Difference between revisions of "jaïnisme"

From Anarchopedia
Jump to: navigation, search
m (Les arts et l'architecture)
 
(6 intermediate revisions by 4 users not shown)
Line 1: Line 1:
Le '''Jaïnisme''', ou '''Jinisme''', du [[sanskrit]] ''Jina'' « vainqueur »<ref>musique: [http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/jay%20jinavar%20deva.wma]</ref>, est une [[religion]] (en précisant que le mot religion se traduit en Inde par ''dharma'', un mot largement polysémique qui signifie autant « [[foi]] », « religion », « vertu » que « devoir », « nature propre », « bonne action »...), un [[chemin]] spirituel qui insiste sur les concepts d'''[[ahimsa]]'' (non-violence) et de ''karma'' et qui met l'accent sur l'[[ascétisme]]. Il ne commence pas, à l'image du [[bouddhisme]], comme un mouvement de réforme à l'intérieur de l'[[hindouisme]], car c'est une religion traditionnelle qui vient de la plus haute antiquité, mais devient une religion d'importance, telle que nous la connaissons aujourd'hui dans ses grandes lignes, au cours du {{VIe siècle av. J.-C.}}. Avec seulement 8 millions de croyants, le jaïnisme est la plus petite des 10 religions principales du monde, mais en [[Inde]], les jaïns sont surreprésentés dans les secteurs économique et [[politique]]. Les jaïns sont une force significative dans la culture de l'[[Inde]], contribuant à la philosophie, à l'art, à l'architecture, aux sciences et aussi à la politique au travers de [[Mohandas Gandhi|Gandhi]] et donc à l'indépendance de l'Inde.
+
Le '''jaïnisme''', ou jinisme, du sanskrit Jina « vainqueur », est une [[religion]] (id est, en Inde, un "dharma", mot largement polysémique pour « foi », « religion », « vertu », « devoir », « nature propre » ou même « bonne action »...), un chemin spirituel qui insiste sur les concepts d'''ahimsa'' (non-violence), de ''karma'' et qui met l'accent sur l'[[ascétisme]].
  
==La philosophie jaïne==
+
Contrairement au bouddhisme, mouvement de réforme interne à l'hindouisme (et lui-même religion traditionnelle immémoriale), le jaïnisme ne devient une religion d'importance, et n'acquiert qu'au cours du VIe siècle av. J.-C. la forme que nous lui connaissons encore aujourd'hui. Avec seulement 4 millions de croyants, le jaïnisme est la plus petite des 10 religions principales du monde. Mais en Inde, les jaïns sont sur-représentés tant dans les secteurs économique que politique. Les jaïns constituent une force significative au sein de la culture du sous-continent, contribuant à la philosophie, à l'art, à l'architecture et aux sciences, mais encore à la politique au travers de [[Gandhi]], et donc à l'indépendance de l'Inde.
  
Le jaïnisme partage de nombreuses et apparentes ressemblances avec l'[[hindouisme]] et le [[bouddhisme]], mais doit en être cependant différencié. Par respect du principe de non-violence, le jaïnisme va au-delà du simple [[végétarisme]] : Le [[régime alimentaire]] jaïn exclut la plupart des [[racine]]s, car l'on pourrait causer du mal à un [[animal]] en les déterrant, et certains autres aliments considérés comme inutilement nuisibles ; l'[[ail]] et l'[[oignon]] présumés [[aphrodisiaque]]s. Les ascètes et pieux jaïns ne mangent pas, ne boivent pas ou ne voyagent pas après le [[coucher du soleil]] et ne se lèvent pas avant le lever du [[soleil]], toujours pour éviter de blesser un être vivant par manque de [[lumière]] ou à cause des [[lampe]]s, des [[bougie]]s, etc. qui pourraient brûler les [[insecte]]s attirés par la lumière dans la [[nuit]].
+
{{wikipedia}}
 
+
[[Catégorie:Religion]]
Selon le jaïnisme, l'[[univers]] n'a pas été créé, et ne cessera jamais d'exister. Il est éternel mais non inchangé, car il traverse une série sans fin d'alternances ou d'oscillations. Chacune de ces périodes est divisée en [[quatre]] âges du monde ou ''yuga''. Le monde est actuellement dans le quatrième âge, celui du déclin (à rapprocher de la ''Kali-Yuga'' des hindouistes)<ref>dans ''Cosmologie Numérique Teerthankara'' de ''P.Letty-Mourroux''</ref>.
+
 
+
Quand il aura atteint son niveau le plus bas, le jaïnisme lui-même disparaîtra complètement. Puis, au cours de la prochaine oscillation, la [[religion]] des jaïns sera redécouverte et réintroduite par de nouveaux chefs spirituels appelés ''[[Tîrthankara]]s'' (en sanscrit «les faiseurs de gué»), puis sera à nouveau perdue à la fin de la prochaine période, et ainsi de suite<ref>dans ''La cosmologie jaïna'' de ''N. et K. Caillat''</ref>.
+
 
+
Dans chacune de ces très longues périodes —qui font penser au ''jour de Brahma'' des hindouistes—, il y a toujours vingt-quatre ''Tîrthankaras''. Dans l'âge actuel du monde, le vingt-troisième ''Tîrthankara'' fut ''Parshvanatha'', un [[ascétisme|ascète]] et professeur, qui aurait vécu vers [[-850|850]] - [[-800|800 av. J.-C.]](musique sur le 23ème et 24ème ''Tirthankara'':[http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/Ram%20Kaho%20Rehman%20Kaho%20(Mahnar%20Udhas).wma]). Les jaïns le considèrent comme un réformateur qui réclama un retour à la croyance et aux pratiques de leur tradition religieuse originale. Le vingt-quatrième et dernier ''Tirthankara'' de cet âge est connu par son [[titre]], [[Tîrthankara|Mahâvîra]], le « grand héros » ([[-599|599]] - [[-527|527 av. J.-C.]]). Il fut aussi un [[ascète]], un professeur errant qui tenta de rappeler les jaïns à la pratique rigoureuse de leur foi antique (musique sur le 24ème ''Tirthankara'':[http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/hamara%20mahavira%20albela.wma], [http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/Dilma%20Deep%20Pragtavo%20(Kishoriben%20Shah).wma]et ''puja'':[http://www.jainworld.biz/jwneta11/Pooja/E2_mahaveer%20pooja.wma]).
+
 
+
[[Image:Tirtankara.jpg|thumb|500px|''Parshvanatha'', le 23ème et avant-dernier ''Tîrthankara'', reconnaissable  aux [[serpents]] qui le protègent, au dessus de sa tête (sept serpents au minimum)]]
+
 
+
Les jaïns croient que la réalité est composée de deux principes éternels, ''jiva'' et ''ajiva''. Le ''jiva'' est constitué d'un nombre infini d'unités spirituelles identiques ; l'''ajiva'' (c'est-à-dire, « non-jiva ») ou ''pudgala'' est la matière dans toutes ses formes et les conditions sous lesquelles cette [[matière]] existe : [[temps]], [[espace]] et [[mouvement]].
+
 
+
Le ''jiva'' et le ''pudgala'' sont éternels ; ils ne sont pas venus à l'existence et ne cesseront jamais d'exister. Le monde entier est constitué des ''jivas'' emprisonnés dans de l'''ajiva'' ; il y a des ''jivas'' dans les roches, les plantes, les insectes, les animaux, les êtres humains, les esprits, etc.
+
 
+
Tout contact quelconque du ''jiva'' avec le ''pudgala'' engendre la souffrance. Ainsi les jaïns croient que l'existence en ce monde signifie inévitablement la souffrance. Ni la [[réforme]] sociale, ni la réforme des individus eux-mêmes ne peut jamais faire cesser la [[souffrance]]. Dans chaque être humain, un ''jiva'' est emprisonné, et ce ''jiva'' souffre en raison de son contact avec l'''ajiva''. La seule manière d'échapper à la douleur est pour le ''jiva'' de se libérer complètement de la condition humaine, de l'existence humaine.
+
 
+
Le ''karma'' et la transmigration des âmes maintiennent le ''jiva'' emprisonné dans l'''ajiva''. La libération de l'état humain est difficile. Les jaïns croient que le ''jiva'' continue à souffrir pendant toutes ses vies ou réincarnations, qui sont d'un [[nombre]] indéfini. Ils croient que chaque action effectuée par une personne, qu'elle soit bonne ou mauvaise, ouvre les canaux des sens ([[vue]], [[ouïe]], [[toucher]], [[goût]] et [[odorat]]), par lesquels une [[substance]] invisible, karma, s'infiltre à l'intérieur et adhère au ''jiva'', déterminant les conditions de la prochaine [[réincarnation]].
+
 
+
La conséquence des actions mauvaises est un karma lourd, qui tire le ''jiva'' vers le bas, l'entraînant vers une nouvelle vie à un bas niveau sur l'échelle de l'existence. La conséquence des bonnes actions, d'autre part, est un karma léger, qui permet au ''jiva'' de monter dans sa vie prochaine à un niveau plus élevé dans l'échelle de l'existence, là où il y a moins de souffrances à supporter. Cependant, les seules bonnes actions ne peuvent jamais mener à la libération.
+
 
+
La libération —ou ''moksha''— s'obtient par le retrait du monde. Le ''karma'' est le [[mécanisme]] de cause à effet en vertu duquel toutes les actions ont des conséquences auxquelles on ne peut se soustraire. Le ''karma'' a pour résultat de maintenir le ''jiva'' enchaîné dans une suite ininterrompue d'existences durant lesquelles ce ''jiva'' va souffrir jusqu'à un certain [[degré]]. Ainsi, la libération du [[cycle]] des renaissances implique une évasion du ''karma'', la destruction de tout le ''karma'' et l'évitement de la [[constitution]] d'un nouveau ''karma''.
+
 
+
Puis, au moment de la [[mort]], sans ''karma'' pour le tirer vers le bas, le ''jiva'' flottera, exempt de tout ''pudgala'', libéré de la condition humaine, exempt de toutes futures réincarnations. Il s'élèvera jusqu'au-dessus de l'univers dans un endroit ou un état appelé ''Siddhashila'', où le ''jiva'', identique à tous les autres ''jivas'' purs, éprouvera sa propre [[nature]] vraie dans un calme éternel, dans l'isolement et la non implication. Il sera alors totalement libre. La manière de consumer le vieux ''karma'' est donc de se retirer de toute participation au monde autant que faire se peut, et de fermer le canal des sens et de l'esprit pour empêcher la matière karmique d'entrer et d'adhérer au ''jiva''.
+
 
+
La [[société]] des jaïns est aussi duale que leur univers, où tout est néanmoins interdépendant. D'une part, il y a les moines qui pratiquent l'ascétisme et tâchent de faire de cette vie leur dernière. D'autre part, il y a les laïcs qui poursuivent des pratiques moins rigoureuses, mais toujours selon le même [[code]] moral commun avec les ascètes, s'efforçant de faire de bonnes actions et espérant une meilleure [[incarnation]] dans la vie suivante. Les règles de conduite jaïna ont été instituées de façon à ce que toute personne puisse les suivre. Celles des laïcs sont moins rigides que celles des ascètes, parce que les laïcs ne renoncent pas aux activités du monde. La modération est la règle pour le laïc jaïna en ce qui concerne l'observation des vœux, alors que c'est l'extrême rigueur qui est celle de l'ascète jaïna. La [[raison]] évidente de cette différence vient de ce que les laïcs doivent assurer leurs moyens d'existence et ''ceux des ascètes'', s'occuper de leur [[Famille parentale|famille]] et s'adapter aux conditions, sociales et politiques, de la société dans laquelle ils vivent. Les ascètes n'ont pas cette contrainte. Ils abandonnent tout, avec pour seul but celui de suivre la voie spirituelle. Ils peuvent observer les vœux complètement, car ils contrôlent totalement leurs sens et ils dominent leurs passions facilement, grâce aux enseignements religieux et à la discipline spirituelle. Néanmoins, en raison de l'éthique « stricte » consubstantielle au jaïnisme, les laïcs hommes et femmes choisissent souvent une [[profession]] et un mode de vie compatible avec leur foi, les métiers du [[commerce]], ou de l'[[enseignement]], étant ceux majoritairement choisis.
+
 
+
Dans leur effort d'atteindre leur but plus élevé, le retrait permanent du ''jiva'' de toute participation à l'existence matérielle, les jaïns croient qu'aucun esprit ou être divin ne peut les aider de quelque façon que ce soit. Les jaïns considèrent que les dieux et les esprits peuvent seulement influencer les événements de ce [[Monde (univers)|monde]]. Ils ne peuvent pas aider le ''jiva'' à obtenir la libération. Celle-ci ne peut être réalisée que par les propres efforts de chaque individu. En fait, les dieux ne peuvent eux-mêmes obtenir leur propre libération qu'à la condition d'avoir été réincarnés comme des personnes humaines et d'avoir subi la vie difficile d'un moine jaïn.
+
 
+
Le [[code]] moral du jaïnisme est considéré avec beaucoup de sérieux. Il est exprimé dans les cinq vœux suivants, qui sont suivis par les laïcs et les moines.
+
 
+
* '''Refus de la violence (''[[ahimsa]]''): LA NON-VIOLENCE'''.
+
::La [[violence]] est définie comme une atteinte à ce qui vit, par un manque de soin ou d'attention, mais son sens n'est pas limité à cela. Il est sûr que de blesser, d'attacher, de faire du mal, d'exploiter ceux qui travaillent, de surcharger, d'affamer ou de ne pas nourrir quand il le faut, constituent des formes de violence et, comme telles, doivent être bannies.
+
 
+
* '''Refus du mensonge (''satya''): LA FRANCHISE ou LA VÉRACITÉ'''.
+
::En termes simples, c'est dire des paroles qui font du tort, mais le sens est beaucoup plus large. Ainsi, les fausses doctrines, la révélation des secrets, la déformation d'autres, la médisance, la confection de faux documents, les manquements à la vérité, sont aussi considérés comme des mensonges et, par conséquent, on doit s'en abstenir. Toutefois il ne s'agit de l'«[[impératif catégorique]] » kantien, plutôt simpliste et dangereux, car au nom de la non-violence (pour protéger un voleur qui risque la peine de mort, pour éviter qu'un animal, un homme soit tué ou blessé par exemple), on peut « mentir » : « ''ahinsa parmo dharm'' », « la non-violence est la première des religions (des devoirs) » est une [[devise]] jaïna.
+
 
+
* '''Refus du vol (''asteya''): L'HONNÊTETÉ'''
+
::Voler, c'est prendre ce qui n'est pas donné, mais un sens large est attribué à ce mot. C'est pourquoi, la [[communication]] d'[[information]] sur la façon de commettre un [[vol]], l'acceptation de choses volées, le non-respect des injonctions légales en vendant des choses à un [[prix]] excessif, la falsification et la conservation de faux poids et de fausses mesures, sont tenus pour des formes de vol dont on doit se garder.
+
 
+
* '''Refus de l'impureté (''brahmacharya''): LA PURETÉ'''.
+
::Le manque de pureté est une faute qui peut prendre des formes diverses. Ainsi, la marieuse qui provoque des [[mariage]]s comme passe-temps, le jouisseur de plaisirs contre [[nature]], l'amateur de paroles voluptueuses, le coureur de femmes mariées, ou non mariées immorales, commettent cette faute qui doit être proscrite.
+
 
+
* '''Refus de l'attachement aux biens terrestres (''aparigrah''): LA NON-AVIDITÉ'''.
+
::L'attachement aux choses du monde (''parigraha'') consiste à désirer plus que ce dont on a besoin. Ainsi, l'accumulation de choses, même nécessaires, en grand nombre, l'émerveillement devant la richesse des autres, l'[[avidité]] excessive, la transgression des limites des possessions et l'augmentation de celles existantes sont des fautes à ne pas commettre.
+
 
+
On peut noter que le cinquième vœu est particulier, car il vise indirectement l'égalité [[économique]], en empêchant l'accumulation de richesses par les individus. En effet, dans ce vœu, il est prescrit au laïc de se fixer une limite maximum de biens et de ne la dépasser, sous aucun prétexte. S'il lui arrive de gagner plus que la limite qu'il s'est fixée, il lui est recommandé de le dépenser en actes charitables, dont les meilleures formes sont au nombre de quatre : le don de [[médicaments]], la diffusion de son savoir, la fourniture de moyens pour sauver la vie des personnes en danger et de nourriture à ceux qui ont faim ou qui sont pauvres.
+
 
+
Pour les laïcs, le [[Couple (sociologie)|couple]] jaïna qui pratique le vœu de chasteté absolu n'a pas besoin de se marier. Pour les moines, le vœu de pureté signifie le célibat absolu et l'absence de toute pratique sexuelle. La non-violence implique le [[végétarisme]], on se rappellera que certains jaïns sont connus pour s'être laissés mourir de faim afin d'éviter de nuire à quelque créature vivante que ce soit. Certains d'entre eux portent même un tissu par-dessus leur bouche et leur nez afin d'éviter le risque de tuer, en les respirant, des insectes minuscules. [[Mohandas Gandhi|Gandhi]] a été profondément influencé par la façon de vivre jaïn, paisible et respectueuse de la vie, et il en a fait une partie intégrante de sa propre [[philosophie]]. De plus, son premier maître spirituel (guru) fut un ascète jaïn, [[Shrimad Rajchandra]].
+
 
+
[[Image:Ranakpur.jpg|450px|Intérieur du temple de [[Ranakpur]]]]
+
 
+
== Les doctrines fondamentales du Jaïnisme ==
+
===''' La théorie du ''karma'' '''===
+
====''' L'importance de cette doctrine'''====
+
 
+
La doctrine du ''karma'' occupe une place dans le jaïnisme plus importante encore que dans les autres systèmes philosophiques indiens. La raison de cette très grande place vient du fait qu'elle fournit une explication rationnelle et satisfaisante aux phénomènes, apparemment inexplicables et injustifiables, de la [[naissance]] et de la [[mort]], du bonheur et du malheur, des inégalités dans les réalisations mentales et physiques, et de l'existence des différents êtres vivants.
+
 
+
Il n'est pas inutile de résumer ici ce que nous avons déjà dit, à savoir : chaque âme a une conscience douée des pouvoirs de perception et de connaissance, elle n'a pas de [[forme]], d'[[odeur]], de [[couleur]], de [[goût]], de [[son]], elle est l'auteur de toutes les actions, elle occupe tout le [[corps]] qui la renferme, elle subit la conséquence de ses actes, elle est située dans un [[univers]] changeant, elle a tendance à s'élever naturellement et elle est libre, enfin, dans son état de perfection.
+
 
+
Si telles sont les caractéristiques de l'âme, comment se fait-il qu'elle soit entraînée dans le cycle des naissances et des morts, dans celui de la souffrance, du bonheur et du malheur ? Comment se fait-il que, dans le monde, seules quelques âmes soient susceptibles de progresser, alors que les autres, enfermées dans les formes et dans les corps, sont aveugles sur leur [[nature]] ?
+
 
+
La réponse à ces énigmes se trouve dans la doctrine du ''karma'', qui explique que la matière karmique estompe les qualités naturelles de l'âme et paralyse, à des degrés divers, ses pouvoirs.
+
 
+
Le jaïnisme part du principe que l'âme est associée à du ''karma'', depuis toute éternité, et que la religion a pour rôle principal d'en stopper la pénétration, d'en éliminer la présence, de montrer la voie de la libération de l'âme et les méthodes grâce auxquelles elle peut parvenir à la perfection.
+
 
+
====''' La nature du ''karma'' '''====
+
 
+
Dans le langage courant, le ''karma'' signifie l'action, l'acte ou le [[travail]] ; parfois il qualifie les pratiques, de nature rituelle, prescrites par les écritures.
+
 
+
Dans la [[philosophie]] jaïna, le ''karma'' est une sorte de [[matière]], de ''pudgala''. Il est inerte, sans vie, très fin et très subtil. On ne peut le percevoir par aucun de nos sens, et il ne peut donc pas être vu par le microscope le plus sensible, même avec un grossissement maximum. Il déçoit par définition tout [[examen]], entre les mains du [[chimiste]] ou du [[physicien]], qui ne peuvent ni l'identifier, ni l'analyser. Et cependant, la matière karmique nous entoure de tous côtés, elle remplit tout l'[[espace]], toute l'[[Atmosphère (Terre)|atmosphère]]. C'est la cause principale qui permet à l'univers d'exister. Tout [[phénomène]], dans celui-ci, est la manifestation de l'énergie karmique.
+
 
+
====''' L'asservissement dû au ''karma'' '''====
+
 
+
Comme nous l'avons dit, le jaïnisme affirme, dans ses principes de base, que les âmes terrestres existent, depuis toujours, dans l'univers, associées à de la [[matière]]. Le caractère de ce lien est naturellement susceptible constamment et librement de changer, mais le fait et les conditions de l'[[asservissement]] de l'âme persistent, à travers toutes les modifications. Chaque modification entraîne un nouveau lien, et le [[cycle]] continue jusqu'à ce que celui-ci est arrêté, de façon à éviter tout nouveau contact.
+
 
+
Dans le processus d'asservissement, le contact se produit de la façon suivante :
+
 
+
* L'âme est enveloppée d'un volume important de fine matière karmique ;
+
 
+
* Les vibrations de l'âme, que l'on appelle ''yoga'', sont dues à l'activité de la pensée, de la parole et du corps. Elles sont ainsi le résultat de toutes sortes d'actions ;
+
 
+
* Quand l'âme essaye de faire quelque chose, instantanément les particules environnantes de matière s'y fixent, exactement comme les particules de poussière se collent à un corps barbouillé d'huile ;
+
 
+
* Comme l'[[eau]] dans le [[lait]], les particules de matière sont totalement assimilées par l'âme ;
+
 
+
* Cette [[assimilation]] persiste tout le long de la vie, et à travers les migrations de l'âme d'un corps à un autre, dans le processus des naissances et des morts ;
+
 
+
* Ce lien est réel, sinon, dans son état pur, l'âme flotterait au point le plus de l'Univers, comme c'est sa vocation naturelle ;
+
 
+
* Comme ce lien, ou cet asservissement, est opéré par les ''karma'', ou par l'activité de l'âme, la matière subtile qui s'associe à elle est appelée ''karma'' ;
+
 
+
* L'asservissement de l'âme aux ''karma'' a, sur elle, des effets certains, exactement comme la pilule d'un [[médicament]] qui, une fois introduite dans le corps, produit à l'intérieur de multiples effets ;
+
 
+
* L'asservissement aux ''karma'' obscurcit les qualités naturelles de l'âme, de la même façon que la lumière du soleil est obscurcie par d'épais nuages ou par une poussière aveuglante ;
+
 
+
* Le ''karma'' peut résulter (ou être la cause) des effets du mérite (« bonnes actions ») ou du démérite (« péchés »), selon que l'activité est vertueuse ou mauvaise. L'intention qui sous-entend une activité, et ses conséquences, sont toutes deux prises en compte, c'est pourquoi le mérite produit le bonheur, et le vice ou le péché produit le malheur, la peine, la [[maladie]] ;
+
 
+
* La [[matière]] karmique demeure associée à l'âme et l'asservit, dans le cycle des naissances et des morts sous forme de divinité (d'être céleste, dans le monde supérieur des cieux), d'être humain, d'être infernal (d'être diabolique, dans le monde inférieur des enfers), ou d'êtres sous humains (d'animal, de plante, dans le monde du milieu, de la terre, où vivent également les êtres humains).
+
 
+
====''' Les différentes sortes de ''karma'' '''====
+
 
+
Les ''karma'' se divisent en huit catégories et en 148 subdivisions, suivant la nature de la matière qui les composent. Les principaux sont :
+
 
+
* Le « ''karma'' qui obscurcit la connaissance parfaite de l'âme », et provoque, ainsi, les différents degrés de connaissance.
+
 
+
* Le « ''karma'' qui amoindrit la faculté de savoir de l'âme ».
+
 
+
* Le « ''karma'' de la sensibilité », qui produit le [[plaisir]] et la [[souffrance]] et qui influe sur la nature de l'âme.
+
 
+
* Le « ''karma'' qui trompe », qui fausse ainsi les attitudes correctes de l'âme en ce qui concerne la foi, la conduite, etc. et qui provoque les passions et une diversité d'états mentaux (les ''leshya'').
+
 
+
* Le « ''karma'' de l'[[âge]] », qui détermine la longueur de la vie d'un homme.
+
 
+
* Le « ''karma'' du [[corps]] », qui détermine tout ce qui est associé à la [[personnalité]] : la sorte de corps, de sens, de [[santé]], etc.
+
 
+
* Le « ''karma'' de la famille », qui est la cause de la parenté, du standing social, etc.
+
 
+
* Le « ''karma'' obstructif », qui fait obstacle à l'[[énergie]] naturelle de l'âme et qui l'empêche d'accomplir une action, bonne ou mauvaise, quand elle désire le faire.
+
 
+
Les ''karma'' sont de [[deux]] sortes : les destructeurs, qui ont un effet négatif direct sur les [[qualités]] de l'âme, et les non-destructeurs, qui déterminent l'état et les conditions particulières de l'existence terrestre.
+
 
+
Il y a [[quatre]] « ''karma'' destructeurs » et quatre '« 'karma'' non destructeurs ». Les « ''karmas'' destructeurs » sont : celui qui obscurcit la connaissance, celui qui amoindrit le savoir, celui qui trompe, et Le ''karma'' obstructif. Les ''karma'' non destructeurs sont ceux de la sensibilité, de l'[[âge]], du [[corps]] et de la famille.
+
 
+
====''' L'élimination des ''karma'' '''====
+
 
+
Comme la matière karmique présente dans l'âme est la cause des transmigrations, et les conditions particulières de l'existence terrestre, elle doit en être libérée. Pour cela, sa pénétration doit être stoppée en ne donnant cours qu'à des pensées et à des actions pures. De même, le stock de matière existant doit être enlevé, en pratiquant des austérités religieuses (le ''Sâmâyika'' -la méditation, l'équanimité- par exemple).
+
 
+
Lorsque les ''karma'' sont complètement éliminés, l'âme est libérée. Elle peut alors manifester toutes ses qualités potentielles. Une fois libre ou parfaite, elle est dotée de la perception infinie, de la connaissance infinie, du pouvoir infini, et du bonheur infini. Chaque être humain doit, par conséquent, avoir pour objectif de parvenir, par son travail et ses efforts, à l'état parfait naturel de l'âme.
+
 
+
La libération, nous l'avons dit, dépend entièrement et uniquement des efforts personnels. De même que les substances qui interagissent éternellement ne postulent pas de créateur, de même la loi inviolable du ''karma'' fait de l'homme le seul maître de son destin. Cette loi le dispense de la [[théorie]] des théistes, suivant laquelle une (ou plusieurs) divinité distribue aux hommes des récompenses ou des châtiments.
+
 
+
La doctrine du ''karma'' n'est pas fataliste. C'est celle de la [[cause]] et de l'effet. C'est la loi morale de la causalité, qui démontre que l'homme est l'auteur de son bonheur, par un comportement [[altruiste]], ou de son malheur, par un comportement [[égoïste]]. S'il est heureux ou malheureux, c'est la conséquence de ses actes, de ses paroles, et de ses pensées.
+
 
