FAQAnar:A.3.3 - Quels sortes d'écologisme anarchiste y a-t-il ?
L'avancement de cette traduction est de 60%. |
L'accent mis sur les idées anarchistes comme solutions à la crise écologique est une tendance commune au sein de la plupart des courants anarchistes aujourd'hui. Cette tendance remonte toutefois à la fin du XIXe siècle avec les travaux de Piotr Kropotkine et Élisée Reclus. Pour ce dernier par exemple, « une harmonie secrète existe entre la Terre et le peuple qu'elle nourrit, et quand des sociétés imprudentes violent cette harmonie, elles finissent toujours par le regretter. » De la même manière, aucun(e) écologiste actuel(le) ne contestera le fait que « l'homme [ou la femme] vraiment civilisé comprend que sa nature est liée aux intérêts de tous les autres êtres humains, ainsi qu'à la Nature. Il [ou elle] répare les dégâts causés par ses prédécesseurs et travaille à améliorer son domaine. »[1]
Quant à Kropotkine, pour lui une société anarchiste serait basée sur une confédération de communautés qui intégrerait tout autant les travaux manuels et qu'intellectuels, comme l'industrie décentralisée et intégrée et l'agriculture (voir à ce sujet son œuvre classique Champs, usines et ateliers). Cette conception de l'économie ce qui est petit est beau a été proposée presque 70 ans avant de devenir un credo du mouvement écologiste naissant. De plus, dans son livre Entraide, Kropotkine explique comment la coopération au sein d'une espèce et entre chaque espèce et son environnement est généralement plus bénéfique pour l'espèce que ne l'est la compétition. Les écrits de Kropotkine, ainsi que ceux de William Morris, des frères Reclus (qui étaient tous deux, comme Kropotkine, des géographes mondialement reconnus) et de beaucoup d'autres ont posé les fondations de l'intérêt actuel des anarchistes aux problèmes environnementaux.
Cependant, bien qu'il y ait de nombreux thèmes écologistes dans la l'anarchisme classique, ce n'est que récemment que les similarités entre les pensées écologiste et anarchiste ont commencé à attirer l'attention. Cela est principalement dû à la publication d’Écologie et pensée révolutionnaire, le livre de Murray Bookchin en 1965. En fait, c'est sans exagération que l'on peut dire que les idées et les écrits de Murray Bookchin ont placé les questions écologiques et climatiques au cœur de l'anarchisme, et les idéaux et analyses anarchistes au sein de nombreux aspects du mouvement écologiste.
Avant d'aborder les différents types d'anarchisme écologique (aussi appelé écoanarchisme, anarchisme bio ou anarchisme vert), il serait intéressant d'expliquer ce qu'ont exactement en commun l'anarchisme et l'écologie. Selon Murray Boockchin, « les écologistes et les anarchistes mettent tous l'accent sur la spontanéité » et « pour les écologistes et les anarchistes, une unité toujours croissante est acquise en cultivant les différences. Un tout en expansion est créé par la diversification et l'enrichissement de ses parties. » De plus, « à la manière des écologistes qui cherchent à agrandir la portée d'un écosystème et à promouvoir les interactions libres entre les espèces, les anarchistes cherchent à agrandir la portée des expérimentations sociales et à se débarrasser des fers qui entravent leur développement. »[2]
Par conséquent l'intérêt des anarchistes pour le développement libre, la diversité et la spontanéité se reflète dans les idées et préoccupations anarchistes. De par leur nature propre, la hiérarchie, la centralisation, l'État et la concentration des richesses réduisent la diversité et le développement libre des individus et des communautés, et ainsi affaiblissent l'écosystème social tout autant que les écosystèmes réels auxquels les sociétés humaines appartiennent. Comme le montre Boockhin, « le message re-constructif écologiste [est que] nous devons conserver et promouvoir la diversité » mais, au sein de la société capitaliste moderne, « tout ce qui est spontané, créatif et individualisé est limité par le standardisé, le régulé et le massifié. »[3] Dès lors, de bien des points de vue, l'anarchisme peut être considéré comme l'application des idées écologiques à la société, puisque l'anarchisme vise à donner du pouvoir aux individus et aux communautés. Un pouvoir politique, social et économique décentralisé pour que les individus et la vie sociale puissent se développer librement et se diversifier. C'est pour cela que Brian Morris avance que « la seule tradition politique qui complète et qui se connecte totalement à l'écologie — de manière authentique — est l'anarchisme. »[4]
Quels sont donc les types d'écologisme anarchistes ? Tandis que la plupart des formes modernes de l'anarchisme considèrent qu'elles possèdent une dimension écologique, la tendance éco-anarchiste se focalise sur deux points : l’écologie sociale et le "primitivisme". De plus, certains anarchistes, peu nombreux, sont influencé(e)s par l’écologie profonde. L'écologie sociale est de loin le courant le plus influent et qui rassemble le plus de partisans. Cette tendance est associée avec les idées et les travaux de Murray Bookchin, qui a écrit des textes à propos de l'écologisme à partir des années 50 et qui, dans les années 60, a combiné ces problèmes avec l'anarchisme social révolutionnaire. Parmi ses travaux, citons Post-Scarcity Anarchism, Toward an Ecological Society ou encore The Ecology of Freedom.
