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(Explication de la théorie)
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L''''"anarcho"-capitalisme''' est une théorie politique non-anarchiste mais [[libéralisme|libérale]] opposée à l'État. Elle est très proche du libertarianisme (cf. [[Anti-libertarienisme|la critique consacrée à ce courant]]).
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L''''"anarcho"-capitalisme''' est une théorie politique non-anarchiste mais [[libéralisme|libérale]] opposée à l'État. Elle est très proche du libertarianisme (cf. la [[Anti-libertarienisme|critique consacrée à ce courant]]).
  
 
== Théorie ==
 
== Théorie ==
L'"anarcho"-capitalisme se veut être une version totale du capitalisme, où l'État n'existerait plus, et où les fonctions régaliennes de celui-ci seraient confiées à des agences privées (il y aurait donc des tribunaux privées, des polices privées, des armées privées etc...). Les socles philosophiques sur lesquels cette théorie repose sont le droit naturel — toute action des êtres humains le respectant est considérée comme juste — et l'individualisme libéral.
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L'"anarcho"-capitalisme se veut être une version totale du capitalisme, où l'État n'existerait plus, et où les fonctions régaliennes de celui-ci seraient confiées à des agences privées (il y aurait donc des tribunaux privées, des polices privées, des armées privées etc...). Les socles philosophiques sur lesquels cette théorie repose sont le droit naturel — toute action des êtres humains le respectant est considérée comme juste — et l'[[Individualisme#L'individualisme libéral|individualisme libéral]].
  
Ce mouvement tente tant bien que mal de se raccrocher à l'anarchisme et à son histoire, notamment en déformant ou en cherchant à s'approprier certains auteurs anarchistes individualistes ([[Max Stirner]], [[Benjamin Tucker]], [[Lysander Spooner]]), mais également certaines figures incontournables de l'anarchisme ([[Pierre-Joseph Proudhon]] notamment, en déformant sa phrase « la propriété c'est la liberté »), avec lesquels l'"anarcho"-capitalisme n'a cependant rien de commun.
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=== La propriété ===
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Attachés à la propriété au point de fonder toutes leur théorie là-dessus, les "anarcho"-capitalistes s'opposent à toute atteinte possible à celle-ci. Ils avancent que les solutions à tous les problèmes existant se trouvent dans le respect absolu de la propriété.
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=== Les différentes écoles ===
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On peut distinguer parmi deux écoles : l'une jusnaturaliste (fondée sur les droits naturels), l'autre utilitariste. Bien que se fondant sur une même idée, ces tendances diffèrent quant aux applications pratiques de celles-ci, et ce même à l'intérieur de chacune de ces tendances.
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==== L'école jusnaturaliste ====
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L'approche jusnaturaliste remet en question la légitimité des droits de propriété en usage actuellement en les limitant aux seuls droits acquis conformément au "homesteading" développé à l'origine par John Locke, propose des méthodes pour réviser ces droits au cas par cas pour rétablir la soit-disant légitime propriété au détriment des propriétaires actuels, et érige sa définition de la liberté et de la propriété comme universelle. Pour cette tendance, l'"anarcho"-capitalisme serait le seul système politique où les droits naturels seraient entièrement respectés ([[#Existence historique de sociétés"anarcho"-capitalistes|bien que cette théorie ne fut jamais appliquée]]).
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Cette école dit refuser l'esclavage volontaire, tout en acceptant l'[[esclavage salarié]].
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===== La "justice" jusnaturaliste =====
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L'école jusnaturaliste estime que la justice doit découler des droits naturels, et avance qu'une restitution égale de ce qui a été volé doit avoir lieu. Ils estiment que le fait d'accomplir un crime — c'est-à-dire, une atteinte aux droits naturels — est un renoncement à ses propres droits.
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Ainsi, un individu qui en viendrait, même accidentellement, à en tuer un autre, peut être lyncher si la famille de la victime l'exige, sous prétexte que cet individu aurait nié le droit de "propriété de soi" que revendique les "anarcho"-capitalistes, et qu'il apparaîtrait donc logique — pour les "anarcho"-capitalistes jusnaturalistes — de nier le droit de "propriété de soi" de cet individu.
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==== L'école utilitariste ====
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L'approche utilitariste part généralement de l'état actuel des droits de propriété sans chercher à établir de base absolue et universelle comme origine de ces droits, conservant la possibilité de justifier de manière utilitariste certaines violations de ces mêmes droits (la démarche utilitariste est alors prioritaire sur la liberté et la propriété). Ils justifient l'"anarcho"-capitalisme en avançant que ce modèle serait le plus efficace ([[#Existence historique de sociétés"anarcho"-capitalistes|bien que n'ayant jamais été appliqué]]).
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Cette tendance, minoritaire au sein même des "anarcho"-capitalistes, accepte l'esclavage volontaire (une personne peut se vendre en tant qu'esclave) et le sacrifice d'un individu afin d'en sauver d'autres.
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===== La "justice" utilitariste =====
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L'utilitarisme vise l'efficacité économique globale de la justice, et donc applique des peines proportionnelles en valeur au crime divisé par le taux de capture (c'est-à-dire, en n'appliquant des principes mathématiques et non-humains à la justice). Le crime est intégré à la société à travers ses seules implications économiques.
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=== Stratégies ===
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Il n'existe à proprement parler aucun consensus sur la stratégie à adopter pour parvenir à l'"anarcho"-capitalisme. Rothbard s'est engagé dans le Parti libertarien (un des partis politiques minoritaires aux États-Unis) pour servir ses fins, Friedman opte pour un réformisme (il faudrait privatiser au fur et à mesure les biens publics) : les deux principaux théoriciens optent donc pour une approche étatique, c'est-à-dire qu'ils estiment que rien ne peut être fait en-dehors de l'État, justifiant ainsi à leur dépend ce dernier.
  
