FAQAnar:F.6.4 - Pourquoi ces « associations de défense » sont-elles des États ?
Catégorie:L’anarcho-capitalisme est-il un type d’anarchisme ?
Il est clair que les associations de défense "anarcho"-capitaliste répondent aux critères d'un État décrit dans la section B.2 ( "Pourquoi les anarchistes sont contre l'État"). Ils défendent la propriété et préservent les relations hiérarchiques, ils mettent en pratique la contrainte, et ce sont des institutions hiérarchiques qui gouvernent ceux en desous d'eux au nom d'une « élite dirigeante », c'est-à -dire ceux qui emploient à la fois la force du gouvernement et ceux qu'ils gouvernent. Ainsi, depuis une perspective anarchiste, ces "associations de défense" sont définitivement des États.
Ce qui est intéressant, cependant, c'est que, de par leur propre définition une très bonne affaire peut être faite de ces "associations de défense" en tant qu'état dans le sens "anarcho"-capitaliste aussi. Les apologistes capitalistes en général définissent un « gouvernement » (ou un état) comme ceux qui ont un monopole de la force et de la contrainte dans une zone donnée. Par rapport au reste de la société, ces associations de défense auraient un monopole de la force et la contrainte d'un morceau de propriété, ce qui, par la propre définition "anarcho"-capitaliste de l'État, ces associations seraient admissibles!
Si nous regardons la définition de l'État de Rothbard, qui exige que (a) le pouvoir d'imposition et / ou (b) d'un "monopole de la contrainte de la disposition de la défense sur une zone donnée", l'"anarcho"-capitalisme se heurte à des difficultés.
En premier lieu, les frais de location des associations de défense seront déduites de la richesse créée par ceux qui utilisent, mais ne la possede pas, la propriété des capitalistes et des propriétaires. N'oublions pas qu'un capitaliste n'emploit un travailleur ou ne loue la terre et un logement que s'il a un bénéfice à le faire. Sans le travail du travailleur, il n'y aurait rien à vendre et aucun salaire pour payer le loyer. Ainsi, une compagnie de défense des entreprises ou d'un propriétaire sera payée grâce aux recettes recueillies auprès des pouvoirs capitalistes pour extraire une taxe de ceux qui utilisent, mais ne possèdent pas, une propriété. En d'autres termes, les travailleurs paieront pour les agences qui imposeront l'autorité des employeurs sur eux par l'intermédiaire du système des salaires et de loyer - la fiscalité sous une forme plus insidieuse.
En second lieu, sous le capitalisme la plupart des gens passent une grande partie de leur temps sur la propriété d'autres personnes - cela étant, ils travaillent pour les capitalistes et / ou vivent dans des logements locatifs. Par conséquent, si les propriétaires sélectionnent une "association de défense" pour protéger leurs usines, leurs fermes, leurs logements locatifs, etc, leurs employés et leurs locataires considèreront cela comme un "monopole de la contrainte de la disposition de la défense sur une zone donnée". Certainement que les employés et les locataires ne seront pas en mesure d'embaucher leurs propres sociétés de défense pour exproprier les capitalistes et les propriétaires. Donc, du point de vue des employés et des locataires, les propriétaires ont un monopole de la "défense" sur les zones en question. Bien sûr, l'"anarcho"-capitaliste fera valoir que les locataires et les travailleurs "consentent" à toutes les règles et les conditions d'un contrat quand ils le signent et le propriétaire du monopole n'est pas "sous la contrainte". Toutefois, l'argument du "consentement" est tellement faible dans des conditions d'inégalité à en devenir inutile (voir les sections F.2.4 et F.3.1, par exemple) et, en outre, elle peut et a été utilisé pour justifier l'État. En d'autres termes, le « consentement » en soi ne garantit pas qu'un régime ne soit pas étatiste (voir la section F.2.3 pour en savoir plus sur ce sujet). Ainsi, un argument en ce sens est profondément erroné et peut être utilisé pour justifier des régimes qui ne sont guère mieux que "le féodalisme industriel" (comme les villes, par exemple - une institution avec lequel l'"anarcho"-capitalisme n'a pas de problème). Même le "code de loi général libertarien" pourrait être considéré comme un "monopole du gouvernement sur un domaine particulier", en particulier si les gens ordinaires n'ont pas de véritable moyen d'influer sur le code, soit parce qu'elle est axée sur le marché et que l'argent est déterminant, Ou parce qu'elle sera une loi "naturelle", intouchable par de simples mortels.
En d'autres termes, si l'État "s'arroge à lui-même un monopole de la force, du pouvoir décisionnel ultime, sur une zone territoriale donnée"[1] alors c'est assez clair que le propriétaire partage ce pouvoir. Le propriétaire est, après tout, celui qui a le "pouvoir ultime de décision" dans leurs entreprises ou sur leurs terres. Si le patron a une aversion pour vous (par exemple, vous ne suivez pas leurs ordres), vous obtiendrez alors le licenciement. Si vous ne pouvez pas obtenir un emploi ou louer une terre sans l'accord de certaines conditions (par exemple de ne pas adhérer à un syndicat ou d'adhérer à la "société de défense" approuvé par votre employeur), vous pouvez soit signer le contrat ou chercher autre chose. Bien sûr, Rothbard ne parvient pas à remarquer que les patrons ont ce monopole du pouvoir et qu'il est plutôt à parler d'"interdire l'achat et la vente volontaire de la défense et des services judiciaires"[2]. Mais tout aussi sûrement que la loi des contrats permet l'interdiction des syndicats sur une propriété, il peut tout aussi bien interdire la vente et l'achat de la défense et des services judiciaires (il pourrait faire valoir que les forces du marché mettent fin à cette situation, mais c'est probable que les patrons aient généralement l'avantage sur le marché du travail et que les travailleurs aient à faire des compromis pour obtenir un emploi -voir la section F.10.2 sur les raisons pour lesquelles c'est le cas). Après tout, dans les compagnies des villes, seules les compagnies d'argent sont légales, et les compagnies de police la seule à imposer les lois.
