Han Ryner
Issu d'un milieu modeste (son père est employé des postes et sa mère institutrice) et très religieux, Henri Ner réussit à faire des études et prépare une licence en philosophie. Suite à la mort de sa mère, il rompt avec la religion, devient franc-maçon et s'intéresse aux idées sociales.
Après avoir publié deux romans en 1894-1895, Henri Ner Fréquente Zola, les Goncourt et Alphonse Daudet. Après avoir tâté un peu de journalisme, il devient professeur de collège même s'il a beaucoup de difficulté à se plier à la discipline et aux conventions qu'imposent une telle carrière. Auteur d'une cinquantaine de livres dans des genres fort divers (romans, contes, essais, théâtre, poésie), il est élu en 1912 prince des conteurs par les lecteurs de L’Intransigeant. Han Ryner fut également un des rares anarchistes ayant participé au Félibrige.
Il fut élu en 1912, à 51 ans, prince des conteurs sous l’impulsion de J.-H. Rosny aîné et par les lecteurs de L’Intransigeant , journal de Paris.
En 1896, il adopte le pseudonyme de Han Ryner, devient le rédacteur en chef de la revue Demain et collabore à de nombreuses revues et journaux : L'Art social, "l'Humanité nouvelle" d'Augustin Hamon, L'Ennemi du Peuple d'Emile Janvion, L'Idée Libre de Lorulot, ainsi que L'En dehors et L'Unique d'E.Armand.
À la veille de la Première Guerre mondiale, Han Ryner adopte des positions pacifistes et lutte jusqu'à sa mort pour la reconnaissance de l'objection de conscience. Son pacifisme s'exprime, pendant la guerre, dans ses collaborations à Par-delà la mêlée d'Armand et Ce qu'il faut dire de Sébastien Faure et par la suite au Journal du Peuple d'Henri Fabre.
Homme aux combats multiples, Han Ryner pour Eugène prend position pour la libération d'Eugène Dieudonné en 1913, pour celle d'Armand pendant la guerre, pour les mutins de la Mer Noire, pour Sacco et Vanzetti et Nestor Makhno. Anticlérical virulent, il s'oppose à l'emprise et au pouvoir de l'Eglise catholique, surtout en matière d'éducation. En 1936, Han Ryner adhère au Comité mondial contre la guerre et le fascisme.
Sa pensée
Han Ryner est principalement influencé par les penseurs de l'Antiquité, particulièrement les stoïciens. En ce sens, il prône une sagesse qui conduit à accepter l'inévitable, ce qui ne peut être changé ou vaincu. Puisque l'individu ne peut détruire certaines oppressions liées à la nature sociale de son humanité, il doit les accepter avec l'indifférence qu'il a face aux phénomènes physiques.
Han Ryner préconise une libération intérieure et non une révolution sociale, collective et violente. Selon lui, l'individu doit agir pour lui, en se délestant des conditionnements extérieurs, en écoutant ses propres pulsions et besoins et en n'obéissant que lorsque la préservation de son individualité est en jeu.
Pacifiste avant tout, Han Ryner valorise l'objection de conscience et les moyens d'action non violents. Il qualifie d'ailleurs son individualisme d'«harmonique» pour le distanguer des individualismes «égoïstes» ou «doministes» qu’il rejetait au nom de son éthique et de son humanisme. Souvent surnommé le «Socrate contemporain», Han Ryner fut ironiquement un penseur au sens pré-socratique du terme, c’est-à -dire un sage curieux de tout à la rhétorique raffinée et d’une rare déclicatesse.