 
== Historique ==
 
== Historique ==
Née aux États-Unis dans les années 1960, cette théorie se revendique du [[Libéralisme#L'aspect économique|libéralisme économique]] classique (Frédéric Bastiat notamment) et [[Libéralisme#L'aspect politique|politique]] (John Locke notamment). Le fondateur de cette théorie pseudo-anarchiste est Murray Rothbard, économiste américain de l'École autrichienne dont l'un des plus éminents représentants est, d'après ses partisans, Ludwig von Mises (qui lui était minarchiste — c'est-à-dire défenseur d'un État limité aux fonctions régaliennes).
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Née aux États-Unis dans les années 1960, cette théorie se revendique du [[Libéralisme#L'aspect économique|libéralisme économique]] classique (Frédéric Bastiat notamment) et [[Libéralisme#L'aspect politique|politique]] (John Locke notamment). Le fondateur de cette théorie pseudo-anarchiste est Murray Rothbard, économiste américain de l'École autrichienne et disciple Ludwig von Mises (qui lui était minarchiste &mdash; c'est-à-dire défenseur d'un État limité aux fonctions régaliennes). Il reprit le terme [[libertaire]] (qui se dit « libertarian » en anglais<ref>Ce terme a été traduit en français par « libertarien » afin d'éviter toute confusion avec les vrais [[libertaire]]s</ref>) pour qualifier l'ensemble du courant "anarcho"-capitalistes et minarchistes.
  
Aucune communauté existante ou ayant existé ne sait cependant réclamer de l'"anarcho"-capitalisme (contrairement à l'anarchisme qui lui s'est bel et bien inscrit dans l'[[Histoire de l'anarchisme|histoire]]). Les "anarcho"-capitalistes essaient néanmoins d'approprier, pour les besoins de leur théorie, certains exemples de communautés qui n'ont cependant jamais respectés l'ensemble des critères "anarcho"-capitalistes : l'Islande médiévale, qui était pourtant constitué d'un État, et qui appliquaient une sorte de démocratie athénienne, où l'esclavage temporaire était possible pour une personne devant rembourser ses dettes ; ou le Far West, où il existait certaines agences de protections privées, qui ne pouvaient cependant pas exister sans l'aval de l'État. En bref, l'"anarcho"-capitalisme n'a jamais existé.
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=== Existence historique de sociétés "anarcho"-capitalistes ===
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Aucune communauté existante ou ayant existé ne sait cependant réclamer de l'"anarcho"-capitalisme (contrairement à l'anarchisme qui lui s'est bel et bien inscrit dans l'[[Histoire de l'anarchisme|histoire]]). Les "anarcho"-capitalistes essaient néanmoins d'approprier, pour les besoins de leur théorie, certains exemples de communautés qui n'ont cependant jamais respectés l'ensemble des critères "anarcho"-capitalistes tels que définis par les chantres de ce mouvement :
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* l'Islande médiévale, qui était pourtant constitué d'un État, et qui appliquaient une sorte de démocratie athénienne, où l'esclavage temporaire était possible pour une personne devant rembourser ses dettes
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* le Far West, où il existait certaines agences de protections privées, qui ne pouvaient cependant pas exister sans l'aval de l'État.  
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En bref, l'"anarcho"-capitalisme n'a jamais existé.
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== Anarchisme et "anarcho"-capitalisme ==
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{{article|Critiques de l'"anarcho"-capitalisme}}
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Ce mouvement tente tant bien que mal de se raccrocher à l'anarchisme et à son histoire, notamment en déformant ou en cherchant à s'approprier certains auteurs anarchistes individualistes ([[Max Stirner]], [[Benjamin Tucker]], [[Lysander Spooner]]), mais également certaines figures incontournables de l'anarchisme ([[Pierre-Joseph Proudhon]] notamment, en déformant sa phrase « la propriété c'est la liberté »), avec lesquels l'"anarcho"-capitalisme n'a cependant rien de commun.
  
