Difference between revisions of "Violences urbaines"

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Après que des [[émeute raciale|émeutes raciales]] ont secoué les grandes villes américaines en [[1968]], le [[sociologue]] [[Kenneth Clark]] a déclaré devant la Commission Kerner réunie à la demande du Président Lyndon Baines Johnson : « Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en [[1919]] et c'est comme si je lisais le rapport de la commission d'enquête sur les désordres à Harlem en [[1935]], le rapport de la commission d'enquête sur ceux de [[1943]], le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu'on se croirait dans ''Alice au pays des merveilles'', avec le même film qu'on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction » <ref name="Sciences Humaines">
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Après que des émeutes raciales ont secoué les grandes villes américaines en [[1968]], le sociologue [[Kenneth Clark]] a déclaré devant la Commission Kerner réunie à la demande du Président Lyndon Baines Johnson : « Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en [[1919]] et c'est comme si je lisais le rapport de la commission d'enquête sur les désordres à Harlem en [[1935]], le rapport de la commission d'enquête sur ceux de [[1943]], le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu'on se croirait dans ''Alice au pays des merveilles'', avec le même film qu'on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction » <ref name="Sciences Humaines">Cité par Sophie Body-Gendrot, « L'insécurité. Un enjeu majeur pour les villes », in ''Sciences Humaines'' n°&nbsp;89, décembre [[1998]].</ref>.
Cité par Sophie Body-Gendrot, « L'insécurité. Un enjeu majeur pour les villes », in ''Sciences Humaines'' n°&nbsp;89, décembre [[1998]].
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== La ville comme lieu d'intériorisation et de refoulement de la violence ==
 
== La ville comme lieu d'intériorisation et de refoulement de la violence ==
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À la suite de Norbert Elias, l'historien [[Jean-Claude Chesnais]] a souligné à son tour la baisse tendancielle de la violence dans les sociétés modernes en n'étudiant cependant que la violence proprement physique<ref>
 
À la suite de Norbert Elias, l'historien [[Jean-Claude Chesnais]] a souligné à son tour la baisse tendancielle de la violence dans les sociétés modernes en n'étudiant cependant que la violence proprement physique<ref>
 
Jean-Claude Chesnais, ''Histoire de la violence'', [[Éditions Robert Laffont|Robert Laffont]], Coll. « Pluriel », [[1981]].
 
