Anarchisme et marxisme

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Même si le marxisme et l'anarchisme ont de nombreux points de concordances historiques et idéologiques, ce sont deux philosophies politiques très différentes. Cet article traite plus spécifiquement des jonctions et des oppositions entre le marxisme et l'Anarchisme.

C'est au sein de l'Association internationale des travailleurs, également connue sous le nom de Première Internationale, que se sont théorisés ces deux mouvements. L'AIT, à sa fondation, était une alliance de plusieurs groupes socialistes, incluant des anarchistes et des marxistes. Les deux côtés avaient un but commun (l'émancipation des travailleurs) et des adversaires politiques communs. Le conflit vite latent entre ces groupe a ensuite pris corps dans l'argumentation entre Bakounine, représentant les idées socialistes révolutionnaires, et Karl Marx représentant les idées socialistes autoritaires et étatistes . En 1872, au Congrès de La Haye, le conflit atteint son point de non-retour : Karl Marx expulse les "bakouninistes".

Arguments entourant le sort de l'État

La notion d'État-nation est originaire d'Europe, notamment grâce aux traités de Westphalie de 1648 qui redécoupèrent plus ou moins les frontières de l'Europe selon les nations qui la composaient. Les spécialistes de la politique moderne décrivent l'État comme une « communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte [...] une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition »[1]. Il en résulte que l'État se définit comme un territoire, une population appelée "nation" et une autorité qui s'exerce sur celle-ci. L'État est habituellement centralisé et hiérarchique. Il gouverne par l'intermédiaire de ses institutions et « l'État apparaît comme une institution qui, sur un territoire donné, dispose du monopole de la violence physique légitime », pour utiliser les termes proposés par le sociologue allemand Max Weber dans son essai de 1918, La Vocation de politique. [2]. Cela signifie que les individus reconnaissent l’autorité de l'État en acceptant de lui obéir : cette autorité est fondée sur la tradition, le charisme du dirigeant ou, dans les sociétés modernes, sur la rationalité mise en Å“uvre par la légalité et la bureaucratie. Sur le plan juridique, le critère principal de l'État est celui de l'exercice de la Souveraineté, qui est un pouvoir inconditionné, dont tous les autres pouvoirs dérivent. Cela signifie qu’à l’intérieur du territoire dont il a la charge, l'État dispose de la compétence de ses compétences. La souveraineté se définit également, en droit, comme la détention de l’autorité suprême, c’est-à-dire d’un pouvoir absolu (dont tous dépendent) et inconditionné (qui ne dépend de qui que ce soit).

Ces définitions sont acceptées par à peu près l'ensemble des courants politiques. La définition de Weber n'est pas en contradiction avec la pensée de Marx. Cependant Weber écrit dans un but cognitif et Marx dans un but cognito-normatif.

Dans l'analyse de Marx, la Nation est secondaire par rapport aux classes sociales, dont l’existence découle des rapports de production. L'approche de l'État par Marx est purement économique. L'État est défini comme l'organe de la répression d'une classe sociale sur toutes les autres. L'État apparaît en se différenciant de la société civile et son rôle, dans le système capitaliste, est de permettre le maintien des rapports d’exploitation. L'État est avant tout considéré comme un appareil de violence et d’oppression, qu’il convient de faire disparaître après une période de transition (la dictature du prolétariat). Dans cette définition, l'idée de dictature du prolétariat peut prendre de nombreuses significations selon l'interlocuteur marxiste : de l'utilisation légitime de la force physique par des conseils d'ouvriers/ères armé(e)s jusqu'au monopole de la force par un parti composé d'intellectuels se réclamant comme chefs du prolétariat. Dans la théorie marxiste, si la différence entre les classes disparaissait, l'État disparaîtrait aussi.

Des divergences de points de vue existent donc entre les marxistes et les anarchistes. En effet, ces derniers estiment que n'importe quel État sera inévitablement dominé par une élite politique ou économique, devenant de fait un organe de domination au service d'une classe. À l'inverse, les marxistes estiment que la répression réussie envers une classe dominante requiert inévitablement une violence d'une capacité supérieure ( références nécessaires), et que toutes les sociétés précédant le socialisme sont régies par une classe minoritaire (références nécessaires). En conséquence, d'après la théorie marxiste, chaque état non-socialiste possèdera les propriétés attribuées à tous les États par les anarchistes. Bakounine écrit dans son essai Étatisme et Anarchie [3] :

« Ils [les marxistes] maintiennent que seule la dictature —la leur, évidemment— peut parvenir à libérer le peuple. Notre [les anarchistes] réponse à cette affirmation est qu'aucune dictature ne peut avoir d'autres buts que sa propre perpétuation, et qu'elle ne peut engendrer que l'esclavage du peuple la tolérant. La liberté ne peut être créée qu'à partir de la liberté, c'est-à-dire par une rébellion universelle de la part du peuple et la libre organisation des masses laborieuses de bas en haut. »

Plus loin, il ajoute suite aux écrits de Marx proclamant que l'État serait le plus sûr moyen pour parvenir à une société anarchiste et qu'il serait par la suite éventuellement aboli : « L'anarchisme ou la liberté, qui signifie la libre organisation des travailleur-e-s, est l'objectif final du développement de la société. [...] Ils [les marxistes] affirment que la dictature est la transition nécessaire vers la libération du peuple : l'anarchisme est le but, tandis que la dictature est le moyen d'y parvenir, par conséquent pour libérer le peuple il est nécessaire au préalable de l'enchaîner! » [4]

Le processus de transition

La théorie de l'État précédemment évoquée amène à s'interroger sur la transition nécessaire vers une société sans État, sur laquelle les marxistes et les anarchistes sont d'accord, afin que celle-ci puisse voir le jour.

