Printemps noir
Le Printemps noir (en kabyle Tafsut taberkant [θæfsuθ θævərçænt]) est le nom donné aux violentes émeutes qui ont éclatées en Kabylie, région berbère du nord de l'Algérie, et leur répression par l'armée algérienne entre avril 2001 et avril 2002.
Chronologie[edit]
Le 18 avril 2001, Massinissa Guermah, un jeune lycéen, est exécuté d'une rafale d'arme automatique par les gendarmes dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala en Grande Kabylie. Cet évènement — qui s'inscrit dans une série de manifestations hostiles à la jeunesse de la part des forces de l'ordre — sera l'élément déclencheur de l'insurrection kabyle.
Le 22 avril, le ministre de l'intérieur, reprenant les fausses informations du communiqué rendu public par le commandement de la gendarmerie nationale sur l'assassinat de Guermah, déclare que ce dernier était « un délinquant de 26 ans ». À la suite de cette déclaration, la presse publie le bulletin de naissance de Massinissa prouvant qu'il s'agissait en réalité d'un lycéen de 16 ans.
De violentes émeutes ont lieu pour dénoncer les injustices et les abus d'autorité. De nombreux bâtiments officiels sont détruits ou pris d'assaut. Ces manifestations sont réprimées : les forces de l'ordre tirent à balles réelles sur les manifestants qui sont, pour la plupart, des collégiens ou des lycéens. On décompte plus d'une quarantaine de morts et des centaines de blessés, rien que pour les journées du 25 au 28 avril 2001.
Durant le mois de mai, la répression est de plus en plus violente : tortures, pillages de domicile et de magasins, représailles. Les gendarmes font 15 nouvelles victimes et des dizaines de blessés. Le mouvement s'organise et crée la « Coordination des âarchs, daïras et communes » (CADC).
Le 14 juin, une imposante marche converge vers Alger pour remettre au président Abdelaziz Bouteflika un texte de revendication : la « Plate-forme d'El Kseur ». Les manifestants ne sont pas reçus et sont stoppés par les forces de l'ordre. La répression fait 8 victimes, et 130 personnes sont portées disparues — elles seront soit retrouvées mortes, soit hospitalisées dans les alentours, soit mises en garde-à -vue. De nombreux affrontements vont succéder à cette manifestation, entraînant des dizaines de morts, des centaines de blessés et de multiples arrestations. Le premier ministre Ali Benflis tente d'ouvrir le dialogue avec les âarchs, mais sans succès.
Aussi les forces de l'ordre vont-elles mener de féroces représailles en détruisant des magasins, des hôpitaux, pillant des maisons ou en organisant des raids nocturnes dans les villages, munis de machettes ou de poignards.
Au cours du mois de mars 2002, les répressions sont sanglantes. Les manifestants attaquent les symboles du pouvoir — les mairies, les daïras, les centres des impôts, les tribunaux, etc. Des assassinats sauvages sont perpétrés par les forces de l'ordre. Le 12 mars, le président de la république annonce de nouvelles mesures allant dans le sens de l'apaisement — dont le statut de « langue nationale », accordé au tamazight. Mais les affrontements ne cessent pas entre les forces de l'ordre et les manifestants. Des villes, comme Azazga, sont assiégées par les gendarmes pour y mener des expéditions punitives. De simples passants sont tabassés, des opposants politiques et des journalistes sont maltraités et des dizaines de responsables de comités de villages (délégués des âarchs) sont arrêtés. Face à cet impossible dialogue, la situation semble bloquée.
L'arrivée de Ahmed Ouyahia au poste de premier ministre permet pourtant la reprise du dialogue : en octobre 2003, le chef du gouvernement rouvre les discussions avec les âarchs. Une grande partie des revendications de la « Plate-forme d'El Kseur » est accordée.
Le bilan de ces émeutes est de 132 morts et plus de 5 000 blessés