Lysander Spooner

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Lysander Spooner
Lysander Spooner, anarchiste individualiste et militant abolitionniste né à Athol (Massachussetts) le 19 janvier 1808 et mort à Boston le 14 mai 1887.

Biographie

Fils de fermier, Spooner devient instituteur en 1831 puis précepteur. En 1833, il part étudier le droit à Worcester (Massachussetts) au bureau des avocats John Davis (sénateur whig de 1845 à 1853) et Charles Allen (élu représentant du Free Soil Party en 1848).

En 1834, Spooner publie The Deist's Immortality and an Essay on Man's Accoutability for his Belief, un pamphlet anticlérical. En 1843, il publie un essai sur la réforme du système bancaire (Constitutional Law, Relative to Credit, Currency, and Banking) où il défend une économie fondée sur la libre association et la coopération volontaire sans l'intervention de l'État.

À partir de 1844, Spooner entre en lutte contre les monopoles d'État en les poursuivant en justice. Il fonde également une compagnie postale privée qui est démantelée par ordre du gouvernement fédéral. En 1845, il prend publiquement position contre l'esclavage et s'installe à Boston pour pratiquer le droit. Il consacre alors ses énergies à contester le monopole monétaire du gouvernement et publie en 1852 An Essay on the Trial by Jury, où il affirme que les jurés, lors d'un procès, ne doivent pas appliquer les lois mais doivent juger selon leur conscience.

En 1863, il crée la Spooner Copyright Company, un bureau de brevets où il tente, sans succès, de mettre en pratique ses idées. Spooner se consacre par la suite à l'écriture et fait paraître en 1867 les deux premiers volets de No Treason, son premier pamphlet proprement anarchiste, dont la sixième partie, intitulée The Constitution of No Authority parraît en 1870.

Très lié avec Josiah Warren et Benjamin Tucker, il fait paraître en 1875 Vices are not crimes, un pamphlet qui fait croître sa renommée dans les milieux anarchistes.

Pensée

Le point de départ de la pensée de Spooner est juridique. En se basant sur des arguments légaux et avec une logique rigoureuse, il en arrive à prouver la non-validité des gouvernements, des États, des lois et du principe de contrat social. D'ailleurs, un des principaux axes de la critique de Spooner est le concept de contrat.

Critique du contrat social

Spooner conteste l'idée qu'on retrouve à l'origine des régimes démocratiques libéraux et de leurs constitutions un contrat social librement consenti. Premièrement, le contrat social, si on suppose qu'un tel contrat existe, a été conclu par des individus qui sont morts aujourd'hui. Il est pour Spooner inconcevable qu'un tel contrat soit valable pour leurs descendants, puisque le contrat ne lie que ceux qui l'ont conclu. Nul ne peut s'engager au nom de ses enfants et de ses petits-enfants.

Spooner va plus loin en montrant que le prétendu contrat social n'a jamais réellement été signé par ceux qui l'ont théoriquement conclu. Par exemple, la constitution américaine n'a pas été signée par les individus qui y sont soumis, mais entérinée par les diverses législatures des États fondateurs du pays. Or, pour qu'un contrat soit valide, il doit être écrit et signé par les contractants. Le prétendu contrat social ne répond pas à cette exigence élémentaire et n'a donc aucune validité. À partir de ce raisonnement, Spooner affirme que les nations, les gouvernements et les États n'ont aucune légitimité et que les serments qui leur sont prêtés n'ont pas de valeur juridique.

Critique du gouvernement et de l'État

Faisant suite à sa critique du contrat social, Spooner applique le même raisonnement en s'attaquant à la démocratie libérale et au principe électoral.

Selon Spooner, l'acte de voter ne lie pas plus l'électeur au gouvernement que l'individue au régime social, parce que le vote n'est pas un choix réel. La seule option offerte à l'individu est de choisir son maître ; la possibilité de décider d'avoir ou non un maître n'est jamais offerte. L'exercice du droit de vote n'est selon Spooner qu'une liberté illusoire qui vise à le leurrer, à le persuader qu'il participe au pouvoir et qu'il a lui-même choisi la constitution et les lois auxquelles il est soumis. Voter ne peut donc en aucun cas témoigner d'une quelconque approbation du système gouvernemental en place, pas plus que le paiement des impôts, qui est obligatoire.

