Difference between revisions of "Emile Masson"
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'''Émile Masson''', est un écrivain et enseignant breton de tendance [[Socialisme|socialiste libertaire]], né en [[1869]] et mort en [[1923]]. Enseignant, il a défendu une éducation anti-autoritaire et lutté pour une instruction possible pour tous. | '''Émile Masson''', est un écrivain et enseignant breton de tendance [[Socialisme|socialiste libertaire]], né en [[1869]] et mort en [[1923]]. Enseignant, il a défendu une éducation anti-autoritaire et lutté pour une instruction possible pour tous. | ||
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Né en 1869 dans [http://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_de_Léon le Léon], à Brest, Émile Masson n'apprendra pas tout de suite le breton. Surtout, il n'apprendra pas le breton de son "pays" d'origine, le léonard, mais [http://fr.wikipedia.org/wiki/Vannetais le breton vannetais]. Brillant, il obtiendra deux licences : une en philosophie, l'autre en anglais. C'est durant cette scolarité qu'il séjournera à plusieurs reprises à Paris, où il côtoie les milieux anarchistes, dreyfusards, [[Antimilitarisme|antimilitaristes]] ou [[Collectivisme libertaire|collectivistes]] et se lie d'amitié à des personnalités célèbres telles que [[Piotr Kropotkine|Piotr Kropotkine]], [[Louise Michel|Louise Michel]], [[Élisée Reclus|Élisée Reclus]], [[Jean Grave|Jean Grave]], Charles Péguy ou encore Romain Rolland. | Né en 1869 dans [http://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_de_Léon le Léon], à Brest, Émile Masson n'apprendra pas tout de suite le breton. Surtout, il n'apprendra pas le breton de son "pays" d'origine, le léonard, mais [http://fr.wikipedia.org/wiki/Vannetais le breton vannetais]. Brillant, il obtiendra deux licences : une en philosophie, l'autre en anglais. C'est durant cette scolarité qu'il séjournera à plusieurs reprises à Paris, où il côtoie les milieux anarchistes, dreyfusards, [[Antimilitarisme|antimilitaristes]] ou [[Collectivisme libertaire|collectivistes]] et se lie d'amitié à des personnalités célèbres telles que [[Piotr Kropotkine|Piotr Kropotkine]], [[Louise Michel|Louise Michel]], [[Élisée Reclus|Élisée Reclus]], [[Jean Grave|Jean Grave]], Charles Péguy ou encore Romain Rolland. | ||
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+ | D'autre part, pour Masson, l'instruction des peuples et des prolétaires doit se faire dans leur langue maternelle et voit en cela le seul moyen d'émanciper le travailleur breton. Il pense également que l'imposition de la langue française a fait du breton un étranger à lui-même et que la libération de l'individu passe par la réappropriation de sa langue, il fonde la revue ''Brug'', éditée en breton et en français, de façon à propager les idées socialistes et libertaires auprès des paysans bretons. | ||
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+ | == Les "héritiers" de ''Brug'' et de l'indépendantisme libertaire == | ||
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+ | Bien que les idées libertaires de Masson n'aient pas connu de grand succès à l'époque et encore aujourd'hui, certains se sont réclamés de la pensée de l'enseignant pontivyen par la suite, tel que Yann Sohier, qui fonda la revue [http://fr.wikipedia.org/wiki/Ar_Falz ''Ar Falz''] (la faucille) en 1933. | ||
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+ | D'autres revues politiquement apparentées à ''Brug'' ont vu le jour des décennies plus tard. L'organisation anarcho-indépendantiste bretonne Stourm Breizh (1975-1980), publia ''PDG - Le poing dans la gueule'' en 1976, un "journal" d'abord "autonomiste révolutionnaire", puis "autonomiste libertaire". Dans les années 90 avec Fulor et encore aujourd'hui avec la [http://fr.wikipedia.org/wiki/CBIL Coodination Bretagne indépendante et libertaire (CBIL)], on a pu constater que les idées libertaires, si elles n'ont jamais été un plébiscite en Bretagne, sont toujours revendiquées. | ||
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* Ibid., ''Émile Masson, prophète et rebelle (actes du colloque international de Pontivy, 26, 27 et 28 septembre 2003),'' sous la direction de J.-Didier Giraud et Marielle Giraud, préface d'Edmond Hervé), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2005, ISBN 2-7535-0058-4. | * Ibid., ''Émile Masson, prophète et rebelle (actes du colloque international de Pontivy, 26, 27 et 28 septembre 2003),'' sous la direction de J.-Didier Giraud et Marielle Giraud, préface d'Edmond Hervé), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2005, ISBN 2-7535-0058-4. | ||