L'écologie sociale situe les racines de la crise écologique dans les problèmes de domination entre les personnes. La domination de la nature est vue comme le fruit de la domination au sein de la société, mais cette domination n'atteint des proportions de crise qu'au sein d'une société capitaliste. Pour citer Bookchin :
- « L'idée que l'Homme doive dominer la nature est directement issue de la domination de l'Homme par l'Homme. [...] Notre planète s'est réduite à une ressource à exploiter à partir du moment où les liens organiques au sein de la communauté [...] se sont dissouts dans les relations de marché. Ces tendances centenaires se trouvent exacerbées par le capitalisme moderne. La société bourgeoise — à cause de sa nature compétitive inhérente — ne fait pas qu'opposer les humains entre eux : elle fait aussi s'opposer l'humanité entière et la Nature. De la même façon que les êtres humains se sont changés en marchandise, chaque aspect de la Nature est devenue un produit, une ressource qui atteint d'être manufacturée et commercialisée gratuitement. [...] La spoliation de l'esprit humain par le marché est comparable à la spoliation de la Terre par le capital. »[5]
« Dans la mesure où l'écologie cultive une conscience anti-hiérarchique et une sensibilité, une structure et une stratégie de changement social tournée vers la non-domination, elle peut garder sa vraie identité d'expression d'un nouvel équilibre entre l'humanité et la Nature, ainsi que son but qui est une vraie société écologique. », poursuit Bookchin. Les partisans de l'écologie sociale différent de ce que Bookchin appelle l'environnementalisme : tandis que les premiers « cherchent à éliminer le concept de domination de la Nature par l'être humain en élimant la domination de l'Homme par l'Homme, l'environnementalisme se pose comme courant "instrumentaliste" ou technique, dans lequel la Nature n'est que habitude passive, un ensemble d'objets et de forces externes qui doivent être corvéables pour une utilisation humaine, quelle que soit cette utilisation. L'environnementalisme [...] ne remet pas en cause les concepts sous-jacents de la société actuelle, notamment celui selon lequel l'être humain devrait dominer la Nature. Bien au contraire, en développant des techniques afin de réduire les dangers causés par cette domination, il la facilite. »[6]
L'écologie sociale offre la vision d'une société en harmonie avec la Nature, celle « qui implique un renversement fondamental de toutes les tendances qui ont marqué le développement de la technologie capitaliste et de la société bourgeoise : la spécialisation minutieuse des machines et du travail, la concentration des ressources et des peuples dans de gigantesques entreprises industrielles ou dans des entités urbaines, la stratification et la bureaucratisation de la nature et de l'être humain. » Une telle écotopie[7]« établirait des éco-communautés entièrement nouvelles artistiquement moulées dans les écosystèmes où elles seraient implantées. » Faisant écho à Kropotkine, Bookchin explique que « ces éco-communautés [...] pourraient faire disparaître la déchirure entre la ville et la campagne, entre le corps et l'esprit, en fusionnant le travail intellectuel et le travail manuel, l'industrie et l'agriculture, grâce à une rotation — ou une diversification — des tâches professionnelles. » Cette société serait basée sur l'utilisation d'une technologie verte et appropriée, une « nouvelle forme de technologie — ou éco-technologie — composée de machines flexibles et polyvalentes qui permettraient de privilégier la durabilité et la qualité, plutôt que l'obsolescence actuelle, caractérisée par la production massive de biens de mauvaise qualité et la circulation rapide de marchandises hors de prix. [...] Cette éco-technologie utiliserait les capacités énergétiques illimitées de la Nature — le soleil et le vent, les marées et les voies d'eau navigables, les différentiels de température de la Terre et l'abondance de l'hydrogène — pour fournir l'éco-communauté en matériaux et déchets non-polluants qui pourraient être recyclés. »[8]
However, this is not all. As Bookchin stresses an ecological society "is more than a society that tries to check the mounting disequilibrium that exists between humanity and the natural world. Reduced to simple technical or political issues, this anaemic view of such a society's function degrades the issues raised by an ecological critique and leads them to purely technical and instrumental approaches to ecological problems. Social ecology is, first of all, a sensibility that includes not only a critique of hierarchy and domination but a reconstructive outlook . . . guided by an ethics that emphasises variety without structuring differences into a hierarchical order . . . the precepts for such an ethics . . . [are] participation and differentiation." [The Modern Crisis, pp. 24-5]
