats d'esclavage seraient "hors la loi" en vertu de son "code général du droit libertarian" mais il s'agit d'un déni de marché en "liberté". Si les contrats d'esclavage sont "interdits", alors c'est sûrement du paternalisme, arrêtant des individus pour la sous-traitance de leurs "services de main-d'Å“uvre" à qui et quel que soit le temps qu'ils « désirent ». Vous ne pouvez pas avoir deux sens.

Ainsi, ironiquement, une idéologie se proclamant soutenir "la liberté" finit par justifier et défendre l'esclavage. En effet, pour les libertarians l'esclavage est un contrat exemplification, et non le refus, de la liberté de l'individu! Comment est-ce possible? Comment l'esclavage peut il être soutenu comme une expression de liberté? Simplement, le soutien des "libertarians" pour l'esclavage est un symptôme d'un profond autoritarisme, à savoir l'acceptation sans critique de leur théorie contractuelle. La revendication centrale de la théorie des contrats est que ce contrat est le moyen de garantir et de renforcer la liberté individuelle. L'esclavage est l'antithèse de la liberté et de ce fait, en théorie, les contrats d'esclavage doivent être mutuellement exclus. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, certains théoriciens du contrat (passé et présent) ont inclus le contrat d'esclavage dans les contrats légitimes. Cela donne à penser que la théorie contractualiste ne peut pas fournir le support théorique nécessaire pour assurer et améliorer la liberté individuelle.

En fait, comme le fait valoir Carole Pateman, la "théorie des contrats est d'abord un moyen de créer des relations sociales constitué par la subordination, pas par l'échange." Plutôt que de saper la subordination, les théoriciens du contrat justifient l'assujettissement moderne - la "doctrine du contrat a proclamé que l'assujettissement à un maître - un patron, un mari - est la liberté."[13] La question centrale de la théorie des contrats (et donc des Libertariens) n'est pas "des gens libres" (comme on pourrait s'y attendre), mais "les gens sont libres de se soumettre selon les modalités de leur choix." Une question radicalement différente et un seul équipement à quelqu'un qui ne sait pas ce que signifie la liberté.

Les anarchistes affirment que tous les contrats ne sont pas légitimes et aucun individu libre peut faire un contrat qui nie sa propre liberté. Si un individu est capable de s'exprimer par lui-même en faisant des accords libre ensuite que ces accords libre doivent également se fonder sur la liberté à l'intérieur. Tout accord qui crée la domination ou la hiérarchie est une négation des hypothèses qui sous-tend l'accord libre et devient nulle et non avenue. En d'autres termes, un gouvernement volontaire est toujours un gouvernement et une caractéristique définie de l'anarchie doit être, sûrement, "aucun gouvernement" et "aucuns dirigeants".

C'est plus facilement vu dans le cas extrême du contrat d'esclavage. John Stuart Mill a déclaré que ce contrat serait « nul et sans effet." Il a fait valoir qu'une personne peut choisir volontairement d'entrer dans un tel contrat, mais, ce faisant, "il abdique sa liberté, il renonce à l'avenir toute utilisation de celui-ci au-delà de ce seul acte. Il a donc une défaite, dans son cas, de par l'objet même qui est de la justification lui permettant de disposer de lui-même... Le principe de la liberté ne peut exiger qu'il devrait être libre de ne pas être libre. Ce n'est pas de la liberté, à être autorisé à aliéner sa liberté." Il ajoute que "ces raisons, la force qui est si manifeste dans ce cas particulier, sont de toute évidence bien plus largement appliqué".[14]

Et c'est d'une telle application que les défenseurs du capitalisme ont peur (Mill n'a en fait appliqué ces raisons plus largement et c'est sans surprise qu'il est devenu un partisan d'une forme de socialisme syndicaliste de marché[15]). Si nous rejetons le contrat d'esclavage comme illégitime alors, logiquement, nous devons également rejeter tous les contrats qui expriment les qualités analogues à l'esclavage (c'est-à-dire nier la liberté), y compris l'esclavage salarié. Étant donné que, comme David Ellerman le fait remarquer, "l'esclave volontaire... et le salarié ne peuvent pas en effet prendre leur volonté hors de leur intentionnalité, afin qu'ils puissent être "employés" par le maitre ou l'employeur" nous sommes laissés avec "la plus invraisemblable affirmation selon laquelle une personne peut quitter à son gré pour environ huit heures par jour pendant des semaines, des mois, voire des années, mais sur la fin ne peut pas le faire pour une durée de vie de travail".[16] C'est la position de Rothbard.

