Plateformisme

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Le plateformisme ou Plate-forme d'organisation (en cyrillique Организационная Платформа группы Дело Труда), aussi appelée la plate-forme d'Archinov est un mode d'organisation anarchiste proposé par le groupe des anarchistes russes à l'étranger, paru le 20 juin 1926 dans la revue Dielo Trouda.

Ce texte est écrit dans l'intention de trouver une alternative théorique et une solution organisationnelle en réponse à l'échec enduré par le mouvement anarchiste russe et une volonté de trouver des moyens au mouvement ouvrier face au léninisme.

La plate-forme d'organisation de l'Union générale des anarchistes propose les principes organisationnels suivants:

Elle définit également des principes de fonctionnement de la société pour parvenir au communisme libertaire :

  • autogestion des moyens de production par les masses
  • création de communes libertaires
  • suppression de l'état sous toutes ses formes
  • création d'un fond d'approvisionnement global mettant en commun les biens de production

Le groupe des anarchistes russes à l'étranger[edit]

Voir l’article Dielo Trouda

La plate-forme à été rédigée par des militants anarchistes russes et ukrainiens du groupe Dielo Trouda qui ont fui la répression bolchévique et se sont réfugiés à Paris dans les années 20.

Ils signeront leur écrit sous le nom de groupe des anarchistes russes à l'étranger. Ce groupe comprend :

La "Plate-forme de l'Union générale des anarchistes (projet)" est publiée sous forme de brochure en russe le 20 juin 1926.

Elle est ensuite traduite en octobre 1926 en français par Voline, qui en sera paradoxalement le principal détracteur avec la synthèse anarchiste.

Pourquoi la plate-forme[edit]

"Nous, anarchistes, qui agissons et combattons pour l'émancipation du prolétariat, devons mettre un terme quoi qu'il en coûte à l'éparpillement et à la désorganisation régnant dans nos rangs, qui détruisent nos forces et notre œuvre libertaire.
La voie pour cela est la création d'une organisation qui ne réunirait peut-être pas tous les militants actifs de l'anarchisme, mais sûrement la majorité d'entre eux, sur la base de positions théoriques déterminées, et nous amènerait à une solide entente sur leur application pratique." [1].

L'idée de la création d'une organisation des groupes anarchistes est apparue nécessaire au groupe des anarchistes russes à l'étranger à la suite de l'échec du mouvement anarchiste de 1917 à 1919 en Russie, attribué à la répression étatiste du parti bolchevik, à tort selon Archinov. Selon lui, il serait plutôt dû à l'indécision et au manque d'opinions fermes et concrètes sur les affirmations politiques, organisationnelles et tactiques du mouvement anarchiste russe. Il n'a alors pas su montrer au peuple comment défendre et consolider les acquis de la révolution.[2]

Ce texte ne se limite pas aux problèmes organisationnels, mais est une réponse qui se veut globale pour tous les problèmes que l'anarchisme aurait à surmonter avant, pendant et après la révolution.

Plate-forme organisationnelle de l'Union générale des anarchistes[edit]

Fondements[edit]

Pour les plateformistes, il n'y avait qu'une tendance anarchiste véritable, la tendance communiste. Les autres étant:

  • La conséquence d'infiltrations bourgeoises, en se référant à Tucker et l'individualisme américain, considérant que le droit à la propriété privé revendiqué par ces individualistes entraîne la création d'une structure étatiste par les plus forts économiquement. Le groupe des anarchistes russes rejetait également l'individualisme qui prône l'absence de toute responsabilité pour l'affirmation de leur "moi" en vue d'une jouissance personnelle.
  • L'expression d'un moyen de lutte parmi d'autres, comme le syndicalisme, moyen de lutte emprunté par la classe ouvrière pour atteindre son émancipation, la commune en étant le but.
  • Une partie intégrante du communisme libertaire, comme l'anarcho-individualisme défendant la liberté de l'individu ; "Disons même que la liberté de l'individu, en tant que travailleur, ne peut recevoir sa réalisation complète que dans la société communiste libertaire qui s'occupera scrupuleusement de la solidarité sociale, ainsi que du respect des droits de l'individu"[3].

