Marquis de Sade

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Donatien Alphonse François de Sade (2 juin 1740 – 2 décembre 1814) est un écrivain français, plus connu sous le nom de marquis de Sade.

Biographie sélective[edit]

  • 1750 : Entrée au collège d'Harcourt (Jésuites) à Paris.
  • 1757 : Capitaine de cavalerie pendant la guerre de Sept Ans.
  • 1763 : Mariage avec Renée-Pélagie de Montreuil qui ira jusqu’à se déguiser en homme pour tenter de faire évader Donatien.
  • 1763 : Incarcération au donjon du Château de Vincennes avec comme motif « débauches outrées ».
  • 1768 : Interné au Château de Saumur parce qu'accusé de flagellation.
  • 1772–1778 : Diverses accusations d’empoisonnement, d’enlèvement, de sodomie se succèdent, suivies de fuites en Italie et de peines d’emprisonnement. Il est finalement enfermé au donjon de Vincennes.
  • 1780 : Sade commence à écrire en prison.
  • 1784 : Transfert à la prison Bastille.
  • 1790 : Libération.
  • 1800 : Nouvelle arrestation suivie d’emprisonnement pour écrits outrageux.
  • 1814 : Décès du Marquis de Sade à la Maison de santé de Charenton-Saint-Maurice, ville connue de nos jours depuis 1842 sous le nom Saint-Maurice.

La biographie du marquis de Sade traduit l’esprit de ses écrits : libertin, scandaleux, provocateur ; ses admirateurs d'époque le surnommèrent le Divin Marquis.

Lire Sade aujourd’hui[edit]

Sade est d’abord un philosophe. Attaquant la morale de son époque, qu’il juge hypocrite, défendant les vices, souvent au mépris de toute logique et en prêtant à la nature les intentions nécessaires pour donner raison à ses personnages libertins, il examine en fait les préjugés, les valeurs, et les conventions sociales, le côté obscur de la philosophie des Lumières. Il s’occupe de sujets faisant l’objet d’un large consensus et attaque systématiquement l’opinion dominante. Les raisonnements des personnages aboutissent souvent à des contradictions flagrantes que l’auteur ne cherche pas à dissimuler, et mettent en évidence le fait que Sade ne cherche pas à convaincre. Lire ses œuvres uniquement sous l’angle du sadisme relève d’une approche superficielle de ses écrits.

Beaucoup de vices considérés comme tels au XVIIIe siècle sont largement acceptés aujourd’hui, preuve que les conventions, si nécessaires soient-elles à la cohésion sociale, changent avec les époques et les pays.

Dans un style concis, puissant, agressif, souvent drôle, et avec une maîtrise parfaite de la langue française, il alterne dissertations philosophiques et scènes libertines, souvent à la limite extrême du possible, et parfois au-delà.

Longtemps interdit, Sade figure aujourd'hui à juste titre parmi les plus grands écrivains français.

Sade et l'anarchisme[edit]

Sade était très critique vis-à-vis du christianisme, ce qui fit de lui un des précurseurs de l'athéisme moderne. L'athéisme de Sade est cependant contesté[1], puisqu'à plusieurs reprises dans son Å“uvre il blâme Dieu — lui conférant ainsi une existence propre. Il serait donc déicide. Sade a cependant attaqué le principe même de la religion et la chimère qu'est Dieu[2]. Il ne ferait que justifier la position de Dostoïevski selon laquelle si Dieu n'existe pas, alors tout est permis[3].

Sade critiqua également la propriété, dont il avait une vision proudhonienne, puisqu'il écrit, cinquante ans avant Proudhon :

« En remontant à l'origine du droit de propriété, on arrive nécessairement à l'usurpation. Cependant le vol n'est puni que parce qu'il attaque le droit de propriété ; mais ce droit n'est lui-même originairement qu'un vol : donc la loi punit le vol de ce qu'il attaque le vol, le faible de ce qu'il cherche à rentrer dans ses droite, et le fort de ce qu'il veut ou établir ou augmenter les siens, en profitant de ce qu'il a reçu de la nature. Peut-il exister au monde une plus affreuse inconséquence ? Tant qu'il n'y aura aucune propriété légitimement établie (et il ne saurait y en avoir aucune), il sera très difficile de prouver que le vol soit un crime, car ce que le vol dérange d'un côté, il le rétablit de l'autre, et la nature ne s'intéressant pas plus au premier de ces côtés qu'au second, il est parfaitement impossible qu'on puisse constater l'offense à ses lois, en favorisant l'un de ces côtés plus que l'autre.[4] »

