6 décembre (péret)

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6 décembre est un poème de Benjamin Péret.



L'odeur de vieilles tripes qui régnait à la Chambre

provoquait dans les tribunes grouillantes d'asticots

des Nous vivons une journée historique

à faire frétiller les cimetières


Journée historique flairaient les chiens sur les trottoirs d'alentour

Journée historique beuglait la chasse d'eau

en emportant les idées de révolte des Blum et des Thorez


Soudain un mou de veau auréolé de mouches

suant des patriotismes

comme un général devant le monument de ses morts

un mou de veau

se leva

et le président grogna

M. Ybarnégaray peut vomir

On vit alors s'échappant du cancer de sa langue

voltiger les bananes pourries qu'écrasaient les oranges sûres de ses yeux

Et les rinçures du pavillon de la boucherie

qui débordaient de ce fétide évier

réjouissaient les narines des assistants dont on ferait un si bon engraiS

et qui sentaient dans leur nombril crasseux

en forme de tête de mort molle

germer la pomme de terre gelée d'un drapeau tricolore


Rien dans nos mains sanglantes disait-il

après avoir tâté son poignard à sa ceinture

Rien dans nos poches sinon la sueur du peuple

Et il montrait ses mains où l'on lisait sur un fond de sang coagulé

sur l'une Limoges etc.

et sur l'autre de Wendel etc.

Nous sommes des anges merdeux crachés par dieu pour le noël de la réconciliation française

Jamais nous n'avons eu d'armes

Licenciez vos bandits nous cacherons nos assassins


Et Blum se leva pour le baiser pourri sur la bouche pourrie

bousculé par Thorez pressé de l'imiter

cependant que dehors ceux qui les entretiennent se lamentaient

Encore une fois nous sommes trahis



- Première parution 1936, in Je ne mange pas de ce pain-lÃ