 
== L'"anarcho"-capitalisme aujourd'hui ==
 
== L'"anarcho"-capitalisme aujourd'hui ==
De nos jours, l'existence d'un tel mouvement est surtout confiné aux sites Internet ainsi qu'aux blogs ; les représentants de cette théorie sont principalement des universitaires américains, et l'"anarcho"-capitalisme n'a que peu d'impact publique. Les militants de cette forme extrême de [[capitalisme]] essaie cependant d'influencer les gens à considérer leur théorie comme réellement anarchiste en réduisant la définition de l'anarchisme à la simple absence d'État &mdash; là où l'anarchie est l'absence de pouvoir.
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De nos jours, l'existence d'un tel mouvement est surtout confiné aux sites Internet ainsi qu'aux blogs ; les représentants de cette théorie sont principalement des universitaires américains, et l'"anarcho"-capitalisme n'a que peu d'impact public. Les militants de cette forme extrême de [[capitalisme]] essaie cependant d'influencer les gens à considérer leur théorie comme réellement anarchiste en réduisant la définition de l'anarchisme à la simple absence d'État &mdash; là où l'anarchie est l'absence de pouvoir. Pour reprendre le mot de Rothbard, cette théorie cherche bel et bien à s'imposer<ref>« Y a-t-il aucune discipline ou corps d’idées, [...] qui ait jamais réussi à se faire connaître et à s’imposer sans un “cadre” dévoué de partisans ? » Rothbard, ''L'Éthique de la liberté''.</ref>
  
 
== Voir aussi ==
 
== Voir aussi ==
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* La [[FaqAnar:Section F introduction|section F]] de la FAQ anarchiste consacré à l'"anarcho"-capitalisme.
 
* La [[FaqAnar:Section F introduction|section F]] de la FAQ anarchiste consacré à l'"anarcho"-capitalisme.
 
* [[Critiques de l'"anarcho"-capitalisme]]
 
* [[Critiques de l'"anarcho"-capitalisme]]
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* [[Anti-libertarienisme]]

Revision as of 12:03, 9 July 2008

L'"anarcho"-capitalisme est une théorie politique non-anarchiste mais libérale opposée à l'État. Elle est très proche du libertarianisme (cf. la critique consacrée à ce courant).

Théorie

L'"anarcho"-capitalisme se veut être une version totale du capitalisme, où l'État n'existerait plus, et où les fonctions régaliennes de celui-ci seraient confiées à des agences privées (il y aurait donc des tribunaux privées, des polices privées, des armées privées etc...). Les socles philosophiques sur lesquels cette théorie repose sont le droit naturel — toute action des êtres humains le respectant est considérée comme juste — et l'individualisme libéral.

La propriété

Attachés à la propriété au point de fonder toutes leur théorie là-dessus, les "anarcho"-capitalistes s'opposent à toute atteinte possible à celle-ci. Ils avancent que les solutions à tous les problèmes existant se trouvent dans le respect absolu de la propriété.

Les différentes écoles

On peut distinguer parmi deux écoles : l'une jusnaturaliste (fondée sur les droits naturels), l'autre utilitariste. Bien que se fondant sur une même idée, ces tendances diffèrent quant aux applications pratiques de celles-ci, et ce même à l'intérieur de chacune de ces tendances.

L'école jusnaturaliste

L'approche jusnaturaliste remet en question la légitimité des droits de propriété en usage actuellement en les limitant aux seuls droits acquis conformément au "homesteading" développé à l'origine par John Locke, propose des méthodes pour réviser ces droits au cas par cas pour rétablir la soit-disant légitime propriété au détriment des propriétaires actuels, et érige sa définition de la liberté et de la propriété comme universelle. Pour cette tendance, l'"anarcho"-capitalisme serait le seul système politique où les droits naturels seraient entièrement respectés (bien que cette théorie ne fut jamais appliquée).