Le rétablissement de l'unité du mouvement passait par le rejet pur et simple de tout ce qui s'éloignait de la conception originale de l'anarchisme et par la mise en place d'une organisation qui en fut l'expression véritable, et rejetaient donc l'idée de synthèse, considérée comme une division arbitraire, incohérente et absurde[4].

Le but recherché est de formuler clairement les idées anarchistes-communistes, à savoir qu'"une organisation reposant sur une plate-forme donnée, se trouve dans le communisme libertaire qui prône la lutte des classes, l'égalité et la liberté de chaque travailleur, et se réalise dans la commune anarchiste.", ainsi qu'une ligne générale tactique et politique ayant pour but de guider le mouvement et de mettre fin à la désorganisation pour mener une pratique collective organisée.[5]

Pour écrire ce projet, les auteurs se sont appuyés sur leurs expériences lors de la révolution Russe, mais surtout de l'insurrection makhnoviste en Ukraine, pays essentiellement rural, d'où l'importance donnée aux paysans-travailleurs et au problème agraire.

"La plate-forme d'organisation (...) représente les grandes lignes, l'armature d'un tel programme. Elle doit servir de premier pas vers le ralliement des forces libertaires en une seule collectivité révolutionnaire active, capable d'agir: l'Union générale des anarchistes".[6]

Terminologie[edit]

Le nom original du texte, tel qu'il apparaît sur la brochure originale, est Plate-forme organisationnelle de l'Union générale des anarchistes (projet).

Les personnes se réclamant du plateformisme l'appellent le plus souvent Plate-forme d'organisation des communistes libertaires.

Le terme Plate-forme d'Archinov est parfois employé pour signifier qu'Archinov serait le principal auteur de la plate-forme et que ce sont ses idées qu'on y retrouve.

Partie Générale[edit]

La lutte des classes, son rôle et son sens[edit]

Reconnaissance du principe de classe et de lutte de classe, sur la base du prolétariat contre la bourgeoisie.

Son but est de transformer la société pour répondre aux "nécessités et à la conception de la justice des travailleurs", obtenir plus de droits, de libertés et une vie meilleure.

La nécessité d'une révolution sociale violente[edit]

La domination de la société capitaliste sur les masses se fait par la violence.

La révolution répondrait donc à cette violence par la violence.

L'anarchisme et le communisme libertaire[edit]

L'anarchisme est défini comme la négation de la société de classes et étatiste, remplacé par une société libre, non-étatiste et autogérée.

Le but de la révolution est d'aboutir à une société communiste libertaire: "solidarité sociale et libre individualité".

Les classes non-laborieuses (pas de travail physique ou intellectuel) doivent être supprimées pour assurer à tous une situation égale par l'auto-administration des classes laborieuses.

Le principe fondamental économique, social et juridique du communisme libertaire pour les auteurs de la plate-forme est "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins".

La négation de la démocratie[edit]

La démocratie est définie comme une "collaboration [entre les travailleurs et le capital] sur le fondement de la propriété capitaliste privée. L'expression de cette collaboration est le parlement et le gouvernement national représentatif".

La liberté de parole, de la presse, des associations est jugée très relative et l'égalité devant la loi tolérée si elle n'est pas contraire aux intérêts de la classe dominante.

La démocratie laisse le droit à la bourgeoisie de tenir entre ses mains l'économie, la presse, l'enseignement, la science et l'art.

La négation de l'autorité[edit]

"L'État est, simultanément, la violence organisée de la bourgeoisie envers les travailleurs et le système de ses organes exécutifs."

L'autorité naît de l'exploitation et engendre l'asservissement. Elle tue l'esprit de création et d'activité libre et crée une psychologie servile et est donc en contradiction avec l'émancipation des travailleurs.

L'État est l'organe régularisant la société (donc un moyen de l'autorité). Les auteurs de la Plate-forme préconisent donc:

Le rôle des masses et le rôle des anarchistes dans la lutte sociale et dans la révolution sociale[edit]

Les masses comprennent la classe ouvrière des villes, les masse paysannes et une partie de l'intelligentsia laborieuse.

les masses laborieuses possèdent la capacité créatrice pour mener une révolution créatrice (contrairement aux bolchéviks qui pensent que les masses doivent être dirigées).

Le rôle des anarchistes est de composer une force organisée avec une vision nette sur les objectifs de la lutte et les voies menant à ces objectifs.