Therefore social ecologists consider it essential to attack hierarchy and capitalism, not civilisation as such as the root cause of ecological problems. This is one of the key areas in which they disagree with "Primitivist" Anarchist ideas, who tend to be far more critical of all aspects of modern life, with some going so far as calling for "the end of civilisation" including, apparently, all forms of technology and large scale organisation. We discuss these ideas in section A.3.9.
We must note here that other anarchists, while generally agreeing with its analysis and suggestions, are deeply critical of Social Ecology's support for running candidates in municipal elections. While Social Ecologists see this as a means of creating popular self-managing assemblies and creating a counter power to the state, few anarchists agree. Rather they see it as inherently reformist as well as being hopelessly naive about the possibilities of using elections to bring about social change (see section J.5.14 for a fuller discussion of this). Instead they propose direct action as the means to forward anarchist and ecological ideas, rejecting electioneering as a dead-end which ends up watering down radical ideas and corrupting the people involved (see section J.2 -- What is Direct Action?).
Lastly, there is "deep ecology," which, because of its bio-centric nature, many anarchists reject as anti-human. There are few anarchists who think that people, as people, are the cause of the ecological crisis, which many deep ecologists seem to suggest. Murray Bookchin, for example, has been particularly outspoken in his criticism of deep ecology and the anti-human ideas that are often associated with it (see Which Way for the Ecology Movement?, for example). David Watson has also argued against Deep Ecology (see his How Deep is Deep Ecology? written under the name George Bradford). Most anarchists would argue that it is not people but the current system which is the problem, and that only people can change it. In the words of Murray Bookchin:
"[Deep Ecology's problems] stem from an authoritarian streak in a crude biologism that uses 'natural law' to conceal an ever-diminishing sense of humanity and papers over a profound ignorance of social reality by ignoring the fact it is capitalism we are talking about, not an abstraction called 'Humanity' and 'Society.'" [The Philosophy of Social Ecology, p. 160]
Thus, as Morris stresses, "by focusing entirely on the category of 'humanity' the Deep Ecologists ignore or completely obscure the social origins of ecological problems, or alternatively, biologise what are essentially social problems." To submerge ecological critique and analysis into a simplistic protest against the human race ignores the real causes and dynamics of ecological destruction and, therefore, ensures an end to this destruction cannot be found. Simply put, it is hardly "people" who are to blame when the vast majority have no real say in the decisions that affect their lives, communities, industries and eco-systems. Rather, it is an economic and social system that places profits and power above people and planet. By focusing on "Humanity" (and so failing to distinguish between rich and poor, men and women, whites and people of colour, exploiters and exploited, oppressors and oppressed) the system we live under is effectively ignored, and so are the institutional causes of ecological problems. This can be "both reactionary and authoritarian in its implications, and substitutes a naive understanding of 'nature' for a critical study of real social issues and concerns." [Morris, Op. Cit., p. 135]
Faced with a constant anarchist critique of certain of their spokes-persons ideas, many Deep Ecologists have turned away from the anti-human ideas associated with their movement. Deep ecology, particularly the organisation Earth First! (EF!), has changed considerably over time, and EF! now has a close working relationship with the Industrial Workers of the World (IWW), a syndicalist union. While deep ecology is not a thread of eco-anarchism, it shares many ideas and is becoming more accepted by anarchists as EF! rejects its few misanthropic ideas and starts to see that hierarchy, not the human race, is the problem (for a discussion between Murray Bookchin and leading Earth Firster! Dave Foreman see the book Defending the Earth).