+
====''' Le caractère particulier de la doctrine du ''karma'' '''====
+
La doctrine du ''karma'' est la [[clef de voûte]] de l'idéologie jaïna. Elle explique les raisons cachées, les causes, qui produisent les effets, en affirmant que tout ce qui arrive est le résultat de raisons antérieures. L'âme, considérée comme l'[[auteur]] des diverses actions, est ainsi rendue responsable de toutes les différences dans la situation des gens. La responsabilité des conséquences des actions ne peut être changée, ni l'exemption de celle-ci accordée. L'âme subit les effets des ''karma'', dans cette vie ou dans ces vies ultérieures.
+
 
+
Il est clair, suivant cette doctrine, qu'il n'y a pas de salut tant que l'âme n'arrête pas la pénétration des ''karma'' et tant qu'elle ne se débarrasse pas de ceux qui existent, en agissant elle-même, par des efforts réfléchis, sans attendre l'aide d'un agent extérieur quelconque.
+
 
+
Il est inutile de demander la grâce de Dieu ou de son représentant, car le jaïnisme ne lui attribue pas le pouvoir de juger les conséquences des ''karma'' et ne lui confère pas celui de pardonner les effets des actions passées. Il n'y a pas, pour le jaïnisme, de destin ou de prédestination. C'est l'effet incessant de l'enregistrement de nos différents comptes, que nous conservons avec la force de la vie. Les ''karma'' entraînent l'âme dans les différentes formes d'existence, jusqu'à leur élimination complète.
+
 
+
Cette doctrine est un élément original, constitutif du [[système]] religieux jaïna. Comme elle met l'accent sur l'action individuelle uniquement, et comme elle réfute totalement l'existence d'un [[décret]] divin, il est clair que la morale et l'ascétisme des jaïns en sont les conséquences logiques.
+
 
+
===''' La théorie du ''nayavâda'' '''===
+
 
+
[[Image:Ranakpur1.jpg|thumb|right|450px|Vue latérale du temple de Ranakpur]]
+
 
+
====''' La signification du mot ''naya'' '''====
+
 
+
La [[philosophie]] jaïna considère que l'[[objet]] de la connaissance est d'une énorme complexité. En effet, il est constitué de [[substances]], de [[qualités]], de modifications, il s'étend sur le passé, le présent et l'avenir, il couvre un [[espace]] infini et il est simultanément sujet à apparition, à destruction et à permanence.
+
 
+
Il est évident qu'un tel objet ne peut être totalement appréhendé que dans l'omniscience, et que celle-ci n'existe pas, dans le cas des êtres terrestres, qui perçoivent avec leurs organes des sens. Ces organes sont des moyens indirects de connaissance, et tout ce qu'ils appréhendent est partiel, comme l'est la perception proverbiale d'un [[éléphant]] par [[sept]] aveugles : chacun touche une partie de l'animal et en conclut qu'il ressemble à un rondin de bois, en touchant sa [[jambe]], à un [[éventail]], en touchant son [[oreille]], à un [[mur]], en touchant son flanc, etc.
+
 
+
Au vu de cela, nous nous rendons compte que l'être humain ordinaire ne peut aller au-delà des limites de ses sens, que son appréhension de la réalité et partielle et n'est valable que d'un point de vue particulier, connu sous le nom de ''naya''.
+
 
+
En d'autres termes, pour le jaïnisme, la réalité est un complexe, non seulement en ce sens qu'elle constitue une pluralité (''aneka''), mais encore du fait qu'elle est l'objet de points de vue multiples (''anekânta''). C'est pourquoi, il estime que la réalité peut être perçue sous des angles différents.
+
 
+
L'essai pour appréhender une chose, d'un point de vue particulier, est appelé ''naya'' et le [[système]] de description de la réalité, à partir de différents points de vue, se nomme ''nayavâda'', ou doctrine des ''naya''. Celle-ci est basée sur le fait que le jaïnisme considère toutes les choses comme ''anekânta'' ou multiples. En d'autres termes, la réalité n'est appréhendée que sous certaines réserves.
+
 
+
On peut donc définir le mot ''naya'' comme une opinion particulière, conçue avec un point de vue qui ne doit pas exclure les autres et qui, par conséquent, n'est que l'[[expression]] d'une vérité partielle sur un [[objet]], conçue par un agent de connaissance.
+
 
+
====''' La classification des ''naya'' '''====
+
 
+
Comme les ''naya'' sont des façons d'exprimer les choses, il peut y en avoir un certain [[nombre]] pour décrire la réalité.
+
 
+
On peut, tout d'abord, citer le point de vue modal et le point de vue substantiel. Par exemple : quand on  décrit divers ornements en or, du point de vue des modifications de l'[[or]], on parle du point de vue modal (''paryâra-naya''). Quand les ornements en or sont décrits du point de vue de sa [[substance]], c'est-à-dire de l'or et de ses différentes [[qualités]], on parle du point de vue substantiel (''dravya-naya'').
+
 
+
On peut aussi parler du point de vue pratique ou du point de vue réaliste, notamment dans les discussions spirituelles. Quand il s'agit du point de vue pratique, ou de bon sens, on parle de ''vyavahâra-naya'', alors que, lorsqu'il s'agit du point de vue pur, ou réaliste, on parle de ''nishchaya-naya''.
+
 
+
Comme le ''naya'' est le moyen capable de constater vraiment une des caractéristiques d'un objet (sans contradiction), d'un point de vue particulier, les philosophes jaïna ont défini sept ''naya'', qui sont :
+
 
+
* le point de vue universel-particulier, ou téléologique (''naigama naya''),
+
 
+
* le point de vue de classe (''sangraha naya''),
+
 
+
* le point de vue particulier (''vyavahâra naya''),
+
 
+
* le point de vue momentané (''rijusûtra naya''),
+
 
+
* le point de vue synonyme (''shabda naya''),
+
 
+
* le point de vue étymologique (''samabhirûdha naya''), et
+
 
+
* le point de vue approché (''evambhûta naya'').
+
 
+
Ils disent aussi que ces [[sept]] ''naya'' peuvent être considérés comme des subdivisions des points de vue modaux et des points de vue substantiels. Ainsi, les [[trois]] premiers sont des subdivisions des points de vue modaux, car ils concernent des objets, et les quatre autres des points de vue substantiels, car ils concernent des substances.
+
 
+
De même, les quatre premiers, dans la mesure où ils concernent des objets de connaissance, sont des ''artha naya'', tandis que les autres, se rapportant aux mots et à leurs significations sont des ''shabda naya''.
+
 
+
Chacun de ses ''naya'' a une centaine de subdivisions. Sous cet angle, il y en a sept cents.
+
 
+
Suivant d'autres théories, il n'y a que [[six]] ''naya'', soit les sept mentionnés plus haut, moins le premier, ou seulement cinq ''naya'', les deux derniers étant inclus dans le cinquième.
+
 
+
====''' L'importance de cette doctrine'''====
+
 
+
La doctrine de l'appréhension partielle de la réalité constitue une mise en garde des philosophes qui affirment que leur système est unique et qu'il permet de tout comprendre. Elle ouvre la voie de la réconciliation des points de vue opposés et de leur harmonisation, en prenant en compte la relativité des différents aspects de la [[réalité]]. Il convient, toutefois, de faire remarquer que, bien que les ''naya'' ne révèlent que certains aspects de la réalité, il ne saurait y avoir d'erreur absolue. Comme une chose comprend d'innombrables constituants, il peut exister d'innombrables ''naya'' et ceux-ci peuvent être classés en différentes catégories. Du fait que ''naya'' est défini, par le saint ''Achârya'' Akalanka, philosophe renommé (en [[Inde]], on refuse de faire la distinction entre un « saint » et un « philosophe »), comme « ''nayo jnâtur abhiprâyah'' », c'est-à-dire : un « jugement particulier de la part d'un connaisseur », il est absolument nécessaire de faire une [[synthèse]] des différents points de vue, chacun gardant une valeur relative (lire la citation de Gandhijî dans les 18 sources de péchés : la querelle). Cela se vérifie par la doctrine du ''syâdvâda''.
+
 
+
===''' La théorie du ''syâdvâda'' '''===
+
==== ''' Le terme ''syâdvâda'' '''====
+
 
+
La doctrine précédente fournit l'ossature de celle du ''syâdvâda'', en disant clairement que la réalité peut être considérée de nombreux points de vue différents, et qu'aucun ne doit être déclaré seul valable.
+
 
+
Le but de la recherche philosophique étant d'appréhender la réalité, les philosophes jaïna estiment que cette appréhension ne peut être faite en formulant uniquement des déclarations simplistes et catégoriques. La [[réalité]] étant complexe, aucune affirmation simple ne peut l'exprimer totalement, c'est la raison pour laquelle le mot ''syat'', qui signifie « peut-être », « par certains côtés », est ajoutée, par les philosophes jaïna, aux différentes affirmations la concernant.
+
 
+
Ces philosophes formulent [[sept]] propositions, sans la moindre affirmation absolue que ce soit, concernant la réalité, en les faisant précéder toutes du mot ''syat''. Cela veut dire qu'une affirmation est toujours nuancée, qu'elle est relative, approchée, d'un certain point de vue, sous certaines réserves, et qu'elle ne saurait, en aucune façon, être considérée comme catégorique.
+
 
+
====''' La signification du ''syâdvâda'' '''====
+
 
+
Ce n'est pas suffisant que les nombreux problèmes concernant la réalité ne soient compris que de points de vue différents, il faut encore que l'on puisse exprimer, de façon correcte, ce que l'on sait. Cette nécessité est satisfaite par la doctrine du ''syâdvâda'' ou de l' ''anekântavâda'' c'est-à-dire : de l'affirmation nuancée.
+
 
+
L'[[objet]] de connaissance étant d'une vaste complexité et recouvrant une infinité d'aspects, la pensée humaine, de son côté, ayant ses imperfections pour exprimer l'ensemble de ce qu'elle expérimente, toutes nos affirmations sont vraies, mais de façon conditionnelle et relative. Donc, tout énoncé doit être accompagné du mot ''syat'', c'est-à-dire : « par certains côtés », « d'une certaine façon », « dans un sens », afin d'insister sur son caractère conditionnel et relatif.
+
 
+
===='''Les énoncés du ''syâdvâda'' '''====
+
 
+
Ainsi, lorsque l'on décrit une chose, on peut faire, sur la base du ''syâdvâda'' ou de l'''anekântavâda'', sept affirmations ou propositions ou énoncés, qui paraissent contradictoires, mais qui sont parfaitement vraies. On peut ainsi dire :
+
 
+
*« par certains côtés, c'est » (''syâd-asti''),
+
*« par certains côtés, ce n'est pas » (''syâd-nâsti''),
+
*« par certains côtés, c'est et ce n'est pas » (''syâd-asti-nâsti''),
+
*« par certains côtés, c'est indescriptible » (''syâd-avaktavya''),
+
*« par certains côtés, c'est et c'est indescriptible » (''syâd-asti-avaktavya''),
+
*« par certains côtés, ce n'est pas et c'est indescriptible » (''syâd-nâsti avaktavya''),
+
*« par certains côtés, c'est et ce n'est pas, et c'est indescriptible » (''syâd-asti-nâsti avaktavya'').
+
 
+
Ces diverses propositions peuvent être comprises au moyen d'un exemple : un [[homme]] est le père, n'est pas le père, et est les deux, sont des énoncés parfaitement intelligibles, si l'on comprend le point de vue à partir duquel ils sont exprimés. Par rapport à un certain garçon, cet [[homme]] est le père, par rapport à un autre il n'est pas le père, et par rapport aux deux, pris ensemble, il est le père et il n'est pas le père. Comme les deux idées ne peuvent s'exprimer par des mots en même temps, on peut dire qu'il est indescriptible, etc.
+
 
+
Ces [[sept]] propositions peuvent être exprimées à propos de l'éternité, de la non-éternité, de l'identité et de la différence, etc. de n'importe quel [[objet]]. Les philosophes jaïna estiment que ces sept façons d'affirmer donnent ensemble, une description adéquate de la réalité.
+
 
+
Il est évident que la [[combinaison]] des points de vue ne peuvent aller au delà de [[sept]], car la réalité permet sept énoncés, pas plus. La raison pour laquelle ce [[nombre]] n'est jamais supérieur ou inférieur à sept, c'est que l'on pense que toute situation complexe peut être traitée par cette septuple [[technique]], si l'on sait bien l'utiliser. Tout essai en vue d'ajouter un énoncé, ou d'en retrancher un, est impossible, car un ajout se trouve déjà dans les sept, et une suppression tronque la limite des combinaisons possibles.
+
 
+
Ainsi, la doctrine du ''syâdvâda'' ou de l'''anekântavâda'', avec ses sept propositions, n'est, en elle-même, ni contradictoire, ni vague, ni indéfinie ; au contraire, elle donne une vue très précise des choses, de façon systématique.
+
 
+
Cette doctrine est aussi appelée la doctrine des septuples affirmations (''sapta-bhangî'') parce que, lorsque l'on décrit une chose, ces sept façons de s'exprimer peuvent être utilisées.
+
 
+
===='''Le ''syâdvâda'' et le ''nayavâda'' '''====
+
 
+
Il ressort des exposés précédents que le ''syâdvâda'' complète le ''nayavâda''. Alors que, dans le ''nayavâda'', l'accent est mis sur l'approche [[analytique]] de la [[réalité]], en disant que différents aspects de celle-ci peuvent être pris en compte, dans le ''syâdvâda'' il est mis sur l'approche [[synthétique]], en disant que les différents points de vue, pris ensemble, nous aident à la comprendre. Comme l'[[analyse]] et la [[synthèse]] ne sont pas sans liens entres elles, nous trouvons des éléments de [[synthèse]] même dans une approche analytique, et des éléments d'[[analyse]] même dans une vue synthétique de la [[réalité]].
+
 
+
Ainsi, on voit dans le ''nayavâda'' qu'en suraccentuant un point de vue on aboutit à un [[raisonnement]] qui est faux, que des points de vue différents ont une valeur, que chacun est un reflet de la [[réalité]] et, par conséquent, que ce n'est qu'ensemble qu'ils peuvent donner une idée étendue de celle-ci. De même, dans le ''syâdvâda'', le caractère méthodique des façons de s'exprimer est mis en valeur par la compréhension claire que plusieurs affirmations ont, chacune, quelque chose à communiquer de la [[réalité]].
+
 
+
====''' L'importance du ''syâdvâda'' '''====
+
 
+
De cet exposé, on voit que le ''syâdvâda'' vise à coordonner, à harmoniser et à synthétiser les points de vue individuels dans un [[énoncé]] d'ensemble. Comme la [[musique]], il mêle des notes discordantes pour réaliser l'[[harmonie]].
+
 
+
Cette doctrine n'a pas un simple intérêt spéculatif, elle a pour but de résoudre les problèmes ontologiques et elle a une influence sur la vie psychologique et spirituelle de l'homme. Elle donne au [[philosophe]] un « cosmopolisme » de pensée, en le convainquant que la vérité n'est le [[monopole]] de personne. Elle vise à abattre les barrières des religions sectaires et à répandre l'esprit de [[tolérance]] (« La tolérance. Je n'aime pas ce mot mais je n'en trouve pas de meilleur », le [[Mahâtmâ Gandhî]]) qui va parfaitement de pair avec l'''ahimsâ'' (la non-violence) que le jaïnisme prêche, depuis plus de trois mille ans.
+
 
+
La quintessence de cette doctrine, fort éloignée de la [[terminologie]] scolastique, c'est qu'en [[matière]] d'[[expérience]] il est impossible de formuler la vérité totale, et qu'en [[matière]] de transcendance de l'[[expérience]] le [[langage]] est insuffisant.
+
 
+
On remarquera qu'en plus du mal que les philosophes jaïna se sont donnés pour décrire la réalité, leur doctrine du ''syâdvâda'' fait ressortir l'étendue de leur [[étude]] de ce problème.
+
 
+
== La voie du Salut du jaïnisme ==
+
 
+
[[Image:Ranakpur3.jpg|thumb|500px|L'entrée du temple de Ranakpur]]
+
 
+
===''' La triple voie'''===
+
 
+
À partir des éléments de base de la [[philosophie]] jaïna, on voit bien que les pouvoirs de l'âme sont paralysés, du fait de son association à la [[matière]] karmique, et que c'est la raison pour laquelle l'[[homme]] ne se trouve pas dans un état de perfection. Il en ressort, par conséquent, que pour que le bonheur parfait et éternel soit atteint, il faut libérer totalement l'âme des ''karma''.
+
 
+
Le jaïnisme pense que l'[[homme]] peut parvenir, bien qu'imparfait, à délivrer son âme, grâce à ses efforts personnels, sans l'aide d'un agent extérieur, et que le plus grand bonheur, pour lui, consiste à s'affranchir définitivement du [[cycle]] des naissances et des morts et à obtenir le salut (« Par la croyance à la transmigrations des âmes, la religion jaïna, de même que la plupart des autres religions orientales, est moins rigoureuse que le catholicisme, par exemple, qui fait craindre la damnation éternelle à l'issue d'une seule vie terrestre ». Pierre Amiel<ref> dans ''le Jaïnisme'' de ''Vilas Sangave''</ref>).
+
 
+
Pour rompre les attaches avec ce monde, plein de tristesse et de douleur, et pour parvenir au bonheur transcendantal, il faut une [[Méthode de travail|méthode]] sûre. À la question ainsi posée, la religion jaïna apporte une réponse précise.
+
 
+
Le texte le plus sacré des jaïns, le ''Tattvârtha-dhigama-sûtra'', dit, sous forme d'aphorisme, dans sa première règle: « La Foi Juste, la Connaissance Juste et la Conduite Juste constituent, ensemble, la Voie du Salut ».
+
 
+
La Foi juste (''samyag-darshana''), la Connaissance juste (''samyag-jnâna'') et la Conduite juste (''samyak-châritra'') sont appelées les « Trois Joyaux », dans les écritures jaïna.
+
 
+
Ces « Trois Joyaux » (''ratna traya'') ne sont pas considérés séparément comme trois voies différentes, mais comme en formant ensemble une seule. C'est la raison pour laquelle les jaïns assurent avec vigueur que les [[trois]] doivent être réalisées, pour parvenir au salut (''moksha'').
+
 
+
Cette ferme conviction provient de ce que leurs écritures insistent beaucoup pour que les [[trois]] voies soient suivies simultanément.
+
 
+
Il est un fait certain que, pour soigner une [[maladie]], la foi dans l'efficacité du remède, la connaissance de son utilisation et sa prise régulière sont, toutes les [[trois]], essentielles. De même, pour obtenir le salut (l'émancipation, la libération de l'âme), la foi dans l'efficacité du jaïnisme, sa connaissance, et sa pratique régulière, sont absolument indispensables.
+
 
+
La voie du salut est comparée, dans la [[littérature]] jaïna, à une [[échelle]], avec ses deux montants latéraux et ses traverses centrales formant les échelons. Les deux montants, ce sont la Foi juste et la Connaissance juste, les échelons, ce sont les étapes graduelles de la Conduite juste. Il est évident que l'on peut monter l'échelle que si les deux montants et les échelons sont solides. L'absence de l'un d'eux rend la montée impossible.
+
 
+
Ainsi, la pratique simultanée de ces « Trois Joyaux » est nécessaire, et indispensable, pour suivre la voie du salut. Le [[code]] moral jaïna, prescrit à la fois pour les laïques et pour les ascètes, est basé sur cette triple voie de la libération. Il est donc indispensable d'étudier les principales caractéristiques de ces [[trois]] éléments fondamentaux.
+
 
+
===''' La Foi juste'''===
+
 
+
[[Image:Jain_Temple_Cleaner_0009_tiny.jpg|thumb|right|300px|Un Jaïn au temple de Ranakpur face à une statue de « Tîrthankara »]]
+
 
+
====''' Ce que signifie la Foi juste'''====
+
 
+
Il est clair que, des « Trois Joyaux » mentionnées plus haut, la Foi juste arrive en tête et qu'elle forme la base sur laquelle les [[deux]] autres reposent. Donc, il faut absolument avoir, par tous les moyens et en premier lieu, la vrai Foi, c'est-à-dire la conviction de la justesse des principes fondamentaux du jaïnisme, parce que ce n'est qu'en ayant une telle Foi que la Connaissance et la Conduite deviennent, elles-mêmes, justes.
+
 
+
Le terme de « Foi juste » a été défini par l'''Âchârya Umâswâmi'', dans le ''Tattvârthâ-dhigama-sûtra'', comme suit : « La Foi juste c'est la Foi dans la vraie nature des substances ». En d'autres termes, avoir la Foi juste cela signifie avoir la véritable et ferme conviction de la justesse des réalités du jaïnisme, telles qu'elles sont, sans notions fausses.
+
 
+
La Foi juste doit aussi remplir [[huit]] conditions essentielles, être exempte de [[trois]] sortes de croyances superstitieuses et de huit sortes d'orgueils et d'arrogances.
+
 
+
====''' Les conditions requises par la Foi juste'''====
+
 
+
Les écritures sacrées des jaïns affirment que la Foi juste se caractérise par huit conditions essentielles qui font son excellence. Ces conditions (''anga'') sont les suivantes :
+
 
+
* ne pas douter de la vérité et de la validité des principes du jaïnisme (''nihshankita-anga'') ;
+
 
+
* ne pas aimer ou désirer ou manifester de l'attrait pour les jouissances terrestres (''nihkânksita-anga''), puisque tout est impermanent ;
+
 
+
* refuser une attitude de dédain vis-à-vis de son [[corps]], bien qu'il soit plein d'impuretés, et considérer qu'il peut être purifié par les « Trois Joyaux » (''nirvichikitsita-anga'') ;
+
 
+
* être exempt de perversité, et n'avoir pas de penchant pour la voie mauvaise (''amûdhadRsti-anga'') ;
+
 
+
* entretenir l'excellence spirituelle, et en sauvegarder le [[prestige]], quand on voit qu'elle peut être amoindrie par la [[folie]] et les imperfections des autres. Faire l'éloge de ceux qui sont pieux et ne pas se moquer de ceux qui peuvent être hésitants dans leur recherche religieuse (''upagûhana-anga'') ;
+
 
+
* soutenir ceux qui ont des convictions justes et ramener les autres sur la bonne voie, en leur prêchant ou en leur rappelant les vérités religieuses, chaque fois qu'ils s'en égarent (''sthitikarana-anga'') ;
+
 
+
* avoir une considération aimante pour les personnes pieuses, de l'[[affection]] envers ceux qui pratiquent la même [[religion]], du respect et de la dévotion pour ceux qui sont avancés sur la voie spirituelle, en les recevant avec courtoisie et en veillant à leur bien-être (''vâtsalya-anga'') ;
+
 
+
* enfin, s'efforcer de démontrer et de propager la grandeur des écritures et des principes jaïna, faire perdre les mauvaises habitudes aux gens et les détourner des mauvaises croyances, en leur prouvant l'importance de la vraie [[religion]], en exerçant des fonctions religieuses et en pratiquant des œuvres charitables (''prabhâvanâ-anga'').
+
 
+
====''' Le rejet des superstitions'''====
+
 
+
Les écritures jaïna exigent que la Foi juste soit exempte des [[trois]] sortes de [[superstitions]] (''mûdhatâ'') suivantes :
+
 
+
* la [[croyance]] à la fausse sainteté (''loka-mûdhatâ''). Cela concerne les bains dans certaines rivières, le fait de se jeter du haut des pics des montagnes, ou d'entrer dans le [[feu]] en pensant acquérir ainsi du mérite pour soi, ou pour ses proches. Ces trois pratiques sont considérées comme des actes pieux par certains adeptes de l'[[hindouisme]] ;
+
 
+
* la croyance à de faux dieux (''deva-mûdhatâ''). C'est, par exemple : reconnaître l'efficacité de dieux et de déesses de villages, crédités de certains pouvoirs, et essayer de les rendre favorables, ou obliger les fidèles à les prier pour obtenir d'eux des bienfaits ;
+
 
+
* la considération et la confiance vis-à-vis d'ascètes douteux (''pâkhandi-mûdhatâ''), en estimant que leur [[enseignement]] est une [[évangile]] de vérité, en les accueillant et en les respectant, dans l'espoir d'obtenir d'eux certaines faveurs, par le canal de leurs pouvoirs magiques et mystérieux, exercés dans leur intérêt personnel ou pour montrer leur talent.
+
 
+
Ainsi l'âme doit se débarrasser des [[superstitions]] et des doutes, afin que le terrain soit totalement propice à la [[croissance]] et au [[développement]] de la Foi juste.
+
 
+
====''' L'absence d'orgueil'''====
+
 
+
En plus du rejet de [[trois]] sortes de [[superstitions]], l'âme doit être exempte de [[huit]] sortes d'orgueils (''mada'') : de son savoir (''jnâna''), de son [[culte]] (''pûjâ''), de sa famille (''kula''), de sa classe et de ses relations familiales (''jâti''), de son pouvoir ou de sa force (''bala''), de sa richesse, de ses biens, de ses réalisations (''riddhi''), de ses pénitences ou de ses austérités religieuses (''tapa''), de son [[corps]], de sa personne, de sa beauté ou de son apparence (''vapus'').
+
 
+
Il est évident que ces sortes d'orgueils sont susceptibles de troubler l'[[équilibre]] de l'[[esprit]] et de créer des sympathies ou des antipathies pour des gens ou pour des choses. Dans ce cas, le discernement risque d'être faussé ou perverti. Evidemment, tout [[sentiment]] d'orgueil, dans les domaines cités, peut fausser la vision des choses, aussi est-il nécessaire, pour permettre de posséder la Foi juste, qu'il soit effacé.
+
 
+
====''' La splendeur de la Foi juste'''====
+
 
+
Les textes sacrés jaïna décrivent longuement la splendeur de la Foi juste et énumèrent les bienfaits que peut recevoir une personne qui la possède. Ils vont jusqu'à dire que l'ascétisme sans la Foi est inférieur à la Foi sans l'ascétisme et, même, que quelqu'un de condition modeste qui possède la Foi juste peut être considéré comme le plus capable d'élévation morale.
+
 
+
Bref, la Foi juste bénéficie d'une prééminence sur la Connaissance et la Conduite justes, car elle agit comme un pilote qui guide l'âme vers le salut. Il ne peut y avoir d'essor, de stabilité, de [[croissance]], et d'épanouissement de la connaissance et du caractère, s'ils ne sont pas basés sur la Foi juste, sur la Croyance juste.
+
 
+
===''' La Connaissance juste'''===
+
====''' Le rapport entre la Foi juste et la Connaissance juste'''====
+
 
+
Après avoir accédé à la Foi juste, il est souhaitable d'acquérir la Connaissance juste. Pour ce qui est de leur rapport, il est dit spécifiquement que, bien que les deux aillent de pair, il y a une étroite relation de cause à effet entre elles, exactement comme entre la [[lampe]] et sa [[lumière]]. Certes, la lampe et la lumière vont ensemble, mais si la lampe précède la lumière, on ne peut pas dire que l'inverse soit possible. De la même manière, il existe une relation de [[cause]] à effet entre la Foi juste et la Connaissance juste, mais, bien qu'elles soient simultanées, la Connaissance juste ne peut pas précéder la Foi juste. De ce point de vue, la Connaissance juste est appelée l'effet, et la Foi juste la [[cause]].
+
 
+
====''' La nature de la Connaissance juste'''====
+
 
+
La Connaissance juste est décrite, dans les écritures jaïna, comme étant celle « qui montre la [[nature]] des choses, non de façon insuffisante, exagérée ou fausse, mais telle qu'elle est exactement ». Il est dit aussi qu'elle « consiste dans la compréhension totale de la [[nature]] véritable de l'âme et de la [[matière]], et qu'elle doit être exempte de doute (''samshaya''), d'erreur (''vimoha''), et d'imprécision ou d'indétermination (''vibhrama'') ».
+
 