Leur tâche avant la révolution est d'éveiller et développer la conscience de classe et l'intransigeance révolutionnaire de classe.

Pendant la révolution il devraient maintenir l'orientation que prend la révolution, sans aspirer ni à la conquête du pouvoir politique, ni à la dictature. Pour ce faire, ils créeraient un collectif d'éléments anarchistes organisés par les masses veillant et conseillant sur l'orientation économique et sociale de la révolution et de la société nouvelle. Ils devraient donner des réponses nettes et précises aux problèmes rencontrés.

La période transitoire[edit]

"Les partis politiques socialistes entendent par l'expression "période de transition", une phase déterminée dans la vie d'un peuple, dont les traits caractéristiques sont la rupture avec l'ancien ordre des choses et l'instauration d'un nouveau système économique et politique, système qui, toutefois, ne représente pas encore l'émancipation complète des travailleurs."

Les auteurs rejettent la mise en place d'une période transitoire, d'un "laps de temps" après la révolution durant lequel certaines institutions sont conservées (contrainte étatiste, propriété privée des moyens de production, salariat...).

Anarchisme et syndicalisme[edit]

Le syndicalisme est considéré comme une des formes de la lutte révolutionnaire de classe.

Les anarchistes doivent intégrer les syndicats et introduire les idées libertaire dans l'aile gauche du syndicalisme révolutionnaire, empêcher le syndicats de dévier vers l'opportunisme et le réformisme, l'orienter afin de le transformer en une armée active de la révolution sociale.

Partie Constructive[edit]

Le problème du premier jour de la révolution sociale[edit]

La première tâche de la révolution sociale est de détruire l'édifice étatiste capitaliste et bourgeois, puis d'entamer la reconstruction en se penchant sur:

  • la solution dans le sens communiste libertaire de la production industrielle du pays
  • la solution dans le sens communiste libertaire du problème agraire
  • la solution dans le sens communiste libertaire de la consommation

L'état doit être détruit le 1er jour de la révolution car principal obstacle à l'émancipation des masses.

La production[edit]

Le mot d'ordre est Fédération et Autogestion.

Le Salariat et l'exploitation sont remplacés par la collaboration fraternelle et solidaire.

Le mécanisme productif du pays est global et appartient à toute la classe ouvrière. Les patrons, entrepreneurs et propriétaires seront remplacés par des soviets ouvriers, des comités d'usine et l'administration ouvrière des entreprises et des usines. Ces organes seront constamment renouvelés.

La production sera groupée dans un fond d'approvisionnement et tous ceux qui y participent recevront ce dont ils ont besoin sur une base égale pour tous.

Les classes moyennes improductives et la bourgeoisie devront prendre part à la production.

Les organes de production seront fédérés en communes, puis en districts et enfin en pays.

La consommation[edit]

La plate-forme prévoit la création d'un fond de consommation, dont le but est de:

  • s'occuper des besoins vitaux de tous, sauf des non-travailleurs contre-révolutionnaire.
  • en cas de pénurie, donner la priorité aux enfants, aux malades et aux familles ouvrières.

Les villes devront fournir aux campagnes des moyens techniques (machines) pour que, par solidarité, les campagnes fournissent la nourriture nécessaire.

Le Supplément à la plate-forme organisationnelle (Questions et réponses) apporte quelques clarifications sur l'écartement des contre-révolutionnaires de la répartition des biens de production. Ce choix qui apparaît contraire au principe du "à chacun selon ses besoins" est expliqué comme une volonté de ne pas dissocier les deux éléments du principe communiste libertaire "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins". Pour obtenir une part des biens de consommation produits par tous, il faut participer selon ses moyens (exception faite pour les enfants, vieillards, malades et invalides). Dans le cas contraire, cela créerait une nouvelle classe de privilégiés entretenus par la société. Pour appuyer leur idée, ils citent Bakounine: "Chacun devra travailler pour manger. Tout homme qui ne voudra pas travailler sera libre de mourir de faim (...)".

La terre[edit]

Aux paysans/prolétariat d'établir la répartition et l'exploitation des terres sur des pratiques communistes.

La terre appartient à tous et ne peut faire l'objet d'un achat, d'une vente ou d'échange.