L'invalidité du contrat social et de la constitution amène Spooner à considérer le gouvernement comme une association de malfaiteurs, une mafia qui, sous prétexte d'offrir de la protection, impose en échange des impôts dont le prélèvement est obligatoire. Le gouvernement ne se contente pas d'exercer sur les individus son autorité, il cherche à les persuader qu'ils ne pourraient en aucun cas se passer de lui.

Si le gouvernement est illégitime, l'État est quant à lui par nature l'usurpateur des libertés individuelles. À l'instar du Contr'Un de La Boétie, Spooner estime que L'État ne repose que sur une illusion, puisque l'autorité des gouvernants dépend entièrement de la passivité des gouvernés. Il est donc de la responsabilité de l'individu d'apprendre à distinguer l'illusion de la réalité et de se réapproprier sa souveraineté.

Critique du capitalisme

À tort a-t-on récemment fait de Spooner un penseur "anarcho"-capitaliste (notamment du fait que Murray Rothbard le cite dans son livre L'Éthique de la Liberté). À plusieurs reprises, il critique le grand capital financier qui finance l'État pour s'assurer de pouvoir exploiter impunément le peuple. Selon Spooner, les États parviennent à livrer des guerres et à organiser la répression de la contestation populaire grâce aux banques et aux grands capitalistes. De plus, Spooner critique sévèrement le salariat, notamment dans sa Lettre à Grover Cleveland où il écrit, décrivant sa vision d'une société anarchiste :

« Tous les grands établissements, de quelque sorte qu'ils soient, désormais entre les mains de quelques propriétaires, mais employant un grand nombre de travailleurs salariés, seront détruits ; car peu de personnes, voire aucune, qui pourraient louer du capital, et faire des affaires pour elles-mêmes, ne consentiraient à travailler en échange d'un salaire pour autrui. »[1]

Il affirme également que toute fortune ne se fait qu'au détriment d'autrui :

« Presque toutes les fortunes sont faites sur le capital, issu du travail d'autres hommes que ceux qui s'enrichissent. En effet, les grosses fortunes peuvent rarement être faites par un seul individu, sauf s'il use de son capital épongeant et du travail des autres. »[2]

Enfin, et contrairement aux "anarcho"-capitalistes, Spooner n'hésite pas à appeler de ses vÅ“ux la révolution afin de mettre un terme à l'oppression :

« Les peuples pillés d'Angleterre et d'Irlande n'ont pas besoin d'émigration, de législation, d'atténuation, ou encore de modification. Ils ont besoin et ils auront, s'ils accomplissent leur devoir envers eux-mêmes [...], une révolution, un châtiment, une réparation et, tant que possible, une compensation.[3] »

Il ne faut toutefois pas tomber dans l'excès inverse et faire de lui un collectiviste et un socialiste. Spooner croit en la propriété privée et en la libre concurrence des entreprises. En fait, sa vision sociale ressemble beaucoup à une version idéalisée de l'Amérique pré-industrielle des premières décennies suivant l'indépendance : une société faite de petits fermiers et d'industriels indépendants.

Liberté des mœurs

Dans son ouvrage Vices are not crimes (Les vices ne sont pas crimes) parut en 1875, Spooner conteste à l'État le droit d'intervenir dans la vie privée des individus, sous prétexte de les protéger contre leurs vices. Les vices ne sont pas des crimes, déclare-t-il, et ils ne doivent pas être punis dans la mesure où ils ne nuisent qu'à la personne qui s'y adonne. Ainsi, la seule limite de la liberté de l'individu est la liberté des autres.

Citations

  • « Chaque homme doit nécessairement juger et déterminer par lui-même ce qui conduit à son propre bien-être, ce qui lui est nécessaire et ce qui lui est nuisible. » Les vices ne sont pas des crimes, 1875 (« [E]very man must necessarily judge and determine for himself as to what is conducive and necessary to, and what is destructive of, his own well-being »)
  • « Un homme autorisé à se choisir un nouveau maître au bout d'un certain nombre d'années n'en est pas moins esclave » La constitution n'a nulle autorité, 1870 (« A man is none the less a slave because he is allowed to choose a new master once in a term of years. »)
  • « Le gouvernement, comme un bandit de grand chemin, dit à un individu : "la bourse ou la vie". Quantité de taxes, ou même la plupart, sont payées sous la contrainte d'une telle menace. » La constitution n'a nulle autorité, 1870 (« The fact is that the government, like a highwayman, says to a man: Your money, or your life." And many, if not most, taxes are paid under the compulsion of that threat. »)