Les marxistes estiment que la transition réussie vers le communisme sans État (ce que Marx appelle le « vrai communisme ») requiert la répression des capitalistes qui rétabliraient sinon leur propre contrôle, et, par conséquent, la création d'un État dirigé par les ouvriers (voir dictature du prolétariat). Les anarchistes considèrent que l'idéologie qu'implique l'existence des différentes catégories d'État —qu'ils soient capitalistes, fascistes ou communistes— n'est pas pertinente puisque tous les États sont fondamentalement violents et répriment la majorité travailleuse au profit de la minorité dirigeante. En outre, les anarchistes soutiennent que « l'État ouvrier » défendu par les marxistes est une impossibilité logique, puisque dès qu'une quelconque « avant-garde » auto-proclamée prend le pouvoir étatique, elle cesse de faire partie du prolétariat (si tant est qu'elle en ait jamais fait partie) et devient membre de la « classe coordinatrice ». L'idée de la dictature du prolétariat a également été critiquée par la plupart des anarchistes, sur le plan théorique comme sur le plan historique. Généralement, il est avancé que ce n'est pas une classe qui prend le pouvoir, mais une minorité, un parti dans l'optique léniniste, et donc qu'il s'agit d'une dictature sur le prolétariat.

Les anarchistes illustrent leur propos en mettant en évidence les mesures prises par Lénine, Trotsky et Staline durant la révolution russe dès le début même de cette révolution. Ils avancent également l'argument que l'Union Soviétique n'avait rien de démocratique, tout comme les autres États auto-proclamés « marxistes ». À l'inverse, les marxistes pointent du doigt les "défaites" des révolutions menées par les anarchistes telle que celle d'Espagne.

Marxistes et anarchistes poursuivent le même but : l'abolition de l'État bourgeois. Cependant, les marxistes - à la différence des anarchistes - cherchent à lui substituer dans un premier temps un « Ã‰tat ouvrier » (comme par exemple la dictature du prolétariat, ou encore une classe dirigeante ouvrière). Ils considèrent que la répression centralisée et organisée de la classe capitaliste est la condition préalable absolument nécessaire à l'abolition de l'État bourgeois, et que le prolétariat ne peut l'accomplir que par le biais de l'État. L'État ouvrier verra le jour immédiatement après l'abolition de de l'État bourgeois. Par la suite, selon Friedrich Engels, l'État ouvrier sera amené à dépérir, pour finalement cesser d'exister lorsque les antagonismes de classe auront disparu.

Les anarchistes quant à eux estiment que la création d'un quelconque nouvel État placera le pouvoir dans la main d'une minorité et que les États, avec leurs capacités répressives et leurs bureaucraties massives, auront tendance à se perpétuer et non pas à « dépérir ». En pratique, la création d'un nouvel État, même s'il est qualifié d'ouvrier, est contre-révolutionnaire car pour l'éliminer il faudrait une seconde révolution. Les anarchistes préfèrent donc substituer à l'État bourgeois des conseils ouvriers, des syndicats ou toutes autres structures d'organisation décentralisée et non-hiérarchique.

Pour illustrer les limites de l'approche marxiste, les anarchistes rappellent que lors de la chute de l'Union Soviétique les mouvements populaires demandant l'abolition de la dictature Étatique qui furent durement réprimés. Par là, ils démontrent la quasi-impossibilité de faire une seconde révolution.

Les positions marxistes et anarchistes peuvent se rejoindre partiellement. En effet, les anarchistes ne sont pas d'accord entre eux quant à savoir si les conseils ouvriers démocratiques ayant le monopole de la violence constituent ou non un État. De même, les marxistes ne sont quant à eux pas d'accord entre eux quant à la forme que doit revêtir la dictature du prolétariat. Cependant, les arguments marxistes prêtent à la critique, puisqu'ils mettent en avant de façon contradictoire l'autonomie des conseils ouvriers, l'existence d'une police secrète, la légitimité du terrorisme d'État comme stratégie révolutionnaire[5], et la transparence de la justice.

Les problèmes inhérents à la notion même d'État à et l'idée de s'en emparer à des fins révolutionnaires amènent à s'interroger sur la notion de partis politiques, qui divise également marxistes et anarchistes.

Partis politiques

Le problème lié à la prise du pouvoir étatique soulève la question des partis politiques. Celle-ci divise également les anarchistes et les marxistes.

La plupart des marxistes voient les partis politiques comme des outils permettant de s'emparer du pouvoir étatique. En effet, ils considèrent qu'un effort politique central coordonné est nécessaire pour mettre à bas avec succès la classe capitaliste et l'État bourgeois, ainsi que pour maintenir le pouvoir face aux éventuelles contre-révolutions. À ce titre, le système des partis politiques doit être utilisé pour s'emparer des leviers de l'État bourgeois. Cependant, les marxistes ne sont pas tous d'accord quant à savoir si un parti révolutionnaire doit participer aux élections bourgeoises. De même, ils sont partagés sur le rôle qu'il doit jouer après la révolution, et comment il doit être organisé[6].