Notes et références
- ↑ Élisée Reclus, cité par George Woodcock in Introduction, Marie Fleming, The Geography of Freedom, p. 15.
- ↑ Murray Bookchin, Post-Scarity Anarchism, p. 36.
- ↑ « the reconstructive message of ecology. . . [is that] we must conserve and promote variety » ; « [a]ll that is spontaneous, creative and individuated is circumscribed by the standardised, the regulated and the massified. »
Murray Bookchin, Op. Cit., p. 35 et p. 26. - ↑ « the only political tradition that complements and, as it were, integrally connects with ecology -- in a genuine and authentic way -- is that of anarchism. »
Brian Morris, Ecology and Anarchism, p. 132. - ↑ « The notion that man must dominate nature emerges directly from the domination of man by man. . . But it was not until organic community relations. . . dissolved into market relationships that the planet itself was reduced to a resource for exploitation. This centuries-long tendency finds its most exacerbating development in modern capitalism. Owing to its inherently competitive nature, bourgeois society not only pits humans against each other, it also pits the mass of humanity against the natural world. Just as men are converted into commodities, so every aspect of nature is converted into a commodity, a resource to be manufactured and merchandised wantonly . . . The plundering of the human spirit by the market place is paralleled by the plundering of the earth by capital. »
Murray Bookchin, Op. Cit., pp. 24-25. - ↑ « Only insofar, as the ecology consciously cultivates an anti-hierarchical and a non-domineering sensibility, structure, and strategy for social change can it retain its very identity as the voice for a new balance between humanity and nature and its goal for a truly ecological society. » « seeks to eliminate the concept of the domination of nature by humanity by eliminating domination of human by human, environmentalism reflects an 'instrumentalist' or technical sensibility in which nature is viewed merely as a passive habit, an agglomeration of external objects and forces, that must be made more 'serviceable' for human use, irrespective of what these uses may be. Environmentalism . . . does not bring into question the underlying notions of the present society, notably that man must dominate nature. On the contrary, it seeks to facilitate that domination by developing techniques for diminishing the hazards caused by domination. »
Murray Bookchin, Towards an Ecological Society, p. 77. - ↑ Néologisme signifiant utopie écologique. Le terme biotopie est parfois employé.
- ↑ « involves a fundamental reversal of all the trends that mark the historic development of capitalist technology and bourgeois society -- the minute specialisation of machines and labour, the concentration of resources and people in gigantic industrial enterprises and urban entities, the stratification and bureaucratisation of nature and human beings. » « establish entirely new eco-communities that are artistically moulded to the eco-systems in which they are located. » « Such an eco-community . . . would heal the split between town and country, between mind and body by fusing intellectual with physical work, industry with agricultural in a rotation or diversification of vocational tasks. » « new kind of technology -- or eco-technology -- one composed of flexible, versatile machinery whose productive applications would emphasise durability and quality, not built in obsolescence, and insensate quantitative output of shoddy goods, and a rapid circulation of expendable commodities . . . Such an eco-technology would use the inexhaustible energy capacities of nature -- the sun and wind, the tides and waterways, the temperature differentials of the earth and the abundance of hydrogen around us as fuels -- to provide the eco-community with non-polluting materials or wastes that could be recycled. »
Murray Bookchin, Op. Cit., pp. 68-69.