Par conséquent, il est évident que le système des "anarcho"-capitalistes répondent aux critères Weberiens d'un monopole à faire respecter certaines règles dans une zone territoriale donnée. Le "code de loi général libertarien" est un monopole et les propriétaires déterminent les règles qui s'appliquent à leurs propriétés. En outre, si les règles que les propriétaires imposent sont soumises à des règles contenues dans le monopolistique "code de loi général libertarien" (par exemple, qu'ils ne peuvent pas interdire la vente et l'achat de certains produits - tels que la défense - sur leur propre territoire) alors l'"anarcho"-capitalisme répond définitivement à la définition Weberienne de l'état (telle que décrite par Ayn Rand comme une institution "qui détient le pouvoir exclusif de faire respecter certaines règles de conduite dans une zone géographique donnée"[3]) du fait que son « code de loi » l'emporte sur la volonté des propriétaires à faire ce qu'ils veulent sur leurs propriétés.
Par conséquent, peu importe la façon dont vous regardez ça de plus près, l'"anarcho"-capitalisme et son marché de la "défense" favorise un "monopole de pouvoir de décision ultime" sur un "territoire donné". Il est évident que, pour des anarchistes, le système des "anarcho"-capitalistes est un système étatique. Étant donné que, comme nous le constatons, une affaire raisonnable peut être prise pour cela également, un état, dans la théorie "anarcho"-capitaliste aussi bien.
Donc, en effet, l'"anarcho"-capitalisme a un type différent d'État, dans lequel un patrons embauche et licencie le policier. Comme Peter Sabatini le note [4], "parmi le Libertarianisme, Rothbard représente une vue minoritaire qui actuellement fait valoir l'élimination totale de l'État. Toutefois la demande de Rothbard comme anarchiste est rapidement annulé lorsqu'il est montré qu'il veut seulement une fin de l'état public. À sa place, il permet d'innombrables Etats privés, avec chaque personne s'approvisionnant de leurs propres forces de police, d'armée, et de droit, ou encore l'achat de ces services auprès de fournisseurs capitaliste... Rothbard ne voit rien, aprés tout, de mal à l'accumulation de la richesse, donc ceux qui ont plus de capital auront inévitablement une plus grande force coercitive à leur disposition, tout comme ils le font maintenant".
Loin de vouloir abolir l'État, les "anarcho"-capitalistes désirent seulement le privatiser - de le tenir pour seul responsable de la richesse capitaliste. Leur "compagnie" effectue les mêmes services que l'État, pour les mêmes personnes, de la même manière. Toutefois, il existe une légère différence. Les propriétaires seraient en mesure de choisir entre des entreprises en concurrence pour leurs "services". Etant donné que ces "compagnies" sont employés par le patron, elles seraient utilisés pour renforcer le caractère totalitaire des entreprises capitalistes en veillant à ce que la police et la loi, soient appliqué, même un peu, aux gens ordinaires.
De l'"association de défense" jusqu'au marché de la défense lui-même (comme nous l'avons fait valoir dans la dernière section), ce sera une entente mafieuse[5] et qui ainsi deviendra une sorte de d'État public. La nature même du secteur d'état privé, de sa nécessité de coopérer avec d'autres de la même industrie, le pousse vers un réseau de monopole des entreprises et donc un monopole de la force sur une zone donnée. Étant donné les hypothèses utilisées pour défendre l'"anarcho"-capitalisme, son système d'étatisme privé se développera dans l'étatisme public - un état géré par les gestionnaires responsables uniquement de la part de rétention d'élite.
Pour citer de nouveau Peter Marshall, les "anarcho"-capitalistes "clament que tous bénéficieraient du libre échange sur le marché, il n'est nullement certain que tout système de marché libre ait plus de chances de parrainer un retour à une société inégalitaire avec les associations de défense perpétuant l'exploitation et le privilège"[6]. L'histoire, et la pratique actuelle, prouvent ce point ci.
En bref, les "anarcho"-capitalistes ne sont pas du tout des anarchistes, ils ne sont que des capitalistes qui souhaitent voir des États privés se développer - des Etats qui ont strictement rendus des comptes à leurs bailleurs sans même un simulacre de démocratie que nous connaissons aujourd'hui. Par conséquent, un bien meilleur nom pour l'"anarcho"-capitalisme serait capitalisme d'"Etat privé". Au moins notre façon de faire pose une juste idée de ce qu'ils essaient de nous vendre. Comme Bob Black l'écrit dans The Libertarian as conservator "À mon sens un [libertarien][7] est juste un minarchiste qui abolirait l'État pour sa propre satisfaction en l'appelant autre chose... Ils ne sont pas à dénoncer ce que l'État fait, ils s'opposent simplement à qui le fait".
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Notes et références[edit]
- ↑ Rothbard, The Ethics of Liberty, p. 170
- ↑ Op. Cit., P. 171
- ↑ Capitalism: The Unknown Ideal, p. 239
- ↑ dans Libertarianism : Bogus Anarchy
- ↑ Terme rajouté par le traducteur pour comprendre l'idée de "cartel" initialement présent dans le texte.
- ↑ Demandes l'impossible, p. 565
- ↑ plutôt que de traduire exactement ceci "a right-wing anarchist", j'ai réduis à l'expression courante.