Les anarchistes quant à eux refusent généralement de participer aux gouvernements[7] et ne forment pas de partis politiques. En effet, ils considèrent qu'une structure organisée hiérarchiquement possède une tendance inhérente à devenir autoritaire et oppressive. Ils admettent toutefois la possibilité de s'organiser politiquement sur la base de la démocratie directe et du fédéralisme, afin de participer de façon efficace aux luttes populaires et de mener le peuple vers la révolution sociale.

Violence et révolution

Une autre question étroitement liée à la conception de l'État est de savoir si la violence est acceptable afin de mener à bien la révolution, et, dans l'affirmative, jusqu'à quel point.

Les anarchistes estiment que tous les États sont « illégitimes » car leur survie dépend d'une violence institutionnalisée et systématique. En réponse, la violence à petite échelle, voire l'assassinat planifié d'une élite criminelle, peut être admise, voire être utile et nécessaire en certaines circonstances[8]. À l'inverse, la violence massive à l'encontre du peuple – telle que la pratiquèrent Lénine et Trotsky face à la révolte de Kronstadt, par Staline durant les Grandes Purges ou les pogroms, ou par Mao durant la Révolution culturelle – est inacceptable et injustifiable.

La plupart des marxistes estiment que la violence à grande échelle est légitime et qu'une « guerre juste » est possible, au moins dans les circonstances limitées d'une auto-défense collective, par exemple face à une tentative de coup d'État ou une invasion impérialiste. Certains marxistes - les stalinistes - vont même jusqu'à dire qu'en général, « la fin justifie les moyens », et donc qu'en théorie n'importe quelle violence ou autre effusion de sang peut être justifiée dans le but de parvenir au communisme.

Le conflit provoqué par ces deux conceptions opposées cache souvent un conflit larvé quant à savoir quelles idées sous-tendent la révolution. Historiquement, cet antagonisme s'est traduit par l'utilisation de la violence par les marxistes à l'encontre des anarchistes, dans le cadre des pseudos « Ã‰tats ouvriers » créés par les marxistes. Peuvent être cités à titre d'exemples les arrestations et exécutions massives d'anarchistes et de gauchistes non-bolchéviques durant la révolution russe, et la répression sanglante du soulèvement de Kronstadt, les accusations durant la révolution espagnole envers les marxistes, censés être alliés des anarchistes, d'avoir ouvert le feu dans le dos des troupes anarchistes pendant que celles-ci menaient l'assaut sur les tranchées fascistes, la répression sanglante effectuée par le gouvernement « communiste » des dissidents durant la révolution chinoise et des manifestants de la place Tian'anmen, les exécutions massives d'anarchistes et autres dissidents décidées par Che Guevara durant la révolution cubaine[9], pour n'en citer que quelques uns.

Les marxistes affirment que les anarchistes sont systématiquement désorganisé-e-s et que leur refus de se soumettre à la règle des États marxistes « révolutionnaires » ou d'approuver le terrorisme d'État les rend « contre-révolutionnaires ». Ils vont même parfois jusqu'à avancer que si les anarchistes étaient capables de mener à bien une révolution, ils ne seraient pas encore et toujours massacré-e-s.

La compréhension anarchiste et marxiste des classes

Les anarchistes et les marxistes considèrent que la société est divisée en classes sociales, chacune ayant des intérêts différents selon ses conditions matérielles. Cependant leur analyse du phénomène diffère rapidement, notamment en ce qui concerne la définition de ces différents groupes sociaux.

Pour les marxistes, les deux classes les plus importantes sont la bourgeoisie (propriétaire des moyens de productions) et le prolétariat (la classe travailleuse, exploitée par la bourgeoisie). Marx estime que les circonstances historiques et les conditions de vie auxquelles font face les travailleur/-euse/-s de l'industrie les pousseront à s'organiser ensemble en vue de prendre le pouvoir à l'État et les moyens de production à la bourgeoisie. Les moyens de production seront collectivisés ces derniers et une société dénuée de classe sera créée. Elle sera dirigée par et pour les travailleur/-euse/-s. Il met volontairement de côté les paysans, les petits propriétaires "petit-bourgeois", ainsi que le « sous-prolétariat » [10] (sous-classe non-salariée) incapables de créer et de participer à la révolution.

Les théories post-marxistes et néo-marxistes -telles que le léninisme ou le maoïsme- expliquent ce dernier point de vue comme le résultat de l'impérialisme qui augmente artificiellement les modes de vie des travailleur/-euse/-s industriel-le-s dans les nations capitalistes développées, les rendant ainsi moins rebelles ce qui permet d'amener à la révolution les pays moins développés ayant une forte population paysanne (comme en Russie ou en Chine, Lénine va même jusqu'à avancer que l'impérialisme peut être une bonne chose puisqu'il apporte les technologies occidentales avancées aux pays moins développés, accélérant ainsi le processus mondial d'industrialisation) ce qui à terme accélère la révolution mondiale prédite par Marx.

