Difference between revisions of "Noam Chomsky"

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m (L'anarchiste et le socialiste libertaire)
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'''Comme il le dira, l'anarchisme est cette tendance, présente dans toute l'histoire de la pensée et de l'agir humains, qui nous incite à vouloir identifier les structures coercitives, autoritaires et hiérarchiques de toutes sortes pour les examiner et mettre à l'épreuve leur légitimité; lorsqu'il arrive que ces structures ne peuvent se justifier - ce qui est le plus souvent le cas - l'anarchisme nous porte à chercher à les éliminer et à ainsi élargir l'espace de la liberté.'''  
 
'''Comme il le dira, l'anarchisme est cette tendance, présente dans toute l'histoire de la pensée et de l'agir humains, qui nous incite à vouloir identifier les structures coercitives, autoritaires et hiérarchiques de toutes sortes pour les examiner et mettre à l'épreuve leur légitimité; lorsqu'il arrive que ces structures ne peuvent se justifier - ce qui est le plus souvent le cas - l'anarchisme nous porte à chercher à les éliminer et à ainsi élargir l'espace de la liberté.'''  
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== L'affaire Faurisson==
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Bien que reconnu comme l'un des plus grands intellectuels vivants, y compris par ses détracteurs, Noam Chomsky reste ignoré en France. Les raisons de cet oubli sont nombreuses. L'une d'entre elle tient à ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Faurisson.
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Professeur de littérature à l’université de Lyon, Robert Faurisson fut suspendu de ses fonctions à la fin des années 1970 et poursuivi parce qu’il avait, entre autres, nié l’existence des chambres à gaz pendant la seconde guerre mondiale. Une pétition pour défendre sa liberté d’expression fut signée par plus de cinq cents personnes, dont Chomsky.
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Pour répondre aux réactions violentes que suscita son geste, Chomsky rédigea alors un texte intitulé "quelques commentaires élémentaires sur le droit à la liberté d'expression" dans lequel il explique que reconnaître à une personne le droit d’exprimer ses opinions ne revenait nullement à les partager. Il donna son texte à un ami d’alors, Serge Thion, en lui permettant de l’utiliser à sa guise. Or Thion le fit paraître, comme « avis », au début du mémoire publié pour défendre Faurisson. L'intelligentsia française en profita pour brocarder Chomsky, l'accusant de soutenir les thèse révisionnistes de Faurisson.
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Que disait ce texte ? (extraits)
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« Avant d'en arriver au sujet sur lequel on me demande mon avis, deux mises au point sont nécessaires. Les remarques qui vont suivre se situent à l'intérieur de limites qui sont importantes à deux points de vue. D'abord, je ne traite ici qu'un sujet précis et particulier, à savoir le droit à la libre expression des idées, des conclusions et des croyances. Je ne dirai rien ici des travaux de Robert Faurisson ou de ses critiques, sur lesquels je ne sais pas grand-chose, ou sur les sujets qu'ils traitent, sur lesquels je n'ai pas de lumières particulières. En second lieu, j'aurai quelques commentaires désagréables (mais mérités) à faire à l'égard de certains secteurs de l'intelligentsia française qui ont montré qu'ils n'éprouvaient aucun respect pour les faits ou pour la raison, comme j'ai eu l'occasion de l'apprendre à mes dépens en des circonstances sur lesquelles je ne reviendrai pas. Ce que j'aurai à dire ne s'applique certainement pas à beaucoup d'autres qui continuent sans défaillance à faire preuve d'intégrité intellectuelle. ...
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On m'a demandé, il y a quelque temps, de signer une pétition pour la défense de la liberté de parole et d'expression » de Robert Faurisson. La pétition ne disait absolument rien sur le caractère, la qualité ou la validité de ses recherches, mais se cantonnait très explicitement à la défense de droits élémentaires qui sont considérés comme acquis dans les sociétés démocratiques; elle demandait à l'Université et aux autorités de faire tout leur possible pour garantir la sécurité de Faurisson et le libre exercice de ses droits légaux » ( do everything possible to ensure Faurissons safety and the free exercice of his legal rights »). Je l'ai signée sans hésitation.
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Le fait que j'ai signé cette pétition a soulevé une tempête de protestations en France.
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La pétition disait simplement que Faurisson avait rendu publiques ses conclusions » ( Since he began making his findings public »), ce qui est indiscutable, mais qui ne dit ou n'implique rien de précis sur leur valeur, et qui n'implique rien sur leur validité.
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Parmi les gens qui ont appris quelque chose du dix-huitième siècle (voyez Voltaire), il va de soi, sans même qu'on songe à le discuter, que '''la défense du droit à la libre expression ne se limite pas aux idées que l'on approuve, et que c'est précisément dans le cas des idées que l'on trouve les plus choquantes que ce droit doit être le plus vigoureusement défendu'''. Soutenir le droit d'exprimer des idées qui sont généralement acceptées est évidemment à peu près dépourvu de signification. Tout cela est parfaitement compris aux Etats-Unis et c'est pourquoi il n'y a rien ici qui ressemble à l'affaire Faurisson. En France, où la tradition des libertés civiles est loin d'être solidement établie et où des tendances profondément totalitaires ont travaillé l'intelligentsia pendant de nombreuses années (la collaboration, la grande influence du léninisme et de ses avatars, l'aspect quasi délirant de la nouvelle droite intellectuelle, etc.), les choses sont apparemment très différentes.
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Mais lorsque je dis que, quelles que puissent être ses opinions, Faurisson a des droits qui doivent être garantis, on considère cela comme scandaleux » et on en fait toute une histoire en France.
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Il est rare que je dise du bien de l'intelligentsia dominante aux Etats-Unis, qui ressemble généralement à ses équivalents dans d'autres pays. Il est pourtant très éclairant de comparer les réactions françaises à l'affaire Faurisson et le phénomène identique que nous avons ici. Aux Etats-Unis, Arthur Butz (que l'on peut considérer comme l'équivalent américain de Faurisson) n'a pas été soumis au genre d'attaques impitoyables qu'on a lancées contre Faurisson. Quand les historiens révisionnistes (« no-holocaust ») ont tenu une large réunion internationale, il y a quelques mois, aux Etats-Unis, il ne s'est rien passé qui aurait ressemblé à l'hystérie qui a entouré en France l'affaire Faurisson. Lorsque le Parti nazi américain appelle à un défilé dans la ville largement juive de Skokie (Illinois), ce qui est manifestement une pure provocation, l'American Civil Liberties Union [l'équivalent de la Ligue des droits de l'homme, N.d.T.] défend le droit de défiler (ce qui rend évidemment furieux le Parti communiste américain). Pour autant que je le sache, il en va de même en Angleterre ou en Australie, pays qui comme les Etats-Unis ont une tradition vivante de défense des libertés. Butz et les autres sont l'objet de critiques et de condamnations (intellectuelles) sévères, mais sans que l'on s'en prenne, à ma connaissance, à leurs libertés. Il n'est nul besoin, dans ces pays, d'une pétition inoffensive comme celle que l'ontrouve scandaleuse » en France, et s'il y avait une telle pétition elle ne serait sûrement pas attaquée, sauf dans des cercles minuscules et insignifiants.
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Je voudrais ajouter une remarque finale au sujet du prétendu antisémitisme » de Faurisson. Remarquons d'abord que même si Faurisson se trouvait être un antisémite acharné ou un pronazi fanatique - et ce sont des accusations que contenait une correspondance privée qu'il ne serait pas convenable de citer en détail ici - cela n'aurait rigoureusement aucune conséquence sur la légitimité de la défense de ses droits civils. Au contraire, cela rendrait leur défense d'autant plus impérative puisque, encore une fois, et c'est l'évidence depuis des années, depuis des siècles même, '''c'est précisément le droit d'exprimer librement les idées les plus effroyables qui doit être le plus vigoureusement défendu; il est trop facile de défendre la liberté d'expression de ceux qui n'ont pas besoin d'être défendus'''.
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Noam Chomsky, Cambridge (U. S. A.), 11 octobre 1980 ».<ref> Extrait de Mémoire en Défense -- Contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire. La question des chambres à gaz. Précédé d'un avis de Noam Chomsky, de Robert Faurisson, Paris, La Vieille Taupe, [novembre] 1980, 277p. On peut aussi consulter [http://web.archive.org/web/20070524162954/http://www.vho.org/aaargh/engl/chomsky.engl.htmlanglla version originale en englais de ce document.]</ref>
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==Bibliographie==
 
