Difference between revisions of "Joseph Déjacque"
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Joseph Déjacque (né le 27 décembre 1821 et mort en 1864 à Paris), militant et écrivain anarchiste, a créé le néologisme libertaire, par opposition à libéral, dans son pamphlet De l'Être-Humain mâle et femelle - Lettre à P. J. Proudhon publié en 1857 à la Nouvelle-Orléans. « Ouvrier-poète » selon un modèle né dans les milieux saint-simoniens de la Monarchie de Juillet et authentique prolétaire, Joseph Dejacque a écrit lors d'un long exil de dix ans en Europe puis aux Etats-Unis consécutif au coup d’État du 2 décembre 1851 une œuvre abondante et emportée qui restera longtemps méconnue dans son pays d'origine malgré le succès du mot qu'il a inventé.
Contents
« Peinture et collage de papier »
« Joseph Déjacque, ouvrier et décorateur, 17 White street, New - York. » : dans le journal qu'il fait paraître à New-York entre 1858 et 1861, Joseph Déjacque n'hésite pas à insérer, en dépit des opinions qu'il y affiche sur la société qu'il côtoie, une petite annonce pour proposer son travail, nous révélant la condition de celui qui fut un des rares prolétaires des premiers penseurs de l'Anarchie. Au prix de difficultés matérielles dont il se plaint à plusieurs reprises, 27 numéros sortent, entièrement de la composition de l'auteur qui y alterne critique sociale et politique, pamphlets et essais théoriques, pièces de théâtre aussi.
C'est l'instauration de la dictature bonapartiste qui a conduit Déjacque en Amérique. Incarcéré en août 1851 après la publication d'un recueil de poésies jugées subversives et contraint à quitter la France, il se réfugie d'abord à Bruxelles puis à Londres, avant de rejoindre la petite communauté de proscrits regroupés à Jersey. Le 26 juillet 1853, il prononce un discours lors de l'enterrement d'une proscrite du Belleville populaire, morte dans la misère, prenant la parole après Hugo l'orateur désigné en assemblée générale des proscrits.
Installé à New-York à partir de 1854, durablement marqué par la défaite de 1848, Joseph Délacque dénonce violemment dans ses écrits l'injustice de la société dans laquelle il vit et en particulier l'exploitation et les conditions de vies misérables des prolétaires. Il appelle à la révolution sociale tout en désirant sauvegarder la liberté, la « souveraineté individuelle ». Ses réflexions sur l'existence individuelle dans le monde industriel et capitaliste l'amène à élaborer une théorie originale de l'universalité et à proner une politique anarchique intransigeante qu'il expose notamment dans L’Humanisphère, utopie anarchique, (New-York, 1857) et dans divers textes qu'il publie dans Le Libertaire.
Anarchiste intransigeant, Joseph Déjacque rejette tout système de représentation ou de délégation politique qui conduirait l'individu à abdiquer sa volonté en laissant un autre s'exprimer à sa place, refus qui, selon ses propres déclarations, a motivé son intervention en réponse à Victor Hugo et qu'il développe dans La question révolutionnaire écrite à Jersey et publiée à son arrivée à New-York en 1854. Partisan de la plus complète liberté qu'il nomme « souveraineté individuelle », dans un monde sans exploitation, Joseph Déjacque est connu aussi pour avoir, parmi les premiers, réclamé notamment dans De l'Être-Humain mâle et femelle, en réponse à la mysoginie de Proudhon, la parité totale pour les femmes.
Profitant de l’amnistie, Déjacque rentre en France en 1861. « Il est mort, fou de misère, à Paris en 1864 » note Gustave Lefrançais dans ses Souvenirs d’un révolutionnaire.
Au panthéon des grands absents
- « Plus près de nous, Dejacque, un prolétaire de talent, et Cœurderoy, un négateur paradoxal et éloquent qui maria, dans sa Révolution par les Cosaques, le saisissant pessimisme de Herzen et la pandestruction de Bakounine.
- C’était en 1854. Ni Cœurderoy ni Dejacque n’eurent d’écho dans le parti révolutionnaire. »
Benoît Malon, dans « le Socialisme Intégral » (La Plume n°91 - 1893) situe Déjacque, en compagnie de l'étrange Ernest Cœurderoy, qu'il connut, en bonne place dans une aussi brève que précise généalogie de l'anarchisme militant de son époque, « fils légitime de la propagande bakouniste ». Deux ans plus tard Sébastien Faure fonde avec Louise Michel un nouveau journal, intitulé Le Libertaire qui consacre le succès du terme. L'époque qui chérissait la propagande par le fait ne pouvez que se reconnaître dans la prose enflammée de Déjacque. Il reste cependant peu lu et la note que lui consacre l'auteur de l'article assez évasive : « Principal rédacteur du Libertaire et auteur de l’humanisphère, productions parfois incorrectes, mais pleines de souffle et de chaude et généreuse inspiration ». Voilà à peu près ce qu'en retiendra le siècle suivant.
Au XXe siècle, ses textes ne font l'objet que de quelques rares rééditions partielles, l’Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam conservant l’unique collection complète du Libertaire connue, avant que ses œuvres complètes (à l'exclusion de sa poésie) soient éditées en 2003 sur Internet.
Bibliographie
- Les Lazaréennes, fables et poésies sociales, Paris, Chez l'Auteur, 37 rue Descartes, In-8. 47 p., 1851
- « Discours prononcé le 26 juillet 1853 sur la tombe de Louise Julien, proscrite », Almanach des Femmes, Women's Almanach for 1854, Londres-Jersey, 1853-1854
- La question révolutionnaire, New-York, 1854
- De l'être-humain mâle et femelle. Lettre à P.J. Proudhon, La Nouvelle-Orléans, 1857
- Les Lazaréennes, deuxième édition, Nouvelle-Orléans, 1857
- Béranger au pilori, La Nouvelle-Orléans, 1857
- L’Humanisphère, utopie anarchique, New-York, 1857
- Le Libertaire, Journal du mouvement social, New-York, juin 1858 à février 1861, 27 n° de 4 pages
- « Le Circulus dans l’Universalité », n° 8 et 9, 1858-1859
- « L’autorité — La Dictature », n° 12, 1859 (rééd. in A bas les Chefs !, Champ libre, 1971)
- « L'Organisation du travail », n° 22, 24, 26, 1860
- « Lettre à Pierre Vésinier », 1861
Å’uvres : Dejacque.free
Références
- L'agité prolétaire, étude de Valentin Pelosse en ouverture à la Question révolutionnaire.
- Joseph Déjacques (1821-1864) The Anarchist Encyclopedia, sur les lecteurs anarchistes de Déjacques (Kroptokine, Sébastien Faure).
- Benoît Malon, « Le Socialisme Intégral », La Plume, n° 91, 1er février 1893
- Joseph Déjacque sur la Wikipédia.