L'analyse des classes sociales par les anarchistes contredit celle du marxisme. Les anarchistes estiment que ce n'est pas l'ensemble de la classe dominante qui détient le contrôle de l'État, mais une minorité faisant partie de la classe dirigeante (et qui défend les intérêts de toute sa classe sociale), minorité cherchant à conserver ses propres intérêts, à savoir la détention du pouvoir. Une minorité révolutionnaire prenant le pouvoir et imposant ses vues au peuple ne sera qu'une minorité dirigeante de plus, et constituera une nouvelle classe dominante, à savoir une bourgeoisie de fonctions. Bakounine le prédit longtemps avant la révolution russe et la chute de l'Union Soviétique :

« Prenez le révolutionnaire le plus ardent, donnez lui le pouvoir absolu, et en un an, il sera devenu pire que le Tsar lui-même »[11]

Traditionnellement, les anarchistes défendent la position selon laquelle une révolution réussie a besoin du soutien de la paysannerie, et que ce soutien ne peut être obtenu que par la redistribution des terres entre les paysans sans terre. C'est à dire que pour obtenir l'appui de la paysannerie, il faut explicitement rejeter la propriété étatique imposée des terres. La collectivisation volontaire est habituellement considérée comme plus efficace, elle est donc soutenue par les anarchistes (en effet, durant la révolution espagnole, ces derniers ont donné l'impulsion à des centaines de collectivisations, et seule une faible minorité de gens décidaient de conserver la propriété des terres ; les petits paysans pouvaient cultiver leur lopin de terre, sans utiliser de travail salarié).

Certains anarchistes contemporains (plus particulièrement ceux défendant l'économie participative) estiment qu'il y a trois classes qui ont tout intérêt à ce que l'organisation sociale change, et non pas deux comme l'avancent les anarchistes « classiques » :

  • La première est la classe travailleuse (composée des personnes dont le travail sert à la production et la distribution de biens et de la plupart des industries dites de « services »). Elle regroupe les fermiers, les paysans, les petits propriétaires, les petits commerçants et entrepreneurs qui travaillent avec leurs employés, et les ouvriers à col bleu, rose ou blanc.
  • La seconde classe est celle qualifiée de dirigeante. Elle comprend toute personne dont le travail touche de près ou de loin à la direction et à la gestion du travail des autres, principalement en faveur de la bourgeoisie, des organisations administratives, ou gérant l'appareil d'État, fixant ainsi le statu quo intellectuel[12]. La définition anarchiste de la classe dirigeante inclus les bureaucrates, les technocrates, les gestionnaires, les administrateurs, les intellectuels de la classe moyenne (tels que les économistes, les politologues, les sociologues, les mathématiciens, les philosophes, etc.), les physiciens, les juges, les avocats, les officiers militaires, les dirigeants de parti politique et autres leaders, etc.[13]
  • La troisième et dernière classe est la classe possédante, ou « classe capitaliste » (qui tire ses revenus de son contrôle sur l'industrie, la propriété terrienne etc.).

En ce qui concerne les classes moyennes, marxistes et anarchistes ont également des points de vue différents :

  • Les marxistes débattent vigoureusement la composition exacte de la classe moyenne sous le capitalisme. Certains la décrivent comme une classe "co-ordonant" qui renforce le capitalisme en faveur des capitalistes. Elle est composée de la petite bourgeoisie, des professions libérales et des gestionnaires. D'autres utilisent de façon très libre le terme de « classe moyenne » et s'en servent pour désigner les travailleurs/euses en col blanc (bien qu'en termes marxistes, ils font partie du prolétariat, la classe des travailleurs/euses).
  • Les communistes des conseils et les anarchistes estiment qu'il existe une classe moyenne comprenant les intellectuels, les technocrates et les gestionnaires qui ne recherchent le pouvoir que pour eux-mêmes. En Union Soviétique, cette classe moyenne technocratique a pris le pouvoir pour elle-même [14]. Partant de ce constat, les anarchistes considèrent que le marxisme a échoué, et qu'il échouera toujours, car il crée une dictature lié à une classe technocratique (ou gestionnaire) qui domine les autres. La « dictature du prolétariat » est une impossibilité. Bakounine mit en lumière cet argument lorsqu'il écrivit :
l' « Ã‰tat a toujours été la propriété d'une classe privilégiée : « une classe sacerdotale, une classe aristocratique, une classe bourgeoise. En définitive, lorsque toutes les autres classes se seront épuisées, l'État deviendra le patrimoine de la classe bureaucratique pour finalement tomber — ou, si vous préférez, atteindre la position — d'une machine. » [15]

Les anarchistes estiment donc également que le marxisme n'est pas viable puisque son « mode de production théoriquement socialiste » nécessite une centralisation et un renforcement de l'appareil étatique, ce qui permet aux dirigeants de prendre le contrôle de l'État et des moyens de productions afin de diriger la classe travailleuse. Ils agissent ainsi comme un substitut à la classe capitaliste. Le pouvoir ne fait donc que changer de main. Cela ne constitue pas un problème pour les marxistes libertaires (comme Guérin) qui estiment qu'un tel appareil d'État devrait reposer sur une démocratie participative menée par la classe ouvrière voire sur un État fédéral.

Les différences notoires entre marxistes et anarchistes reposent donc sur le fait que ces derniers estiment que toute personne travaillant pour le profit d'une autre fait partie de la classe travailleuse, quel que soit le secteur d'activité. Ils n'opèrent pas de distinction entre les paysans, le sous-prolétariat et les prolétaires. À l'inverse, les anarchistes différencient l'élite politique de l'élite économique, alors que les marxistes les considèrent comme un seul et même bloc.

