Bernard Lazare
Bernard Lazare était simultanément critique littéraire, journaliste politique (il couvre les évènements de la mine de Carmaux), il dénonce les crimes contre les Arméniens - anarchiste, polémiste. Et, il fut, évidemment, le premier des dreyfusards.
Jeunesse[edit]
Bernard Lazare (et non Bernard-Lazare comme l’écrivait Charles Péguy) est né à Nîmes le 14 juin 1865. Lazare, Marcus Manassé BERNARD, inversera prénom et patronyme pour entrer en littérature et en journalisme. Il est l’aîné des quatre fils de Jonas Bernard, négociant de prêt-à -porter, et de Douce Noémie Rouget de très ancienne tradition provençale. La très bourgeoise famille Rouget introduisit le métier Jacquard à Toulouse et créa une des premières et très florissante manufacture de draperies et passementerie. La famille Bernard était juive, peu croyante, mais attachée aux fêtes traditionnelles.
Lazare Bernard obtient un baccalauréat ès sciences, mais sa passion c’est la littérature, passion partagée avec son ami toulousain, le poète Ephraïm Mikhaël. Ils se font passer pour cousins. C’est Mikhaël d’un an son cadet qui, depuis Paris où il étudie à l’École des Chartes , encourage Lazare à venir y conquérir avec lui le monde des lettres. Lazare arrive à Paris, en 1886, l’année de la parution de « la France Juive » d’Edouard Drummont. Lazare s’inscrit à l’École pratique des hautes études. Il choisit les cours de l’abbé Louis Duchesne, pour lequel l’Institut catholique de Paris avait créé une chaire d’histoire de l’Eglise. La rigueur de Lazare, son goût du fait exact, son aptitude à remettre en cause les faits établis ou prétendument tels furent à coup sûr confortés par Duchesne dont l’Histoire de l’église ancienne fut mise à l’index par l’Eglise, qui reprochait à l’auteur d’avoir écrit en « historien » et non en « théologien ».
Au cours de l’année universitaire 1887-1888, Lazare remet un mémoire consacré à « la législation conciliaire relative aux Juifs ». En 1888 il écrit, avec Ephraïm Mikhaël La fiancée de Corinthe, légende dramatique en trois actes, où apparaît son nom de plume : Bernard Lazare. Deux ans plus tard, Ephraïm Mikhaël meurt de tuberculose. Ce deuil marque tragiquement la fin de la jeunesse de Lazare. C’est aussi vers cette période qu’il s’engage en anarchie, un engagement actif, bien qu’il n’ait jamais cautionné « l’Action directe ». Mais il soutiendra toujours les idées et les « compagnons », qu’il aidera à financer leurs publications, qu’il soutiendra lors de leurs procès. C’est en anarchiste qu’il rédige une série de nouvelles pour les journaux, nouvelles qui feront l’objet de plusieurs recueils. C’est en anarchiste qu’il est critique littéraire, et qu’à l’été 1895 il couvre pour l’Echo de Paris la douloureuse révolte des ouvriers de Carmaux. Journaliste dans l’âme, il assistera en 1896 au Congrès Socialiste de Londres et dénoncera « l’autoritaire et jaloux Karl Marx, infidèle à son propre programme que l’Internationale dévia de son but »
Affaire Dreyfus[edit]
Il ne s’en préoccupe pas moins de cette question juive, dont Edouard Drumont fait désormais son nauséabond fond de commerce. Dès 1892 il est en contact avec Achad Ha’am, l’un des pères du mouvement des Amants de Sion. Au printemps 1894 il publie de l’Antisémitisme, son histoire et ses causes, une étude érudite et critique des origines de l’antisémitisme. Cette parution a lieu à quelques mois de l’arrestation et de la détention d’un capitaine juif, Alfred Dreyfus, prétendument accusé de trahison. Connu pour sa combativité et son courage, Bernard Lazare est contacté par Mathieu Dreyfus pour contribuer à faire éclater l’innocence de son frère Alfred.