Dans La Philosophie dans le boudoir se trouve un pamphlet lu par l'un des personnages intitulé Français, encore un effort si vous voulez être républicains, dans lequel Sade attaque la morale, la religion et la royauté, ces deux dernières étant pour lui liées, comme pour Bakounine :

« Français, je vous le répète, l'Europe attend de vous d'être à la fois délivrée du sceptre et de l'encensoir. Songez qu'il vous est impossible de l'affranchir de la tyrannie royale sans lui faire briser en même temps les freins de la superstition religieuse : les liens de l'une sont trop intimement unis à l'autre pour qu'en laissant subsister un des deux vous ne retombiez pas bientôt sous l'empire de celui que vous aurez négligé de dissoudre.[5] »

Sade s'est également prononcé à plusieurs reprises en faveur de l'égalité des sexes, ainsi qu'en choisissant des personnages féminins n'ayant pas uniquement pour rôle que de satisfaire les pulsions des héros masculins :

« Espérons qu'on ouvrira les yeux, et qu'en assurant la liberté de tous les individus, on n'oubliera pas le sort des malheureuses filles; mais si elles sont assez à plaindre pour qu'on les oublie, que, se plaçant d'elles-mêmes au-dessus de l'usage et du préjugé, elles foulent hardiment aux pieds les fers honteux dont on prétend les asservir; elles triompheront bientôt alors de la coutume et de l'opinion; l'homme devenu plus sage, parce qu'il sera plus libre, sentira l'injustice qu'il y aurait à mépriser celles qui agiront ainsi et que l'action de céder à la nature, regardée comme un crime chez un peuple captif, ne peut plus l'être chez un peuple libre.[6] »

Léo Campion, lors d'une conférence au CIRA de Marseille donnée le 27 avril 1982, en fait un « précurseur de l'anarchisme ».

Sade et Stirner[edit]

La morale[edit]

« Il faut beaucoup de philosophie pour me comprendre... je le sais : je suis un monstre, vomi par la nature pour coopérer avec elle aux destructions qu'elle exige... je suis un être unique dans mon espèce... un... Oh ! oui, je connais toutes les invectives dont on me gratifie, mais assez puissant pour n'avoir besoin de personne, assez sage pour me plaire dans ma solitude, pour détester tous les hommes, pour braver leur censure, et me moquer de leurs sentiments pour moi, assez instruit pour pulvériser tous les cultes, pour bafouer toutes les religions et me foutre de tous les Dieux, assez fier pour abhorrer tous les gouvernements, pour me mettre au-dessus de tous les liens, de tous les freins, de tous les principes moraux je suis heureux dans mon petit domaine. J'y exerce tous les droits de souverain, j'y goûte tous les plaisirs du despotisme, je ne crains aucun homme, et je vis content. »[7]

Ainsi s'exprime le personnage du géant Minski dans l'Histoire de Juliette de Sade. Sade profane, déshonore, blasphème, prêche le crime et l'absence de vertu. Pour Sade comme pour Stirner, le crime est une arme contre la religion et la morale. Ces dernières ne sont rien d'autre que les moyens hypocrites utilisés par les dirigeants pour que le peuple reste calme. Les autorités spirituelles et politiques sont de mèche. L'être humain est un animal déterminé par sa propre nature :

« Nous sommes entraînés par une force irrésistible, et jamais un instant les maîtres de pouvoir nous déterminer pour autre chose que pour le côté vers lequel nous sommes inclinés. Il n'y a pas une seule vertu qui ne soit nécessaire à la nature et réversiblement, pas un seul crime dont elle n'ait besoin, et c'est dans le parfait équilibre qu'elle maintient des uns et des autres, que consiste toute sa science, mais pouvons-nous être coupables du côté dans lequel elle nous jette? Pas plus que ne l'est la guêpe qui vient darder son aiguillon dans ta peau.[8] »

La morale ne faisant qu'entraver l'individu, il n'y a pas à juger les actes d'autrui, seul l'égoïsme compte :