Certains anarchistes affirment que le marxisme a échoué parce qu'il provient des esprits d'intellectuels de la classe moyenne, alors que l'anarchisme naît spontanément de l'activité de la classe ouvrière et de l'autogestion. Les marxistes répondent que leur idéologie n'est pas le fruit des intellectuels mais s'est historiquement formée sur les antagonismes de classe inhérents au système économique et social. Ils estiment que le socialisme marxien est issu de la classe ouvrière, et prend sa source dans les contradictions propres aux modes de production capitalistes. Les anarchistes soulignent cependant que les différentes écoles marxistes prennent souvent le nom des intellectuels à l'origine de ces mouvements et sont issues de leurs analyses et de leurs théorisations philosophiques. À l'inverse, les différentes tendances de l'anarchisme ont tendance à émerger de la pratique et de la libre organisation des anarchistes, et n'ont rarement, voire jamais, le nom d'un intellectuel particulier[16]. Les différents courants anarchistes se distinguent entre-eux par ce qu'ils font et de la manière dont ils s'organisent alors que les courants marxistes ont tendance à se différencier par leur méthodologie philosophique ou intellectuelle. Certains marxistes estiment que l'anarchisme provient des idées de prolétaires (ou de petits-bourgeois) marginalisés par le capitalisme, et se définit surtout comme une lutte réactionnaire non-organisée face aux forces du capitalisme.

Autres points de désaccord

L'analyse marxiste des classes sociales a des répercussions sur les relations avec les mouvements libérateurs des femmes, des populations autochtones, des minorités ethniques, des minorités sexuelles etc... Le marxisme classique se tient généralement à l'écart de tels mouvements et estime que la lutte des classes doit prendre le dessus sur toute autre forme de lutte car la lutte des classes — et seule la lutte des classes — peut permettre à la classe travailleuse de prendre le pouvoir étatique. L'idée était répandue chez les marxistes qu'une fois l'État pris, les problèmes de racisme, de sexisme etc, seraient plus rapidement éliminés. Depuis les années 1970 cependant, la plupart des organisation marxistes encouragent explicitement ce genre de mouvements, non seulement parce qu'ils sont utiles en eux-mêmes, mais également parce qu'ils sont considérés comme nécessaire pour la révolution de la classe ouvrière. La plupart des marxistes estiment que les tentatives des peuples opprimés de se libérer eux-mêmes continuera à échouer tant que la société de classes n'est pas abolie, car sous le capitalisme et les autres sociétés de classes, le pouvoir social repose sur la production.

Les anarchistes et autres critiques du marxisme, remettent en cause la primauté donnée par les marxistes à la lutte des classe (ici, la lutte des classes « classique ») qui serait l'unique explication des changements historiques. En effet, cette approche minore les autres formes d'oppression qui peuvent entraîner des formes de luttes particulières ayant leur propre dynamique indépendante de la simple lutte des classes. Les anarchistes considèrent que tous les mouvements de libération des peuples opprimés sont fondamentalement légitimes, qu'ils soient issus de prolétaires, de paysans, ou d'autres populations, sans qu'il n'y ait besoin de classer ces mouvements dans un schéma prédéterminé. Cependant, cette position n'est pas la seule au sein du mouvement anarchiste, et beaucoup d'anarchistes participent (tout comme les marxistes) à ces mouvements, en essayant de mettre en avant leurs positions et leurs méthodes, de façon anarchiste.

Les marxistes estiment que le peuple partage une certaine conscience de classe dépendant de la situation de chacun dans la société capitaliste. Ils estiment que le peuple va s'identifier à une classe socio-économique particulière et celle-ci va vouloir se libérer en brisant les chaînes qui l'emprisonnent à un statut social, et donc entrave chaque individu. Les anarchistes, à l'inverse, considèrent le peuple comme un ensemble d'individus qui partagent une condition commune dans la société capitaliste, mais ne qui partagent pas forcément une conscience de classe uniforme.

La religion

Voir l'article anarchisme et religion

La religion est un autre point de désaccord entre anarchistes et marxistes. Les marxistes considèrent la religion comme un instrument de la bourgeoisie pour dominer l'esprit des classes inférieures et pour inspirer la servilité face à l'autorité[17]. Les marxistes ont tendance à envisager un « communisme pur » comme étant libre de toute religion, et prônent parfois la violence à l'encontre du clergé et des institutions religieuses.

En dépit de l'hostilité du marxisme face aux religions organisées en institutions, il y eut des tentatives de fusionner le marxisme et la religion, la théologie de la libération en étant l'exemple le plus notoire. Certains prêtres se sont associés avec le mouvement de la théologie de la libération et se sont battus dans des guerillas armées, comme par exemple Camilo Torres, qui rejoignit et combattit avec l'ELN (Armée de libération nationale) en Colombie et mourut au combat... Bien que le Vatican ait fermement condamné la théologie de la libération, cette dernière reste influente dans certaines parties de l'Amérique latine, surtout dans le Mouvement des sans-terre (Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra) au Brésil.

Les anarchistes défendent eux la résistance face à toute institution oppressive, hiérarchique et autoritaire. Cela peut inclure les institutions religieuses et amener dans certains cas à une résistance violente. Ce fut le cas pendant la révolution espagnole, car l'Église catholique était l'un des plus importants propriétaires terriens et était également alliée au mouvement fasciste de la Phalange mené par Francisco Franco. L'opposition aux institutions catholiques et la collectivisation des terres de l'Église par les paysans impliqua le gros du mouvement anarchiste qui s'opposa à Franco à Barcelone. A l'inverse, dans le pays basque, la plupart des prêtres résistèrent à l'Église et s'opposèrent au fascisme en encourageant leur congrégation à faire de même : il y eut donc peu d'affrontements entre les anarchistes et les catholiques dans cette région.