* Ibid., ''Émile Masson, un professeur de liberté'', préface de Michel Denis, Édition Ville de Pontivy, Rennes, 2004, ISBN 2-9502036-5-3. | * Ibid., ''Émile Masson, un professeur de liberté'', préface de Michel Denis, Édition Ville de Pontivy, Rennes, 2004, ISBN 2-9502036-5-3. | ||
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==Liens externes== | ==Liens externes== | ||
* [http://www.tempsnoirs.lautre.net/UntitledFrameset-1.htm Le site anarcho-indépendantiste "Temps noirs" s'intéresse à l'enseignant]. | * [http://www.tempsnoirs.lautre.net/UntitledFrameset-1.htm Le site anarcho-indépendantiste "Temps noirs" s'intéresse à l'enseignant]. | ||
* [http://www.sociologie-bretagne.net/ Un article consacré à Emile Masson sur le site du sociologue Ronan Le Coadic ] | * [http://www.sociologie-bretagne.net/ Un article consacré à Emile Masson sur le site du sociologue Ronan Le Coadic ] |
Latest revision as of 08:04, 5 February 2011
Émile Masson, est un écrivain et enseignant breton de tendance socialiste libertaire, né en 1869 et mort en 1923. Enseignant, il a défendu une éducation anti-autoritaire et lutté pour une instruction possible pour tous.
Contents
De Brest à Pontivy en passant par Paris[edit]
Né en 1869 dans le Léon, à Brest, Émile Masson n'apprendra pas tout de suite le breton. Surtout, il n'apprendra pas le breton de son "pays" d'origine, le léonard, mais le breton vannetais. Brillant, il obtiendra deux licences : une en philosophie, l'autre en anglais. C'est durant cette scolarité qu'il séjournera à plusieurs reprises à Paris, où il côtoie les milieux anarchistes, dreyfusards, antimilitaristes ou collectivistes et se lie d'amitié à des personnalités célèbres telles que Piotr Kropotkine, Louise Michel, Élisée Reclus, Jean Grave, Charles Péguy ou encore Romain Rolland.
Par ailleurs, il prend part, de 1899 à 1905, aux universités populaires, dont l'objectif était l'instruction des ouvriers. Mais l'expérience perd de son sens initial et tourne au paternalisme[1]. Un échec qui n'a pas empêché Émile Masson de continuer à voir en l'instruction un outil de libération des masses prolétaires.
Il finira par vivre à Pontivy (Morbihan), où il enseignera l'anglais dans un lycée. Un établissement essentiellement fréquenté par la progéniture des classes aisées de la population (l'inscription étant payante), mais aussi par des enfants de milieux modestes ayant obtenu une bourse. Des enfants en retrait, desquels Émile Masson va se rapprocher et grâce auxquels il apprendra le breton vannetais. C'est à cet époque qu'il va alors développer une conception politique singulière alliant socialisme libertaire et langue bretonne[2].
Brug, la pensée socialiste libertaire e brezhoneg[edit]
D'autre part, pour Masson, l'instruction des peuples et des prolétaires doit se faire dans leur langue maternelle et voit en cela le seul moyen d'émanciper le travailleur breton. Il pense également que l'imposition de la langue française a fait du breton un étranger à lui-même et que la libération de l'individu passe par la réappropriation de sa langue, il fonde la revue Brug, éditée en breton et en français, de façon à propager les idées socialistes et libertaires auprès des paysans bretons.
Les "héritiers" de Brug et de l'indépendantisme libertaire[edit]
Bien que les idées libertaires de Masson n'aient pas connu de grand succès à l'époque et encore aujourd'hui, certains se sont réclamés de la pensée de l'enseignant pontivyen par la suite, tel que Yann Sohier, qui fonda la revue Ar Falz (la faucille) en 1933.
D'autres revues politiquement apparentées à Brug ont vu le jour des décennies plus tard. L'organisation anarcho-indépendantiste bretonne Stourm Breizh (1975-1980), publia PDG - Le poing dans la gueule en 1976, un "journal" d'abord "autonomiste révolutionnaire", puis "autonomiste libertaire". Dans les années 90 avec Fulor et encore aujourd'hui avec la Coodination Bretagne indépendante et libertaire (CBIL), on a pu constater que les idées libertaires, si elles n'ont jamais été un plébiscite en Bretagne, sont toujours revendiquées.
Extraits de L'Utopie des îles bienheureuses dans le Pacifique[edit]
Voici quelques extraits de L'Utopie des îles bienheureuses dans le Pacifique...