+
Les écritures jaïna déclarent toujours que la connaissance est parfaite quand elle ne pâtit pas d'une [[croyance]] fausse (''mithyâtva''). Cette dernière est l'ennemie de la Connaissance juste, car elle pervertit, à la fois, la compréhension et la façon de voir. C'est la [[raison]] pour laquelle tous les penseurs jaïna insistent tant sur l'élimination de l'esprit de la foi erronée. La [[croyance]] fausse rappelle, un peu, l'ignorance (''avidyâ'') du ''[[Vedânta]]'', le manque de discrimination (''aviveka'') du ''Samkhya'', et l'illusion (''mâyâ'') des systèmes philosophiques bouddhiques.
+
 
+
====''' Les différentes sortes de connaissances'''====
+
 
+
On peut distinguer [[cinq]] sortes de connaissances, suivant les moyens de les acquérir :
+
 
+
* la connaissance sensible. C'est la connaissance du soi et du non-soi. Elle s'acquiert par le canal des [[cinq]] sens et de l'esprit. Elle se limite évidemment aux choses qui existent ;
+
 
+
* la connaissance de la tradition. C'est la connaissance acquise par la [[lecture]] et l'[[audition]] des écritures. À la différence de la précédente, elle comprend tous les sujets, du passé, du présent, et du futur, contenus dans les écritures ;
+
 
+
* la connaissance clairvoyante. C'est celle des choses à distance du [[temps]] ou de lieu. Elle peut être acquise par les ascètes qui sont parvenus à la pureté de leur pensée, et qui en ont développé ses capacités par les austérités. Elle caractérise aussi les habitants des cieux et des enfers ;
+
 
+
* la connaissance intuitive. C'est la connaissance directe des pensées et des sentiments des autres. On peut l'obtenir par la maîtrise de soi ;
+
 
+
*  la connaissance parfaite ou omniscience. C'est celle qui est totale, parfaite, sans limite de [[temps]] et de lieu. C'est la caractéristique de l'âme dans son état de pureté absolue, qui entraîne l'état de ''Tîrthankara'' ou d'âme parfaite.
+
 
+
====''' Les exigences de la Connaissance juste'''====
+
 
+
Comme la Foi juste, la Connaissance juste a [[huit]] exigences, ou piliers, que constituent :
+
 
+
* l'usage correct des mots. Pour cela, la [[lecture]], l'[[écriture]] et la prononciation de chaque [[Lettre (typographie)|lettre]], de chaque [[mot]], doivent être effectuées correctement, et l'étude des livres accomplie avec soin et avec foi ;
+
 
+
* la signification. La [[lecture]] doit être faite dans le but de comprendre le sens et la signification des mots, des phrases, du texte ; une [[lecture]] machinale, sans compréhension, ne sert à rien ;
+
 
+
* le sérieux. C'est la combinaison des deux éléments précédents car, ensemble, ils complètent le processus et la portée de la [[lecture]], c'est-à-dire qu'une simple [[lecture]] superficielle est insuffisante ;
+
 
+
* le respect. Il est indispensable d'avoir du respect pour les écritures, afin d'accroître la dévotion pour l'[[étude]] ;
+
 
+
* la justesse. On doit s'efforcer de comprendre les expressions difficiles et les idées peu faciles à expliquer, afin de ne pas en tirer des conclusions inexactes, susceptibles de provoquer une conduite mauvaise ;
+
 
+
* le zèle. Le zèle est essentiel dans la maîtrise d'un [[sujet]], pour soutenir l'intérêt et la continuité de l'[[étude]] ;
+
 
+
* l'ouverture d'esprit. On doit avoir une attitude ouverte, afin que des considérations mesquines ne privent pas de la totalité de la connaissance ;
+
 
+
* l'observation du [[temps]] opportun. Cela signifie qu'il faut éviter, pour l'[[étude]], les moments qui ne conviennent pas, et que ceux choisis à cette fin doivent être calmes, exempts de troubles, de tracas et d'anxiétés.
+
 
+
En résumé, la Connaissance juste peut être acquise par la [[lecture]], et par l'[[audition]] des écritures avec dévotion, avec zèle, avec respect, avec sérieux, avec la compréhension exacte de leur sens, au moment opportun, et avec l'ouverture d'esprit qui convient.
+
 
+
Pour conclure, on peut dire que la Foi juste et la connaissance juste sont étroitement associées, comme la lampe et sa lumière. Bien que la [[lampe]] et la [[lumière]] aillent ensemble, il faut avoir une lampe, de l'[[huile]], et une mèche pour l'allumer. De même, pour avoir la Connaissance juste, il faut une immense piété et un  urgent désir de connaître - l'huile, il faut aussi les sources de connaissance - les écritures, il faut également les exposés des précepteurs et des saints - la mèche, il faut enfin, la recherche et l'étude dévotes - l'allumage de la lampe ; alors seulement il peut y avoir la lumière, la connaissance.
+
 
+
===''' La Conduite juste'''===
+
[[Image:RanakpurTemple2.jpg|thumb|250px|right|Une famille au temple jaïna de [[Ranakpur]]]]
+
Après la Foi et la Connaissance justes, le troisième moyen indispensable pour parvenir au salut, c'est la Conduite juste. Une très grande place est donnée à cette dernière, par le jaïnisme.
+
 
+
La Foi et la Connaissance justes délivrent l'être [[humain]] de l'erreur, et elles lui apprennent les principes fondamentaux qui l'éclairent sur ce qui est digne de réalisation et sur ce à quoi il faut renoncer. Elles l'amènent à la Conduite juste, qui est le constituant et le couronnement de la voie pour parvenir au salut. C'est la raison pour laquelle une conduite qui est en infraction avec la Foi et la Connaissance justes est considérée comme mauvaise.
+
 
+
Ainsi, la Conduite ne devient parfaite que si elle est en [[harmonie]] avec la Foi et la Connaissance justes. De ce fait, dans le processus de réalisation de soi, ce n'est que lorsque la Connaissance juste, fondée sur la Foi juste, se traduit en une discipline pratique et spirituelle, que la voie de la libération de l'âme du [[cycle]] des naissances et des morts devient facile. C'est la raison pour laquelle les écritures jaïna prescrivent, à ceux qui ont la Foi et la Connaissance justes, d'observer les règles de la Conduite juste. Ce n'est, en effet, que par la pratique de cette Conduite que la [[matière]] karmique associée à l'âme peut être éliminée.
+
 
+
Une telle Conduite comporte des règles de discipline qui réfrènent les mouvements censurables de la [[pensée]], de la [[parole]] et du [[corps]], qui affaiblissent et suppriment les activités passionnelles et qui conduisent au détachement et à la pureté.
+
 
+
Il y a [[deux]] sortes de Conduites justes, suivant le [[degré]] d'intensité de leur pratique réelle, à savoir : la conduite partielle, imparfaite, avec des réserves, et la conduite complète, parfaite, sans réserve.
+
 
+
La première implique une pratique avec un degré [[croissant]] de diligence, de sévérité et de pureté, la seconde une pratique de toutes les règles avec une rigueur et un degré de spiritualité très élevés.
+
 
+
La pratique partielle de la Conduite juste est celle qu'observent les laïques, qui restent empêtrés dans le [[Monde (univers)|monde]]. On l'appelle aussi la conduite des laïcs (''shrâvaka-dharma''),
+
 
+
La conduite sans réserves est celle observée par les ascètes, par ceux qui ont renoncé aux attaches terrestres. On l'appelle aussi la conduite des ascètes (''muni-dharma''),
+
 
+
Les nombreuses règles de conduite, prescrites pour les laïcs et pour les ascètes, constituent la [[morale]] jaïna. Ces règles sont exposées dans la section suivante.
+
 
+
== La morale jaïna ==
+
===''' Les prescriptions du code moral'''===
+
 
+
Les penseurs anciens estimaient que la [[morale]] était une partie des spéculations métaphysiques et théologiques et, par suite, ils faisaient des principes moraux une partie de leur [[religion]]. En procédant ainsi, ils s'efforçaient de montrer la relation entre l'[[homme]] et l'[[univers]] et son but dans la vie. Bien que la conduite de l'homme dans la [[société]] soit le domaine normal de la morale, les penseurs jaïna ont associé celle-ci aux idées et aux idéaux métaphysiques.
+
 
+
La morale jaïna est considérée comme la partie la plus brillante du jaïnisme, et comme la simplicité même. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d'auteur ont dépeint celui-ci comme un « [[réalisme]] moral ». Dans cette morale, il n'y a pas de [[conflit]] entre les devoirs de l'homme envers lui-même et envers la société. Ici, le plus grand bien de la société est le plus grand bien de l'homme. Pour le jaïnisme, l'âme doit évoluer au mieux de ses capacités présentes, et l'un des moyens de cette [[évolution]], c'est d'aider les autres, par exemple: par des conseils, des encouragements et des aides.
+
 
+
Le premier précepte, pour un jaïn, c'est qu'il doit avoir et entretenir une Foi intelligente et raisonnée dans sa [[religion]]. Cette Foi doit être orthodoxe, c'est-à-dire exempte d'idées fausses sur [[Dieu]], sur les écritures et sur les précepteurs. Elle agit comme une inspiration pour acquérir la Connaissance juste, qui doit se refléter, dans la vie de tous les jours, par une Conduite correcte.
+
 
+
En indiquant la voie du salut, le jaïnisme prescrit des règles de conduite précises, à observer par ses fidèles. Toutes sont dirigées vers les buts essentiels que sont l'élimination du ''karma'' et la libération de l'âme. Outre les règles à observer, les vertus correspondantes doivent être pratiquées.
+
 
+
Les règles de conduite jaïna ont été instituées de façon que toute personne puisse les suivre. Celles des laïques sont moins rigides que celles des ascètes, parce que les laïques ne renoncent pas aux activités du [[Monde (univers)|monde]]. La [[raison]] évidente de cette différence vient de ce que les laïques doivent assurer leurs moyens d'existence et ''ceux des ascètes'', s'occuper de leur famille et s'adapter aux conditions sociales et politiques de la société dans laquelle ils vivent. Les ascètes n'ont pas ces contraintes. Ils abandonnent tout, avec pour seul but celui de poursuivre la voie spirituelle. Ils peuvent observer les vœux complètement, car ils contrôlent totalement leurs sens et ils dominent leurs passions facilement, grâce aux enseignements religieux et à la discipline spirituelle.
+
 
+
Les disciples de la [[religion]] jaïna se composent traditionnellement de [[quatre]] groupes: les laïques hommes (''shrâvaka''), les laïques femmes (''shrâvikâ''), les ascètes hommes (''sâdhu, muni, yati'') et les ascètes femmes (''sâdhvi, âryikâ'').
+
 
+
Cette division est faite d'après le [[sexe]] et d'après la rigueur avec laquelle les fidèles pratiquent les règles de conduite. Celles qui concernent les [[deux]] catégories d'ascètes sont à peu près identiques et doivent être observées avec une extrême rigueur. Celles qui concernent les deux catégories de laïques sont semblables à celles des ascètes, mais ils peuvent les pratiquer avec une moindre sévérité et suivant leurs propres capacités.
+
 
+
Dans chaque groupe, la conduite est déterminée par les vœux, que les intéressés doivent faire et observer dans leur vie quotidienne.
+
 
+
===''' Le code moral des laïques (''Çrâvaka-dharma'')'''===
+
 
+
Un laïque est quelqu'un qui écoute et qui suit les principes religieux, qui a foi dans sa religion, et qui est d'accord pour observer ses préceptes, suivant ses aptitudes.
+
 
+
Comme les hommes et les femmes diffèrent, dans leur possibilité de compréhension et dans la fermeté de leur volonté, un certain nombre de penseurs jaïna ont adopté la triple division qui suit:
+
 
+
* le laïque qui observe la non-violence est un ''pâksikashravaka''. Il a une foi solide dans sa religion, il pratique les vertus de base (''mûla-guna'') du laïque et les petits vœux (''anu-vrata''), et il est assidu dans le rituel (''pûjâ'');
+
 
+
* le laïque qui suit les étapes (''pratimâ''). Parvenu à la onzième étape, il abandonne la vie de laïque et pratique les vertus des ascètes. Il semble que, s'il retombe dans l'erreur, il doit rétrograder au niveau précédent. Parvenu au sommet des étapes, on le qualifie de ''naisthika shrâvaka'';
+
 
+
* le laïque, dit ''sâdhaka shrâvaka'', est celui qui met fin à son existence humaine par une dernière purification, en réalisant le [[rite]] de la mort pacifique par le [[jeûne]] (''sallekhanâ'').
+
 
+
Le code moral jaïna prescrit pour les laïques comprend: l'observation de douze vœux, le franchissement de onze étapes dans la vie, la pratique de six devoirs quotidiens.
+
 
+
====''' Les douze vÅ“ux  du laïque'''====
+
 
+
Un vœu (''vrata'') est une prise de résolution solennelle, après mûre réflexion, d'observer une règle de conduite particulière. Il est fait devant un [[ascète]], sur ses conseils, ou volontairement, pour se protéger des fautes possibles du [[comportement]]. Son [[but]] est de contrôler son esprit et de se maintenir sur la bonne voie spirituelle. Il procure de la fermeté à la volonté, et protège son [[auteur]] des tentations mauvaises et d'une vie non contrôlée. Il donne un but à l'existence et une orientation saine aux pensées et aux actions. Il permet d'augmenter le contrôle de soi et de se protéger des pièges d'une vie sans contrainte.
+
 
+
Avant de commencer à observer les vœux qui caractérisent le premier degré de la Conduite juste, le laïque doit essayer d'éviter les cinq défauts (''atîchâra'') suivants: le doute (''shankâ''), le dégoût de quelqu'un ou de quelque chose (''vichikitsâ''), le désir du plaisir des sens (''kânksâ''), l'admiration de mauvais croyants (''anyadRsti-prashamsâ'') et l'éloge de ceux-ci (''anyadRisti-samstava'').
+
 
+
Dans sa vie de tous les jours, le laïque doit observer douze vœux qui se subdivisent en cinq petits vœux (''anu-vrata''), trois vœux multiplicateurs (''guna-vrata''), et quatre vœux supplémentaires (''shiksâ-vrata'').
+
 
+
Ces vœux forment la partie centrale du code moral. Le laïque doit faire, dans sa carrière spirituelle, des progrès constants dans leur observation.
+
 
+
=====''' Les cinq vœux principaux'''=====
+
 
+
Ces cinq vœux, nous l'avons vu, sont les suivants: 1) ne pas exercer de violence envers les êtres vivants (''ahimsâ''), 2) ne pas mentir (''satya'', « vérité »), 3) ne pas voler (''asteya''), 4) ne pas commettre d'impureté sexuelle (''brahmacharya''), 5) ne pas avoir d'avidité pour les biens terrestres (''aparigraha'').
+
 
+
Si ces vœux sont observés très strictement, ce qui doit être fait par les ascètes, on les qualifie de grands vœux (''mahâvrata''). S'ils sont observés moins rigoureusement et en fonction de ses capacités, ce qui est le cas des laïques, on les qualifie de petits vœux (''anu-vrata'').
+
 
+
Pour bien se fixer ces vœux dans la tête, il y a cinq sortes de méditations (''bhâvâna''), correspondant à chacun, que le pratiquant doit faire sans cesse.
+
 
+
Les méditations sur les cinq catégories de fautes que ces vœux ont pour but de faire éviter sont destinées à faire comprendre au fidèle que ces fautes sont, en fait, de la souffrance personnifiée et qu'elles ont un caractère dangereux et condamnable, aussi bien dans ce monde que dans le suivant.
+
 
+
De plus, le fidèle doit méditer sur les quatre vertus suivantes qui sont à la base des cinq vœux: l'amitié pour tous le êtres vivants (''maitrî''), la joie de voir les autres plus avancés que soit sur la voie de la libération (''pramoda''), la compassion pour ceux qui sont malheureux (''kârunya''), l'indifférence envers ceux qui sont discourtois ou qui se conduisent mal (''mâdhyasthya'').
+
 
+
Enfin, sont considérées comme les huit vertus de base ou primaire des laïques (''mûlaguna''): les cinq petits vœux que nous venons de revoir, et l'abstention de consommer les trois M que sont: ''madya'' (le vin), ''mâmsa'' (la viande), et ''madhu'' (le miel). Afin de réduire au minimum les dommages aux êtres vivants, une abstinence totale de ces trois M (''makâra'') est préconisée.
+
 
+
=====''' Les trois vœux multiplicateurs'''=====
+
 
+
En plus des cinq petits vœux, le laïque doit faire trois petits vœux dits multiplicateurs (''gunavrata'') qui augmentent la [[valeur]] des précédents: 1) limiter, sa vie durant, son [[activité]] terrestre à des lieux fixés dans toutes les directions (''digvrata''), 2) limiter son activité terrestre à un secteur déterminé (''deshavrata''), 3) ne pas commettre de mauvaises actions ou des actions licencieuses (''anarthadanda-vrata'').
+
 
+
=====''' Les quatre vœux supplémentaires'''=====
+
 
+
Ces quatre vœux (''shiksâ-vrata'') sont destinés à préparer le laïque à suivre la discipline prescrite pour les ascètes. Ce sont les vœux de: 1) consacrer, chaque [[jour]], du temps à la [[méditation]] de soi, pour son [[progrès]] [[spirituel]] (''sâmâyika''), 2) [[jeûne]]r quatre jours par [[mois]] (''prosadhopavâsa''), 3) limiter, chaque jour, son plaisir concernant des choses consommables ou non (''upabhogaparibhoga parimâna'') et 4) ne prendre son [[repas]] qu'après avoir donné à manger aux ascètes, ou en leur absence aux laïques pieux dans le besoin (''atithi-samvibhâga'').
+
 
+
Outre ces [[douze]] vœux, le laïque doit éviter, pour chacun, cinq sortes de défauts ou de transgressions.
+
 
+
Enfin, lorsqu'il se trouve confronté à une calamité, à la [[famine]], à la [[vieillesse]], ou à une [[maladie]] pour laquelle il n'y a pas de remède, il doit abandonner pacifiquement son corps, inspiré par un idéal religieux très élevé, avec l'accord de tous et la certitude personnelle que l'âme est différente du corps. Le ''sallekhanâ'' s'ajoute comme un extra aux douze vœux du laïque. Il y a à son sujet, comme pour les autres, cinq transgressions qui doivent être évitées: 1) souhaiter que la mort survienne au plus tard, 2) espérer une mort rapide, 3) entretenir la [[peur]] de [[savoir]] comment on affrontera la mort, 4) se souvenir de ses amis ou de ses parents au moment de la mort, 5) penser qu'une récompense est assurée comme [[résultat]] du ''sallekhanâ''.
+
 
+
Le trait significatif de ces vœux c'est qu'en les pratiquant le laïque participe, en fait, sur un certain plan et pour une période limitée, à la vie ascétique, sans renoncer véritablement au monde. Il est clair qu'ils maintiennent un lien étroit entre laïques et ascètes, car les uns et les autres sont animés par un même objectif et mus par le même [[idéal]] religieux.
+
 
+
====''' Les onze étapes de la vie du laïque'''====
+
 
+
Le laïque qui désire atteindre les sommets élevés du progrès moral et spirituel doit se fixer des règles de vie. Pour lui permettre de progresser ainsi, sur la voie du salut, sa vie a été divisée en [[onze]] étapes (''pratimâ''). Celles-ci comprennent une série de devoirs et de réalisations, dont le caractère et la [[durée]] augmentent successivement, pour culminer in fine à un niveau qui ressemble à celui de l'ascète. Les étapes sont étroitement reliées aux [[douze]] vœux, elles croissent graduellement et chacune comporte les vertus pratiquées dans l'étape précédente. Ce sont comme les échelons d'une [[échelle]]; le laïque qui désire progresser spirituellement doit gravir l'échelle, marche après marche, jusqu'au [[sommet]], qui est, pour lui, le [[degré]] de spiritualité le plus élevé.
+
 
+
Ces onze étapes sont les suivantes:
+
 
+
* '''1) L'étape de la [[connaissance]]''' (''darshana pratima''). Le laïque doit avoir une foi parfaite, intelligente et bien motivée dans le jaïnisme et, pour cela, une connaissance solide de sa doctrine et de ses applications dans la vie. Il ne doit avoir de conceptions fausses à son sujet et être exempt de tout attachement aux plaisirs du monde, quels qu'ils soient.
+
 
+
* '''2) L'étape des vœux''' (''vrata pratimâ''). Le laïque doit observer les douze vœux, dont la [[nature]] et le contenu ont été précisés plus haut, cela sans aucune transgression. Il doit également faire le vœu de ''sallekhanâ''. Un tel laïque est appelé un ''vratî''.
+
 
+
* '''3) L'étape du [[culte]]''' (''sâmâyika pratimâ''). A ce [[stade]], le laïque qui pratique les vœux de façon satisfaisante parvient à un niveau qui l'assimile temporairement à l'ascète. Il doit méditer et purifier ses sentiments et ses pensées, pendant quarante-huit minutes, [[trois]] fois par jour.
+
 
+
* '''4) L'étape du [[jeûne]]''' (''proshadhopavâsa pratimâ''). Cette étape consiste à jeûner régulièrement, de façon générale, deux fois par quinzaine de chaque mois. Toute la période de jeûne doit être passée à prier, à étudier les écritures, à méditer et à écouter des discours religieux.
+
 
+
* '''5) L'étape de la privation de certains aliments''' (''sachittatyâga pratimâ''). Dans cette étape, le laïque doit s'abstenir de manger des légumes qui ne sont pas cuits ou qui le sont de façon insuffisante, ainsi que des mets bourratifs, et d'en servir à d'autres. De même, il ne doit pas écraser des pousses de plantes, ou cueillir des fruits sur un [[arbre]]. Ce vœu est à la septième place, dans les écritures ''svetâmbara''. Sont également interdits, à ce stade, l'[[eau]] non bouillie et les liquides contenant du [[sel]].
+
 
+
* '''6) L'étape de privation de [[nourriture]], la [[nuit]]''' (''râtribhojana-tyâga-pratimâ''). Le laïque s'abstient à cette étape de prendre la moindre nourriture, après le [[coucher du soleil]]. Cela comprend également toute [[boisson]]. Dans les écritures ''svetambâra'' cette sixième étape correspond à l'''abrahma-varjana pratimâ'', où le laïque non seulement ne doit pas avoir de contact sexuel, mais encore être seul avec sa [[femme]] et engager la [[discussion]] avec elle.
+
 
+
* '''7) L'étape du [[célibat]]''' (''brahmacharya pratimâ''). A ce stade, le laïque doit observer une continence absolue, pratiquer la pureté et mettre fin à tout [[désir]] sexuel; de même, il doit s'abstenir de tout ornement personnel susceptible d'en provoquer. Dans les textes ''svetâmbara'', c'est la sixième étape qui exige des restrictions semblables.
+
 
+
* '''8) L'étape de la cessation de l'[[activité]]''' (''ârambha-tyâga pratimâ''). Arrivée à cette phase, le laïque doit faire de nouveaux [[progrès]]. Il doit arrêter toute activité, comme le [[commerce]], l'[[agriculture]], les [[services]], etc. qu'il exerçait directement ou indirectement, cela afin d'éviter l' ''himsâ'', c'est-à-dire les dommages des êtres vivants. S'il a des enfants, il doit leur donner leur part, puis utiliser ce qui reste pour sa subsistance et pour faire la [[charité]] aux autres. Les textes ''svetâmbara'' ne semblent pas lui interdire l'activité indirecte par le moyen d'agents ou de serviteurs, afin de lui permettre de vivre.
+
 
+
* '''9) L'étape de l'abandon des attaches''' (''parigraha-tyâgapratimâ''). Cette étape est celle où le laïque doit renoncer à toute attache terrestre, telles que sa [[terre]], sa [[maison]], son [[argent]], son [[or]], son [[bétail]], son [[grain]], ses [[habits]], ses ustensiles, ses serviteurs, ses servantes, etc. Même pour ce qui concerne sa [[nourriture]], son [[habitation]] et ses [[vêtement]]s, il ne doit conserver que ce qui est juste suffisant pour ses besoins personnels et il doit s'entraîner à supporter les privations liées à la vie d'ascète. C'est essentiellement une étape qui prépare à la onzième. Les ''Svetâmbara'' emploient, pour cette phase, les termes de ''preshya-tyâga pratimâ'', ce qui exige du laïque de déposer le fardeau de la vie mondaine, de réduire ses exigences, et d'entretenir son désir de délivrance finale.
+
 
+
* '''10) L'étape du détachement absolu''' (''anumati-tyâga pratimâ''). Parvenu à ce stade, le laïque doit augmenter la rigueur de sa vie en faveur de l'ascétisme. Il doit, pour cela, abandonner toute activité et tout soucis de [[Famille parentale|famille]]. Il ne doit éprouver aucun [[sentiment]] de goût, ou de dégoût pour la nourriture qui lui est servie, ni exprimer d'agrément ou d'opposition à propos des activités ou des fonctions exercées par les membres de sa famille.
+
 
+
* '''11) L'étape de l'ascétisme''' (''uddishta-tyâga pratimâ''). C'est l'étape ultime de la discipline, pour le laïque. Il doit abandonner sa maison, aller dans la [[forêt]] ou dans un lieu isolé, et adopter les règles fixées pour les ascètes. Il ne peut accepter d'invitation à s'alimenter. A ce niveau, il est qualifié d' ''uttama shrâvaka'', c'est-à-dire de parvenu au stade le plus élevé. Dans les textes ''svetâmbara'', cette étape est la dixième et la onzième est appelée ''shramana-bhûta pratimâ''.
+
 
+
Les laïques doivent ainsi procéder par étapes, suivant leurs capacités et leur [[environnement]]. Il s'ensuit que les progrès qu'ils font dépendent de leurs convictions et de leur foi personnelles dans la [[philosophie]] jaïna.
+
 
+
Psychologiquement, il ne peut pas y avoir de changement brutal, dans la vie, du stade des attaches matérielles à celui du renoncement complet, c'est la raison pour laquelle ces étapes, qui comportent des austérités rigoureuses, sont très pratiques et peuvent être franchies par tout aspirant. La dernière permet l'exécution de quasiment toutes les austérités prescrites et rend ainsi le laïque apte à entrer dans l'ordre des ascètes.
+
 
+
Ces étapes sont conçues scientifiquement et leur application est graduelle. Les marches doivent être gravies l'une après l'autre, une fois seulement que le laïque est ferme dans cette méthode du pas à pas. La montée commence avec la Foi juste et les progrès vont successivement aboutir à la pratique des règles de Conduite les plus difficiles.
+
 
+
====''' Les six devoirs quotidiens du laïque'''====
+
 
+
En plus de l'observance des douze vœux et du franchissement des onze étapes, le laïque doit accomplir six devoirs quotidiens (''âvashyaka''). Des divergences existent sur la nomenclature de ces devoirs. D'habitude, on trouve que ce sont: l'adoration de la divinité, la vénération du précepteur, l'étude des écritures, la pratique du contrôle de soi, des austérités et des dons.
+
 
+
Dans de nombreux textes sacrés qui font [[autorité]], il existe une autre série de ces devoirs. Ce sont:
+
 