Citations
« Le sage considère la société comme une limite. Il se sent social comme il se sent mortel. [...] Il doit défendre contre elle sa raison et sa volonté. Il repoussera les préjugés qu'elle impose aux autres hommes, il se défendra de l'aimer ou de la haïr ; il se délivrera progressivement de toute crainte et de tout désir à son égard ; il se dirigera vers la parfaite indifférence, qui est la sagesse en face des choses qui ne dépendent pas de lui.» (Petit manuel individualiste, 1903)
«Le sage remarque que, pour exercer une action sociale, il faut agir sur les foules, et qu'on n'agit point sur les foules par la raison, mais par les passions. Il ne se croit pas le droit de soulever les passions des hommes. L'action sociale lui apparaît comme une tyrannie, et il s'abstient d'y prendre part.» (Petit manuel individualiste, 1903)
« e sage sait que l'opprimé qui se plaint aspire à devenir oppresseur. Il le soulage dans la mesure de ses moyens, mais il ne croit pas au salut par l'action commune.[...] Il remarque que les réformes changent les noms des choses, non les choses elles-mêmes. L'esclave est devenu le serf, puis le salarié. On n'a jamais réformé que le langage. Le sage reste indifférent à ces questions de philologie.[...] L'expérience prouve au sage que les révolutions n'ont jamais de résultats durables. La raison lui dit que le mensonge ne se réfute pas par le mensonge et que la violence ne se détruit pas par la violence.» (Petit manuel individualiste, 1903)
«L'anarchiste croit que le gouvernement est la limite de la liberté. Il espère, en détruisant le gouvernement, élargir la liberté. Mais la vraie limite n'est pas le gouvernement mais la société. Le gouvernement est un produit social comme un autre. On ne détruit pas un arbre en coupant une de ses branches.» (Petit manuel individualiste, 1903)
«La société est inévitable comme la mort. Sur le plan matériel, notre puissance est faible contre de telles limites. Mais le sage détruit en lui le respect et la crainte de la société comme il détruit en lui la crainte de la mort. Il est indifférent à la forme politique et sociale du milieu où il vit comme il est indifférent au genre de mort qui l'attend.[...] Le sage sait qu'on ne détruit ni l'injustice sociale ni l'eau de la mer. Mais il s'efforce de sauver un opprimé d'une injustice particulière, comme il se jette à l'eau pour sauver un noyé.» (Petit manuel individualiste, 1903)
« Comme tous ceux qui prétendent commander, il obéit. Nous n'imposons que des volontés qui nous furent imposées. L'orgueil d'être Colonel se paie de l'humiliation de subir le Général. Toute autorité est chose chancelante, essaie de s'appuyer à une autorité qui lui semble plus solide. » (Le crime d'obéir, 1900)
Oeuvres
L'Humeur inquiète (1894)
La Folie de misère (1895)
Le crime d'obéir (1900)
L'homme fourmi (1901)
Les voyages de Psychodore (1903)
Petit manuel individualiste (1903)
Le père Diogène (1920)
Histoire de l'individualisme dans l'Antiquité (1924)
Le Communisme et la Liberté (1924)
Bouche d'or, patron des pacifistes (1934)
L'Eglise devant ses juges (1937)
Une bibliographie des oeuvres de Han Ryner est disponible sur RA Forum.
Bibliographie
Actes du Colloque Han Ryner, Marseille, Théâtre Toursky, 28 et 29 septembre 2002. organisé par le Centre international de recherches sur l’anarchisme. Suivi de L’individualisme dans l’Antiquité par Han Ryner. Marseille : CIRA ; Villemomble (93250) : Les Amis de Han Ryner, 2003. 250 p.
Hem Day, Deux frères de bonne volonté : Élisée Reclus et Han Ryner. Bruxelles, Pensée & Action/Amis de Han Ryner, 1956. 16 p.
Gérard Lecha, Han Ryner ou la pensée sociale d'un individualiste au début du siècle, Thése de doctorat, Thèse de doctorat (nouveau régime) : littérature française, dir. Daniel Leuwers, Tours : 1993.
Ernest Lohy (pseud. Manuel Devaldès). Han Ryner et le problème de la violence. Suivi d’une lettre de Han Ryner. 1927
Simon Louis, Un individualiste dans le social - Han Ryner. Paris, Ed. Syndicalistes, 1973. 142 p.
Liens
Le Petit manuel individualiste (1903) de Han Ryner, sur le site de Clémence Arnoult.