Jean-Claude Chesnais, ''Histoire de la violence'', [[Éditions Robert Laffont|Robert Laffont]], Coll. « Pluriel », [[1981]].
</ref>. Mais d'autres théoriciens sont venus contredire cette idée à la suite des travaux que l'historien américain [[Tedd Gurr]] a réalisés dans les années [[Années 1970|1970]]-[[Années 1980|1980]], et qui interprètent la violence en terme de privation : elle se développerait lorsque l'élévation des aspirations des individus ne s'accompagne plus d'une amélioration comparable de leurs conditions de vie. C'est ce qui se serait produit dans les sociétés occidentales à partir des [[Années 1930|années 30]], décennie au cours de laquelle Ted Gurr observe un retournement de tendance complet, c'est-à-dire désormais l'augmentation durable de la violence homicide, de la criminalité, des vols ou de la [[délinquance]], selon une courbe en J. La thèse de Ted Gurr est parfois évoquée sous le nom de « théorie de la courbe en J » pour cette raison.  En [[France]], selon [[Sebastian Roché]], cette montée continue s'observe à partir du milieu des [[Années 1950|années 50]]. Elle est par conséquent indépendante, selon lui, du contexte économique : « La délinquance en particulier augmente durant les années de reconstruction et de [[prospérité]]. Depuis le milieu des années 80, elle tend à stagner, et ce malgré l'augmentation du [[chômage]] de longue durée et les phénomènes d'[[exclusion]] »<ref>
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</ref>. Mais d'autres théoriciens sont venus contredire cette idée à la suite des travaux que l'historien américain [[Tedd Gurr]] a réalisés dans les années [[Années 1970|1970]]-[[Années 1980|1980]], et qui interprètent la violence en terme de privation : elle se développerait lorsque l'élévation des aspirations des individus ne s'accompagne plus d'une amélioration comparable de leurs conditions de vie. C'est ce qui se serait produit dans les sociétés occidentales à partir des [[Années 1930|années 30]], décennie au cours de laquelle Ted Gurr observe un retournement de tendance complet, c'est-à-dire désormais l'augmentation durable de la violence homicide, de la criminalité, des vols ou de la [[délinquance]], selon une courbe en J. La thèse de Ted Gurr est parfois évoquée sous le nom de « théorie de la courbe en J » pour cette raison.  En [[France]], selon [[Sebastian Roché]], cette montée continue s'observe à partir du milieu des [[Années 1950|années 50]]. Elle est par conséquent indépendante, selon lui, du contexte économique : « La délinquance en particulier augmente durant les années de reconstruction et de [[prospérité]]. Depuis le milieu des années 80, elle tend à stagner, et ce malgré l'augmentation du [[chômage]] de longue durée et les phénomènes d'[[exclusion]] »
Cité dans un entretien paru dans ''Sciences Humaines'' n°&nbsp;89, décembre [[1998]]. Selon Sebastian Roché, « ces évolutions pourraient résulter d'un phénomène insuffisamment pris en compte par Elias, à savoir la disjonction des scènes sociales où sont appelés à évoluer les individus. Ceux-ci sont en effet amenés à passer d'un statut à l'autre, comme d'une situation familiale ou professionnelle à une autre. La rationalisation du contrôle des [[pulsion]]s est alors à géométrie variable ». Le sociologue [[Laurent Mucchielli]] considère pour sa part que le développement de la délinquance depuis les années 50 est à mettre quasiment exclusivement sur le compte des délits de [[prédation]], mais qu'en revanche on assiste à une stagnation, voire à une baisse des crimes les plus graves.
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Selon Sebastian Roché, « ces évolutions pourraient résulter d'un phénomène insuffisamment pris en compte par Elias, à savoir la disjonction des scènes sociales où sont appelés à évoluer les individus. Ceux-ci sont en effet amenés à passer d'un statut à l'autre, comme d'une situation familiale ou professionnelle à une autre. La rationalisation du contrôle des [[pulsion]]s est alors à géométrie variable ». Le sociologue [[Laurent Mucchielli]] considère pour sa part que le développement de la délinquance depuis les années 50 est à mettre quasiment exclusivement sur le compte des délits de [[prédation]], mais qu'en revanche on assiste à une stagnation, voire à une baisse des crimes les plus graves.
</ref>. Même si ce schéma est lui-même contesté, il faut garder ces observations en tête pour l'étude des violences urbaines proprement dites, dont l'évolution est différente.
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Comme le fait remarquer [[Michel Foucault]] dans ''[[Surveiller et punir]]'', les grands complexes industriels [[Europe|européens]] ont été construits en lisière des villes pour prévenir les révoltes ouvrières.  De même, aux États-Unis, les [[campus]] ont été bâtis hors des villes pour éloigner la menace étudiante… Aussi, lorsque la violence amorce une courbe en J [[après-guerre]], consciemment ou non, les autorités vont décider de construire les grands ensembles où loger les populations les plus démunies en [[banlieue]]. Or, dans l'inconscient collectif, la banlieue est par excellence et depuis toujours le lieu en marge, celui qui accueillerait les « marginaux », les « barbares », autrement dit les « zoulous », les « sauvageons », pour reprendre un mot de Jean-Pierre Chevènement, la « racaille » pour reprendre Nicolas Sarkozy : dès le Moyen Âge, la banlieue est cet espace qui se situe à une lieue de la ville et où cesse de s'appliquer le ban, c'est-à-dire le pouvoir seigneurial, cet espace au-delà duquel on est banni, on ne fait plus partie de la Cité, et donc de la civilisation.
 
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Comme le fait par exemple remarquer [[Michel Foucault]] dans ''[[Surveiller et punir]]'', les grands complexes industriels [[Europe|européens]] ont été construits en lisière des villes pour prévenir les révoltes ouvrières.  De même, aux États-Unis, les [[campus]] ont été bâtis hors des villes pour éloigner la menace étudiante… Aussi, lorsque la violence amorce une courbe en J [[après-guerre]], consciemment ou non, les autorités vont décider de construire les grands ensembles où loger les populations les plus démunies en [[banlieue]]. Or, dans l'inconscient collectif, la banlieue est par excellence et depuis toujours le lieu en marge, celui qui accueillerait les « marginaux », les « barbares », autrement dit les « zoulous », les « sauvageons », pour reprendre un mot de Jean-Pierre Chevènement, la « racaille » pour reprendre Nicolas Sarkozy : dès le Moyen Âge, la banlieue est cet espace qui se situe à une lieue de la ville et où cesse de s'appliquer le ban, c'est-à-dire le pouvoir seigneurial, cet espace au-delà duquel on est banni, on ne fait plus partie de la Cité, et donc de la civilisation<ref>
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== Conclusion ==
 
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* [[Émeutes de 2005 dans les banlieues françaises]]
 
* [[Émeutes de 2005 dans les banlieues françaises]]
 
* [[Émeutes urbaines françaises]]
 
* [[Émeutes urbaines françaises]]
* [[Casseur (urbain)]]
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* [[Casseur]]
 
* [[Violence]]
 
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* [[Non-violence]]
 
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