+
* la méditation (''sâmâyika''),
+
 
+
* la vénération des vingt-quatre ''Jina'', ou ''Tîrthankara'', en tant que modèles (''stuti'' ou ''chaturvimshati-Jina-stuti''),[[Image:Shravanabelagola_jaune.jpg|thumb|550px|Statue de ''Gomateshvara'' ou ''Bahubali'', recouverte d'offrande à [[Shravanabelagola]]]]
+
 
+
* le [[rite]] de la salutation avec respect des maîtres spirituels, des saints vénérables ascètes (''vandanâ''),
+
 
+
* le repentir pour toutes les transgressions, ou la [[récitation]] de formules de [[confession]] des fautes passées (''pratikramana''),
+
 
+
* l'austérité pratiquée en se tenant debout dans la posture spéciale appelée ''kâyotsarga'' (« cette posture consiste à rester debout, les pieds légèrement écartés, les bras pendants le long du corps, la tête droite, les yeux baissés. Cette attitude est celle reproduite par une majorité de statues de Jina en pieds ». [[Pierre Amiel]]<ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''Vilas Sangave''</ref>),
+
 
+
* la résolution d'éviter, à l'[[avenir]], les pensées et les actions qui gênent l'accomplissement des devoirs essentiels, ou la récitation de formules pour la [[pardon]] des fautes futures, les abstinences de nourriture, de boisson, ou de [[confort]] (''partyâkhyâna'').
+
 
+
Pour ce qui est de cette seconde série, tandis que les écrits ''digambara'' mentionnent celle-ci dans l'ordre ci-dessus, les textes ''svetâmbara'' inversent la position des deux dernières obligations.
+
 
+
Ces devoirs sont exigés principalement pour maintenir l'ardeur et l'enthousiasme des laïques, dans leur [[combat]] pour leur progrès [[spirituel]].
+
 
+
===''' Le code moral des ascètes (''muni-dharma'')'''===
+
===='''La prescription de règles rigoureuses'''====
+
 
+
Quand un laïque a observé, comme il convient, les règles de conduite fixées pour lui et franchi toutes les étapes détaillées plus haut, il est qualifié pour devenir un ascète. Son admission dans l'ordre monastique s'accompagne d'une [[cérémonie]] impressionnante, appelée ''diksha'' ([[ordination]])<ref>dans ''la religion Djaïna'' de ''A. Guérinot''</ref>
+
.
+
 
+
Une relation étroite existe entre l'ordre des laïques et celui des ascètes, l'étape laïque étant préalable, dans de nombreux cas, à celle d'ascète à laquelle elle prépare. Du fait de cette étroite [[relation]], on constate que les règles prescrites pour les laïques et celles pour les ascètes ne diffèrent pas en [[genre]], mais en [[degré]]. Ce sont les mêmes, à la seule différence, comme nous l'avons déjà dit, que tandis que les premiers les observent de façon partielle, les seconds doivent le faire de façon totale et rigoureuse. C'est pourquoi nous avons vu que les cinq vœux principaux sont des petits vœux, chez les laïques, et des grands vœux, chez les ascètes.
+
 
+
L'étape ascétique comporte un renoncement complet au monde et le seul objectif, pour celui qui la franchit, consiste à concentrer toute son [[énergie]] pour obtenir le salut, la libération (''moksha'').
+
 
+
C'est à ce stade que de réels efforts doivent être accomplis pour stopper l'accès du ''karma'', pour effacer celui qui existe, et pour parvenir au bonheur éternel (''nirvâna'').
+
 
+
Pour atteindre ce [[but]], l'[[ascète]] doit abandonner toutes les entraves, y compris ses vêtements (« cette mesure rigoureuse ne concerne que les moines ''Digambara''. Les moines et nonnes ''Svetambara'', de même que les nonnes ''Digambara'', portent des vêtements très simples, de couleur [[blanche]] ou [[orange]], suivant les communautés ». Pierre Amiel<ref>dans ''le jaïnisme'' de ''Vilas Adinath Sangave''</ref>) et, par une longue suite de jeûnes, de mortifications, d'études et de [[méditation]]s, se débarrasser des ''karma'', et éviter que de nouveaux pénètrent dans son âme. Seule une vie monacale permet de parvenir au résultat.
+
 
+
Ainsi, des règles de conduite très précises sont prescrites pour les ascètes, qu'ils doivent observer sans aucune faute, et sans aucune transgression. Dans ces règles, la prééminence est évidemment donnée à celle concernant le ''karma''.
+
 
+
====''' Les règles pour arrêter la pénétration du ''karma'' dans l'âme'''====
+
 
+
L'arrêt de la pénétration de la matière karmique dans l'âme (''samvara'') s'opère grâce à l'observance de [[trois]] sortes de contrôles, [[cinq]] sortes d'attentions, [[dix]] sortes de vertus, [[douze]] sortes de pensées, vingt-deux sortes de maîtrises des souffrances et cinq sortes de conduites.
+
 
+
* '''Les contrôles'''
+
 
+
L'arrivée du ''karma'' dans l'âme provient des activités du [[corps]], de la [[parole]] et de l'[[esprit]], aussi faut-il que les ascètes, exercent sur eux-mêmes des contrôles (''gupti'').
+
 
+
Les trois sortes de contrôles concernent la maîtrise de la nature intérieure. Il s'agit:
+
 
+
* du [[contrôle]] de l'esprit (''mano-gupti''), pour n'avoir que des pensées pures;
+
 
+
* du contrôle de la parole (''vâg-gupti''), afin de garder le [[silence]] pendant une [[période]] donnée ou de ne parler que lorsque c'est nécessaire;
+
 
+
* du contrôle de l'activité corporelle (''kâya-gupti'').
+
 
+
* '''Les attentions'''
+
 
+
Il arrive que les vœux soient transgressés par inadvertance. Aussi, un certain [[nombre]] d'attentions sont-elles prescrites, destinées à prendre l'[[habitude]] de rester vigilant, en conformité avec le principe de [[non-violence]].
+
 
+
On distingue cinq sortes d'attentions (''samiti''):
+
 
+
* l'attention concernant la marche (''iryâ-samiti''). Elle a pour but d'éviter de faire du mal à des êtres vivants, en marchant;
+
 
+
* l'attention concernant la parole (''bhâshâ-samiti''). Elle est destinée à ne pas heurter la sensibilité des autres par l'emploi de mots offensants;
+
 
+
* l'atention concernant la [[consommation]] des aliments (''eshanâ-samiti''). Elle est prescrite pour ne pas faire faute à ce sujet;
+
 
+
* l'attention concernant les actions à prendre, d'utiliser, ou de poser les accessoires, tels que le pot à [[eau]] (''kamandalu''), le [[balai]] à [[plume]] de [[paon]] (''pichchihi''), les écritures (''shâstra''), etc. Cette attention est appelée ''âdâna-nikshepa samiti'';
+
 
+
* l'attention concernant les besoins naturels, etc. (''utsarga-samiti'').
+
 
+
Bien que ces attentions doivent être respectées strictement par les ascètes, il est également souhaitable, jusqu'à un certain degré, que les laïques les pratiquent dans leur vie quotidienne, par exemple, en évitant de marcher sur des pousses de plantes, de laisser un récipient d'eau non couvert, d'utiliser une [[lumière]] sans protection, ce qui risquerait de brûler des [[insecte]]s, etc.
+
 
+
Les trois sortes de contrôles et les cinq sortes d'attentions sont parfois groupées, en raison de leur caractère très important, sous le nom des « Huit Mères de la Foi » (''ashta-pravacana-mâtRkâ'').
+
 
+
* '''Les vertus'''
+
 
+
Le jaïnisme a toujours considéré que c'est essentiellement à cause des passions (''kasâya'') que l'âme assimile du ''karma''. Aussi, prescrit-il de contrecarrer les [[quatre]] passions que sont:
+
* la colère (''krodha''),
+
 
+
* l'orgueil (''mâna''),
+
 
+
* la tromperie (''mâya''),
+
 
+
* et la cupidité (''lobha''),
+
 
+
en cultivant les dix vertus suprêmes (''uttama dhatma'') suivantes: la suprême indulgence, la suprême humilité ou sensibilité, la suprême honnêteté ou droiture, la suprême pureté, la suprême loyauté, la suprême sobriété, la suprême austérité, le suprême renoncement, le suprême détachement et la suprême [[chasteté]].
+
 
+
* '''Les pensées'''
+
 
+
Pour posséder l'attitude religieuse nécessaire, les ascètes doivent réfléchir à douze thèmes que l'on qualifie de pensées (''anupreksha''). Il leur est demandé de méditer sur ces thèmes, encore et encore, toujours.
+
 
+
Ces thèmes sont les suivants:
+
 
+
* le changement (''anitya''). Tout est [[sujet]] à changement, tout est transitoire;
+
 
+
* le manque de protection et d'aide (''açarana''). Par exemple: l'âme n'est pas protégée des conséquences des ''karma'', nous ne pouvons pas échapper à la [[mort]], etc.;
+
 
+
* les contraintes terrestres (''samsâra''). L'âme est soumise au [[cycle]] des naissances et des morts, elle ne peut pas atteindre le bonheur sans détachement des choses de ce [[Monde (univers)|monde]], etc.;
+
 
+
* la solitude (''ekatva''). L'[[homme]] est seul responsable de ses actes, il en subit les conséquences;
+
 
+
* l'indépendance (''anyatva''). Le monde, les parents, les amis, le corps, l'esprit sont tous distincts et séparés du soi véritable;
+
 
+
* l'impureté (''açuci''). Le [[corps]] est impur et sale, car impermanent et sujet à la dégradation;
+
 
+
* la pénétration (''âsrava''). La pénétration des ''karma'' dans l'âme est la cause de l'existence terrestre, c'est le [[produit]] des passions;
+
 
+
* l'arrêt de la pénétration (''samvara''). La [[matière]] karmique doit être stoppée, en pratiquant les vertus nécessaires pour cela;
+
 
+
* l'élimination (''nirjâra''). La matière karmique doit être enlevée, ôtée de l'âme par les austérités;
+
 
+
* l'[[univers]] (''loka''). La nature et ses éléments constitutifs, dans toute leur vaste diversité, prouvent l'insignifiance et la misérable petitesse de l'homme dans le [[temps]] et dans l'[[espace]];
+
 
+
* la rareté de la connaissance religieuse (''bodhi-durlabha''). La Connaissance juste est difficile à acquérir;
+
 
+
* la [[religion]] (''dharma''). Il faut réfléchir à la vraie nature de la religion et spécialement à la triple voie de la libération, telle qu'elle a été prêchée par les ''Tîrthankara'', les Vainqueurs.
+
 
+
Ces pensées sont aussi appelées réflexions (''bhâvanâ'').
+
 
+
* '''La maîtrise de la souffrance'''
+
 
+
Afin de rester ferme sur la voie du salut et détruire la matière karmique, il est prescrit aux ascètes de supporter allègrement les troubles qui peuvent les perturber ou les faire souffrir. Ces épreuves, ces afflictions, par lesquelles ils doivent passer, sont appelées des souffrances (''parishaha'').
+
 
+
Les ascètes doivent ainsi faire face à vingt-deux sortes de souffrance et cela stoïquement. Ce sont: la [[faim]], la [[soif]], la [[chaleur]], le [[froid]], les piqûres d'[[insecte]]s, la [[nudité]] (pour les moines ''Digambara'' uniquement), le manque de plaisir ou l'[[environnement]] désagréable, les [[pulsion]]s sexuelles, la [[fatigue]] à trop marcher, l'inconfort d'être constamment assis dans une même posture, de dormir ou de se reposer sur un [[sol]] dur, la [[censure]] ou la réprimande, les [[blessure]]s, la [[mendicité]], le manque de [[nourriture]], la [[maladie]], les piqûres d'[[épine]]s ou de brins d'[[herbe]]s, la saleté et les impuretés du [[corps]], le manque de [[respect]], la non appréciation de l'instruction, la persistance de l'ignorance, le manque de foi ou son relâchement, par exemple: en cas d'échec dans l'obtention de pouvoirs surnaturels, même après une grande piété et de grandes austérités, le début du doute sur la vérité du jaïnisme et sur ses enseignements, etc.
+
 
+
Ces souffrances doivent être supportées, sans aucun sentiment de vexation, par les ascètes qui désirent vaincre ce qui est leur cause.
+
 
+
* '''Les conduites'''
+
 
+
Les ascètes doivent aussi s'efforcer d'observer cinq sortes de conduites (châritra) telles que:
+
 
+
* l'équanimité,
+
 
+
* le retour de celle-ci si elle a été oubliée,
+
 
+
* la pratique constante de la non-violence absolue et totale,
+
 
+
* l'abstention de toute [[passion]],
+
 
+
* et l'attitude idéale sans emportement d'aucune sorte.
+
 
+
Ces conduites ont pour but d'aider les ascètes à pratiquer la [[discipline]] spirituelle.
+
 
+
====''' Les règles destinées à permettre l'élimination graduelle du ''karma'''''====
+
 
+
En même temps qu'il leur faut stopper la pénétration de la matière karmique, les ascètes doivent s'employer à l'élimination progressive (''nirjarâ'') du ''karma'' existant, s'ils veulent faire des progrès sur la voie du salut. Le moyen principal pour cela, c'est de pratiquer les pénitences et les austérités (''tapa'') qui sont incluses dans la Conduite juste.
+
 
+
Ces pénitences et ces austérités sont de [[deux]] sortes: externes et internes. Les austérités externes (''bâhya tapa'') concernent la nourriture et les activités [[physique]]s. Les austérités internes (''âbhyantara tapa'') se rapportent à la discipline spirituelle. Il y en a [[six]] de chaque.
+
 
+
* '''Les austérités externes'''
+
 
+
Les six austérités externes sont:
+
 
+
* jeûner,
+
 
+
* manger moins que ce que l'on pense suffisant ou qu'à sa faim,
+
 
+
* faire le vœu mental de n'accepter de la nourriture d'un laïque que si certaines conditions sont remplies sans faire connaître ce vœu à quiconque,
+
 
+
* renoncer chaque jour à l'une ou à l'autre des douceurs telles <!-- le ghee ,--> le [[lait]], le lait caillé, le [[sucre]], le [[sel]] ou l'[[huile]],
+
 
+
* s'asseoir et dormir dans un lieu retiré où il n'y a pas d'êtres animés,
+
 
+
* et mortifier son corps aussi longtemps que l'esprit n'est pas dérangé.
+
 
+
* '''Les austérités internes'''
+
 
+
Les six austérités internes sont:
+
 
+
* la confession et le repentir des péchés,
+
 
+
* le respect et la [[modestie]],
+
 
+
* l'assistance aux autres ascètes,
+
 
+
* l'étude des écritures,
+
 
+
* l'abandon de l'attachement au corps,
+
 
+
* et la concentration de l'esprit.
+
 
+
Ces pénitences, ou austérités externes et internes, montrent quelle vie rigoureuse de déni de soi les ascètes ont à mener. Ils doivent maintenir leur corps avec le minimum de nourriture et le lui faire faire avec le maximum de travail, pour atteindre leur idéal spirituel.
+
 
+
Il y a, dans le jaïnisme, une technique élaborée du jeûne qui est enseignée à l'ascète, tout au long de sa carrière, de façon si efficace que, lorsque l'[[Heure (temps)|heure]] de sa mort arrive, il accepte le jeûne absolu et il abandonne son corps, aussi facilement que s'il s'agissait d'un vieux [[vêtement]]. L'ascète doit s'exercer constamment à jeûner, en observant des séries de jeûnes, agencées de manières diverses.
+
 
+
Parmi les austérités internes, une signification spéciale est attachée à la méditation (''dhyâna''), parce qu'elle est considérée comme l'exercice spirituel le plus important pour faire progresser l'âme sur la voie du salut et pour détruire tous les ''karma''.
+
 
+
Les sentiments, tels que l'attachement à des objets qui font du bien et le dégoût de ceux qui font du mal, doivent être abandonnés pour avoir la concentration d'esprit préalable à une méditation réussie. Il est toujours dit que la méditation pure (''çukla dhyâna'') conduit l'âme au salut parce que, par ce moyen, on essaye la cessation complète des activités physiques, verbales et mentales. Lorsque le stock complet de ''karma'' est épuisé, en suivant les règles de conduite prescrites par la morale jaïna, l'âme s'élance au sommet de l'univers où demeurent, pour toujours, les âmes libérées.
+
 
+
Il est certain que les règles de conduite et les austérités, que les ascètes jaïna doivent observer, sont extrêmement difficiles et que seule une personne préparée mentalement à une vie de renoncement peut s'engager dans cette voie. Évidemment, seul peut réussir dans celle-ci celui qui:
+
 
+
* est pénétrée d'une foi absolue dans la valeur de la [[philosophie]] jaïna,
+
 
+
* a une connaissance juste de l'âme et de ce qui n'a pas d'âme, dans tous ces aspects,
+
 
+
* et est prêt à mener une vie de pénitences et d'austérités rigoureuses.
+
 
+
====''' Les observances propres aux ascètes'''====
+
 
+
Un ascète jaïna doit pratiquer un certain nombre d'observances propres (''mûla-guna''). Dans la section ''digambrara'', qui a longuement traité de ce sujet, l'ascète doit observer les vingt-huit règles de bases suivantes, dont la rigueur augmente de façon progressive.
+
 
+
Ces vingt-huit règles sont: les cinq grands vœux, les cinq attentions, les cinq contrôles des sens, les six devoirs quotidiens essentiels, l'arrachage des cheveux avec ses mains périodiquement, la nudité (pour certains moines ''Digambara'' uniquement), l'interdiction de se baigner, l'obligation de dormir sur le sol dur, l'abstention de se laver les dents, l'obligation de manger debout et l'interdiction de manger plus d'une fois par jour<ref>dans ''Les expiations dans le rituel ancien des religieux jaïna'' de ''C.Caillat'' </ref>.
+
 
+
Les vertus que ces règles permettent de posséder sont dites de base car, sans elles, les autres vertus de sainteté ne peuvent pas être acquises.
+
 
+
====''' Les catégories d'ascètes'''====
+
 
+
Les ascètes jaïna sont divisés en différentes catégories, selon la rigueur avec laquelle ils observent les règles de la vie ascétique, et suivant leur position dans l'ordre.
+
 
+
Ceux qui observent les règles de conduite de la façon la plus stricte, sans jamais faire d'exception, sont dits des ''jinakalpî sâdhu'' (parce que le comportement de ces ascètes est comparable à celui des ''Jina''). Ceux qui pratiquent les règles ascétiques sous une forme plus douce sont dits des ''sthavirakalpî sâdhu''.
+
 
+
Les chefs de groupes d'ascètes s'appellent des ''âchârya'' (des maîtres), ceux qui sont chargés de l'instruction des ''upâdhyâya'' (des précepteurs), les autres sont qualifiés du simple nom de ''sâdhu'' (de moine).
+
 
+
==Les particularités de la morale jaïna==
+
===='''La prise en compte de la capacité de chacun'''====
+
 
+
On peut voir, en second lieu, qu'il n'est pas exigé du disciple qu'il observe toutes les règles de conduite qui révèlent une étape de la vie. Il est bien dit que la triple voie de la libération, constituée de la Foi juste, de la Connaissance juste, et de la Conduite juste, doit être suivie selon ses capacités personnelles (''yathâshakti'').
+
 
+
Il est toujours spécifié que la rigueur des règles de conduite doit être ajustée, en prenant en compte la situation et l'[[aptitude]] de chacun. Cela veut dire qu'une personne peut pratiquer les vœux en intégralité ou faire le choix de certains d'entre eux.
+
 
+
Cet aspect important de la pratique facile du code moral jaïna peut être encore mieux expliqué en montrant la façon d'observer la règle de conduite de [[base]] qu'est la [[non-violence]].
+
 
+
La renonciation à la [[violence]] peut être complète ou partielle. La renonciation complète s'accomplit de [[neuf]] façons: par soi-même, par un moyen ou par approbation, et, chaque fois, par la [[pensée]], par la [[parole]] et par le [[corps]].
+
 
+
Pour un laïque, la renonciation complète est impossible. Aussi lui est-il demandé de se décharger de ses responsabilités terrestres avec le minimum de préjudice pour les autres.
+
 
+
Pour donner un aspect pratique à ce sujet, la violence a été analysée, d'après l'attitude mentale, en quatre catégories, à savoir: la violence accidentelle (celle qui est réalisée, de façon inévitable, dans l'accomplissement des tâches domestiques indispensables, comme la préparation des [[repas]], la tenue des choses propres, la construction d'[[immeuble]]s, de [[puits]], etc.), la violence professionnelle (celle commise dans l'exercice d'une [[profession]], ou de ses occupations comme [[agriculteur]], [[commerçant]], [[industriel]], [[ouvrier]], [[docteur]], etc.), la violence défensive (celle que l'on ne peut pas éviter pour défendre une personne, etc.), la violence intentionnelle (celle qui est faite à dessein ou en connaissance de cause, par exemple: en chassant, en offrant des sacrifices, en tuant pour manger ou pour s'amuser, etc.).
+
Le jaïnisme considère que quelqu'un qui a franchi l'étape de la vie active devrait absolument éviter les quatre formes de violence, mais il n'est exigé du laïque de ne s'abstenir totalement que de la violence intentionnelle car, pour ce qui est des autres, ce n'est pas possible complètement, à ce stade. Néanmoins, le laïque est avisé qu'il doit éviter, au maximum, les trois premières formes également et qu'il faut qu'il fasse des progrès réguliers, dans ce sens, dans sa conduite. Ainsi, le vœu d'''ahimsâ'' signifie, pour le laïque, qu'il doit s'abstenir de la violence intentionnelle<ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''Vilas Adinath Sangave''</ref>.
+
 
+
===''' La validité générale du code moral'''===
+
 
+
Le dernier caractère important de la morale Jaïna c'est la prescription d'un [[code]] [[général]], commun à toute personne, qu'elle que soit sa position dans le [[Monde (univers)|monde]], et sa [[période]] dans la vie.
+
 
+
Il a été dit que les règles de conduite sont exactement les mêmes pour les laïques et pour les ascètes, avec la seule différence que, tandis que les premiers les observent partiellement, les seconds doivent les suivre de façon stricte.
+
 
+
Ainsi, dans la [[religion]] jaïna, la vie ascétique est considérée comme une extension de la vie laïque, ce qui encourage une étroite relation entre les [[deux]] [[division]]s principales en laïques et en ascètes. On peut ajouter que, du fait que les ascètes ne sont généralement pas recrutés directement en dehors de la [[communauté]] jaïna, mais sont issus des laïques, un [[sentiment]] d'[[unité]] existe, pour autant que la vie spirituelle des uns et des autres est concernée.
+
 
+
On peut, par conséquent, affirmer que l'élévation spirituelle étant le but principal recherché et les pratiques communes, dans cette [[entreprise]], solidarisant laïques et ascètes, il y a là le facteur majeur de la [[survie]] du jaïnisme. Sans nul doute, cette affinité, entretenue par la similitude des devoirs religieux pour les uns et les autres, différents non en nature mais en [[degré]], lui a permis d'éviter, à l'intérieur de lui-même, des changements fondamentaux et de résister aux dangers extérieurs, cela plus de deux mille ans. Le [[Bouddhisme]], moins exigeant pour les laïques, a subi des changements radicaux et a finalement disparu de son [[pays]] d'[[origine]].
+
 
+
Ainsi, on peut dire que la prééminence d'un code moral commun aux deux groupes majeurs des jaïns, que sont les laïques et les ascètes, a été la raison principale de la continuité de leur communauté en [[Inde]], depuis si longtemps, en dépit de l'opposition d'autres religions.
+
 
+
== Les 18 sources de péchés ==
+
 
+
[[Image:Jain temple 001.jpg|thumb|left|450px|Temple jaïna à [[Ahmedabad]] au [[Gujarat]]]]
+
 
+
Toutes les [[religion]]s reconnaissent plus ou moins le principe de [[non-violence]] (:« [...][[Dieu]] a établit entre vous l'[[amour]] et la [[compassion]]. Il y a dans ceci des [[signe]]s pour ceux qui réfléchissent ». Le [[Coran]], [[sourate]] XXX, [[verset]] 20), mais seul le jaïnisme, sa [[philosophie]] et sa [[morale]], sont fondés intégralement sur la non-violence et son application [[logique]]. Ainsi, la non-violence parmi les cinq vœux principaux est le premier des vœux, vœu qui est le plus important; les quatre autres n'étant que ses aspects détaillés ou ses extensions. Base du code moral jaïna, « les 18 sources de péchés », est la liste de toutes les actions à ne pas commettre, puisque toujours liées à la violence, violences qui par conséquent font souffrir les autres... et finalement nous-même. Ces actions polluent l'âme de mauvaises particules karmiques, qui vont entraîner de mauvais effets sur notre personne, si ce n'est dans cette vie, dans la prochaine, à moins que l'on est atteint l'[[équanimité]].
+
 
+
* '''1.La violence, ''hinsa'' ou ''pranatipata''.'''
+
::Le terme signifie violence envers les choses vivantes, que ce soit par l'[[activité]] ardente de l'[[esprit]], de la [[parole]], ou du [[corps]]. Ainsi, tous les attachements, les passions, sont des formes de la violence qui d'abord blessent le soi, qu'il y ait ou non une violence subséquente causée à un autre [[être]]. Tout ce qui est fait sous l'influence d'une [[passion]], c'est-à-dire par une activité insouciante et sans [[contrôle]] de l'esprit, de la parole et du corps, constitue une violence, [[physique]], [[verbal]]e et mentale, donc un [[péché]] qui attire du mauvais ''karma'' et ne nous permet pas de développer notre compassion et l'[[amitié]] envers tous les êtres vivants.
+
 
+
* '''2.Le mensonge, ''asatya'' ou ''mrushvada''.'''
+
::Le mensonge est violence. On appelle mensonge tout [[énoncé]] inexact dû à l'activité non contrôlée de la parole, de l'esprit ou du corps. Il est donc clair que, puisque cette forme d'activité est la [[cause]] majeure de la violence, elle est aussi présente dans tout énoncé inexact.
+
 
+
* '''3.Le vol, ''chaurya'' ou ''adattâdâna''.'''
+
::Le vol est violence. Le fait de prendre, par une activité non contrôlée, des choses qui n'ont pas été données ou qui ne sont pas à soi, constitue un vol. C'est une violence, d'abord, parce que l'on sait que cela provoque un désagrément envers autrui - c'est une faute morale - donc une [[blessure]] envers soi-même, et c'est en même [[temps]], une violence envers la personne volée.
+
 
+
* '''4.Le manque de pureté, ''abrahma'' ou ''maithuna''.'''
+
::Le manque de pureté est violence. Le manque de [[chasteté]], le fait de s'adonner à la passion du [[sexe]], sont des violences parce qu'à leur origine il y a le désir et que celui-ci est une violence du soi.
+
 
+
* '''5.Le caractère possessif, ''parigraha''.'''
+
::L'attachement interne, c'est-à-dire le [[désir]] de biens terrestres, [[porte]] préjudice à la pureté de l'âme, et la blessure ainsi causée à sa [[nature]] constitue une [[violence]]. De même, l'attachement externe, c'est-à-dire la [[possession]] réelle de biens terrestres, crée de l'intérêt et de l'attrait pour eux, ce qui souille la pureté de l'âme et, par conséquent, provoque une violence.
+
 