Les implications à soutenir l'esclavage volontaire est tout à fait dévastateur pour toutes les formes de "libertarianisme". Cela a été prouvé par Ellerman quand il a écrit une très solide défense de celui-ci sous le pseudonyme "J. Philmore", The Libertarian Case for slavery (publié pour la première fois dans The Philosophical Forum, XIV, 1982). Cette objection classique prend la forme d'une "preuve par contradiction" (ou Raisonnement par l'absurde) par laquelle il prend les arguments du libertarianisme à leur fin logique et montre comment atteindre les mémorables conclusions que le "moment est venu pour les penseurs du libéralisme économique et politique de mettre fin à l'éludation de cette question et de réexaminer de manéire critique leurs préjugés au sujet de certaines institutions sociales volontaires..., ce processus critique conduira inexorablement le libéralisme à sa seule conclusion logique : que le libertarianisme précise enfin le véritable fondement moral de l'esclavage politique et économique". Ellerman montre comment, dans une perspective "libertarienne", c'est une « contradiction fondamentale » dans une société libérale moderne que l'État interdise les contrats d'esclavage. Il note qu'il "semble être une base de préjudice partagé du libéralisme que l'esclavage est, par nature involontaire, de sorte que la question de l'esclavage effectivement volontaire a reçu peu de contrôle. L'argument parfaitement valable libérale selon lequel l'esclavage involontaire est intrinsèquement injuste est donc pris pour inclure l'esclavage volontaire (dans ce cas, l'argument, par définition, ne s'applique pas). Cela a donné lieu à une limitation de la liberté contractuelle dans la société libérale moderne." Ainsi, il est possible de plaider en faveur d'une "forme contractuelle d'esclavage civilisée".[17]

Aussi précis et logique fut l'article d'Ellerman que bon nombre de ses lecteurs furent convaincus qu'il fut écrit par un "libertarien" (y compris, il faut le dire, nous!). L'un de ces écrivain a été Carole Pateman, qui a noté à juste titre qu'"il y a ici une belle ironie historique. Dans le sud de l'Amérique, les esclaves se sont émancipés et transformés en ouvriers salariés, et maintenant les contractualistes américains font valoir que tous les travailleurs devraient avoir la possibilité de devenir des esclaves civiles"[18]).

L'objectif de l'article de Ellerman était de montrer les problèmes que l'emploi (travail salarié) présente pour la notion d'auto-gouvernement et comment le contrat n'a pas besoin de résultats dans les relations sociales fondé sur la liberté. Comme "Philmore" l'a dit, "toute critique approfondie et décisive de l'esclavage volontaire ou d'un gouvernement constitutionnel non-démocratique se reporte au contrat de travail - qui est la base contractuelle volontaire pour le systéme de libre-marché de libre entreprise. Une telle critique serait donc un Raisonnement par l'absurde". Comme "le contrat d'esclavage" est une "extension du contrat employeur-employé", il montre que la différence entre le travail salarié et l'esclavage est l'échelle de temps plutôt que le principe ou les rapports sociaux en cause.[19] Cela explique pourquoi au début du mouvement ouvrier le capitalisme était appelé "l'esclavage salarié" et pourquoi les anarchistes l'énoncent encore ainsi. ça expose la nature non libre du capitalisme et la pauvreté de sa vision de la liberté. Bien qu'il soit possible de présenter le travail salarié comme « liberté » en raison de sa nature "consensuelle", il devient beaucoup plus difficile de le faire lorsque l'on parle de l'esclavage ou de la dictature (et n'oublions pas que Nozick avait également aucun problème avec l'autocratie - voir section B.4). Ensuite, les contradictions sont exposés à tous de voir et d'en être horrifié.