C’est un électrochoc. Bernard Lazare va se consacrer presque exclusivement à cette tâche ; il publie son premier mémoire L’affaire Dreyfus – Une erreur judiciaire en Belgique début novembre 1896 ; en fait, c’est la refonte totale du texte qu’il avait écrit à la demande de Mathieu dès l’été 1895. Se fondant sur un article de l’Eclair du 15 septembre 1896 révélant l’illégalité du procès de 1894, Lazare démontait l’accusation point par point et demandait la révision. Cette tactique est sans doute plus conforme aux désirs de la famille Dreyfus. Car dans sa première version, il attaquait les coupables, les accusant les uns après les autres, et terminait en embrayant sur une litanie de « J'accuse ! » qu’il donnera, un peu plus de deux ans plus tard, à Émile Zola qui la fera passer à la postérité » (Autour de J’Accuse ! : documents nouveaux, Philippe Oriol in « les Cahiers Naturalistes » N°72, 1998 – pp 167-173).
A travers ce voyage au bout de l’antisémitisme, Lazare, de juif nationaliste français qu’il était, devient nationaliste juif, sans rien renier de ses engagements anarchistes. Il fera un bout de chemin avec Theodor Herzl, les deux hommes éprouvant l’un pour l’autre une grande estime. Mais il se séparera de Herzl, en désaccord avec un projet dont il désapprouve « les tendances, les procédés et les actes ».
« Vous êtes - écrit-il en avril 1899 à Herzl, et à travers lui au Comité d’action sioniste - des bourgeois de pensée, des bourgeois de sentiment, des bourgeois d’idées, des bourgeois de conception sociale ». Désormais, Lazare continuera son combat pour les Juifs à sa manière. Il aura été aux côtés des Juifs roumains, dont après être allé en Roumanie, il dénonce le sort terrible dans « L’Aurore » en juillet et août 1900. Il part aussi pour la Russie où il fait un nouveau reportage sur les Juifs là aussi en danger. Mais il n’aura pas le temps de le publier, rongé déjà par la maladie.
De même, il s’est engagé en faveur des Arméniens déjà persécutés par les Turcs, et en 1902 dans Pro Armenia, n’a pas hésité à dénoncer, en ces termes, le congrès Sioniste de Bâle qui avait rendu un hommage public au sultan Abdulhamid II : « Les représentants (…) du plus vieux des peuples persécutés, ceux dont on ne peut écrire l’histoire qu’avec du sang, envoient leur salut au pire des assassins. (…) et dans cette assemblée, il ne se trouve personne pour dire (…) - « Vous n’avez pas le droit de déshonorer votre peuple ».
Bernard Lazare ne cherchait pas à plaire. Il aspirait à la justice, à la vérité et à la liberté sans compromis. Très vite, les dreyfusistes vont étouffer sa voix, et il ne pourra même plus, lors du procès de Rennes, écrire pour l’Aurore. Il n’en couvrira pas moins le procès, et enverra ses chroniques au vitriol à deux revues américaines, «The Chicago Record » et « The North American Review ».
En 1902, consulté par Charles Péguy sur les effets de la loi anticongréganiste, il donne aux Cahiers de la quinzaine une profession de foi qui, partant de ce que fut la morale du dreyfusisme, se porte en défense de la démocratie, de la liberté de penser et de croire
Lorsqu’il mourut, le 1er septembre 1903, à 38 ans, après avoir été opéré d’un cancer des voies digestives au dernier stade, il laissait un manuscrit inédit « Le fumier de Job » et autorisait la réédition de « l’Antisémitisme, son histoire et ses causes » à condition qu’on mît en tête que « que sur beaucoup de points mon opinion s’était modifiée ».
Pour Jean-Marie Delmaire, la gloire du « J’Accuse » est revenue au seul Zola et on a rapidement oublié Bernard Lazare. Sans doute parce que s’il était « efficace, (il était) marginal partout où il s’agitait ».
Bibliographie[edit]
- L’antisémitisme son histoire et ses causes (1894 – Léon Chailley Ed.)
- L’affaire Dreyfus – Une erreur judiciaire – Edition établie par Ph. Oriol, - Ed. Allia (1993)
- Le fumier de Job – Texte établi par Ph. Oriol - Ed. Honoré Champion (1998)
- Juifs et antisémites – Edition établie par Ph. Oriol – Ed. Allia (1992)
Sur Bernard Lazare :
- Bernard Lazare Anarchiste et nationaliste juif – Textes réunis par Ph. Oriol – Ed. Honoré Champion (1999)
- Bernard Lazare – de l’anarchiste au prophète – J-D Bredin – Ed. fallois (1992)
- Bernard Lazare – Ph. Oriol – Stock (2003)
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