Les auteurs préconisent de propager l'idée d'économie agraire libertaire dans les campagnes, dès à présent, pour préparer la société nouvelle.

La défense de la révolution[edit]

l'armée révolutionnaire est la conséquence de la stratégie militaire dans la révolution amenée fatalement par le processus même de guerre civile

Pour défendre les acquis de la révolution, la plate-forme préconise la création d'organes de défense de la révolution face aux assauts des contre-révolutionnaires bourgeois et privilégiés.

Dans les premiers temps, cet organe sera composé de tous les révolutionnaires encore en lutte. Par la suite ces contingents révolutionnaires militaires seront composés de détachements de partisans insurgés volontaires.

Chaque détachement sera coordonné par un plan d'opération général, mais agira sous sa propre responsabilité, à ses risques et périls.

Cette armée révolutionnaire générale aura un commandement commun pour une stratégie révolutionnaire commune et sera soumise aux masses ouvrières et paysannes par l'intermédiaire des organisations ouvrières et paysannes communes. Cette soumission n'implique pas une autorité civile, mais une subordination de l'armée aux organismes fédéraux.

De la liberté de la presse, de la parole, de l'organisation, etc. (supplément)[edit]

D'après le Supplément à la plate-forme organisationnelle (Questions et réponses)

Le droit de parole et de presse ne doit pas être gêné, pas même celui des anciens oppresseurs et contre-révolutionnaires. La liberté de parole et de presse permettra aux travailleurs de développer leur esprit critique et d'apprendre à juger par eux-mêmes.

Cependant, l'utilisation de la presse à des fins militaires par les contre-révolutionnaires (propagande dans le but de saper le moral de l'adversaire) pourrait être gênée, empêchée. Ceci dans le cadre particulier de la guerre civile.

Partie Organisationnelle[edit]

Les principes de l'organisation anarchiste[edit]

L'unité théorique[edit]

Même but et direction pour toutes les personnes qui adhèrent à l'Union Générale. "Toute l'activité de l'Union générale anarchiste, aussi bien dans son caractère général que particulier, doit être en concordance parfaite et constante avec les principes théoriques professés par l'Union."

L'unité tactique ou méthode collective d'action[edit]

Les actions menées par les membres ou les groupes doivent suivre une tactique commune unique établie par l'Union. Le but est d'éviter que différentes tactiques se gênent les unes les autres.

La responsabilité collective[edit]

Pas d'action (sociale révolutionnaire ou politique) sous sa responsabilité personnelle, l'Union tout entière sera responsable de chaque membre et chaque membre sera responsable de l'Union entière.

Le fédéralisme[edit]

Libre entente des individus et d'organisation pour un travail collectif orienté vers un objectif commun.

Les participants à l'union doivent se conformer aux décisions prises en commun tout en conservant le droit à l'indépendance, à l'opinion libre, à l'initiative et à la liberté individuelle.

Création d'un comité exécutif de l'union qui doit exécuter les décisions prises par l'Union et veiller à l'orientation théorique des organisations isolées, conformément à la ligne tactique générale. Cette notion de comité est clarifiée dans le Supplément à la plate-forme organisationnelle (Questions et réponses). Ce comité à pour but de veiller à l'unité tactique. Si des divergences apparaissent, le comité en appelle à l'ensemble de l'Union pour trancher: Si les divergences sont modestes, un consensus doit être atteint par des concessions. Si les points de vue concurrents peuvent coexister, ils sont alors acceptés comme tels. S'il n'est possible d'arriver ni à un consensus, ni à une coexistence, il y a alors scission, mais dans tous les cas, la tactique générale reste unique, claire et tranchée.

Critiques et attaques[edit]

Beaucoup d'anarchistes, dont Sébastien Faure, Max Nettlau, Voline, Luigi Fabbri, Errico Malatesta et Camillo Berneri rejetteront et feront une critique de cette plateforme. Les critiques tourneront essentiellement autour du principe de « responsabilité collective » qui sera dénoncé comme un principe non anarchiste.

Critiques Synthèsistes[edit]

Critiques Autres[edit]

  • La plate-forme constituerait une généralisation abusive du cas russe.
  • La plate-forme et la synthèse focaliseraient les attentions alors qu'elles ne seraient pas les seules formes d'organisation possible.

Évolution du platformisme[edit]