Le nationalisme et les relations avec les peuples indigènes et les nations sans État

Voir l'article anarchisme et nationalisme

L'anarchisme et le marxisme sont diamétralement opposés en ce qui concerne les relations avec les peuples indigènes et les minorités nationales Au début de l'histoire de ces deux mouvements, des penseurs allant de Marx à Bakounine ou Kropotkine avaient prévu que l'avènement d'une révolution balayerait toute distinction de nationalité, que les travailleurs/euses du monde n'auraient pas de nation, et que la forme naturelle du socialisme était l'internationalisme qui ne connaîtrait et ne respecterait aucune frontière. Cela resta la position de toute la gauche anti-capitaliste jusqu'au début du XXe siècle, et est toujours considérablement influente dans les cercles marxistes et anarchistes.

Pendant la construction de la révolution russe cependant, Lénine et les bolchéviks trouvèrent opportun de promettre l'indépendance aux différentes minorités nationales non-russes, notamment aux Ukrainiens et aux Polonais, si ces derniers les aidaient à combattre l'empire tsariste. Une fois au pouvoir, ces promesses furent oubliées et les mouvements nationalistes à travers toute la Russie et la future URSS furent brutalement réprimés par Lénine, Trotsky, Staline et tous leurs successeurs jusqu'à l'effondrement de l'Union Soviétique en tant qu'entité politique. Durant la période qui précéda la Seconde Guerre mondiale, la politique étrangère de la Russie se focalisa sur l'idée du « socialisme dans un seul pays » (ou national-bolchévisme), bien que l'élite politique bolchévik chercha à instiguer et à soutenir les révolutions « communistes » dans un cadre national tout autour du monde, les plus notoires étant en Hongrie et en Allemagne, et absorba ainsi les nouveaux territoires « indépendants » dans le giron soviétique — but atteint après la Seconde Guerre mondiale avec le pacte de Varsovie. L'échec d'un soulèvement national-bolchévik en Allemagne en 1939 infirma la gauche allemande, laissant la voie libre à la montée du pouvoir nazi. Des éléments persistèrent dans la politique étrangère soviétique durant toute la Guerre froide et aidèrent à motiver le soutien des mouvements nationalistes et anti-impérialistes à travers le Tiers-Monde. L'aide de la Russie au Parti Communiste Chinois pendant la révolution chinoise fut motivée pour les mêmes raisons, mais une fois au pouvoir, Mao refusa d'autoriser l'Union Soviétique à contrôler la politique chinoise, amenant à la rupture avec Staline, rupture culminant avec une courte guerre entre ces deux puissances. La même chose se reproduira plus tard un rôle entre les dirigeants communistes chinois et vietnamiens.

Durant la révolution chinoise un évènement similaire eu lieu puisque Mao Zedong et le PCC (Parti Communiste Chinois) promirent dans un premier temps l'indépendance et l'autodétermination de la plupart des nations de Chine n'ayant pas d'État, mais non seulement les dirigeants refusèrent de réaliser leurs promesses une fois le PCC solidement ancré au pouvoir, mais envahirent et annexèrent le Tibet, considéré par Mao comme une province renégate. Tout gouvernement « communiste » suivit le même chemin, en promettant l'autodétermination des minorités nationales afin d'obtenir leur soutien, pour s'y opposer de façon virulente par la suite, une fois au pouvoir. Pour résumer la politique générale des gouvernements marxistes-léninistes défendirent l'autodétermination des peuples en théories, pour la combattre dans la pratique[18]. Plus récemment, les sandinistes au Nicaragua furent accusé-e-s de mener des campagnes d'épuration ethnique vis-à-vis des peuples indigènes, afin de leur voler leurs terres.

Ward Churchill va même jusque dans son ouvrage consacré aux relations entre marxisme et indigènes[19] que le marxisme est intrinsèquement impérialiste et raciste, même si cela n'est pas avoué, en raison de l'idée qu'il véhicule sur le progrès historique et l'industrialisation inévitable, Marx considérant les prolétaires des sociétés industrielles plus « avancés » que dans les autres sociétés (tout particulièrement les sociétés indigènes). D'autres écoles estiment que le conflit est lié à l'exigence d'obtenir une structure étatique, et considèrent que si les bolchéviks étant arrivé au pouvoir en Pologne (par exemple) au lieu d'en Russie, les bolchéviks seraient devenus des nationalistes polonais et se seraient violement opposés au tentatives russes de dominer la Pologne. Prendre le pouvoir de l'État russe, cependant, signifie qu'ils devront défendre les intérêts de l'État ; et que les droits des nations sans-État ne deviendrait de fait qu'une simple anathème.

La position anarchiste est aux antipodes de celle des marxistes. La plupart des anarchistes, d'hier comme d'aujourd'hui considèrent les frontières et les divisions nationales comme source de préjudice, et envisagent une société où les distinctions ethniques et raciales s'évanouiront et disparaîtront avec le temps, non pas de façon miraculeuse, mais car une société anarchiste repose sur des principes d'égalité, et s'oppose fermement aux discriminations. Dans les faits cependant, l'anarchisme repose sur des systèmes d'autodétermination à faible échelle, une autogestion locale et une entre-aide remplissant les aspirations des minorités nationales de facto . Plus récemment, il y eut une tentative de fusionner l'anarchisme les traditions politiques des natifs américains dans le mouvement indigène moderne. Les organisations nationales opposées au concept d'État décrivant explicitement leur politique comme anarchiste existent actuellement en Irlande et en Bretagne. La plupart des membres du Mouvement Amérindien actuel se considèrent eux-mêmes comme anarchistes.