Å’uvres

  • The Deist's Immortality, and An Essay On Man's Acountability For His Belief (1834)
  • To the Members of the Legislature of Massachusetts (1835)
  • Constitutional Law, Relative to Credit, Currency, and Banking (1843)
  • The Unconstitutionality of the Laws of Congress, Prohibiting Private Mails (1844)
  • The Unconstitutionality of Slavery (1845, 1860)
  • Poverty: Its Illegal Causes, and Legal Cure. Part I (1846)
  • Who caused the Reduction of Postage? Ought He To Be Paid? (1850)
  • Illegality of the Trial of John W. Webster (1850)
  • An Essay on the Trial by Jury (1852)
  • A Defence for Fugitive Slaves, Against the Acts of Congress of February 12, 1793, & September 18, 1850 (1850)
  • A Plan for The Abolition of Slavery (and) To The Non-Slaveholders of the South (1858).
  • Address of the Free Constitutionalists to the People of the United States (1860)
  • A New System of Paper Currency (1861)
  • Our Mechanical Industry, As Affected By Our Present Currency System: An Argument for the Author's New System of Paper Currency (1862)
  • Articles of Association of the Spooner Copyright Company for Massachusetts (1863)
  • Letter To Charles Sumner (1864)
  • No Treason. No. I (1867)
  • No Treason. No. II, The Constitution (1867)
  • No Treason. No. VI, The Constitution of No Authority (1870)
  • Considerations for Bankers, and Holders of United States Bonds (1864)
  • Vices Are Not Crimes: A vindication of Moral Liberty (1875)
  • Our Financiers: Their Ignorance, Usurpations, and Frauds (1877)
  • The Law of Prices: A Demonstration of The Necessity for an Indefinite Increase of Money (1877)
  • Gold and Silver as Standards of Value: The Flagrant Cheat in Regard to Them (1878)
  • Universal Wealth Shown to be Easily Attainable. Part First (1879)
  • Revolution: The Only Remedy for the Oppresed Classes of Ireland, England, and Other Parts of the British Empire. No. 1 (1880)
  • Natural Law; or The Science of Justice: A Treatise on Natural Law, Natural Justice, Natural Rights, Natural Liberty, and Natural Society; Showing That All Legislation Whatsoever Is An Absurdity, A Usurpation, and A Crime. Part First (1882)
  • A Letter to Thomas F. Bayard: Challenging His Right - And that of All the Other So-Called Senators and Representative in Congress - To Exercise Any Legislative Power Whatever Over the People of the United States (1882)
  • A Letter to Scientists and Inventors, on the Science of Justice, and Their Right of Perpetual Property in Their Disclosures and Inventions (1884)
  • A Letter to Grover Cleveland, on His False Inaugural Addrewss, The Usurpations and Crimes of Lawmakers and Judges, and the Consequent Poverty, Ignorance, and Servitude of the People (1886)

Notes et références

  1. « All the great establishments, of every kind, now in the hands of a few proprietors, but employing a great number of wage laborers, would be broken up; for few, or no persons, who could hire capital, and do business for themselves, would consent to labor for wages for another. » A Letter to Grover Cleveland, on His False Inaugural Addrewss, The Usurpations and Crimes of Lawmakers and Judges, and the Consequent Poverty, Ignorance, and Servitude of the People (1886).
  2. « [A]lmost all fortunes are made out of the capital amid labor of other men than those who realize them. In­deed, large fortunes could rarely be made at all by one individual, except by his sponging capital and labor from others » Poverty: Its Illegal Causes, and Legal Cure. Part I (1846)
  3. « [T]he plundered people of England and Ireland need neither emigration, legislation, mitigation, nor modification. They need, and if they do their duty to themselves [...], they will have, REVOLUTION, RETRIBUTION, RESTITUTION, AND, AS FAR AS POSSIBLE, COMPENSATION. », Revolution: The Only Remedy for the Oppresed Classes of Ireland, England, and Other Parts of the British Empire. No. 1

Voir également

Liens internes

Liens externes

  • La constitution n'a nulle autorité, un extrait d'Outrage à chefs d'État, la traduction française de No Treason (1870) ; attention, il s'agit d'un site libéral !
  • Lysanderspooner.org, un site anglophone dédié à la vie et l'Å“uvre de Spooner, et proposant l'intégralité de ses écrits en-ligne.

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