Nihilisme

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Le nihilisme (du latin nihil signifiant rien) commença d'abord par une simple critique sociale en Russie au XIXe siècle qui évolua vers une doctrine politique n'admettant aucune contrainte de la société sur l'individu, en refusant tout absolu religieux, métaphysique, moral ou politique. Par extension, nom donné aux mouvements révolutionaires anti-tsaristes qui prônèrent le terrorisme politique. Bien qu'éphémère, ce mouvement politique aura soulevé des questions auxquelles s'intéresseront les penseurs de tous horizons. De ces interrogations naîtra une doctrine philosophique en relation avec l'absurde sociologique, la négation des valeurs morales et plus généralement, la négation de l'existence d'une réalité substantielle.

Définition[edit]

Le nihilisme a deux définitions différentes :

  • Un point de vue philosophique selon lequel rien n'existe, parfois appelé « nihilisme passif »
  • Un mouvement politique en Russie, parfois appelé « nihilisme destructeur », responsable notamment de l'assassinat du tsar Alexandre II de Russie.

Nihilisme historique[edit]

Le terme nihilisme fut popularisé par l'écrivain russe Ivan Tourgueniev dans sa nouvelle Pères et fils (1861) pour décrire, au travers de son héros Bazarov, les vues de l'intelligentsia radicale russe émergente.

Celle-ci était surtout composée des étudiants des classes supérieures, qui étaient de plus en plus désillusionnés par le changement lent des réformes politico-sociales. Le critique Nicolaï Dobrolioubov, le théoricien Dimitri Pissarev, l'économiste Nikolaï Tchernychevsky, les scientifiques Lavrov et Kropotkine prônent des actions directes et violentes pour renverser le régime afin de reconstruire, de façon scientifique, un monde qui assurera le bonheur des masses.[1]

Les nihilistes réussirent à assassiner le tsar Alexandre II de Russie qui voulait rendre son régime moins autocratique, ce qui fit passer le pouvoir à son fils qui avait des idées moins libérales. Le raidissement dans une société qui s'industrialisait rapidement aboutit pendant la Première Guerre mondiale à l'instauration du communisme et la lutte des classes en système. La répression qui suivit l'assassinat du tsar fut fatale au mouvement nihiliste, mais pas à ses idées.

Voir l'article Serge Netchaïev

Le nihilisme « passif » et l'absence de sens de l'existence[edit]

Des écrivains comme Dostoïevski dans Les Possédés et Émile Zola dans Germinal montrent et éventuellement dénoncent le danger de l'extrémisme du nihilisme. Dostoïevski constate la difficulté de concilier l'idée d'un Dieu bon et tout-puissant avec l'existence du mal. Le mal, surtout, le tourmente. D'un autre côté, il constate que l'athéisme occidental ne nie plus seulement Dieu, mais aussi le sens de la création, la raison d'être du monde et de la vie. Il constate que la justice humaine est incapable de porter remède au mal moral. Elle est elle-même un mécanisme parfois inhumain. L' église d'occident, le socialisme enlèvent à l'homme sa liberté pour faire son bonheur. Le socialisme athée nie la conscience. Mais Dostoïevski en vient à constater que "si Dieu n'existe pas, tout est permis." (cette constatation devint ce que certains appelleraient plus tard le "problème du bien"). C'est à cette question provocante que plus tard des individus comme Camus tenteront de répondre. Camus, par exemple, pense que le sens de l'absurde n'est pas dans les choses. "L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde". L'absurde est maintenu comme certitude et présupposition première. Sa conséquence est le renoncement à toute attribution métaphysique d'un sens à l'existence. Toutefois, si l'individu s'oppose sans l'espoir d'un salut divin aux conditions de son existence, il peut s'identifier aux autres hommes, notamment par la souffrance. L'homme peut donc se sentir solidaire du destin des autres humains et au sein de cette fraternité maintenir tout de même une certaine exigence morale.

Nihilisme philosophique[edit]

Dans la Grèce antique, le sophiste Gorgias développa des thèses nihilistes. Ce fut l'un des premiers philosophes à le faire. Ces thèses se résument en trois points :

  • Rien n'existe
  • Si quelque chose existe, ce quelque chose ne saurait être appréhendé et encore moins connu par l'homme.
  • Même s'il l'était, son appréhension ne serait pas communicable à autrui

Au XIXe siècle, Friedrich Nietzsche décrit l'accélération de l'Histoire avec les déséquilibres qui s'accentuent compensés par la tyrannie anonyme des institutions génératrice de stress. Pour ce dernier, la notion de nihilisme révèle un paradoxe intéressant. Il décrit deux formes de nihilisme :

  • un nihilisme des faibles : « Un nihiliste est un homme qui juge que le monde tel qu'il est ne devrait pas exister, et que le monde tel qu'il devrait être n'existe pas. Donc vivre (agir, souffrir, vouloir, sentir) n'a pas de sens : ce qu'il y a de pathétique dans le nihilisme, c'est de savoir que tout est vain - et ce pathétique est encore une inconséquence chez le nihiliste" (Nietzsche). Ce nihilisme peut être rapproché de la doctrine de Schopenhauer, qui influença grandement la pensée du philosophe.
  • un nihilisme des forts, lorsque les croyances s'effondrent du fait qu'elles sont dépassées.

Enfin, il existe, selon Nietzsche, un état normal du nihilisme, qui est la négation de l'être, et qui est une manière divine de penser, en ce sens qu'elle est un rejet définitif de tout idéalisme (du nihilisme au sens faible) et de ses conséquences (la morale entre autres).