Argumentation concernant la méthode du matérialisme historique

Le marxisme analyse les sociétés humaines grâce à la méthode dite du matérialisme historique. Le nœud de l'analyse matérialiste historique repose sur l'idée que les gens se trouvent dans un monde matériel prédéfini, et agissent pour produire des changements sur ce monde, dans les limites des changements qu'ils et elles peuvent concevoir. Plus précisément, les rapports de productions fondamentalement économiques sont les forces motrices de l'histoire, expliquant un phénomène relatif aux domaines superstructurels[20] idéologique et légal, au moins sur le long terme. L'idée que les contradictions et les groupes sociaux opposés façonneront naturellement et dirigeront l'évolution sociale souligne ses processus.

Un exemple de matérialisme historique serait des paysans féodaux qui se trouveraient sous les ordres d'un seigneur, et qui imagineraient des solutions religieuses, plutôt que politiques, au problème de leur statut d'individus non-libres.

Marx tire sa formulation du matérialisme historique du système dialectique du philosophe allemand Hegel. Cette méthode fonctionne sur les suppositions que chaque phénomène naturel est défini à travers une opposition à d'autres phénomènes, que les quantités peuvent être vues qualitativement, que la compréhension précise d'un phénomène imprécis est possible (comparable à plusieurs principes physiques d'incertitude). Marx et Engels remirent la dialectique « sur ses pieds »[21], et Engels estiment que ces méthodes dialectiques peuvent être appliquées à la société humaine sous la forme du matérialisme historique, que les classes sociales peuvent être étudiées sous l'angle des antagonismes de classes, comme celui entre les propriétaires et les travailleurs/euses, ou en utilisant des quantités pour en faire des qualités, en soulignant par exemple l'inégale répartition de la propriété privée afin de montrer les disparités de classes. Bien que la méthodologie de Marx, en tant que méthodologie historique, trouve ses limites dans l'histoire humaine, d'autres marxistes comme Friedrich Engels ou Joseph Staline réclament son application à tous les phénomènes. Le matérialisme dialectique se retrouve en partie dans les écrits de Kropotkine, notamment lorsqu'il les structures d'entraide comme un facteur d'évolution[22].

Les anarchistes utilisent un grand nombre d'outils d'analyse de la société, et certains anarchistes attachent même de l'importance au matérialisme historique comme outil d'analyse social. Le groupe plateformiste irlandais Workers Solidarity Movement par exemple, fait la méthode du matérialisme historique un des piliers de son unité. La plupart des anarchistes cependant rejettent le matérialisme dialectique (voire même le matérialisme historique) considéré comme une pseudo-science fondée sur des affirmations universelles indémontrables et inanalysables. Les anarchistes furent parmi les premiers/ières à critiquer le matérialisme historique pour sa pseudo-scientificité[23]. Généralement, les anarchistes insistent sur le rôle subjectif de la conscience humaine, même en utilisant des méthodes analytiques comme le matérialisme historique ; et critiquent généralement soit la mise en application des méthodes marxistes, les méthodes marxistes plus généralement, principalement sur le fait que le facteur déterministe supprime l'individualité et les aspirations de chacun, transformant les individus en agents de l'histoire, et que de telles méthodes ne sont par conséquence pas souhaitables en tant que méthodes universelles ; ils/elles n'affirment pas que la révolution et la réorganisation de la société sont inévitables, elles sont uniquement désirables. Au sein du mouvement marxiste, ces critiques trouvent échos dans les criticismes des humanistes socialistes, des marxistes occidentaux, des marxistes autonomistes et d'autres penseurs similaires.

Le déterminisme

Une analyse matérialiste historique suggère donc que si le marxisme a raison concernant les forces des classes opérant au sein du capitalisme, alors une révolution prolétarienne couronnée de succès est inévitable. Certains marxistes, notamment les chefs de la Seconde Internationale à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le croyaient. Cependant, le moment auquel la révolution doit être faite par les forces conscientes du prolétariat fut toujours sujet à disputes parmi les marxistes, plusieurs marxistes utilisant la fameuse phrase de Marx « Je ne suis pas marxiste » comme un rejet du déterminisme, et la rupture fut consumée avec la Première Guerre mondiale, quand les partis de la social-démocratie de la Seconde Internationale apportèrent leur soutien aux efforts de guerre de leur nation respective. Plusieurs opposants marxistes à la guerre, tels que Rosa Luxemburg, critiquèrent la "trahison" Seconde Internationale, notamment sur la doctrine de l'inévitable avènement du socialisme, ce qui justifiait les tentatives de réformer les États socialistes existant.

Puisqu'une partie influente du mouvement anarchiste rejettent soit le matérialisme dialectique, soit le matérialisme historique, ou les deux, ces anarchistes n'affirment donc pas que la révolution et la transformation de la société sont inévitables. Certains anarchistes, bien que rejetant le matérialisme historique ou dialectique, estiment cependant que la révolution est inévitable, tout comme le désir naturel de liberté ; ces anarchistes partagent certains idées propres aux mouvements intellectuels marxistes comptant en leur sein des individus tels qu'Herbert Marcuse.

Points politiques communs et tentatives de synthèses entre l'anarchisme et le marxisme

En tant que mouvements, marxisme et anarchisme ne sont pas nécessairement incompatibles. Au début du XXe siècle, plusieurs marxistes et anarchistes furent uni-e-s dans le mouvement des syndicats révolutionnaires et militants (voir le De Leonisme et le syndicat américain IWW). Plusieurs marxistes ont honnêtement participé aux révolutions anarchistes, de même que plusieurs anarchistes ont honnêtement participé aux révolutions marxistes.