+
* '''6.La colère, ''krodha''.'''
+
::C'est le [[résultat]] d'un manque de tolérance et la réaction face à une déception par rapport à nos attentes, nos désirs. C'est un [[sentiment]] qui ne permet pas l'élévation spirituelle, mais tout le contraire, car il ne nous permet plus de distinguer le bien et le mal. C'est une [[source]] de souffrance pour tout le monde, et donc une forme de la violence. Dans tous les cas, il faut savoir pardonner, et montrer que l'on regrette sincèrement ce moment d'inadvertance:« Celui qui ne craint nul homme sur terre trouverait pénible de devoir se mettre en colère contre quelqu'un qui essaie en vain de lui faire du mal ([[le Mahâtmâ Gandhî]]) ».
+
 
+
* '''7.L'arrogance (l'[[ego]]), ''mana''.'''
+
::A cause de l'ego, l'arrogance, la vanité et le [[narcissisme]] se développent et nous font naturellement regarder les autres de haut, et cela nous empêche d'avoir de la compassion et de l'[[empathie]]. Au lieu de cultiver une humilité sincère, source de progrès, on se fourvoie complètement, puisque toutes les âmes des êtres vivants sont égales en pureté dans leur état parfait. C'est donc une forme de violence, car par un comportement égoïste, on blesse forcément autrui, et au final soi-même.
+
 
+
* '''8.La tromperie, ''mâyâ''.'''
+
::La tromperie, la ruse et « mâyâ » sont synonymes. Lorsque nous trichons et que nous réussissons en le faisant, cela entraîne le développement de l'ego et nous éloigne de notre soi véritable, réellement pur, dénué d'attachement et heureux.
+
 
+
* '''9.L'avidité, ''lobha''.'''
+
::L'avidité est violence. Étant donné que nos désirs sont sans fin, nous pouvons, à cause de notre ignorance, désirer avoir plus alors que nous avons assez pour satisfaire nos besoins. Cela peut provoquer de la colère, de la jalousie, de la légère supercherie jusqu'au meurtre, individuel, ou général comme les États et les guerres qu'ils engendrent. La condition de la [[paix]] et de l'[[harmonie]] [[universel]]le est illustrée par cette [[phrase]] du [[Mahâtmâ Gandhî]]:« Vivre tous, simplement, pour que tous puissent, simplement vivre ». 
+
 
+
* '''10.L'attachement, ''râga''.'''
+
::L'attachement est violence. Il peut concerner autant les relations sentimentales (jalousie maladive), familiales, que l'[[argent]] (la malhonnêteté), les biens, etc. Cet attachement peut nous aveugler, car pour arriver à nos fins, nous employons des méthodes pernicieuses, qui créent des souffrances. Il vaut mieux vivre une vie admirable, où l'on pratique la [[compassion]], au lieu de se préoccuper sans cesse d'acquérir ou de conserver ce que nous voulons ou non.
+
+
* '''11.La haine, ''dvesha''.'''
+
::La haine est la [[réaction]] d'une situation où l'on se trouve blessé et offensé par quelqu'un ou quelques-uns. Mais la haine est néanmoins une [[source]] de démérites. Même si quelqu'un est cruel envers nous, nous devons montrer notre [[compassion]]. Pour un jaïn, c'est une façon d'être un « vainqueur », non pas sur les autres, car c'est une [[victoire]] facile, presque une défaite, mais sur soi-même, le [[combat]] le plus difficile néanmoins source de la plus parfaite des plénitudes. Avec ses quelques citations, [[le Mahâtmâ Gandhî]] nous éclaire sur ce péché et la façon de l'éviter par sa propre [[force]]:« Je cherche à émousser complètement l'[[épée]] du [[tyran]], non pas en la heurtant avec un [[acier]] mieux effilé, mais en trompant son attente de me voir lui offrir une résistance [[physique]]. il trouvera chez moi une résistance de l'âme qui échappera à son étreinte. Cette résistance d'abord l'aveuglera, et ensuite l'obligera à s'incliner. Et le fait de s'incliner n'humiliera pas l'agresseur, mais l'élèvera »; « Donner un [[verre]] d'[[eau]] en échange d'un verre d'eau n'est rien; la vrai grandeur consiste à rendre le bien pour le mal », « Donner de l'amour, les lâches n'en peuvent pas. C'est la [[prérogative]] des [[humain]]s courageux ».
+
+
* '''12.La querelle, ''kalah''.'''
+
::La querelle est le [[fruit]] infect du [[ressentiment]] ou de l'incompréhension. La frustration et la colère sont les racines profondes de ses formes de maux. Sur le long terme, les camps qui se battent, s'affrontent, sont toujours perdants. Il faut apprendre à laisser aller et à pardonner: « C'est une erreur de croire nécessairement faux ce que l'on ne comprend pas »; « La règle d'[[or]] de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais de la même façon, nous ne verrons qu'une partie de la vérité et sous des angles différents » (le[[Mahâtmâ Gandhî]]).
+
 
+
* '''13.L'accusation, ''abhyakhyana''.'''
+
::Par des sentiments mauvais, parfois selon un [[désir]] malveillant de [[délation]] ou de vengeance, certains déclarent de fausses accusations. Ils ne supportent pas leur perte ou refusent de reconnaître leurs erreurs ou leur manque d'habileté et préfèrent blâmer, sans aucun fondement, les autres qui les entourent, alors que leur responsabilité dans l'affaire est nulle. Dans ce cas, il s'agit de savoir se juger par soi-même et réfléchir avant d'affirmer telle ou telle affirmation, sans soucis de véracité. C'est évidemment un péché a éviter.
+
 
+
* '''14.Le commérage, ''paishunya''.'''
+
::Par désœuvrement mal intentionné, on répand des rumeurs derrière le [[dos]] de quelqu'un. Certains le font pour paraître intelligent mais ils ne produisent que des facteurs de disputes inutiles ou de malentendus. Cela éloigne du [[chemin]] [[spirituel]] et ne favorise pas les actes constructifs où le ressentiment n'a pas sa place. Pour éviter ce genre de péché, il vaut mieux observer le vœu de franchise et essayer d'apprécier les qualités de chacun.
+
 
+
* '''15.La critique, ''parparivada''.'''
+
::Passer son [[temps]] à critiquer tout le [[Gens|monde]] ne mène à rien et cela pollue notre âme de particules karmiques mauvaises, dues à nos paroles et pensées. Si une critique est faite selon l'intention louable d'améliorer les choses et d'apporter le bien-être de tous, elle est la bienvenue. Mais si son but est de démolir les autres, même s'ils n'en prennent pas [[connaissance]], il faut s'en abstenir. Car il s'agit d'abord d'une violence envers sa propre âme.
+
 
+
* '''16.Aimer ou ne pas aimer, ''rati-arati''.'''
+
::Le [[préjugé]] est un ennemi de la non-violence. On ne peut pas avoir de [[jugement]] correct. Par exemple, nous aimons voir ceux que nous désirons voir (comme des amis), nous n'aimons pas voir ceux que nous ne désirons pas voir (comme un mendiant, un étranger). Ces façons d'aimer ou de ne pas aimer peuvent sembler être des passions naturelles, mais nous ne devons pas oublier qu'elles impriment dans nos pensées le [[sentiment]] d'attachement ou d'aversion. Par conséquent, même si ces expressions peuvent paraître innocentes, nous devons y faire attention et essayer de les relativiser afin d'acquérir un authentique comportement non-violent.
+
 
+
* '''17.La malice, ''maya-mrushvada''.'''
+
::En tant que tel, un mensonge est une faute pour soi et pour les autres, mais si en plus il est produit dans un [[dessein]] pervers, il en devient encore plus condamnable. La méchanceté induit tout le monde dans l'erreur, et l'on peut oublier que la gentillesse et la douceur sont des qualités qui permettent à l'âme d'acquérir de bonnes particules karmiques.
+
 
+
* '''18.Les fausses croyances, ''mithyâ darshana shalya''.'''
+
::Les fausses croyances sont celles qui mènent à la [[souffrance]]. Il est évident que l'attachement et la violence sont deux soeurs, mères de la souffrance de tous les êtres vivants. Une croyance fausse peut commencer au fait de croire en de faux maîtres - ceux qui ne croient pas aux cinq vœux majeurs prescrits par les ''Jina'' en contribuant à l'exaltation des 18 péchés - en de fausses religions, philosophies, idéologies, morales, etc. en de faux dieux, tous contribuant à la violence, la colère, l'[[ego]], l'attachement. Les ''Jina'' n'ont ni attachement ni aversion, et ainsi n'attendent rien en retour des conseils qu'ils donnent, selon quoi nous sommes notre propre sauveur et que nous seuls pouvons nous sauver.
+
 
+
Aussi longtemps que nous vivons dans le [[Monde (univers)|monde]], nous sommes obligés d'effectuer quelques unes de ces activités, mais nous devons faire attention à les remplacer par de bonnes, afin de minimiser le mal qu'elle font à notre âme et aux autres. Si nous sommes entraînés dans une [[action]] source de péché, en [[raison]] de circonstances inévitables, nous devons la faire à regret, sans jamais en éprouver du [[plaisir]]: « Vis comme si tu devais mourir demain, apprends comme si tu devais vivre toujours » ([[le Mahâtmâ Gandhî]]).
+
 
+
==Les divisions dans le Jaïnisme==
+
===La naissance de sections===
+
 
+
En parcourant l'[[histoire]] de la [[religion]] jaïna, on ne constate pas de scission avant l'époque de ''Mahâvîra''. Ce n'est que plus tard que plusieurs [[schisme]]s se produisent avec, pour conséquence, la création de sections et de [[secte]]s. Les [[trois]] raisons principales de ce fractionnement du jaïnisme proviennent de son extension sur l'ensemble du territoire indien, de l'interprétation de ses canons, et d'une révolte contre certaines de ses autorités religieuses.
+
 
+
====''' L'extension du jaïnisme en Inde'''====
+
 
+
Après la mort de ''Mahâvîra'', ses successeurs et ses disciples réussirent un large développement de cette religion, en la popularisant dans l'[[Inde]] entière, de sorte qu'elle eût, pendant longtemps, le soutien aussi bien des [[roi]]s et des dirigeants que de la [[bourgeoisie]] et du [[peuple]].
+
 
+
Comme le [[nombre]] de disciples augmentait rapidement et qu'ils se répartissaient dans tout le [[pays]], les chefs religieux, les ''Ganadhara'', durent rencontrer des difficultés à s'occuper d'eux et à s'organiser. Les [[coutume]]s et les façons de vivre dans les différentes régions de l'Inde ont pu, elles aussi, avoir leur influence en donnant naissance à des pratiques religieuses diverses. Tout cela eut comme résultat de créer des discordes entre disciples.
+
 
+
====''' L'interprétation des canons jaïna'''====
+
 
+
La deuxième cause de [[division]] tient au fait que les doctrines, les principes et les réalités du jaïnisme, tels qu'ils avaient été énoncés et enseignés par ''Mahâvîra'', ne furent pas consignés par écrit, durant sa vie ou aussitôt après sa mort. Simplement mémorisés par ses successeurs immédiats, et transmis oralement et de [[génération]] en génération, ils ne furent canonisés qu'au début du troisième siècle avant J.-C., au [[concile]] de ''Pâtaliputra''.
+
 
+
Pendant ce [[temps]], beaucoup d'[[eau]] avait coulé dans le [[Gange]], et ce qui fut mis dans le canon ne fut pas accepté par certains, qui soutinrent avec vigueur qu'il ne s'agissait pas des véritables enseignements de ''Mahâvîra''.
+
 
+
Il y eut aussi la [[question]] de l'interprétation de ce qui avait été canonisé. Comme le temps passait, des différences d'opinions se manifestèrent à ce [[sujet]]. Ceux qui n'étaient pas d'accord fondèrent une [[école]] de pensée séparée et formèrent une section particulière.
+
 
+
====''' La révolte contre les autorités religieuses jaïna'''====
+
 
+
On peut dire, en troisième lieu, que les sections et les sectes jaïna sont le résultat direct de [[révolte]]s contre les actions menées, et la [[politique]] suivie, par les autorités religieuses (:le jaïnisme n'a pas d'[[église]] dogmatique).
+
 
+
Souvent, de telles autorités dévient de la voie prescrite, ne respectent pas, elles-mêmes, les règles de conduite qu'elles ont pour mission de faire appliquer, ou sont trop strictes dans le maintien de certaines pratiques, en ne tenant pas compte des modifications que nécessitent les changements de situation. Dans ces cas, les élites éprouvent de l'indignation qui, jointe au mécontentement des disciples, aboutit à la création et à l'organisation d'écoles séparées.
+
 
+
Du fait des facteurs divers ci-dessus analysés, la [[religion]] jaïna qui, avant le commencement de l'ère [[chrétien]]ne et même avant la [[naissance]] de ''Mahâvîra'', était une et unie, s'est scindée d'abord en [[deux]] sections principales, celle des ''Digambara'' et celle des ''Svetâmbara'', et plus tard, en plusieurs sectes, dans chaque section. Ce processus continue encore de nos jours, sous une forme ou une autre.
+
 
+
===Le « grand schisme »===
+
 
+
L'[[histoire]] de la religion jaïna est remplie de références aux différents schismes qui ont eu lieu, à des époques diverses, et dont certains ont provoqué la naissance de sections et de sous-sections.
+
 
+
Il n'y a pas d'unité d'[[opinion]] sur la [[matière]] dont ces schismes se sont produits, ni sur leur nature. On prétend qu'il y en a eu [[huit]]; que le premier fut provoqué par ''Jamâli'', durant la vie de ''Mahâvîra'', et que le huitième eut lieu au premier siècle ap. J.C., c'est-à-dire environ six cent ans après son ''nirvâna''.
+
 
+
De tous les schismes, le huitième a été le plus important, car il a fait éclater définitivement la religion jaïna en deux sections distinctes: celles des jaïns ''Digambara'' et celle des jaïns ''Svetâmbara''. A ce sujet, on peut ajouter que, pour prouver l'ancienneté de sa section, chacune a sa [[théorie]] sur l'[[origine]] de l'autre.
+
 
+
D'après le compte-rendu de ce huitième [[schisme]], qui est connu sous le nom de « grand schisme », et qui fait l'[[objet]] de preuves historiques, le processus d'éclatement dura du troisième siècle avant J.-C. au premier siècle après J.C.
+
 
+
Au troisième siècle avant l'ère chrétienne, le célèbre [[ascète]] jaïna ''Çrutakevalî Bhadrabâhu'' prédit une longue et sévère [[famine]] au [[royaume]] du Magadha (dans le [[Bihar]] actuel). Redoutant les terribles effets de cette famine, il émigra, avec 12000 moines, de ''Pâtaliputra'', la [[capitale]] de ce royaume, à [[Shravanabelagola]] (dans l'Etat du [[Karnâtaka]] actuel), situé au sud de l'[[Inde]].
+
 
+
[[Image:Gomateswara.jpg|thumb|right|350px|La statue de « Bahubali » à [[Shravana-Belgola]]]]
+
 
+
Chadragupta Maurya (322-298 avant l'ère chrétienne), qui était alors le roi du Magadha, et qui révérait beaucoup l' ''Âchârya'' Bhadrabâhu, abdiqua en faveur de son fils Bindusâra, rejoignit Bhadrabâhu comme disciple moine, et l'accompagna à Shravanabelagola. Il vécut pendant douze ans après le mort de Bhadrabâhu et, après avoir pratiqué les austérités, quitta ce monde, selon le rite du ''sallekhanâ'' jaïna, sur la colline de [[Shravanabelagola]]. Cette tradition est confirmée par un grand [[nombre]] de preuves épigraphiques et [[littéraire]]s incontestables.
+
 
+
Quand les ascètes de la communauté de Bhadrabâhu, retournèrent à Pâtaliputra, à la fin des douze années de famine, ils constatèrent, à leur grande surprise, que deux grands changements s'étaient produits, pendant leur absence, chez les moines du Magadha, sous la direction de l' ''Âchârya'' Sthûlabhadra. En premier lieu, la règle de [[nudité]] s'était relâchée, les moines avaient désormais l'autorisation de porter une [[robe]] [[blanche]] (appelée ''ardhaphâlaka''). En second lieu, les [[Livre (document)|livre]]s sacrés avaient été rassemblés et édités au [[concile]] de Pâtaliputra, spécialement réuni à cet effet.
+
 
+
Le [[groupe]] d'ascètes qui revint n'accepta pas ces deux choses et se proclama groupe des vrais jaïns. La [[religion]] jaïna était désormais scindée en deux [[section]]s distinctes: celle des ''Digambara'' (vêtus de [[ciel]], c'est-à-dire totalement nus; les moines ''Digambaras'' sont probablement les ''gymnosophes'' dont parlent les [[Grèce|Grecs]] après l'expédition d'[[Alexandre le Grand]] en Inde) et celle des ''Svetâmbara'' (vêtus de blanc).
+
 
+
Il faut dire, en relation avec ce « grand schisme », que la pratique de la nudité, qui était observée strictement par ''Mahâvîra'', ses prédécesseurs, et par les ascètes de sa communauté, fut jugée, plus tard, impraticable et progressivement abandonné par un certain nombre de sectes de l'ordre ascétique jaïna. C'est pourquoi, H.Jacobi, le pionner des études jaïna en [[Allemagne]], a fait l'observation suivante:
+
 
+
« Il est possible que la séparation [...] se soit faite progressivement, une évolution s'étant produite dans les deux groupes qui vivaient à une grande distance l'un de l'autre, et qu'ils aient pris [[conscience]] de leur mutuelle différence, vers la fin du Ier siècle après J.C. Mais, cette différence est mince, pour ce qui est des articles de leur foi »<ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''Vilas Adinath Sangave''</ref>.
+
 
+
A cet égard, A.L. Basham, autorité renommée en études orientales, a donné son opinion comme suit: « De cette migration naquit le grand schisme du Jaïnisme sur un point de discipline monastique. « Bhadrabâhu », le doyen de la communauté, qui avait dirigé les émigrants, aurait insisté pour conserver la pratique de la nudité que « Mahâvîra » avait établie. Sthûlabhadra, le chef des moines qui étaient restés dans le Nord aurait autorisé ses disciples à porter des vêtements blancs, en raison des privations et de la désorganisation dues à la famine. De là, naquirent les deux sections jaïna des Digambara et des Svetâmbara. Le schisme ne devint définitif qu'au premier siècle après J.C. »<ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''Vilas Adinath Sangave''</ref>
+
 
+
Il faut dire qu'au commencement, quand le [[schisme]] se produisit, les différences entre les deux sections n'étaient pas grandes et ne prenaient pas la [[forme]] d'une rigidité dogmatique et doctrinale. Cela ressort clairement du fait que les jaïns, dans leur grande majorité, reconnaissaient que la [[nudité]] était l'[[idéal]] le plus élevé et la caractéristique d'un ''Jina'' (vainqueur spirituel).
+
 
+
Ainsi, ils vénéraient sans réserve les [[statue]]s des ''Tîrthankara'' nus. On peut relever, à ce [[sujet]], que toutes les anciennes représentations des ''Tîrthankara'' trouvées à [[Mathura]], dans l'[[Uttar Pradesh]], sont nues. Lentement, la question du [[vêtement]] pris de l'importance et plusieurs points de vue furent avancés concernant les divers aspects et les pratiques de la vie religieuse. Le résultat fut qu'avec le [[temps]], et les changements, les attitudes et les approches commencèrent à se durcir, les doctrines à s'ossifier, et le point de vue sectaire à dominer. Ce [[phénomène]] se constate dans toutes les religions, à cette [[époque]]. Naturellement, il a aussi touché la [[religion]] jaïna.
+
 
+
===Les sections ''Digambara'' et ''Svetâmbara''===
+
 
+
Il est important de voir les différences exactes qui existent entre les deux sections. Étymologiquement, les moines Digambara sont nus, et les moines Svetâmbara sont vêtus de blanc. En fait, il n'y a pas de différences doctrinales fondamentales entre les deux. Par exemple: le texte sacré pourvu de la plus grande autorité, pour tous les jaïns, est le ''Tattvârthâdhigama-sûtra'' d'Umâsvâti. Mais, il y a quelques points majeurs et quelques autres mineurs, sur lesquels les deux sections s'opposent.
+
 
+
====''' Les différences majeures'''====
+
 
+
On peut mentionner [[trois]] points majeurs de différence. Ils concernent: la pratique de la nudité, la libération de la [[femme]], et la [[nourriture]] des omniscients.
+
 
+
* La pratique de la nudité. Les ''Digambara'' considèrent cette pratique comme absolument pré requise pour la voie ascétique et pour l'obtention du salut. Les ''Svetâmbara'' assurent que la nudité n'est pas essentielle pour la libération.
+
 
+
* La libération de la femme. Les ''Digambara'' estiment que la femme est dépourvue de [[corps]] [[adamantin]], et de la volonté stricte, indispensable pour obtenir la libération (''moksha''), et donc qu'elle doit renaître sous la forme d'un [[homme]] avant que sa libération soit possible. Les ''Svetâmbara'' ont un point de vue contraire. Ils affirment que les femmes sont capables, dans leur vie, de la même réalisation spirituelle que celle des hommes.
+
 
+
* La nourriture des omniscients. D'après les ''Digambara'', dès qu'un [[saint]] (un [[ascète]]) devient omniscient (''kevala-jnâni''), il n'a pas besoin de nourriture. Ce point de vue n'est pas acceptable pour les ''Svetâmbara''.
+
 
+
===Les [[Sectes Digambara|sectes « Digambara »]]===
+
===Les [[Sectes Svetâmbara|sectes « Svetâmbara »]]===
+
==Les apports du Jaïnisme à la culture indienne==
+
 
+
Il est certain que le jaïnisme est une [[religion]] indienne très ancienne et que, depuis la plus haute [[antiquité]] jusqu'à nos jours, elle continue de prospérer, avec d'autres, dans différentes [[région]]s de ce [[pays]]. On trouve, par conséquent, des jaïns dans toute l'[[Inde]], depuis très longtemps. Ils sont connus, partout, pour leur stricte observance des pratiques religieuses dans leur vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle cette religion a pu survivre, de façon distincte, et les jaïns réussir à continuer à exister comme ses fidèles disciples.
+
 
+
Mais ce n'est pas là leurs seuls traits distinctifs. Leur caractéristique la plus importante, en fait, c'est leurs impressionnants apports à la [[culture]] indienne. Leurs contributions, pour enrichir les différents aspects de cette culture, sont considérables, eu égard à leur [[nombre]]<ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''Sangave'' </ref>.
+
 
+
===Les langues et la littérature===
+
 
+
L'apport le plus estimable des jaïns à la culture indienne est, peut-être, celui concernant la [[langue]] et la [[littérature]].
+
 
+
Il est certain que, depuis la période védique, [[deux]] [[courant]]s différents de [[pensée]] et de manière de vivre prévalent en [[Inde]]. Ce sont la [[culture]] brahmanique et la culture shramanique.
+
 
+
La culture shramanique est représentée principalement par les jaïns et les [[bouddhistes]], mais ce sont les jaïns qui ont été les premiers à la propager.
+
 
+
Les caractéristiques de la [[littérature]] shramanique sont qu'elle désapprouve le [[système]] des castes et des ''ashrams'' ([[quatre]] « états de vie » de la [[formation]] du [[brahmane]]), que ses [[héros]] ne sont jamais des [[dieu]]x ou des ''Rishi'' ([[prophète]]s, [[sage]]s, [[devin]]s des [[temps]] védiques), mais des [[roi]]s ou des [[marchand]]s ou même des ''Shûdra'' (membres de la 4ème caste, la plus basse, celle des [[serviteur]]s). Dans cette littérature, les [[sujet]]s de [[poésie]] ne sont pas des [[mythe]]s ou des [[légende]]s brahmaniques, mais des [[conte]]s populaires, des [[histoire]]s [[fée]]riques, des [[fable]]s et des [[parabole]]s. Elle aime à insister sur la [[misère]] et sur la [[souffrance]] du ''samsâra''. Elle enseigne une [[morale]] de la [[compassion]] et de la [[non-violence]], tout à fait différente de la morale brahmanique, avec ses idéaux de grands sacrificateurs, de généraux défenseurs des [[prêtre]]s, et d'adhésion stricte au [[système]] des castes.
+
 
+
Les [[auteur]]s de la [[littérature]] shramanique ont énormément apporté à la littérature religieuse, morale, poétique et scientifique de l'[[Inde]] ancienne. Une [[étude]] approfondie de la vaste littérature religieuse jaïna a été faite dans l' « Histoire de la Littérature Indienne », par M. Winternitz. Dans son exposé magistral, celui-ci affirme que les jaïns ont été les premiers à cultiver différents genres de littérature narrative, comme les ''purana'', les ''charitra'', les ''kathâ'', les ''prabandha'' ([[légende]]s, [[biographie]]s, [[conte]]s et [[Roman (littérature)|roman]]s), etc.
+
 
+
À côté d'un ensemble très vaste de [[narration]]s poétiques, la littérature non canonique jaïna est constituée d'un très grand nombre de [[commentaire]]s et de [[Traité (littérature)|traité]]s sur le [[dogme]], la [[morale]] et la [[discipline]] monastique.
+
 
+
Les jaïns ont également écrit des légendes de [[saint]]s et des [[œuvre]]s portant sur l'[[histoire]] de leur religion. Aimant beaucoup les contes historiques, ils en ont perfectionné eux-mêmes, et ils nous en ont conservé de nombreux autres qui, sans eux, auraient été perdus.
+
 
+
Les jaïns ont aussi écrit des compositions poétiques (''kâvya'' et ''mahâkâvya'') de grande valeur. La [[poésie]] [[didactique]] sont également bien représentés dans leurs œuvres. Exemple de poème, très ancien, « ''L'été'' », où les références « paysannes » prouvent la volonté du poète jaïna de se distinguer par rapport à la poésie brahmanique, plus « élitiste » :
+
 
+
''Le [[buffle]] tourmenté par la [[chaleur]] lèche le [[serpent]] qu'il prend pour un [[rivelet]] de [[montagne]]; le [[reptile]] boit la [[bave]] du buffle qu'il prend pour un [[torrent]] de [[Roche|pierre]]s [[noir]]es.''
+
 
+
''Le [[laboureur]] se réjouit du [[champ]] de [[riz]] sali de fange, regorgeant d'[[eau]] et où l'on s'enfonce jusqu'aux [[genou]]x, comme [il se réjouit] de son fils [sale, tétant le [[lait]] et chevauchant sur son genou].''
+
 
+
''La [[lune]] nouvelle au [[ciel]], environnée de la rougeur du [[crépuscule]]: telle la marque de l'[[ongle]] sur le [[sein]] de la jeune [[épouse]], dissimulée sous la [[rouge]] [[mousseline]].''
+
 
+
''Ô [[été]], qui en séchant les [[fossé]]s et garnissant de [[feuille]]s les [[bosquet]]s, facilite les rendez-vous, ô pierre de touche pour l'[[or]] du [[plaisir]] amoureux, puisses-tu ne pas disparaître!''
+
 
+
Outre cela, on peut noter l'apport très estimable des jaïns à la [[littérature]] [[scientifique]] et [[technique]] indienne sur divers [[sujet]]s, tels que la [[logique]], la [[philosophie]], la [[poétique]], la [[grammaire]], la [[lexicographie]], l'[[astronomie]], l'[[astrologie]], la [[géographie]], les [[mathématiques]] et la [[médecine]].
+
 
+
Les jaïns ont aussi porté une attention spéciale à la [[politique]] (''arthashâtra''), qui est considérée comme une « [[science]] du [[Monde (univers)|monde]] » par excellence. Bref, il est difficile de trouver une science qui n'ait pas été convenablement traitée par eux.
+
 