Franz Kafka, Albert Camus par exemple dans Le Mythe de Sisyphe (1942) au théâtre, Eugène Ionesco dans La cantatrice chauve (1950) illustrent cette aliénation de l'individu occidental et son vide existentiel corseté. Ces contraintes permettent chez des artistes comme les surréalistes un dépassement symbolique.

Cioran inventa le nihilisme pessimiste, qui ne laisse à l'homme aucune lueur d'espoir. Mais l'auteur qui poussa le nihilisme dans son plus lointain extrême fut certainement Albert Caraco, qui voyait la vie comme un non-sens absolu.

Nihilisme et bouddhisme[edit]

Le bouddhisme est souvent confondu avec le nihilisme. Cela est une interprétation erronée ou simplement une ignorance de la notion de vacuité (shûnyâta), qui, certes, littéralement signifie "vide". Cette vue fausse vient de notre manière instinctive de penser en termes de dualité (si ce n'est pas la gauche, alors c'est la droite etc.)

Quand on dit que les choses sont vides d'existence propre, on veut dire qu'elle n'existent pas par elles-mêmes, c'est-à-dire qu'elles dépendent des autres pour exister. De plus, comme elles sont impermanentes donc transitoires, elles n'existent pas durablement. C'est en ce sens que l'on parle de non-existence, de vacuité.

Quatre exemples de Nihilisme dans la culture actuelle[edit]

Au niveau de la littérature française, d'abord, avec son style totalement dénué de normes académiques et son cynisme froid sur notre société et l'aveu des catastrophes qui l'attendent, Michel Houellebecq est porté comme une figure du mouvement en France. Mais le paroxysme de ce mouvement est porté par l'écriture des ouvrages de Frédéric Beigbeder, qui évoque de façon glaciale un monde consumériste et décadent, où tout n'est qu'apparence, un monde vide.[2]

Le roman de Bret Easton Ellis American psycho nous plonge dans un monde où le nihilisme règne en maître ; la perte de sens, la superficialité et l'uniformisation totale qui a cours dans le milieu yuppie des années 80 permet au héros Patrick Bateman, un modèle de réussite sur tous les plans, d'y déchaîner un torrent de violence, meurtres, viols etc., en étant constamment protégé, par son argent et son statut certes, mais surtout par le flou permanent qui entoure la réelle identité des personnes dans un milieu où tout le monde se ressemble à s'y méprendre. Le roman s'achève sur ces mots : SANS ISSUE.

Si l'on regarde du côté du cinéma, et en particulier ici du cinéma américain, le film Fight Club de David Fincher, inspiré du livre du même nom de Chuck Palahniuk semble bien être représentatif de ce mouvement. Dans ce film extrêmement subversif, le narrateur, personnage schizophrène dont on ne connaît pas le véritable nom, prône l'auto-destruction massive et l'abandon total de tout espoir pour ce monde. Un homme nouveau serait, selon lui, celui qui n'aurait plus rien : ni attache, ni modèle. Et, en ce sens, le film va plus loin que le livre, puisque les personnages et le narrateur feront exploser plusieurs buildings de grandes banques, censées représenter la société mercantile. Si il a été élu "film de l'année" par les lecteurs de Première, Studio et Starfix, ce film a été descendu en flèche voire haï par des revues telles que Le Monde, Libération ou encore Télérama. Quelques soient les réactions suscitées par ce film, les spectateurs n'y sont pas restés indifférents.

Pour finir, le nihilisme est évoqué dans le film Donnie Darko, où le narrateur, Donnie, commente l'Å“uvre de Graham Greene Les Destructeurs, où des enfants détruisent de fond en comble la maison d'un vieillard, en disant : « Les enfants veulent montrer que la destruction est une forme de création, ils veulent savoir ce qu'il se passe après, lorsqu'on met le monde en pièces ».

Notes et références[edit]

  1. En ce sens, ils ne peuvent pas être qualifiés de nihilistes, puisqu'ils proposent de reconstruire un monde ; ils sont donc révolutionnaires. Le mot nihiliste était parfois synonyme d'athée, et Karl Marx fut même considéré par l'aristocratie russe comme nihiliste...
  2. Il est cependant à noter qu'un artiste jetant un regard désabusé ou cynique sur le monde n'en est pas pour autant un nihiliste ; l'utilisation à tour de bras de ce qualificatif finit par dénaturé son sens premier.

Bibliographie[edit]

  • Voline, La Révolution inconnue, un chapitre est consacré à l'étude de ce mouvement social.
  • Wanda Bannour, Les Nihilistes russes, Anthropos, Paris, 1978.
  • Vladimir Biaggi, Le Nihilisme, textes choisis et commentés, GF Flammarion, 1998.
  • Albert Caraco, Bréviaire du chaos, L'Âge d'Homme, Lausanne, 1982.
  • Cioran, Précis de décomposition, NRF, Paris, 1949.
  • Manuel de Diéguez, De l'absurde. Essai sur le nihilisme. Précédé d'une lettre ouverte à Albert Camus, Paris, 1948.
  • Nancy Huston, Professeurs de désespoir. Essai sur le nihilisme, Actes Sud, 2004
  • Angèle Kremer-Marietti, L'Humanisme entre positivisme et nihilisme, in Philosophies de l'humanisme, L'Art du Comprendre, N°15, 2006.

Voir aussi[edit]

Liens externes[edit]


  1. REDIRECT Modèle:Wikipedia

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