« Un Néron n'est « mauvais » qu'aux yeux des bons ; à mes yeux, il est simplement un possédé, comme les bons eux-mêmes. [...] Néron n'était pas pire que le temps où il vivait ; on ne pouvait alors être que l'un des deux : bon ou mauvais. Son temps a jugé qu'il était mauvais, et aussi mauvais qu'on peut l'être, non par faiblesse, mais par scélératesse pure; quiconque est moral doit ratifier ce jugement. [...]
Néron était un possédé très malcommode, un fou dangereux. C'eût été une sottise de perdre son temps à le rappeler au « respect des choses sacrées », pour lamenter ensuite parce que le tyran n'en tenait aucun compte et agissait à sa guise. [...]
L'homme « moral » est nécessairement borné, en ce qu'il ne conçoit d'autre ennemi que l' « immoral »; ce qui n'est pas bien est « mal » et, par conséquent, réprouvé, odieux, etc. Aussi est-il radicalement incapable de comprendre l'égoïste. L'amour en dehors du mariage n'est-il pas immoral ? L'homme moral peut tourner et retourner la question, il n'échappera pas à la nécessité de condamner le fornicateur. L'amour libre est bien une immoralité [...]. Une jeune fille vertueuse vieillira fille ; un homme vertueux usera sa vie à refouler les aspirations de sa nature jusqu'à ce qu'elles soient étouffées, il se mutilera même par amour de la vertu, comme Origène par amour du ciel : ce sera honorer la sainteté du mariage, l'inviolable sainteté de la chasteté, ce sera moral. L'impureté ne peut jamais porter un bon fruit ; avec quelque indulgence que l'honnête homme juge celui qui s'y livre, elle reste une faute, une infraction à une loi morale, et entraîne une souillure ineffaçable. La chasteté, qui faisait jadis partie des vÅ“ux monastiques, est entrée dans le domaine de la morale commune.
Pour l'égoïste, au contraire, la chasteté n'est pas un bien dont il ne puisse se passer ; elle est pour lui sans importance. Aussi, quel va être le jugement de l'homme moral à son égard ? Celui-ci : il classera l'égoïste dans la seule catégorie de gens qu'il conçoive en dehors des « moraux », dans celle des — immoraux. Il ne peut faire autrement; l'égoïste, n'ayant aucun respect pour la moralité, doit lui paraître immoral.[9] »

Sade et Stirner font tout reposer sur la subjectivité :

« Toi seul tu es la vérité, ou plutôt tu es plus que la vérité, car sans toi elle n'est rien[10] »

L'égoïsme[edit]

« Les lois sont égoïstes, nous devons l'être ; elles servent à la société ; mais les intérêts de la société ne sont pas les nôtres ; et lorsque nous flattons nos passions, nous faisons individuellement ce qu'elles font en masse ; il n'y a que les résultats qui diffèrent.[11] »

Cette phrase de Madame d'Esterval, extraite de La nouvelle Justine, reflète l'opinion de Sade qui déclara lors d'un discours public :

« L'égoïsme est, dit-on, la première base de toutes les actions humaines; il n'en est aucune, assure-t-on, qui n'ait l'intérêt personnel pour premier motif, et, s'appuyant de cette opinion cruelle, les terribles détracteurs de toutes les belles choses en réduisent à rien le mérite.[12] »

Cette idée le rapproche de la philosophie égoïste de Max Stirner :

« Ce que poursuit mon égoïsme, c'est ce qui m'est utile à moi, l'autonome et l'autocrate.[13] »

Pour défendre cette égoïsme, Sade comme Stirner proposent l'association d'égoïstes :

« La nécessité de se rendre mutuellement tels ne peut légalement exister qu'entre deux êtres également pourvus de la faculté de se nuire, et par conséquent entre deux êtres d'une même force. Une telle association ne saurait avoir lieu, qu'il se forme aussitôt un pacte entre ces deux êtres de ne faire chacun vis-à-vis l'un de l'autre que la sorte d'usage de leur force qui ne peut nuire à aucun des deux[14] »

La force[edit]

Sade et Stirner défendent l'utilisation de la force, envisagée comme simple expression de la volonté : « Ce que tu as la force d'être, tu as aussi le droit de l'être. C'est de moi seul que dérive tout droit et toute justice ; j'ai le droit de tout faire dès que j'en ai la force.[15] »


Citations[edit]