+
L'apport des jaïns est, également, très important en [[matière]] d'[[histoire]] des [[langue]]s indiennes, car ils ont toujours veillé à ce que leurs [[écrit]]s soient accessibles à la masse des [[gens]]. C'est la [[raison]] pour laquelle leurs [[texte]]s canoniques et leurs [[commentaire]]s sont en [[prakrit]] et, à une période plus tardive, en [[sanscrit]], ou en diverses langues indiennes [[moderne]]s.
+
 
+
H.H. Wilson, indianiste renommé, n'exagère pas lorsqu'il dit que « chaque [[province]] de l'[[Hindoustan]] possède des textes littéraires jaïna en sanscrit ou dans ses [[idiome]]s [[vernaculaire]]s »<ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''V.A.Sangave''</ref>. Il est certain que les jaïns ont mis en valeur les différentes langues régionales, spécialement le [[hindi]], le [[gujarati]], le [[kannada]], le [[tamoul]] et le [[télugu]].
+
 
+
Pour ce qui concerne l'apport jaïna à la littérature kannada, son grand maître, R. Narasimhâchârya, a donné un avis éclairé en ces termes: « les premiers à avoir cultivé la langue [[kannada]] ont été les Jaïns. Les [[œuvre]]s les plus anciennes, de quelque étendue et de quelque valeur qui nous sont parvenues dans cette [[langue]], sont toutes écrites par eux. La [[période]] de leur prédominance sur le [[plan]] littéraire, dans cette langue, peut être appelée, à juste titre: « L'[[âge]] d'[[Auguste]] de la littérature kannada ». Les auteurs jaïna, en kannada, sont beaucoup plus nombreux que ceux en tamoul. Pour en citer seulement quelques uns, nous avons: Pampa, Ponna, Ranna, Gunavarman, Nâgachandra, Nayasena, Nâgavarman, Aggala, Nemichandra, Janna, Andayya, Bandhuvarmâ et Medhura. Leurs œuvres sont admirées comme étant d'excellents spécimens de [[composition]] poétique.
+
 
+
C'est en kannada que nous possédons un ''Râmâyâna'' et un ''Bhârata'', basée sur la tradition jaïna, en plus de ceux de traditions brahmanique. Outre les ''kâvya'', écrits par des [[auteur]]s jaïna, nous avons de nombreuses œuvres d'eux, traitant de [[sujet]] comme: la grammaire, la [[rhétorique]], la [[prosodie]], les mathématiques, l'[[astrologie]], la [[médecine]], la [[science]] [[vétérinaire]], la [[cuisine]], etc. En tout, le [[nombre]]s d'auteurs jaïna en kannada est proche de deux cents ».
+
 
+
Comme les jaïns ont écrit leur vaste littérature, depuis une [[époque]] très ancienne, dans ces langues diverses, ils ont incontestablement joué un rôle considérable dans leur développement.
+
 
+
Les [[Livre (document)|livre]]s sacrés et les [[prédication]]s des Brahmanes sont toujours en langue sanscrite, ceux des bouddhistes sont en langue palie. Seuls, les jaïns ont employé les langues qui prévalaient dans les différents endroits du [[pays]], pour la [[propagande]] religieuse et pour la [[conservation]] de leurs [[connaissance]]s, que ce soit le [[sanscrit]], le [[prakrit]] ou l'apabhramshha. Leur place est donc importante, dans l'histoire de la littérature et de la [[civilisation]] de l'[[Inde]].
+
 
+
 
+
 
+
== Le Jaïnisme et les religions en Inde ==
+
 
+
Lors de la [[colonisation]] du [[sous-continent]] indien, la majorité des [[historien]]s occidentaux pensaient, à tort, que le jaïnisme était une ramification de l'[[hindouisme]] ou du [[bouddhisme]]. En réalité, le jaïnisme est bien une [[religion]] ou une [[philosophie]] totalement distincte de ces [[deux]] [[croyance]]s et les preuves archéologiques montrent même que le jaïnisme, ou « pré-jaïnisme », est apparu bien avant l'hindouisme ou le bouddhisme. Le docteur Zimmerman a ainsi affirmé cette [[thèse]] en ces termes : « L'idée jaïna que cette religion remonte à la plus haute [[antiquité]], et que celle-ci correspond à la [[période]] pré-aryenne (antérieure à 1500 av. J.-C.), a du vrai »<ref>Dans ''The Philosophies of India''</ref>.
+
Néanmoins, ces croyances se sont mutuellement influencées à travers les siècles. L'[[islam]], comme nous le verrons, a ainsi eu, lui aussi, un impact certain sur le jaïnisme.
+
 
+
===Le Jaïnisme et l'Hindouisme===
+
 
+
Étant donné que ces deux religions n'ont pas quitté, d'une façon conséquente et sur le très long terme, leur [[sphère]] d'influence traditionnelle, c'est-à-dire l'[[Inde]], il est évident que les aspects de la vie sociale et religieuse des jaïns et des hindous peut paraître, aux yeux d'un occidental, assez similaires, voire, sans aucune dissemblance. Mais si l'on s'attache à comparer attentivement ces deux grands courants philosophiques, nous discernerons très vite notre erreur. 
+
 
+
[[Image:Sarasvati2.jpg|right|thumb|250px|La « devi » [[Sarasvati]], déesse de la Sagesse et de la Connaissance, est une déesse très respectée par les jaïns, au même titre que [[Lakshmi]], déesse de la richesse]]
+
 
+
*les jaïns n'acceptent pas les livres sacrés de l'hindouisme (« [[Veda]] »,« SmRti »,« Purana »...) et les hindous ne reconnaissent aucune écriture du jaïnisme.
+
 
+
*Les jaïns considèrent que l'[[univers]] est éternel, confronté naturellement à une infinité de [[cycle]]s, alors que les hindous pensent qu'il a été créé, soumis lui aussi à une multitude de cycles, cycles engendrés par des [[dieu]]x.
+
 
+
*Les jaïns vénèrent ceux qui ont conquis leur [[idéal]] suprême, et sont arrivés, par eux-mêmes, à la divinité. Le [[culte]] jaïna, extérieur et intérieur, a une simple valeur subjective et aide le fidèle à la [[concentration]] de son [[esprit]] sur l'[[exemple]] de ces êtres parfaits - Les 24 ''Tirthankara''(« faiseurs de [[gué]] » ou [[prophète]]s dont le dernier est Mahâvîra), les ''Jina'' (« vainqueurs spitrituels ») ou ''Siddha jiva'' (« âme libérée ») - afin de les imiter, si ce n'est pas dans cette vie, dans une autre. Contrairement aux hindous qui révèrent différentes formes, incarnations ou « [[avatar]] » d'un seul Dieu, créateur et maître du monde.
+
 
+
*Ainsi, dans le jaïnisme, les fidèles ne font que rendre [[hommage]] aux [[être]]s dignes d'être imités, mais qu'on ne peut pas prier d'intervenir dans le [[destin]] des [[homme]]s, car l'homme est le seul responsable de son [[avenir]], et il subit ''inévitablement'' la conséquence de ses actes.
+
A l'opposé de l'hindouisme, où le [[culte]] peut se traduire par des [[prière]]s à tel ou tel dieu, à telle ou telle [[déesse]], afin d'obtenir l'[[objet]] désiré. Cette [[forme]] de vénération, chez les hindous, et le but qu'il peut prendre, a permis aux anciens rites védiques de se maintenir sous la forme de [[sacrifice]]s sanglants d'animaux (voire d'hommes...), dédiés à certains dieux ou certaines déesses (comme [[Kali]]), sacrifices aujourd'hui rejetés par la majorité des hindous, surtout [[végétarien]]s. Ce genre de culte est impossible dans le jaïnisme, pour des raisons d'« [[existentialisme]] » et de [[non-violence]] stricte.
+
 
+
*Les jaïns considèrent que pour obtenir le [[salut]], pour être libéré de l'[[océan]] des naissances et des morts, il faut être né [[homme]], et de par son [[aptitude]] d'être humain, on peut se libérer. Les hindous, quant à eux, pensent que les dieux seuls peuvent accorder le salut.
+
 
+
*La voie du salut dans le jaïnisme est simple et unique, décomposée en trois « [[joyau]]x » qui peuvent être suivies par tous, mais toujours selon ses capacités et son [[degré]] de motivation, qui lui-même dépend du bon ou mauvais ''[[karma]]'' accumulé dans les vies passées: la Foi juste, la Connaissance juste, et la Conduite juste, cette dernière étant divisée par le code moral universel des cinq vœux principaux. De son côté, l'hindouisme propose plusieurs voies(qui doivent reconnaître malgré tout la [[caste]] des [[brahmane]]s en tant que première des castes - socioreligieuse), engendrés par divers ''guru'' ou « maîtres spirituels », et cela de tous [[temps]].
+
 
+
*Les jaïns considèrent le ''karma'' comme une forme spéciale de [[matière]] qui a la capacité de s'incorporer à l'âme. C'est une sorte de [[lien]] entre l'âme [[spirituel]]le, immatérielle, éternelle et entre le [[corps]], le [[Monde (univers)|monde]], [[matériel]]s, impermanents, tous deux soumis aux changements, donc à la [[souffrance]]. Les hindous estiment que le ''karma'' est un pouvoir [[invisible]] assimilé complètement avec l'âme.
+
 
+
*Pour les jaïns, l'[[âme]] libérée réside éternellement au [[sommet]] de l'[[univers]], dans le bonheur excellent, tout en conservant son individualité. Pour un hindou, l'âme libérée, qui était jusque là individuelle et par conséquent soumise aux transmigrations, se fond dans l'âme universelle, le Brahman, c'est-à-dire l'être primordial, Créateur du monde, où l'on bénéficie d'un bonheur sans fin.
+
 
+
*Les choses religieuses jaïnas comme les [[temple]]s, les [[fête]]s, les [[pèlerinage]]s, les [[cérémonie]]s, les [[divinité]]s ainsi que les [[concept]]s religieux sont le plus souvent différents de ceux des hindous.
+
 
+
*Les pratiques religieuses connues dans l'[[hindouisme]] comme l'adoration des [[arbre]]s, des [[fleuve]]s : ([[deux]] traditions préaryennes, c'est-à-dire dravidiennes), le [[bûcher]] de l'épouse(« sati »), etc. sont considérés par les jaïns comme des [[superstition]]s (''mudhata'') à éviter absolument.
+
 
+
*Alors que la [[société]] védique se composait de [[quatre]] classes, ''varna'', celle des Brahmanes(les « [[lettrés]] », « [[prêtres]] »), celle des « [[guerrier]]s » (''kshatriya''), celle des « [[paysan]]s »(''vayshya'') et celle des « [[serf]]s » (''shudra'') et a engendré de forts clivages de la société indienne durant l'[[antiquité]], [[Mahâvîra]], tout en reconnaissant la [[division]] de la société en ces quatre classes (les « castes » ou ''jati'' concernent le monde socioprofessionnel et non socioreligieux), basa celles-ci sur les activités exercées par les gens, et non sur leur [[naissance]]. Dans l'[[hindouisme]], les règles de vie religieuse dépendent de sa [[caste]] de naissance. Chez les jaïns, les pratiques religieuses sont observables par tous, [[femme]]s ou « [[serf]]s » (''shudra''), car les règles religieuses sont communes à tous les jaïns, sans [[hérédité]], avec la [[liberté]] de choisir sa [[profession]].
+
 
+
*À propos de l'« Être », les [[adepte]]s de [[Vedânta]] considèrent que, dans toute [[chose]], il y a sous-jacent un « Etre » unique, permanent, et sans changement. Au contraire, les [[bouddhiste]]s estiment que toute chose est transitoire. Les jaïns, eux, affirment que l'« Être » est soumis au [[cycle]] de la naissance, de l'[[existence]] et de la [[destruction]]. Ils appellent leur [[théorie]] celle des aspects multiples (''anekântavada''). Cette théorie est en contradiction avec celle des adeptes du Vedânta, qui est celle de la permanence (''nityavâda'') et avec celle des bouddhistes, qui est celle des états transitoires (''kshanikavâda''). Les jaïns pensent que les choses qui existent ne sont permanentes que pour ce qui concerne leur [[substance]], mais que leurs [[qualité]]s ont un commencement et une [[fin]]. Cette théorie jaïna de l' « Être » doit être vue en relation avec celle du ''syâdvâda'' et du ''nayavâda''<ref>Voir Jaïnisme#Les doctrines fondamentales du Jaïnisme|Les doctrines fondamentales du Jaïnisme</ref>. D'après la doctrine du ''syâdvâda'', toute [[affirmation]] sur une chose qui existe doit refléter en quelque sorte les multiples aspects de cette chose, c'est-à-dire que toute affirmation [[métaphysique]] est correcte, d'un point de vue, mais que l'affirmation contraire est aussi juste, d'un autre point de vue. Selon la doctrine du ''nayavâda'', les jaïns pensent que, dans l'[[expression]] des choses, les jugements sont relatifs et qu'ils ne contiennent qu'une partie de la vérité. Cette doctrine, complètement [[logique]] de la précédente, est la conséquence de celle de la multitude des aspects de l'« Être ».
+
 
+
Pour conclure sur cette comparaison entre l'hindouisme et le jaïnisme, B.A. Selatore a justement écrit: « Le principe de [[non-violence]] a été, pour partie, la cause de la grande influence des Jaïns sur la [[culture]] hindoue, en matière de tolérance (et dont le Mahâtmâ [[Gandhî]] est le [[symbole]]). Quoi que l'on dise sur la rigueur avec laquelle ils ont soutenu leurs dogmes religieux, ou sur la ténacité et l'[[art]] avec lesquels ils ont défait leurs opposants, dans les débats religieux, on ne peut nier qu'ils ont encouragé le principe de tolérance, de la façon la plus sincère, et en même temps, avec plus de succès qu'aucune autre [[communauté]] en [[Inde]] »<ref>dans ''Le Jaïnisme'' de ''Vilas Sangave''</ref>.
+
 
+
===Le Jaïnisme et le Bouddhisme===
+
 
+
[[Image:Headbuddha.jpg|thumb|250px|Tête gréco-boudhique du Ier siècle ap. J.C., [[Afghanistan]]]]
+
 
+
Le jaïnisme et le [[bouddhisme]] ont de nombreux points communs :
+
 
+
*Les ''[[Vedas]]'', le [[système]] des [[caste]]s, les [[sacrifice]]s d'animaux de l'[[hindouisme]] ne sont pas reconnus et ont été combattus avec ferveur, et un relatif succès, par les fidèles bouddhistes et jaïns.
+
 
+
*Le pouvoir permanent de [[Dieu]] en tant que créateur du [[Monde (univers)|monde]] n'est pas accepté.
+
 
+
*Le caractère « monastique » très important de ces religions, où les « sadhus » et « sadhvis » occupent une place prééminente.
+
 
+
*Le ''Tirtankara Mahâvîra'' et ''Gautama Bouddha'' sont des [[Prince (titre)|prince]]s de la caste des [[guerrier]]s, dans l'[[Etat]] du [[Bihar]] [[moderne]], et ils se sont retirés de leur situation privilégiée, en renonçant au [[pouvoir]], afin de se réaliser.
+
 
+
Malgré ces ressemblances entre le jaïnisme et le bouddhisme, il y a des différences fondamentales qui évitent de les confondre :
+
 
+
*Le bouddhisme est une [[religion]] créée, et dont le [[fondateur]] est évidemment ''Gautama Bouddha'', au VIème siècle av. JC. Ce n'est pas le cas du jaïnisme, qui n'est pas une religion créée, mais qui fait partie des religions traditionnelles, comme l'hindouisme, et qui existe depuis un passé fort éloigné, sans doute depuis la [[protohistoire]] indienne (:dernière période avant l'apparition de l'[[écriture]], mais [[contemporain]]e de la première [[métallurgie]] -du 3ème au 1er millénaire av. JC.). Le fondateur mythique du jaïnisme est le premier ''Tirthankara'', le seigneur ''Rshabha'', aussi appelé ''Adinatha'' ('''musique''' sur le 1er ''Tirthankara'':[http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/adinatha.wma], '''musique tamoule''':[http://www.jainworld.com/JWTamil/jainworld/songs/arugan2/kailase.mp3]), considéré comme le précurseur de la [[civilisation]] humaine. Cela est aussi reconnu par les hindous. Mahâvîra n'est donc pas le fondateur du jaïnisme, il n'a fait que l'exposer durant toute sa vie de fervent jaïn.
+
 
+
*Le jaïnisme est une religion ''atmavadi'', conçue à partir de l'existence de l'âme, une âme éternelle, qui pour se libérer doit détruire les liens du ''karma''. Au contraire du bouddhisme qui est une religion ''anatmavadi'', où l'[[âme]] n'a pas d'importance puisqu'elle doit périr pour que l'[[individu]] puisse atteindre le ''nirvâna''.
+
 
+
*Bien que la « règle d'[[or]] » dans le bouddhisme soit la [[non-violence]], le bouddhisme en a fait un usage plus limité que dans le jaïnisme. Un bouddhiste ne doit pas commettre la [[violence]] lui-même, mais d'une façon implicite cela veut dire qu'il peut, par exemple, consommer de la viande d'un [[animal]] tué par un autre (néanmoins, il faut reconnaître que tous les bouddhistes indiens sont végétariens). Dans le jaïnisme, le principe de non-violence est considéré sous tous ses aspects, obligatoire pour qui veut se prétendre son [[disciple]] (la pérennité du jaïnisme tient seulement à la ferveur de ses fidèles à la pratiquer), en lui demandant de ne pas commettre la violence de [[neuf]] façons: par la [[pensée]],par la [[parole]] et par le [[corps]] et, à chaque fois, soit personnellement, soit en le commandant à d'autres, soit en consentant son exécution par d'autres.
+
 
+
*Le jaïnisme et le bouddhisme sont considérés comme des religions ascétiques, puisqu'elles attachent de l'importance à des pratiques d'austérité, de pénitence. Mais l'[[ascétisme]] jaïna est le plus exigeant au monde. Le bouddhisme propose une « voie du milieu », où les limites entre l'ascétisme extrême et le [[laxisme]] complet sont assez floues.
+
 
+
*Le jaïnisme a toujours affirmé faux, voire très nuisible, de prétendre que sa croyance est la seule vérité. Car la tolérance et l'[[humilité]] se marie parfaitement avec la non-violence, terme qui est devenue synonyme de « jaïnisme ». L'[[intégrisme]] religieux n'existe pas chez les jaïns, et ne peut pas exister puisqu'il détruirait les fondements du jaïnisme. Malheureusement, certains groupes bouddhistes minoritaires ont prouvés leur intolérance et cela peut se traduire par des violences entre communautés, comme au [[Sri Lanka]] ou au [[Bhoutan]], avec les [[hindou]]s.
+
 
+
*Lorsqu'un laïc jaïna pratique le [[culte]], il ne demandera jamais à un [[prophète]] jaïna, ni à un [[dieu]] quelconque de lui permettre de posséder l'[[objet]] de son [[désir]]. Ce n'est pas le cas dans le [[bouddhisme]] [[populaire]], où l'on peut prier [[Bouddha]] afin qu'il vous permette d'assouvir votre désir ou vous vienne en aide.
+
 
+
===Le Jaïnisme et l'Islam===
+
 
+
L'[[islam]] a eu un impact certain sur le jaïnisme à propos des vénérations des [[idole]]s. Comme chacun le sait, l'islam est opposé à leur vénération, et nombre de penseurs jaïna, tel ''Lonka Shah'', ont montré un penchant semblable, d'autant que vers le 15ème et 16ème siècles des [[musulman]]s se convertissent au jaïnisme. Ceci a donné naissance à des [[secte]]s non idolâtres, comme les ''Sthanakavasi'' chez les ''Svetembara'', et des ''Taranapanthi'' chez les ''Digambara'', où l'on préfère pratiquer la vénération (et l'étude) des saintes écritures que pratiquer celle des idoles.
+
 
+
===Le Jaïnisme et l'Animisme===
+
 
+
Les jaïns considèrent considèrent que tout [[être]] vivant, ''jiva'', à une âme, ''atman''. Les âmes sont des [[substance]]s éternelles dont l'[[essence]] pure est parfaite et toute-puissante. Les âmes sont de [[deux]] sortes, terrestres, ou libérées, ''jina''. Ces dernières sont absolument pures et heureuse, et exemptes de tout [[amalgame]] matériel. Pour les jaïns, les âmes terrestres sont de deux sortes: celles qui ont une [[pensée]] avec la [[faculté]] de distinguer le bien du mal, et celles qui n'ont pas de pensée. Il y a les âmes « immobiles », qui n'ont pas le pouvoir de s'éloigner de l'[[objet]] de leur [[peur]], et par conséquent, qui n'ont qu'[[un]] seul [[sens]], le [[toucher]] :
+
 
+
*Celles qui ont un [[corps]] de [[terre]],
+
 
+
*Un corps d'[[eau]],
+
 
+
*Un corps de [[feu]],
+
 
+
*Un corps d'[[air]]
+
 
+
*Et un corps de [[plante]]s.
+
 
+
Comme on le remarque, la [[croyance]] jaïna selon quoi tout à peu près à une âme pourrait faire passer le jaïnisme pour une religion [[animiste]]. Mais comme le jaïnisme fait la distinction entre ce qui a une [[âme]] ou non, on doit s'en aviser. Les âmes mobiles, qui ont plusieurs sens, sont :
+
 
+
*Celles qui ont [[deux]] sens: le toucher et le [[goût]], comme un [[coquillage]].
+
 
+
*Celles qui ont [[trois]] sens: le toucher, le goût et l'[[odorat]], comme une [[termite]].
+
 
+
*Celles qui ont [[quatre]] sens: le toucher, le goût, l'odorat et la [[vue]], comme une [[abeille]].
+
 
+
*Celles qui ont [[cinq]] sens, comme l'[[éléphant]], l'[[homme]], les êtres célestes ou infernaux.
+
 
+
Enfin, nous pouvons faire la liste des [[substance]]s sans âmes :
+
 
+
*La [[matière]], c'est-à-dire tout ce qui est perçu par les sens, tels les [[organe]]s des sens eux-mêmes, les corps des ''jiva'', les ''karma'', et autres objets matériels.
+
 
+
*Le [[principe]] de [[mouvement]], c'est-à-dire la [[circonstance]] ou la [[cause]] du mouvement.
+
 
+
*Le principe de [[repos]], c'est-à-dire la circonstance ou la cause du repos.
+
 
+
*L'[[espace]], c'est-à-dire ce qui contient les substances vivantes ou non vivantes dans l'[[univers]].
+
 
+
*Le [[temps]], c'est-à-dire ce qui est la cause ou la circonstance de la modification des âmes et de la matière.
+
 
+
===Le Jaïnisme et l'Athéisme===
+
 
+
Dans le jaïnisme, contrairement à des religions comme le [[bouddhisme]], le [[christianisme]] ou l'[[hindouisme]], il y a le principe que l'[[homme]] est responsable de tout ce qu'il y a de bon ou de mauvais dans sa vie. Il n'échappe pas à la conséquence de ses actes, car la [[loi]] du ''karma'' est un [[mécanisme]] naturel. Une bonne action pour un être sera rendue dans une autre vie... si ce n'est déjà dans l'actuelle ! Il en est de même pour une mauvaise action... Pour le jaïnisme ni [[dieu]], ni son [[prophète]], ni son bien-aimé ont la capacité d'intervenir dans la destinée d'un être, ou dans ce qui se produit dans l'Univers, qui est l'unique réalité. Cette attitude particulière envers le [[concept]] de [[Dieu]] peut faire penser que le jaïnisme est une « [[religion]] » [[athée]]. C'est une erreur, car un jaïn croît fermement à la divinité - une infinité de dieux - un jaïn admet le mérite et le démérite d'une action, un jaïn entretient des pratiques religieuses variées, un jaïn pense que l'âme libérée est elle-même [[Dieu]].
+
 
+
=== Le Jaïnisme et les Ajîvika ===
+
 
+
Voir l'article sur les « [[Ajîvika]] ».
+
 
+
== Le Jaïnisme et l'Anarchisme ==
+
 
+
== Le ''Namokar Mantra'' ==
+
 
+
Le ''Namokar Mantra'' jaïna est récité par les fidèles, chaque [[jour]], et au début de toute [[cérémonie]] religieuse et de toute activité importante. C'est une [[prière]] qui n'est pas une « demande », c'est avant tout un [[hommage]] respectueux envers ceux qui sont plus avancés dans leur réalisation spirituelle, et qui sont par conséquent des modèles pour tous les jaïns, et dont on doit imiter leur [[idéal]] de vie fondée sur la [[non-violence]] totale. C'est la [[prière]] la plus importante dans le jaïnisme.
+
 
+
'''Texte [[sanscrit]]:'''
+
 
+
NAMO ARIHANTANAM,
+
 
+
NAMO SIDDHANAM,
+
 
+
NAMO AYARIYANAM,
+
 
+
NAMO UVAJJHAYANAM,
+
 
+
NAMO LOE SAVVA SAHUNAM,
+
 
+
ESO PANCHA NAMOKARO
+
 
+
SAVVA PAVA PANASANO.
+
 
+
MANGALANAN CHA SAVVESIM,
+
 
+
PADHAMAN HAVEI MANAGALAM.
+
 
+
'''[[Traduction]] en [[français]]:'''
+
 
+
Je salue les ''Arhats'' (les ''Jina''),
+
 
+
Je salue les ''Siddha'' (ceux qui ont atteint la lbération),
+
 
+
Je salue les ''Acharya'' (les chefs de communautés, les maîtres),
+
 
+
Je salue les ''Upadhyaya'' (les précepteurs),
+
 
+
Je salue tous les ''Sadhus'' (moines, nonnes),
+
 
+
Cette quintuple vénération efface tous les péchés.
+
 
+
De toutes les formes de bonheur, ce mantra est le plus favorable.
+
 
+
'''[[Musique]] sur le ''Namokar Mantra'':'''
+
 
+
* [http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/Ratnakar%20Pachchisi%20--%201%20Navkar%20Mantra%20(Anuradha%20Paudwal).wma]
+
 
+
* [http://www.jainworld.biz/jwnetv01/amrutpravachan/Avseq01_output.wmv], [http://www.jainworld.biz/jwnetv01/amrutpravachan/Avseq02_output.wmv], [http://www.jainworld.biz/jwnetv01/amrutpravachan/Avseq05_output.wmv] vidéos. Extraits d'une [[émission]] sur une chaîne indienne.
+
 
+
* [http://www.jainworld.biz/jwnetv01/sdarshan/V4.wmv], vidéo. Extrait d'une [[émission]] sur une chaîne indienne.
+
 
+
* [http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/Prabhu%20Pooja%20Track%20No01.wma]
+
 
+
* [http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/yasho%20Anand%20Geet%20Gunjan%20Track%20No02.wma]
+
 
+
* [http://www.jainworld.com/JWTamil/jainworld/songs/arugan2/namokar.mp3], musique tamoule.
+
 