Tout cela ne signifie pas que nous devons rejeter les libres accords. Loin de là! un accord libre est essentiel pour une société fondée sur la dignité individuelle et la liberté. Il existe une variété de formes de libre accord et les anarchistes appuient celles basées sur la coopération et l'auto-gestion (c'est-à-dire les personnes qui travaillent ensemble comme des égaux). Les anarchistes désirent créer des relations qui tiennent compte (et donc expriment) de la liberté qui est la base du libre accord. Le capitalisme crée des relations qui nient la liberté. L'opposition entre l'autonomie et l'assujettissement ne peut être maintenu en modifiant ou en rejetant la théorie des contrats, quelque chose que le capitalisme ne peut pas faire et aussi le "libertarianisme" qui rejette l'autonomie en faveur de la soumission (et donc rejette le socialisme en faveur du capitalisme).

Ainsi, le réel contraste entre les libertaires et les "libertariens" est mieux exprimé dans leurs avis respectifs sur l'esclavage. L'anarchisme est basé sur l'individu dont l'individualité dépend du maintien de la liberté des relations avec d'autres personnes. Si des personnes nient leur capacité d'auto-gouvernement dans le cadre d'un contrat les personnes parviennent alors à un changement qualitatif dans leurs rapports avec les autres - la liberté se transforme en maîtrise et en subordination. Pour les anarchistes, l'esclavage est donc le paradigme de ce que la liberté n'est pas, au lieu d'une exemplification de ce qu'elle est (comme les "libertariens" font). Comme Proudhon a fait valoir:

"Si j'avais à répondre à la question suivante : Qu'est-ce que l'esclavage ?et que d'un seul mot je répondisse : C'est l'assassinat,ma pensée serait d'abord comprise. Je n'aurais pas besoin d'un long discours pour montrer que le pouvoir d'ôter à l'homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c'est l'assassinat."[20]

En revanche, les "libertariens" ont effectivement fait valoir qu'ils "soutien[nent] l'esclavage parce qu['ils] croi[ent] en la liberté". C'est un triste reflet de l'éthique et de la faillite intellectuelle de notre société que de tels "argument" soit en fait proposé par certaines personnes sous le nom de la liberté. Le concept de "l'esclavage comme liberté" est beaucoup trop orwellienne pour justifier une critique - nous allons laisser la place aux "libertariens" de corrompre notre langue et les normes éthiques avec leurs tentatives pour le prouver.

De l'idée de base que l'esclavage est le contraire de la liberté, le rejet anarchiste des relations sociales autoritaires suivent rapidement :

"La liberté est inviolable. Je ne puis ni vendre ni aliéner ma liberté ; tout contrat, toute condition contractuelle qui aurait l'aliénation ou la suspension de la liberté pour objet, est nulle ; l'esclave qui met le pied sur un sol de liberté, à l'instant même est libre... La liberté est la condition première de l'état de l'homme : comment pourrait-on après cela faire acte d'homme ?"[21]

Le contrat de travail (c'est-à-dire l'esclavage salarié) abroge la liberté. Il est fondé sur l'inégalité de pouvoir et "l'exploitation est une conséquence du fait que la vente de la force de travail implique la subordination du travailleur" [22]. Par conséquent le soutien de Proudhon à l'auto-gestion et son opposition au capitalisme - toute relation qui ressemble à l'esclavage est illégitime et l'absence de contrat qui crée une relation de subordination est valide. Ainsi, dans une société véritablement anarchique, les contrats d'esclavage seraient inapplicable - les gens dans une société véritablement libre (c'est-à-dire non-capitaliste) ne tolérerait jamais une institution aussi horrible ou ne la considérerait comme un accord valide. Si quelqu'un était assez stupide pour signer un tel contrat, ils ont simplement à dire qu'il le rejete, afin d'être à l'abri - de tels contrats sont faits pour être brisés et sans la force d'un système de droit (privé et les entreprises de défense) pour les sauvegarder, ces contrats resteront brisés.

Le soutien des libertariens aux contrats d'esclavages (l'esclavage et le salariat) indique que leur idéologie n'a rien à voir avec la liberté et à bien plus à voir avec la justification de la propriété et l'oppression et l'exploitation que ça produit. Leur support théorique pour l'esclavage volontaire permanent et temporaire et l'autocratie indique un profond autoritarisme qui nie leurs proclamations à être libertariens.

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