...Sur son intérêt pour les identités régionales et pour l'espéranto :
- « Y a-t-il beaucoup de Français dans les Îles ? »
- LE PASSEUR : - Un grand nombre. Très peu cependant parlent cette langue française qui était réputée celle de ce grand peuple. Nos Français sont surtout Basques, Bretons et Provençaux qui parlent spécifiquement basque, breton et provençal. Il va sans dire que nous parlons tous aux Îles une même langue conventionnelle, l'ilen ou spérando, enseignée à tous nos enfants dès qu'ils commencent à être maître de leur langue maternelle. Après quoi ils ne cessent d'apprendre d'autres langues parlées par les autres peuples des Îles, où nous comptons maintenant plus de cent espèces diverses... (p. 31-32)
...Sur son féminisme :
- MOI : - Vous ne faites point de distinction entre les tâches d'hommes et les tâches de femmes ?
- L'ÎLIENNE : - Non ! cette prétendue infériorité physique ou mentale de la femme aux Pays bellifères est absolument controuvée ici. Ici les femmes sont égales ou supérieures aux hommes en tout et pour tout... (p. 41)
...Sur son écologisme avant l'heure :
- - « Pourquoi couvrez-vous en chaume ? »
- - « Parce que, mon frère, c'est la toiture la plus naturelle et, comme il s'ensuit, la plus humaine. Elle est vivante. Elle s'harmonise à tout paysage ; en outre, elle fleurit. Enfin, elle est chaude en hiver, d'une chaleur de sein maternel, et fraîche en été d'une fraîcheur de fruits à l'ombre ; cependant tous ne couvrent pas en chaume... Cela, comme le reste, dépend des fantaisies... » (p. 60-61)
...Sur son attitude libertaire :
- MOI : - N'êtes-vous point végétariens et abstinents ?
- ESTHIO : - Sauf fraternels, paternels et filiaux, nous ne sommes rien absolument ; à vrai dire quatre-vingt-dix-neuf Iliens sur cent sont abstinents et végétariens. Mais c'est un goût personnel. Il n'est pas prouvé scientifiquement que les boissons fermentées soient nuisibles à l'organisme. Prises en quantité minime, elles sont certainement revivifiantes. Mais elles sont inutiles, sauf en certains cas d'extrême débilité. Quant à la nourriture carnée, nous nous en abstenons peut-être surtout par sentimentalisme. Notre répugnance à ôter la vie à un être, si éloigné de nous qu'il puisse sembler, s'oppose à une alimentation de ce genre. Mais nécessité fait loi, et nous devons tuer des végétaux qui, a priori, ont autant de droit au soleil, autant de joie à y croître que n'importe quels animaux, dont ils se différencient fort peu. (p. 50-51)
Publications[edit]
- Yves Madec, professeur de collège, 1905;
- Les rebelles, signé Brenn (un des pseudonymes d'Emile Masson), Librairie les pages libres, 1908;
- Les Bretons et le Socialisme, Éditions Toullec et Geffroy 1912, présentation et notes par Jean-Yves Guiomar, Paris, Maspero, 1972;
- Les hommes illustres et leurs paroles inouïes, en 1919
- Utopie des îles bienheureuses, éditions Rieder 1921, Éditions Caligrammes, 1984.
Sur Émile Masson[edit]
En breton[edit]
- Fañch Broudig, Al liberterien hag ar brezoneg. Brug : 1913-1914, Brud Nevez, Brest, 1983.
- Fañch Broudig, Eun dra bennag a zo da jench er bed. Emile Masson ha "Brug" 1913-1914, Brest, Brud Nevez, 2004, 330 p., ISBN 2-86775-218-3.
En français[edit]
- J.-Didier Giraud et Marielle Giraud, Émile Masson, professeur de liberté, éditions Canope, 1991, 383 p.
- Ibid., Émile Masson, prophète et rebelle (actes du colloque international de Pontivy, 26, 27 et 28 septembre 2003), sous la direction de J.-Didier Giraud et Marielle Giraud, préface d'Edmond Hervé), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2005, ISBN 2-7535-0058-4.
- Ibid., Émile Masson, un professeur de liberté, préface de Michel Denis, Édition Ville de Pontivy, Rennes, 2004, ISBN 2-9502036-5-3.
Liens externes[edit]
- Le site anarcho-indépendantiste "Temps noirs" s'intéresse à l'enseignant.
- Un article consacré à Emile Masson sur le site du sociologue Ronan Le Coadic