  • « C'est l'abus de la loi qui mène au despotisme ; le despote est celui qui crée la loi... qui la fait parler, ou qui s'en sert pour ses intérêts. Ôtez ce moyen d'abus au despote, il n'y aura plus de tyran. Il n'est pas un seul tyran qui ne se soit étayé des lois pour exercer ses cruautés ; partout où les droits de l'homme seront assez également répartis pour que chacun puisse se venger lui-même des injures qu'il aura reçues, il ne s'élèvera sûrement point de despote, car il serait terrassé à la première victime qu'il s'aviserait d'immoler. Ce n'est jamais dans l'anarchie que les tyrans naissent : vous ne les voyez s'élever qu'à l'ombre des lois ou s'autoriser d'elles. Le règne des lois est donc vicieux ; il est donc inférieur à celui de l'anarchie : la plus grande preuve de ce que j'avance est l'obligation où est le gouvernement de se plonger lui-même dans l'anarchie quand il veut refaire sa constitution. Pour abroger ses anciennes lois, il est obligé d'établir un régime révolutionnaire où il n'y a point de lois : de ce régime naissent à la fin de nouvelles lois. Mais ce second État est nécessairement moins pur que le premier, puisqu'il en dérive, puisqu'il a fallu opérer ce premier bien, l'anarchie, pour arriver au second bien, la constitution de l'État. Les hommes ne sont purs que dans l'état naturel ; dès qu'ils s'en éloignent, ils se dégradent. Renoncez, vous dis-je, renoncez à l'idée de rendre l'homme meilleur par des lois : vous le rendrez, par elles, plus fourbe et plus méchant... jamais plus vertueux. » Histoire de Juliette, quatrième partie.

Å’uvre[edit]

  • L'Inconstant (comédie) 1781.
  • Dialogue entre un prêtre et un moribond 1782.
  • Le Prévaricateur (tragédie) 1783.
  • La Folle Épreuve ou le Mari crédule (comédie) 1783.
  • Les Cent-Vingt journées de Sodome ou l’école du libertinage 1785.
  • Aline et Valcour, les crimes de l’amour 1786; publié en 1795.
  • Les Infortunes de la vertu (première version de Justine) 1787.
  • Justine ou les Malheurs de la vertu (enrichissement des Infortunes) 1788; publié en 1791
  • Eugénie de Franval 1788.
  • Catalogue raisonné des Å’uvres de M. Sxxx. 1788.
  • La Philosophie dans le boudoir
  • La Nouvelle Justine suivie de l’Histoire de Juliette, sa sÅ“ur ; publié en 1797.

Sources[edit]

  • Article Marquis de Sade de Wikipédia.
  • Article allemand Marquis de Sade d'Anarchopédia pour les relations entre les philosophies sadienne et stirnerienne.

Notes et références[edit]

  1. Sade, un athée ?
  2. « [C]e n'est qu'aux bornes de notre esprit qu'est due la chimère d'un Dieu ; ne sachant à qui attribuer ce que nous voyons, dans l'extrême impossibilité d'expliquer les inintelligibles mystères de la nature, nous avons gratuitement placé au-dessus d'elle un être revêtu du pouvoir de produire tous les effets dont les causes nous étaient inconnues. », Sade, Histoire de Juliette, ou les prospérités du vice, première partie.
  3. « Mais alors, que deviendra l'homme, sans Dieu et sans immortalité? Tout est permis, par conséquent, tout est licite? » (Dmitri Karamazov à Rakitine, Les Frères Karamazov; quatrième partie, livre XI, L'hymne et le secret.)
  4. Sade, Histoire de Juliette, première partie.
  5. Sade, La Philosophie dans le boudoir, Français, encore un effort si vous voulez être républicains.
  6. Sade, La Philosophie dans le boudoir, troisième dialogue.
  7. Sade, Histoire de Juliette, troisième partie
  8. Sade, Dialogue entre un prêtre et un moribond (1782)
  9. Stirner, L'Unique et sa propriété, première partie, II, B, §2, La Marotte
  10. Stirner, L'Unique, seconde partie, II, C - Ma Jouissance de Moi
  11. Sade, La nouvelle Justine, Chapitre XIII.
  12. Sade, Discours prononcé à la Fête décernée par la Section des Piques
  13. Stirner, L'Unique, seconde partie, I - La propriété.
  14. Sade, Justine ou les Malheurs de la vertu, deuxième partie.
  15. Stirner, L'Unique, seconde partie, II, A - Puissance

Voir aussi[edit]

Wikisource[edit]

Liens externes[edit]

Sade, Donatien Alphonse François de