==Bibliographie==

Revision as of 12:55, 13 July 2007

  1. l'aptitude du langage est biologique —comme par exemple la vision— et ne relève pas de l'enseignement
  2. CHOMSKY, Noam (1989) Necessary Illusions, Anansi, Toronto. Page 48.
  3. Wilhelm von Humboldt (1767-1835), précurseur de la linguistique contemporaine, fondateur de l’Université de Berlin et auteur d’un maître livre du libéralisme classique (Les Limites de l’action de l’État), demeure aujourd’hui encore trop peu connu. Chomsky voit dans cet ouvrage une riche formulation d’un idéal anarchiste avant la lettre: Humboldt envisage en effet des communautés de libre association sans coercition émanant de l’État ou d’autres institutions autoritaires et au sein desquelles des êtres humains libres peuvent créer, questionner, et développer pleinement leurs capacités. Cette idée de libre auto-développement (ou Bildung) est central dans toute la pensée de Humboldt. Rudolf Rocker, notamment dans Nationalism and Culture, a de l’anarchisme des conceptions très voisines — il le situe aux confluences du socialisme et du libéralisme — et il a lui aussi exercé une grande influence sur Chomsky.
  4. Extrait de Mémoire en Défense -- Contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire. La question des chambres à gaz. Précédé d'un avis de Noam Chomsky, de Robert Faurisson, Paris, La Vieille Taupe, [novembre] 1980, 277p. On peut aussi consulter version originale en englais de ce document.