+
* [http://www.jainworld.biz/jwneta11/Jain%20Music/HAY%20MANAV.wma]
+
 
+
* [http://www.yjindia.org/navkarmantra.wav]
+
 
+
== Sous quelle apparence allez-vous vous réincarner? ==
+
 
+
Naître sous la forme d'un être [[humain]] est une occasion rare pour une âme, difficile à atteindre. En effet, dans le jaïnisme, chaque âme produit une « [[couleur]] » qui révèle son [[degré]] de pureté ou de [[pollution]] « karmique ». Ces couleurs, ''leshyâ'', sont les états mentaux qu'un être vivant peut produire. Nous éprouvons tous différents états mentaux dans notre vie, qui le plus souvent conditionnent nos actions, nos paroles. Il s'agit de cultiver les meilleurs états mentaux - la couleur [[jaune]], la couleur du [[lotus (plante)|lotus]], et la couleur [[blanche]] - et d'éviter les mauvais - la couleur [[brune]], la couleur [[bleue]] et la couleur [[noire]] - afin de continuer le progrès spirituel sous forme d'être [[humain]]:
+
 
+
* '''Krishna (« noire ») Leshyâ''' : Les personnes qui ont cet état d'esprit ne montrent aucune [[compassion]], aucune miséricorde. On est effrayé par elles, lorsque leur [[colère]] tourne à la violence. Elles brûlent toujours de [[jalousie]] et en veulent à tout le monde. Elles sont remplies d'animosité et de malice et elles ne croient pas en la [[religion]]. Si quelqu'un meurt dans cet état, il renaît en enfer, où vivent les êtres infernaux.
+
 
+
* '''Neel (« Bleue ») Leshyâ''' : Les personnes qui ont cet état d'esprit sont fières, hautaines, et paresseuses. On ne peut pas compter sur elles et les autres évitent leur compagnie. elles sont tricheuses, lâches et hypocrites. Elles évitent aussi les discours religieux. Si quelqu'un meurt dans cet état, il renaît en [[plante]].
+
 
+
* '''Kapot (« brune ») Leshyâs''' : Ceux qui ont cet état d'esprit restent toujours tristes et sombres. Ils trouvent des fautes chez les autres et sont vindicatifs. Ils se vantent, s'énervent pour des petites choses et manquent d'[[équilibre]] mental. si quelqu'un meurt dans cet état d'esprit, il renaît comme [[animal]].
+
 
+
* '''Teja (jaune) Leshyâs''' : Les gens qui ont cet état d'esprit font très attention à leurs actes et font une distinction entre le bien et le mal. ils sont doux, bienveillants, religieux et mènent une vie harmonieuse. Si quelqu'un meurt dans cet état, il renaît comme être [[humain]].
+
 
+
* '''Padma (« lotus ») Leshyâ''' : Les gens qui ont cet état d'[[esprit]] sont doux et bienveillants. Ils pardonnent à tout le [[gens|monde]], même à leurs ennemis. Ils observent un certain nombre d'austérités et sont vigilants à leurs vœux jusqu'à leur dernier souffle. Ils ne sont affectés, ni par les joies, ni par les peines. Si quelqu'un meurt dans cet état d'esprit, il renaît dans le [[ciel]] comme être céleste.
+
 
+
* '''Shuklâ (« blanche ») Leshyâ''' : Il y a [[deux]] degrés dans cette ''leshyâ''. Les personnes qui ont cet état d'esprit observent strictement les principes de la [[non-violence]], de vérité, d'honnêteté, de chasteté et de non attachement. Elles sont dignes de confiance, traitent chaque âme comme si c'était la leur, et elles n'ont pas de sentiments mauvais, même envers leurs ennemis. Elles restent calmes, même si on les [[insulte]]. Si quelqu'un meurt dans cet état d'esprit, il renaît comme être [[humain]] ou [[ange]]. Ceux qui ont perfectionné leur état d'esprit, où il n'y a plus aucun attachement, plus aucune haine, qui traitent tout le monde de la même façon, qui ne sont ni joyeux, ni tristes, sont dans l'état d'âme le plus pur. Si quelqu'un meurt dans cette façon d'être, qui est parfaite, il est libéré du [[cycle]] de la naissance et des morts, le ''samsara''.
+
 
+
== L'influence du Jaïnisme en Inde==
+
 
+
Afin de résoudre les [[problème]]s les plus néfastes de son [[époque]], le ''Tîrthankara'' Mahâvîra a engagé plusieurs actions exceptionnelles, sur le [[plan]] [[social]]. Après avoir eu l'omniscience, à l'âge de quarante-deux ans, il circula pendant trente ans, de façon continue, dans différentes régions de l'[[Inde]]. Il rencontra des gens de milieux urbains, tribaux et ruraux, et il prêcha les principes et les règles de conduite du jaïnisme. Il eut, par sa personnalité et par ses prédications, une extraordinaire influence sur toutes les classes de la [[société]] indienne, et surtout sur celles qui étaient opprimées. En plus de leur révéler la voie de la libération, principe que la [[population]] voulait plus que tout connaître, il leur démontra les moyens véritables grâce auxquels tous, sans distinction de [[caste]] ou de statut, pouvaient atteindre cet objectif. La [[foule]] fut en effet si nombreuse, attirée par la sincérité de son intention, ses [[mode]]s d'approche, sa [[Méthode de travail|méthode]] d'application, son charisme hors norme, sa [[philosophie]] et sa [[morale]] sans équivalent, que très nombreux furent ceux qui commencèrent à adhérer à la [[religion]] jaïna, en tant que laïques ou [[ascète]]s.''Mahâvîra'' a fait admettre un nouvel [[ordre social]] qui allait révolutionner la vie des gens et leurs espoirs. Cela ne peut être démenti. Les penseurs et précepteurs jaïna, les ''Acharya'', continuèrent à défendre par la suite cette [[politique]] sociale dont les différents points sont ceux abordés ci-dessous.
+
 
+
==='''L'instauration de l'égalité sociale entre les hommes.'''===
+
 
+
Sur le plan social, la contribution la plus importante de ''Mahâvîra'' a été celle de l'instauration de l'égalité entre les quatre classes (''varna''), qui existaient dans la société indienne. Il y est parvenu, en organisant ses très nombreux [[disciple]]s en un ordre unique, tout à fait différent de l'ordre brahmanique de l'époque.
+
 
+
La société védique était alors composée de quatre classes: celle des Brahmanes (''brâhmana''), celle des [[guerrier]]s (''kshatriya''), celle des [[paysan]]s (''vaishya''), et celle des [[serf]]s (''shûdra'') qui, disait-on, provenait respectivement de la [[bouche]], des [[bras]], des [[cuisse]]s et des [[pieds]] de ''Brahman'', le Créateur. Ces [[membre]]s, prétendus à l'[[origine]] des [[quatre]] [[division]]s, et l'ordre dans lequel ils étaient donnés, indiquaient le [[statut]] des gens, dans la société. Le fait que ces classes étaient dites d'origine divine pouvait laisser croire qu'elles étaient très anciennes et bien définies. En fait, celles-ci étaient non seulement distinctes et séparées, mais elles furent, aussi, plus tard, affectées d'un [[esprit]] de rivalité entre elles.
+
 
+
Dès le début du ''Rig Veda'', la profession de Brahmane commençait à revendiquer, pour elle, des [[droit]]s supérieurs ou de caractère [[sacré]], et à instauré des règles différentes pour les différentes classes. Ces [[prérogative]]s de la caste sacerdotale créaient des clivages dans la société. Les ''kshatriya'' occupaient une position proche de celle des Brahmanes. Les paysans et les serfs étaient, eux, fort peu considérés - bien que majoritaires, par rapport aux autres. Ainsi, à cette époque, la société était complètement figée, en ce sens qu'une importance extraordinaire était donnée aux Brahmanes et que personne n'était autorisé à changer de classe, celle-ci dépendant de la [[naissance]]. ''Mahâvîra'' et les ''Âchârya'' jaïns ensuite, manifestèrent leur opposition à ces dispositions injustes, basées sur une supposée inégalité originelle, et sur une large [[discrimination]] sociale. Certes, ''Mahâvîra'' reconnut la division de la société en quatre classes, mais il basa celles-ci sur les [[activité]]s exercées par les gens, et non sur leur naissance. Il donna une [[liberté]] totale et entière à chacun et à tous, y compris aux [[femme]]s et aux serfs, d'observer les pratiques religieuses communes, et il les admit dans son ordre, sans distinction. Le jaïnisme ouvrit ainsi ses portes à tous, laïques hommes et femmes, ascètes hommes et femmes, avec la possibilité pour eux de pratiquer la religion suivant leurs capacités.
+
 
+
La société voulue et souhaitée par ''Mahâvîra'' et par les ''Âchârya'' jaïna fut une société où les classes ne seraient plus [[héréditaire]]s, avec des cloisonnements [[étanche]]s entre elles, mais où chacun aurait la possibilité d'en changer, selon ses [[aptitude]]s. Dans cette société, toutes les classes seraient uniquement considérées comme des modes de vie, et une grande place serait donnée aux personnes. Il n'y aurait plus d'endroit où quelqu'un serait dégradé ou oublié, car chacun serait libre d'exercer la [[profession]] qu'il voudrait et d'observer les mêmes rites et les mêmes pratiques religieuses que les autres.
+
 
+
Cette conception de la société eut un impact immense. Le principe de l'égalité des classes était affirmé, la mobilité entre elles rendue possible, et le critère de la naissance, pour l'appartenance de celle-ci, totalement abandonné.
+
 
+
Cela eut un effet salutaire sur les conditions d'existence des hors-classes (des [[intouchable]]s) qui, jusque là, étaient totalement privés d'[[instruction]], sans aucun droit, soumis à des [[traitement]]s infects, affectés aux tâches les plus basses de la société indienne, et totalement écartés des pratiques religieuses. Des restrictions nombreuses étaient aussi mises à leurs [[mouvement]]s et à leurs façons de vivre. ''Mahâvîra'' fut, par ses [[enseignement]]s, une grande consolation pour eux.
+
 
+
Les résultats des prises de positions jaïna furent l'instauration d'un statut social pour les opprimés, un changement d'attitude envers les « non-aryens » et les masses [[populaire]]s, et une opposition progressive à la poursuite de la pratique de l'[[esclavage]], sous toutes ses formes<ref>dans ''Le Jaïnisme en Inde'' de ''Tiffen''</ref>.
+
 
+
==='''L'affirmation de l'indépendance des individus face à la domination des prêtres'''===
+
 
+
Après l'affirmation de l'égalité sociale, ''Mahâvîra'' et les ''Âchârya'' jaïna mirent sérieusement en cause la position privilégiée des Brahmanes. Depuis les temps védiques (à partir de 15OO av. J.-C.), leurs prêtres jouissaient d'un statut social élevé, de privilèges politiques, de concessions économiques, et de facilité religieuses, par rapport aux autres classes. Avec leur situation avantagée, ils avaient l'habitude d'occuper des positions élevées dans la [[société]], et ils en profitaient pour exploiter les masses, dans plusieurs domaines, notamment dans le domaine religieux, qui revêtait pour les gens une grande importance.
+
 
+
''Mahâvîra'' lança une [[attaque]] énergique et vigoureuse contre cette caste et contre ces pratiques ingénieuses pour exploiter le peuple. En même temps, il facilita l'accès des gens du commun à sa religion et il donna à chacun, sans considération de classe, d'égales facilités pour sa pratique. Il assura que le salut, qui est le but principal de la vie, pouvait être obtenu en observant les règles de conduite prescrites par la doctrine, et non par toutes sortes de sacrifices, effectués par les prêtres.
+
 
+
Cette approche pratique et morale de la religion, exprimée avec force par ''Mahâvîra'', affranchit les gens de la domination des prêtres, les rendit indépendants d'eux et créa dans la masse un [[sentiment]] de confiance en soi. En s'élevant contre ceux qui exploitaient les individus, en les maintenant dans l'ignorance et totalement dépendants de leurs faveurs, il parvint à réduire considérablement leur influence.
+
 
+
L'opposition de ''Mahâvîra'' se limita, toutefois, à la caste des prêtres. Elle ne visa pas tous les Brahmanes, car il apprécia toujours leurs qualités intellectuelles. Il en admit de nombreux dans la religion jaïna. Plusieurs entrèrent dans son ordre ascétique, et il choisit même le maître brahmane le plus instruit, ''Indrabhûti Gautama'', comme premier apôtre, ou principal disciple (''ganadhara'').
+
 
+
On peut ajouter, à ce sujet, que ''Mahâvîra'' fit son premier [[sermon]] (''upadeça'') soixante-six jours après avoir atteint l'omniscience et seulement après avoir obtenu la collaboration d' ''Indrabhûti Gautama'' pour traduire correctement ses paroles au [[peuple]] qui l'écoutait. Ainsi, il montra toujours de la considération pour l'[[éducation]] et pour la [[science]] des Brahmanes, mais il s'attaqua vigoureusement à la domination de leurs prêtres.
+
 
+
==='''L'émancipation religieuse des femmes'''===
+
 
+
Une autre influence particulière de ''Mahâvîra'' et des ''Âchârya'' jaïna, sur le [[plan]] social, concerne l'élévation du [[statut]] des [[femme]]s indiennes. Durant la dernière partie de la période védique, elles avaient été réduites à un statut pratiquement identique à celui des [[intouchable]]s. Comme eux, elles n'avaient pas le droit de pratiquer une religion, ni d'être admises dans un  ordre religieux de laïques ou d'ascètes. Elles étaient considérées comme non concernées par les textes sacrés.
+
 
+
[[Image:Ranakpur4.jpg|thumb|right|400px|femmes jaïna, d'origine tribale, au temple de [[Ranakpur]]]]
+
 
+
Dans de nombreux [[passage]]s des écritures védiques, les femmes sont dépeintes comme des êtres néfastes, et il est demandé d'éviter de les regarder, de même que les intouchables, les [[cadavre]]s, etc. N'ayant pratiquement aucune place dans la vie religieuse, elles étaient alors négligées et déconsidérées.
+
 
+
Avec ''Mahâvîra'', la basse condition des femmes indiennes fut modifiée, radicalement, et de diverses façons. Il supprima les nombreuses restrictions qui leur étaient imposées, spécialement en [[matière]] de pratique religieuse, et il ne fit aucune distinction entre les hommes et elles, dans l'observation de sa [[foi]]. Dans celle-ci, les règles de conduite sont exactement identiques, pour les hommes et pour les femmes. Il en est de même pour l'étude des textes sacrés, l'observance des devoirs quotidiens, la pratique des vœux, l'entrée dans les ordres ascétiques, les règles de pénitence, la réalisation des [[progrès]] spirituels, etc.
+
 
+
''Mahâvîra'' a, en effet, toujours montré une [[attitude]] d'égalité entre les hommes et les femmes, que celles-ci soient épouses de [[roi]]s, [[membre]]s de l'[[aristocratie]] ou du [[peuple]]. De ce fait, nombreuses furent celles de la haute [[société]] qui saisirent l'occasion de réaliser leur salut, en entrant dans la voie jaïna comme nonnes (sâdhvi).
+
 
+
Il a été reconnu que l'ordre quadruple de Mahâvîra comportait: 14000 sâdhus, 36000 sâdhvis, 100000 shrâvaka (laïques hommes) et 300000 shrâvikâ (laïques femmes), ce qui montre bien que l'[[élément]] féminin était largement majoritaire. C'est là un [[signe]] évident que les femmes ont été très ardentes à tirer profit de l'[[occasion]] qui leur était offerte.
+
 
+
Nombreuses furent celles de familles royales, proches parentes de ''Mahâvîra'', qui rejoignirent son [[ordre]] ascétique. Par exemple, ''Chandanâ'', ''Jydestâ'', les [[deux]] jeunes soeurs de la [[reine]] ''Trishâla'', la [[mère]] de ''Mahâvîra'', et ''Yashasvatî'', la femme de son [[oncle]] maternel, entrèrent dans son ordre. ''Chandanâ'' fut chargée de la [[direction]] des nonnes.
+
 
+
Ainsi, ''Mahâvîra'' réalisa l'émancipation des femmes indiennes en leur donnant, comme aux hommes, la possibilité d'atteindre le principal objectif de leur vie, c'est-à-dire la libération. Elles firent le meilleur [[usage]] de cette possibilité et furent nombreuses à se distinguer comme [[enseignant]]es et comme prédicatrices.
+
 
+
==='''Le développement de l'éducation des filles'''===
+
 
+
L'[[indépendance]] religieuse accordée aux femmes eut des répercussions dans d'autres domaines, en [[Inde]]. L'égalité leur fut donnée, également, en matière d'[[éducation]]. Une grande importance fut attribuée à celle des filles dès ''Rshaba'', le premier ''Tîrthankara''. C'est ainsi que celui-ci dit à ces deux filles, ''Brâmi'' et ''Sundarî'', que ce ne serait que lorsqu'elles auraient reçu une éducation que leur vie serait féconde et que « de même qu'un homme instruit est tenu en haute estime, par les personnes éduquées, de même une dame instruite occupe la position la plus élevée, dans le monde des femmes ».
+
 
+
Selon la [[tradition]] jaïna, les filles doivent apprendre soixante-quatre [[arts]] comprenant: la [[danse]], la [[peinture]], la [[musique]], l'[[esthétique]], la [[médecine]], les [[science]]s domestiques, etc. Du fait de cette recommandation, beaucoup de filles se consacrèrent à l'[[étude]], pour devenir [[enseignant]]es, ou pour rester toute leur vie [[célibataire]] et poursuivre une carrière religieuse. On rapporte que ''Jayantî'', la fille du [[roi]] ''Sahasrânîka'' de Kaushâmbî, resta célibataire par [[amour]] de la religion et de la [[philosophie]]. Lorsque ''Mahâvîra'' rendit visite, pour la première fois, à son père, elle parla avec lui de plusieurs [[sujet]]s [[métaphysique]]s complexes et finalement se fit ascète.
+
 
+
Plus tard, les femmes jaïna non seulement reçurent une excellente [[éducation]], mais elles se firent remarquer pour leurs œuvres littéraires. C'est ainsi que, comme les hommes, elles apportèrent leur contribution à la [[littérature]] [[kannada]]. Parmi elles, la plus célèbre est ''Kânti'', qui, avec le grand [[poète]] ''Abhinava Pampa'', fut une des [[perle]]s qui orna la [[cour]] du roi Hoysala ''Balla I'' (1100-1106 ap. J.-C.) dans le [[Karnataka]]. Ce fut une brillante oratrice et une poétesse qui termina les [[poème]]s inachevés de ''Pampa''. De même, la dame jaïna ''Avvaiyâra'', la « Vénérable Matrone », est l'un des [[poète]]s les plus admirés de [[langue]] [[tamoule]].
+
 
+
==='''L'inculcation du principe de la confiance en soi'''===
+
 
+
Une contribution vraiment [[révolutionnaire]] de ''Mahâvîra'' et des ''Âchârya'' jaïna a consisté à modifier complètement l'attitude des gens envers [[Dieu]], et à inculquer la confiance en soi, dans leur [[esprit]]. La croyance qui prévalait, à l'époque, était que le monde avait été créé par Dieu et qu'il pouvait en contrôler tous les [[événement]]s. Cela provoquait dans la [[peuple]] un [[sentiment]] de dépendance car, dans sa [[pensée]], Dieu pouvait tout faire et tout défaire, selon son bon vouloir. Ce sentiment encourageait les gens à rechercher les moyens d'obtenir des faveurs, pour s'assurer le bonheur dans ce [[Monde (univers)|monde]] ou dans l'autre, et pour éviter sa [[colère]] qui pouvait causer de nombreuses difficultés dans la vie, et conduire au malheur éternel. Ainsi, les gens avaient une [[foi]] [[aveugle]] en ce Dieu tout-puissant et pratiquaient [[rite]]s et [[rituel]]s pour s'assurer ses grâces. Ces rites étaient si compliqués qu'ils nécessitaient le [[concours]] de [[prêtre]]s qui étaient supposés en avoir une [[connaissance]] particulière, et être les seuls autorisés à les pratiquer comme il convenait.
+
 
+
''Mahâvîra'' et les ''Âchârya'' jaïna s'attaquèrent vigoureusement à cette [[attitude]] de totale [[soumission]] à [[Dieu]] pour obtenir la libération. Ils affirmèrent que le [[Monde (univers)|monde]] est éternel, qu'il n'a pas été créé par Dieu et que ce qui arrive, ici-bas, n'est pas contrôlé par lui. Mahâvîra déclara avec [[force]] que rien, en ce monde, ne relève des faveurs de Dieu et que tout dépend des actions des gens. Il assura avec conviction que tout individu, quelle que soit sa [[classe sociale|classe]], sa [[Famille parentale|famille]], ou sa position, avait le [[droit]] de réaliser son salut, en comptant sur lui seul, grâce à l'observation d'un [[code]] moral de conduite, et non par des moyens de rites, avec l'aide d'autres [[personne]]s. Pour cela, il définit la voie de la libération, constituée de la Foi juste, la Conduite juste et la Connaissance juste, et il invita tout un chacun à suivre cette [[voie]], de sa propre initiative, et sans intermédiaire.
+
 
+
Il fit comprendre la [[théorie]] du ''karma'', qui est basée sur le principe de la [[confiance]] en soi. Cette [[doctrine]], nous l'avons vu, affirme que tout ce qui arrive dans ce monde est le [[résultat]] de [[cause]]s antérieures, et que l'[[âme]], qui est l'[[auteur]] des actions, doit en supporter, tôt ou tard, les conséquences. Il déclara qu'il n'y avait pas de salut possible, tant que l'âme n'avait pas parvenue à se débarrasser de celle existante, cela grâce à ses efforts personnels, sans attendre une aide quelconque d'un agent extérieur. Il assura qu'il ne servait à rien de demander le [[secours]] de Dieu, ou de son représentant, car ils n'avaient pas le pouvoir de modifier les conséquences des ''karma'', ou de pardonner, ou d'éviter les conséquences des actions mauvaises.
+
 
+
Cette théorie du ''karma'' constitue une partie originale de l'[[idéologie]] jaïna. ''Mahâvîra'' a convaincu les gens de la nécessité de mettre en [[pratique]] cette [[doctrine]] et de baser toute leur vie sur elle. Il a ainsi affirmé que l'homme est l'[[architecte]] de son « [[destin]] » et qu'il n'y a pas de pouvoir extérieur susceptible d'agir, afin de modifier les conséquences bonnes ou mauvaises de ses actes. Il a assuré que la libération est accessible à tous et qu'il dépend entièrement de soi de suivre la voie qui y conduit. Il a ainsi inculqué aux gens un [[sentiment]] de confiance en eux, aux lieux et place d'une impression permanente de dépendance de [[Dieu]]. Ce [[changement]] fondamental a totalement modifié la vie des individus. A partir de ce moment, ils ont commencé à insister beaucoup plus sur l'[[aspect]] moral de leur conduite que sur les rites religieux.
+
 
+
===''' L'accent mis sur le principe « d'Ahimsa »'''===
+
 
+
La contribution la plus caractéristique de ''Mahâvîra'' et des ''Âchârya'' jaïna réside dans le fort accent qu'ils ont mis sur l'observation de la [[non-violence]] envers les êtres vivants, cela par tout le [[gens|monde]], et de la façon la plus large possible. Cette non-violence (''ahimsâ''), dans son acception complète, a été prêchée par les vingt-trois ''Tîrthankara'' qui ont précédé ''Mahavîra''. C'est, en fait, le fondement de la [[philosophie]] et des règles de conduite de la [[religion]] jaïna. Ce principe a été puissamment réaffirmé par Mahâvîra, car les pratiques violentes étaient effrénées, à son [[époque]], sous différents prétextes.
+
 
+
Durant l'ancienne période védique, une très grande importance était attachée aux sacrifices, afin d'obtenir les faveurs de Dieu et de détourner sa [[colère]]. Ces sacrifices étaient très compliqués et très élaborés. Ils étaient accompagnés, la plupart du [[temps]], d'abattage d'animaux, selon des pratiques violentes. Outre ces pratiques, les [[cérémonie]]s comportaient la [[consommation]] ou l'[[offrande]] de viande aux [[dieu]]x, par les fidèles.
+
 
+
''Mahâvîra'' et les ''Âchârya'' jaïna s'élevèrent vigoureusement contre la consommation de viande et contre les rites sacrificiels, en prêchant le principe de non-violence envers les êtres vivants. Dans tous leurs [[enseignement]]s, ils mirent l'accent sur l' ''ahimsâ'' parce que la non-violence est la conséquence logique de la [[croyance]] de base de la [[métaphysique]] jaïn que toutes les âmes ont une potentialité égale.
+
 
+
''Mahâvîra'' déclara que, puisque [[personne]] n'aime souffrir, on ne doit pas faire aux autres ce que l'on ne souhaite pas qu'ils vous fassent et que, puisque tous les êtres vivants ont une âme, la [[non-violence]] doit être appliquée vis-à-vis de tous. Il expliqua ce principe, de façon systématique, et dans ces moindres détails, et il considéra la [[violence]] sous ses [[trois]] [[forme]]s: (a) [[physique]], c'est-à-dire les actions de tuer, de blesser et de provoquer une [[douleur]] corporelle, (b) [[verbal]]e, c'est-à-dire: les [[parole]]s dures et brutales, (c) mentale: c'est-à-dire les mauvais [[sentiment]]s envers les autres.
+
 
+
De plus, il expliqua que la violence, comme nous l'avons déjà dit, doit être évité personnellement, ou par l'intermédiaire d'autres, à qui elle est ordonnée ou autorisée. De même, dans les [[cinq]] grands vœux, il donna la première [[place]] à l' ''ahimsâ'' et il considéra que les autres étaient de simples détails de celui-ci<ref>dans ''Mahavira, le grand héros des jaïns'',de ''Bool Chand''</ref>.
+
 
+
Toutes les recommandations de la [[religion]] jaïna sur l'observance de la non-violence, dans les conditions ci-dessus exposées, eurent des [[effet]]s considérables sur le [[plan]] social. La pratique de sacrifier des animaux tomba sensiblement en désuétude. De même, les mises à [[mort]] d'animaux par la chasse, par le [[sport]], ou pour d'autres motifs, furent grandement réduites, ainsi que l'utilisation de viande dans l'[[alimentation]]. La pratique du [[régime]] [[végétarien]] fut adoptée par de larges fractions de la [[population]], dans plusieurs [[région]]s en [[Inde]]. C'est la raison pour laquelle les [[Etat]]s du [[Gujarat]] et du [[Karnataka]], qui sont depuis l'origine des places fortes jaïna, sont essentiellement végétariens. A ce sujet, le docteur N.K. Dutt mentionne, dans son livre « Origine et croissance des castes en Inde », que « les sacrifices d'animaux étaient pratiqués, depuis si longtemps par les Âryens [:les envahisseurs qui ont imposé le système des castes, le védisme, aux populations locales dravidiennes qui pratiquaient sans doute déjà une forme de « pré hindouisme »: avec zoolâtrie, [[culte]] de la déesse-mère, d'un prototype du dieu [[Shiva]], croyance en la [[réincarnation]], au ''karma'' et culte des [[arbre]]s et des [[fleuve]]s], et les ''[[Veda]]'' qui rendaient les [[offrande]]s de viande obligatoires si respectés, que le processus de leur abolition, même concernant les [[vache]]s, fut très lent. Celui-ci affecta seulement une faible minorité du [[peuple]], celle de formation intellectuelle, mais il n'aurait pas été obtenu du tout, si le jaïnisme et le [[bouddhisme]] n'avait pas submergé le pays et la masse de gens de leur doctrine de la non-violence et de l'inefficacité des rites sacrificiels ».
+
 