Cette école dit refuser l'esclavage volontaire, tout en acceptant l'esclavage salarié.

La "justice" jusnaturaliste

L'école jusnaturaliste estime que la justice doit découler des droits naturels, et avance qu'une restitution égale de ce qui a été volé doit avoir lieu. Ils estiment que le fait d'accomplir un crime — c'est-à-dire, une atteinte aux droits naturels — est un renoncement à ses propres droits.

Ainsi, un individu qui en viendrait, même accidentellement, à en tuer un autre, peut être lyncher si la famille de la victime l'exige, sous prétexte que cet individu aurait nié le droit de "propriété de soi" que revendique les "anarcho"-capitalistes, et qu'il apparaîtrait donc logique — pour les "anarcho"-capitalistes jusnaturalistes — de nier le droit de "propriété de soi" de cet individu.

L'école utilitariste

L'approche utilitariste part généralement de l'état actuel des droits de propriété sans chercher à établir de base absolue et universelle comme origine de ces droits, conservant la possibilité de justifier de manière utilitariste certaines violations de ces mêmes droits (la démarche utilitariste est alors prioritaire sur la liberté et la propriété). Ils justifient l'"anarcho"-capitalisme en avançant que ce modèle serait le plus efficace (bien que n'ayant jamais été appliqué).

Cette tendance, minoritaire au sein même des "anarcho"-capitalistes, accepte l'esclavage volontaire (une personne peut se vendre en tant qu'esclave) et le sacrifice d'un individu afin d'en sauver d'autres.

La "justice" utilitariste

L'utilitarisme vise l'efficacité économique globale de la justice, et donc applique des peines proportionnelles en valeur au crime divisé par le taux de capture (c'est-à-dire, en n'appliquant des principes mathématiques et non-humains à la justice). Le crime est intégré à la société à travers ses seules implications économiques.

Stratégies

Il n'existe à proprement parler aucun consensus sur la stratégie à adopter pour parvenir à l'"anarcho"-capitalisme. Rothbard s'est engagé dans le Parti libertarien (un des partis politiques minoritaires aux États-Unis) pour servir ses fins, Friedman opte pour un réformisme (il faudrait privatiser au fur et à mesure les biens publics) : les deux principaux théoriciens optent donc pour une approche étatique, c'est-à-dire qu'ils estiment que rien ne peut être fait en-dehors de l'État, justifiant ainsi à leur dépend ce dernier.

Historique

Née aux États-Unis dans les années 1960, cette théorie se revendique du libéralisme économique classique (Frédéric Bastiat notamment) et politique (John Locke notamment). Le fondateur de cette théorie pseudo-anarchiste est Murray Rothbard, économiste américain de l'École autrichienne et disciple Ludwig von Mises (qui lui était minarchiste — c'est-à-dire défenseur d'un État limité aux fonctions régaliennes). Il reprit le terme libertaire (qui se dit « libertarian » en anglais[1]) pour qualifier l'ensemble du courant "anarcho"-capitalistes et minarchistes.

Existence historique de sociétés "anarcho"-capitalistes

Aucune communauté existante ou ayant existé ne sait cependant réclamer de l'"anarcho"-capitalisme (contrairement à l'anarchisme qui lui s'est bel et bien inscrit dans l'histoire). Les "anarcho"-capitalistes essaient néanmoins d'approprier, pour les besoins de leur théorie, certains exemples de communautés qui n'ont cependant jamais respectés l'ensemble des critères "anarcho"-capitalistes tels que définis par les chantres de ce mouvement :

  • l'Islande médiévale, qui était pourtant constitué d'un État, et qui appliquaient une sorte de démocratie athénienne, où l'esclavage temporaire était possible pour une personne devant rembourser ses dettes
  • le Far West, où il existait certaines agences de protections privées, qui ne pouvaient cependant pas exister sans l'aval de l'État.

En bref, l'"anarcho"-capitalisme n'a jamais existé.

Anarchisme et "anarcho"-capitalisme

  1. Ce terme a été traduit en français par « libertarien » afin d'éviter toute confusion avec les vrais libertaires
  2. « Y a-t-il aucune discipline ou corps d’idées, [...] qui ait jamais réussi à se faire connaître et à s’imposer sans un “cadre” dévoué de partisans ? » Rothbard, L'Éthique de la liberté.