+
''Mahâvîra'' a ainsi enseigné que tout être vivant a une sainteté et une dignité qui lui sont propres, et donc que l'on doit respecter, de la même façon que l'on exige que sa propre dignité le soit, par les autres. Il a également affirmé que la vie est sacrée, quelle que soit les [[espèce]]s, les [[caste]]s, les [[couleur]]s, les [[croyance]]s, ou les [[nationalité]]s. Sur cette base, il a défendu le principe du « Vivre et laisser vivre », ou « Toutes les vies sont interdépendantes, et donc se doivent un mutuel respect » (cette [[devise]] est devenue celle des Jaïns, toutes tendances confondues). Il a convaincu les gens que la pratique de la non-violence est une vertu, à la fois individuelle et collective, et il a montré qu'elle est une [[force]], de portée universelle.
+
 
+
===''' L'insistance sur la tolérance, religieuse, entre toutes les formes de pensées'''===
+
 
+
L'insistance sur le [[principe]] de la tolérance religieuse est, aussi, une caractéristique de la contribution de ''Mahâvîra'' et des ''Âchârya'' jaïna. Lorsqu'il professa sa [[religion]], il ne critiqua pas les autres et n'essaya pas de prouver qu'elles étaient fausses. Il propagea la doctrine de l' ''anekântavâda'', qui montre qu'une chose peut être considérée avec des points de vue différents, et il conseilla aux gens de toujours la voir en tenant compte de ses aspects multiples, ce qui élargit évidemment la conception de sa [[nature]].
+
 
+
Le [[principe]] d' ''anekantâvada'' a l'avantage de ne pas engendrer de [[sentiment]] d'hostilité ou de haine, vis-à-vis des pratiquants d'autres religions, en faisant prendre conscience qu'ils peuvent détenir, eux aussi, une part de vérité.
+
 
+
En défendant ce [[principe]], ''Mahâvîra'' et les ''Âchârya'' jaïna insistèrent sur son application, également, aux activités intellectuelles et sociales. Ce principe a une portée précise sur la vie psychologique des hommes; il n'est pas limité à la résolution d'un simple problème ontologique. Il donne au [[philosophe]] la conviction que la vérité n'est pas le monopole de personne et il fustige l'intransigeance religieuse, en donnant au novice la vertu de tolérance, qui est un des aspects de la non-violence.
+
 
+
Le jaïnisme a toujours déclaré qu'il est faux, sinon dangereux, de prétendre que sa [[croyance]] est la seule à représenter la vérité. La tolérance est, par conséquent, l'une de ses caractéristiques. Les monarques et les généraux jaïna ont toujours été reconnus l'avoir pratiquée. L'[[histoire]] de l'[[Inde]] ne relate aucune persécution émanant des rois jaïna, même lorsque les ascètes et les laïques souffraient, sous la coupe de fanatiques religieux d'autres religions.
+
 
+
En cela, le jaïnisme s'est forgée une réputation telle, que son influence sur la [[culture]] hindoue, au sujet de la tolérance, est remarquable<ref>dans ''The religion of Ahimsâ'' de ''Chakravarti''</ref>.
+
 
+
===''' La volonté d'augmenter significativement le bien-être social'''===
+
 
+
En insistant au maximum sur l'observation véritable de la non-violence, ''Mahâvîra'' et les ''Âchârya'' jaïna ont grandement accru ses implications. Ils ont constamment mis l'accent sur ses aspects positifs et négatifs et ils ont affirmé, avec vigueur, que ce [[concept]] ne devait pas être limité à l'un de ceux-ci. Ils ont considéré qu'il fallait, non seulement, s'abstenir de faire souffrir le moindre être vivant, mais encore, que l'on devait augmenter le bien-être de tous.
+
 
+
Les jaïns ont pour [[principe]] de se montrer heureux de la [[prospérité]] des autres, de manifester de l'intérêt positif pour ceux dans le besoin, et d'améliorer la condition misérable des êtres vivants, que ce soient aussi bien des insectes, des oiseaux, des animaux, que des hommes. Cet encouragement actif au bien-être social constitue l'apport le plus utile, et le plus remarquable, du jaïnisme à la [[culture]] indienne.
+
 
+
L'action humanitaire, destinée à soulager les misères des êtres vivants, est incluse dans le vœu de s'abstenir de biens terrestres (aparigraha). C'est le cinquième, que doit constamment mettre en pratique tout [[disciple]] jaïna. Il a, nous l'avons dit, pour finalité de limiter le [[besoin]] et le [[désir]] de biens de ce monde, et il est très important, car il vise indirectement la réalisation de l'égalité [[économique]].
+
 
+
Ce vœu, nous l'avons vu, limite les possessions du laïque et l'oblige à employer ce qui excède le montant qu'il s'est fixé en œuvres charitables. Il évite l'accumulation de capitaux par les individus, et il permet d'améliorer le sort de ceux qui sont dans le besoin, sans considération de classe, ou de [[religion]].
+
 
+
Depuis toujours, les jaïns ont fait de ce principe l'un des plus respectés, par eux. Ils l'ont étendu à la protection et au bien-être des insectes, des oiseaux, et de tous les animaux. C'est la raison pour laquelle ils ont créé des maisons de repos, des maisons de retraites pour les vieillards, des dispensaires et des établissements d'[[enseignement]], en grand [[nombre]]. Ils ont construit des foyers d'hébergement (''annachhatrâlaya'') pour les pauvres, des maisons d'accueil (''dharmashâlâ''), sans loyer et sans charges, dans les villes importantes et les lieux de [[pélerinage]], et des dispensaires (''ausadhâlaya'') pour soigner gratuitement les malades. Outre cela, les jaïns ont créé des institutions particulières, connues sous le nom de ''pinjarâpola'', pour protéger et pour soigner les animaux et les oiseaux vieux et malades. Lors des périodes exceptionnelles d'inondations et de famines, ces institutions exercent des activités pour la [[protection]] animale. On trouve très peu de villes ou villages, au [[Gujarat]] et au [[Râjasthân]], où il n'en existe pas, sous une forme ou sous une autre.
+
 
+
Les jaïns ont également joué un grand rôle dans l'[[éducation]] des masses. Divers documents anciens rapportent que les ascètes ont beaucoup participé à l'[[instruction]] des enfants, notamment dans l'[[Andhra Pradesh]], dans le [[Tamil Nadu]], dans le [[Karnâtaka]] et dans le [[Mahârâshtra]]. Le Dr. A. S. Altekar fait observer, à ce sujet, dans son livre « Les Râstrakûta et leur temps » <ref>dans ''le Jaïnisme'' de ''V.A.Sangave''</ref> qu'avant de commencer l'étude de l'[[alphabet]], les enfants doivent rendre hommage à ''[[Ganesh]]'', en récitant la formule « ''Shrî Ganeshâya namah'' », ce qui est normal dans la [[société]] hindoue, mais au [[Deccan]], elle est suivie, encore aujourd'hui, de la formule jaïna « ''Om namah siddham'' », ce qui montre que les gouvernants jaïna veillaient à l'[[éducation]] des masses et que les hindous ont continué à utiliser cette [[maxime]], même après le déclin du jaïnisme.
+
+
De même, les jaïns continuent toujours la tradition des œuvres charitables, et des quatre formes de dons prescrits par la [[religion]] (''chaturvidha-dâna'') que sont la distribution de nourriture à ceux qui sont affamés ou pauvres, la protection de la vie des personnes en danger, la distribution de médicaments et la diffusion de l'instruction. Ainsi se perpétue, dans toutes les régions de l'[[Inde]], l'[[héritage]] de ''Mahâvîra''.
+
 
+
Du point de vue [[social]], le vœu jaïna d' ''aparigraha'' a une grande valeur. Il inculte une attitude mentale particulière envers les biens matériels, il établit une véritable échelle de valeurs et donne une notion juste de la quantité de possessions individuelles. Il incite à ne pas trop s'attacher à ce que l'on a et a résister aux tentations terrestres. Il enseigne que, si l'on doit avoir des biens et des commodités pour faire face à ces besoins dans la vie, on ne doit pas perdre son esprit dans la poursuite des gains matériels, dans la cupidité, la vanité, la convoitise, etc.
+
 
+
Ainsi, tout en restant objectif, on constate que la fameuse « influence » des jaïns sur la [[société]] indienne a des fondements d'une grande noblesse, et pas seulement sur la réussite sociale de certains d'entre eux. Et si aujourd'hui le jaïnisme reste une [[religion]] minoritaire, beaucoup d'hindous ont été suffisamment influencés par cette façon d'être, par cette façon de faire de la non-violence l'[[idéal]] suprême, pour que la pensée strictement jaïne soit un « substrat » culturel affirmé, et confirmé, de l'[[Inde]]<ref>dans ''Le Jaïnisme'' de ''Vilas Sangave''</ref>.
+
 
+
== La symbolique jaïna ==
+
 
+
* '''Le [[svastika]]'''
+
 
+
C'est un des symboles les plus importants dans le jaïnisme. On le retrouve partout. Il symbolise la connaissance du [[transcendantal]]: ces branches se perdent dans l'[[infini]].
+
 
+
De plus, toujours placé avec la branche gauche dirigée vers le haut, il symbolise les quatre mondes. Le vide qu'il y a dans la partie supérieure gauche de la ''svastika'' représente le monde des hommes: il peut se libérer car cette partie de la ''svastika'' est « tournée » vers le haut. Par contre, la partie supérieure droite de la « svastika » représente le monde des êtres célestes, la partie inférieure gauche, le monde des animaux et des plantes, et la partie inférieure droite symbolise le monde des démons: Dans ces trois mondes, on ne peut atteindre la libération - car les parties évidées de la ''svastika'' ne sont pas tournées vers le haut, mais sur les côtés gauche, droit et vers le bas. Il faut donc se réincarner en homme pour pouvoir atteindre le ''[[nirvâna]]''. 
+
 
+
* '''Le ''candra-bindu'' '''
+
 
+
Il est composé d'un [[croissant]] de [[lune]] (''candra'') qui symbolise l'[[élément]] féminin, solide, et d'un [[point (signe)|point]], une perle (''bindu'') qui symbolise l'élément masculin, l'[[éther]], le fluide: L'union des deux signifie l'harmonie des contraires et leur interdépendance - un peu comme le ''yin'' et le ''yang'' ou l'étoile de David. Il représente aussi l'âme libérée (''bindu'') dans le royaume des « Siddha » (''candra''), au sommet de l'[[univers]]. Il se retrouve aussi dans l'[[écriture]] [[devanagari]] - utilisée en [[hindi]] - pour signaler la [[nasalisation]] d'un [[son]]. On le retrouve aussi sur le son « Om ».
+
 
+
* '''Le [[son]] OM'''
+
 
+
[[Image:Aum.svg|right|thumb|200px|Le son « Aum » ou « Om »]]
+
+
Commun avec l'[[hindouisme]] et le [[bouddhisme]], sa signification mystique est très importante dans le jaïnisme: les [[cinq]] [[Lettre (typographie)|lettre]]s (« a », « a », « â », « u », et « m ») qui le composent sont un résumé de la « grande prière » jaïna, le ''Namokar Mantra'': « A » pour les ''Arhat'' (les ''Jina'', les vainqueurs spirituels), « A » pour les ''Asharîrî'' (les ''Siddha'', les âmes libérées), « Â » pour les ''Âchârya'' (les chefs de communautés, les maîtres), « U » pour les ''Upâdhyâya'' (les précepteurs) et « aM» pour les ''Muni'' (les ''Sâdhu'' et ''Sâdhvî'', les moines et nonnes).
+
+
* '''Le Om kara'''
+
 
+
Dérivé du précédent, il symbolise la [[spiritualité]] suprême.
+
 
+
* '''Le [[drapeau]]'''
+
 
+
Validé par toutes les sections jaïna, il peut se retrouver sur tous les [[temple]]s jaïna. Ce drapeau symbolise le ''Namokar Mantra''. [[Cinq]] bandes horizontales le traversent, dont la plus importante est celle du milieu, en [[blanc]], qui compte pour [[deux]] bandes des autres [[couleur]]s réunies. De haut en bas, on peut voir: la couleur [[rouge]], celle des ''Siddha'', la couleur [[jaune]] ou [[safran]], celle des ''Âchârya'', la couleur [[blanche]], celle des ''Arhat'', la couleur [[verte]], celle des ''Upâdhyâya'', et la couleur [[bleu]]e, celle des ''Sâdhu''. En son centre, on trouve le ''svastika'', le ''tri-ratna'' (trois points qui symbolisent les « Trois Joyaux » du jaïnisme) et le ''candra-bindu'',  superposés l'un au dessous de l'autre, généralement de couleur safran.
+
 
+
* '''La main de la non-violence'''
+
 
+
C'est l'[[emblème]] officiel du jaïnisme. La [[main]] signifie réconfort moral et [[compassion]]: elle nous fait comprendre [[conscience]] de nos actes. La [[roue]] inscrite dans la [[paume]] représente le [[cycle]] des [[réincarnation]]s, et le mot ''Ahimsâ'' (non-violence), en son centre, désigne le moyen d'y échapper. Souvent, sous cette main, on peut lire, en [[sanscrit]], la [[phrase]]: « ''Parasparopagraho Jirvânâm'' » qui veut dire: « Toutes les vies sont interdépendantes et donc se doivent un mutuel respect, une mutuelle assistance ».
+
 
+
* '''La représentation de l'univers'''
+
 
+
Un [[symbole]] important du jaïnisme adopté en 1899, lors du 2500ème anniversaire de ''Mahâvîra''. Il réutilise tous les symboles précédemment vus. Sur l'[[image]] du [[site]] proposé (version française),[http://www.jainworld.com/JWFrench/jainworld/education/juniors/junles20_enfr.htm], on remarquera que le ''svastika'' a été remplacée par le ''Om kara''(version anglaise:[http://www.jainworld.com/education/jainsymbol.htm])
+
 
+
== Le Mahâtmâ Gandhi, un Jaïn ou un hindou? ==
+
==='''Une approche jaïna de la lutte politique'''===
+
 
+
[[Image:Mohandas Gandhi resized for biography.jpg|thumb|left|250px|Le [[Mahâtmâ Gandhî]], dans le costume traditionnel du paysan, le [[dhotî]]. Suite à la [[partition]] entre l'[[Inde]] et le [[Pakistan]] - et les massacres d'ampleur qui ont suivis entre les populations civiles hindoues, musulmanes et sikhes - le [[Mahâtmâ Gandhî]] est mort convaincu de l'échec de son combat [[politique]] basée sur la non-violence. Pourtant, son charisme exceptionnel et intemporel, ses principes de luttes politiques et son idéal de [[société]] influencent malgré tout, encore aujourd'hui, les idéaux indiens les plus progressistes]]
+
 
+
Le [[Mahâtmâ Gandhî]] se définissait au niveau [[politique]], selon un terme assez « kitsch » - ce que les indiens adorent ! - comme un « [[communiste]] non-violent », ce qui est, pour l'idéologie [[marxiste]], un contresens puisque la non-violence (''ahimsâ'') est, en [[Inde]], un concept éminemment religieux. Son action [[politique]] de [[décolonisation]] était basée sur la « [[désobéissance civile]] » inspiré par son ami de jeunesse [[Léon Tolstoï]], terme issu de l'idéologie [[anarchiste]] du XIXème qu'il a renommé ''[[Satyagraha]]'', « la voie de la vérité », avec toujours la non-violence, comme premier et dernier article de son credo, selon ses termes. Nous comprenons à présent que définir l'idéologie gandhienne est une chose assez complexe, mais si on la regarde par le biais des jaïns, tout cela est assez facile à comprendre.
+
 
+
Depuis son enfance, Gandhîjî a été en contact régulier avec des ascètes et des laïques jaïna, et par conséquent, avec la [[religion]] jaïna. Ainsi, [[Shrimad Rajchandra]], un ascète jaïna, fut son premier ''guru'' (maître spirituel). Gandhîjî a même songé à se convertir au jaïnisme - et même au [[christianisme]]. Beaucoup de jaïns furent des membres assidus du [[parti du Congrès]], lorsque l'[[Inde]] était encore sous la domination, extrèmement brutale, du « [[protectorat]] » [[britannique]]. Pour les jaïns, le [[Mahâtmâ Gandhî]], « père de la nation indienne », est un personnage historique, identifié clairement comme une personnalité digne d'être considéré comme « jaïna ». Etant donné que beaucoup de jaïns (pauvres, car beaucoup le sont) se déclarent officiellement « [[hindou]] » (d'où le fait qu'il est fort probable que les jaïns soient une « minorité » sous-estimée en nombre) afin d'éviter de réveiller les « foudres » de quelques groupuscules hindous haineux, et que certains « hindous » vont régulièrement au [[temple]] jaïna, on comprend pourquoi Gandhîjî a été, parfois, considéré comme jaïn : Toute sa [[politique]] de non-violence, de tolérance vis-à-vis de toutes les croyances, ses jeûnes afin de faire cesser les violences religieuses, son action sans commune mesure en faveur les intouchables, ses appels de résistance sans volonté de blesser l'adversaire - afin d'établir la force de la persuasion, son renoncement volontaire au confort matériel, etc. sont des moyens et des causes qui sont en total accord avec le jaïnisme<ref>dans ''Jaina Ethics'' de ''D.Bhargave''</ref>. Ainsi, les jaïns, qu'ils soient laïques ou ascètes, ont en règle générale une admiration immense pour le [[Mahâtmâ Gandhî]], lui qui avait de la parenté jaïna, et qui a toujours manifesté sa fascination pour le jaïnisme et [[Mahâvîra]] (voir citations).
+
 
+
==='''Sa foi dans l'hindouisme'''===
+
 
+
[[Image:Gandhi and Kasturbhai 1902.jpg|thumb|500px|Gandhîjî et sa [[femme]], Kasturbhai, [[1902]]. Ce mariage était considéré comme une mauvaise union (en raison de problèmes de couple continuels) par les parents des deux jeunes époux de 13 ans. Gandhîjî s'opposa, par la suite, avec véhémence au mariage des enfants. Néanmoins, lorsque sa [[femme]] mourut en [[1944]], la tête de son mari posée sur ses genoux, en [[prison]], Gandhîjî déclara que sa vie était emplie d'un vide insondable...]]
+
 
+
Gandhîjî était [[hindou]]. C'est en allant à la [[prière]] qu'il s'est fait assassiner. Ainsi, on se rend compte que le [[Mahâtmâ Gandhî]] avait une foi profonde dans l'action des dieux. [[Rabindranath Tagore]] lui fit même remarquer qu'il trouvait sa foi en [[dieu]] quelque peu naïve, car Ganghîjî n'hésitait pas à détourner tout [[phénomène]] naturel à son profit, en les comparant à des « signes » de dieux, qui font ainsi savoir leur mécontentement. De plus, contrairement aux jaïns qui refusent d'assimiler le [[système]] des castes dans leur [[religion]], il reconnaissait l'utilité de ce dernier, mais en condamna seulement les excès.
+
 
+
== Citations ==
+
 
+
« Seule  cette [[science]] est grande, est la meilleure de toutes les sciences, celle dont l'étude libère l'[[homme]] de toutes sortes de misères ». Mahâvîra.
+
 
+
« Ne soyez pas fier si vous gagnez, ni désolé si vous perdez ». Mahavira.
+
 
+
« Comme vous qui n'aimez pas la [[misère]], de la même manière, d'autres également ne l'aiment pas. Sachant cela, vous devriez faire aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fassent ». Mahâvîra.
+
+
« Celui qui cultive un attitude d'égalité envers tous les êtres vivants, mobiles ou immobiles, peut atteindre l'[[équanimité]] ». Mahâvîra.
+
 
+
« Ceux qui sont ignorants du [[but]] suprême de la vie ne pourront jamais atteindre le ''[[Nirvâna]]'' (libération) malgré leur observance des ''vratas'' (vœux) et des ''niymas'' (règles) de conduite religieuse et de la pratique du ''shila'' ([[célibat]]) et des ''tapas'' (austérités) ». Mahâvîra.
+
 
+
« Les non-illuminés doivent traverser des millions de vie pour s'extirper des effets du ''karma'', tandis que l'[[homme]] possédant la [[connaissance]] et la discipline [[spirituel]]le les efface en un seul [[instant]] ». Mahâvîra.
+
 
+
« Seul celui qui a surmonté la [[peur]] peut atteindre l'[[équanimité]] ». Mahâvîra.
+
 
+
« Le bonheur grâce à la [[non-violence]], la [[paix]] grâce au [[sacrifice]], le [[progrès]] grâce à l'[[amitié]], la perfection grâce à la [[méditation]] ». Bhagvan Bahubali.
+
 
+
« L'[[humanité]] sera rayonnante de beauté lorsque chaque homme dira: notre unique ennemi, c'est mon [[ego]] ». Dino Ravindra (Poète anarchiste jaïn).
+
 
+
« Toute [[guerre]] se réclame de la [[justice]], et l'injustice acclame la guerre ». Dino Ravindra.
+
 
+
« Tôt ou tard, l'attachement n'est que l'[[ombre]] glaciale de la [[souffrance]] ».Dino Ravindra.
+
 
+
« Être un fervent jaïn, adopté un comportement « non-violent », cela ne signifie pas être un pratiquant de la banale lâcheté quotidienne, cela signifie un [[combat]] de chaque instant contre ses propres faiblesses, ses [[pulsion]]s les plus médiocres, tout en essayant de corriger celle des autres, tout en essayant de remplacer une souffrance, d'où qu'elle vienne, par le [[sentiment]] de bien-être, et cela, en ne déviant pas d'un iota d'une attitude non-violente, en acte, en parole et en pensée. La violence est bien la bassesse absolue, alors que la non-violence, c'est le [[courage]] suprême! ». Dino Ravindra. 
+
 
+
« Malheureusement, beaucoup d'occidentaux pensent que les disciples des [[philosophie]]s ou religions orientales se fourvoient dans la terreur d'un certain [[fatalisme]], et dont ses [[racine]]s sont les [[croyance]]s aux ''karma'' et à la [[réincarnation]]. Pour eux, cela explique la grande misère de ces pays. Mais ils ont oublié que c'est justement l'état d'esprit occidental qui a engendré cette tragédie, par le biais de la [[colonisation]]. Pour celui qui connaît le jaïnisme et sa théorie du ''karma'', par exemple, il sait que c'est un véritable [[enseignement]] aux hommes, un enseignement qui donne le courage de se conquérir soi-même, et de devenir un vainqueur, qui élève le [[Monde (univers)|monde]] ». Dino Ravindra.
+
 
+
« S'il y a bien un individu qui a pratiqué jusqu'au plus haut [[degré]] et a propagé avec le plus d'efficacité la doctrine d'[[Ahimsa]], c'est le [[seigneur]] [[Mahâvîra]] ». Le [[Mahâtmâ Gandhî]].
+
 
+
« Le Jaïnisme est la plus [[antique]] des [[religion]]s indiennes ». G.J.R. Farlough.
+
 
+
== Notes ==
+
<references />
+
 
+
==Liens externes==
+
 
+
* [http://www.jainworld.org/pictures/temples/index.htm Galeries de photos sur les lieux saints jaïns]
+
* http://www.jainworld.com/
+
* http://www.jainisme.com/jainisme/le_jainisme/index.html
+
* http://www.cs.colostate.edu/~malaiya/jainhlinks.html
+
* http://www.jcnc.org/
+
* Vidéos : [http://www.video.google.com/videoplay?docid=-90176504640485173&q=bahubali], [http://www.video.google.com/videoplay?docid=-4493114123751717472&q=bahubali],  [http://www.video.google.com/videoplay?docid=-3710675355958728443&q=bahubali], [http://www.jainworld.biz/jwneta11/South%20Temples/Prasad%20from%20Jina%20Worship%20mpeg1.mpg]
+
 
+
==Références/Sources/Bibliographie==
+
 
+
* Dayanand Bhargave, ''Jaïna Ethics''.
+
 
+
* Colette Caillat, ''Les Expiations dans le rituel ancien des religieux jaïna''.
+
 
+
* C. et Kumar Caillat, ''La Cosmologie jaïna''.
+
 
+
* Bool Chand, ''Mahâvîra, le Grand Héros des Jaïns''.
+
 
+
* A. Chakravarti, ''The Religion of Ahimsâ''.
+
 
+
* A. Guérinot, ''La Religion Djaïna'', Paul Geuthner, (1926), ASIN : B0000DY141.
+
 
+
* P. Letty-Mourroux, ''Une nouvelle approche du Jaïnisme''.
+
 
+
* P. Letty-Mourroux, ''Cosmologie Numérique Teerthankara''.
+
 
+
* J.P. Reymond, ''L'Inde des Jaïns''.
+
 
+
* N. Tiffen, ''Le Jaïnisme en Inde'', Weber, Genève, (1990), ISBN : 7047440631.
+
 
+
* Vilas Adinath Sangave, ''Le Jaïnisme'', Maisnie, Tredaniel, (1999), ISBN : 2844450784.
+
 
+
* N. Shanta, ''La Voie jaina'', Å’il, (1990), ISBN : 2868390269.
+
 
+
{{Multi bandeau|monde indien|Théopédia|Spiritualité}}
+
 
+
[[Catégorie:Jaïnisme]]
+
[[Catégorie:Non-violence]]
+
[[Catégorie:philosophie indienne]]
+
 
+
[[ar:جينية]]
+
[[ca:Jainisme]]
+
[[da:Jainisme]]
+
[[de:Jainismus]]
+
[[el:Τζαϊνισμός]]
+
[[en:Jainism]]
+
[[eo:Äœajnismo]]
+
[[es:Jainismo]]
+
[[fi:Jainalaisuus]]
+
[[fur:Jainisim]]
+
[[he:ג'ייניזם]]
+
[[hi:जैन धर्म]]
+
[[hu:Dzsainizmus]]
+
[[it:Giainismo]]
+
[[ja:ジャイナ教]]
+
[[lb:Jainismus]]
+
[[ms:Jainisme]]
+
[[nds:Jainismus]]
+
[[nl:Jaïnisme]]
+
[[nn:Djainismen]]
+
[[no:Jainisme]]
+
[[pl:Dżinizm]]
+
[[pt:Jainismo]]
+
[[ro:Jainism]]
+
[[ru:Джайнизм]]
+
[[sh:Džainizam]]
+
[[simple:Jainism]]
+
[[sk:Džinizmus]]
+
[[sl:Džainizem]]
+
[[sv:Jainism]]
+
[[te:జైనమతము]]
+
[[tr:Jainizm]]
+
[[uk:Джайнізм]]
+
[[zh:耆那教]]
+

Latest revision as of 01:06, 27 February 2012

Le jaïnisme, ou jinisme, du sanskrit Jina « vainqueur », est une religion (id est, en Inde, un "dharma", mot largement polysémique pour « foi », « religion », « vertu », « devoir », « nature propre » ou même « bonne action »...), un chemin spirituel qui insiste sur les concepts d'ahimsa (non-violence), de karma et qui met l'accent sur l'ascétisme.

Contrairement au bouddhisme, mouvement de réforme interne à l'hindouisme (et lui-même religion traditionnelle immémoriale), le jaïnisme ne devient une religion d'importance, et n'acquiert qu'au cours du VIe siècle av. J.-C. la forme que nous lui connaissons encore aujourd'hui. Avec seulement 4 millions de croyants, le jaïnisme est la plus petite des 10 religions principales du monde. Mais en Inde, les jaïns sont sur-représentés tant dans les secteurs économique que politique. Les jaïns constituent une force significative au sein de la culture du sous-continent, contribuant à la philosophie, à l'art, à l'architecture et aux sciences, mais encore à la politique au travers de Gandhi, et donc à l'indépendance de l'Inde.

  1. REDIRECT Modèle:Wikipedia

Catégorie:Religion