De plus, plusieurs organisations révolutionnaires tentent une synthèse entre les traditions marxistes et anarchistes dans le but de parvenir à une société où la classe ouvrière serait enfin libre. Des exemples notoires sont Joseph Dietzgen (au XIXe siècle), le communisme des conseils et le bordiguisme au début du XXe siècle, l'Internationale situationniste, le mouvement autonome ou encore Daniel Guérin et son marxisme libertaire dans la deuxième moitié du XXe siècle. Le mouvement zapatiste contemporain du Chiapas, au Mexique comprend également des idées à la fois marxistes et anarchistes, ainsi qu'une volonté politique de défendre les peuples indigènes.

Relations historiques entre les anarchistes et les marxistes

La Première Internationale

L'Association Internationale des Travailleurs (ou AIT, plus connue sous le nom de Première Internationale) était à ses débuts une alliance des différents groupes socialistes, aussi bien marxistes qu'anarchistes, ayant le même but commun et les mêmes ennemis. Mais chaque groupe était critique vis-à-vis de l'autre, et le conflit interne entre anarchistes et marxistes s'incarna bientôt dans la dispute entre Michel Bakounine, représentant des idées anarchistes, et Karl Marx. En 1872, le conflit au sein de la Première Internationale atteignit son point d'orgue avec l'expulsion de Bakounine et des "bakouninistes", expulsé-e-s sur vote du parti de Marx au Congrès de La Haye, donnant ainsi naissance à la fédération jurassienne suite au congrès de Saint-Imier.

Industrial Workers of the World aux États-Unis

À la fin du XIXe-début du XXe siècle, beaucoup d'anarchistes et de marxistes étaient unis au sein des mouvements syndicalistes tels que l'Industrial Workers of the World (Ouvriers industriels du monde). L'IWW naquit de la fusion des activistes des syndicats marxistes influencé-e-s par les idées de Daniel De Leon du Parti Travailliste Socialiste américain, ainsi que d'anarchistes et de syndicalistes. Les anarchistes et les marxistes agirent ensemble avec succès au sein de l'IWW jusqu'aux années 1920 lorsque agissant sous la direction de Lénine et du gouvernement bolchévique de Moscou, la plupart des marxistes du syndicat le désertèrent et rejoignirent en masse le gros du mouvement travailliste. Le syndicat devint une grande organisation anarchiste de l'époque et le resta jusqu'à aujourd'hui, bien que l'anarchisme ne soit plus autant mis en avant qu'auparavant.

La révolution russe

Les anarchistes et les marxistes participèrent ensemble au renversement du tsar en février 1917 au début de la révolution russe. Cependant, une relation hostile se développa rapidement entre les anarchistes et les bolchéviks, si bien que les anarchistes s'opposèrent au transfert du pouvoir du Gouvernement provisoire vers les commissaires bolchéviks (agissant au nom des conseils ouvriers, dominés par les bolchéviks) en octobre 1917. Même la guerre civile qui suivit opposant les bolchéviks et l'Armée Rouge aux armées blanches tsaristes ne parvint pas à réconcilier les anarchistes et les bolchéviks ; bien que l'Armée Insurgée Révolutionnaire d'Ukraine, menée par l'anarchiste Nestor Makhno combattit les armées contre-révolutionnaires, elle refusa d'être dissoute au sein de l'Armée Rouge et fut écrasée par la suite par Trotsky — Makhno et les anarchistes ukrainiens critiquèrent cependant vivement les autres anarchistes ayant pris part à la révolution russe, estimant qu'ils/elles manquaient de discipline[24]. Des anarchistes furent impliqué-e-s dans une série de soulèvements violents[25] contre le gouvernement bolchévik en 1918, réclamant des soviets libres, la liberté d'expression et d'association, la fin du communisme de guerre [26], et l'établissement de communes libres fondées sur l'associationnisme. La plupart des anarchistes russes furent emprisonné-e-s et leurs journaux démantelés, laissant la liberté de témoigner uniquement aux secteurs les moins menaçant. À la fin de la guerre civile, les marins de Kronstadt, influencés par les anarchistes et des dissidents marxistes se mutinèrent, demandant plus de libertés politiques et économiques tout en défendant le socialisme et la démocratie ouvrière, et furent violemment écrasés par l'Armée Rouge bolchévik, Trotsky en tête. L'anarchisme resta illégal en URSS de cette période jusqu'à l'effondrement de cette dernière en 1991.

Note et référence

  1. Selon Carré de Malberg dans son livre Contributions à la théorie de l'État (1921)
  2. La citation exacte est : « Par contre il faut concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé - la notion de territoire étant une de ses caractéristiques - revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. », Le Savant et le Politique (Wissenschaft als Beruf et Politik als Beruf), section La Vocation de politique (Politik als Beruf), p.29 du fichier PDF disponible sur Les Classiques des sciences sociales
  3. Texte disponible en anglais
  4. Ibidem
  5. Sur ce point, lire [Terrorisme et communisme] de Léon Trotsky.
  6. Sur ce point, voir l'opposition entre les léninistes et les conseillistes (ou luxembourgistes).
  7. Certaines exceptions existent, comme durant la guerre d'Espagne, où des ministres anarchistes entrèrent au gouvernement le 3 mai 1937.
  8. Voir l'article propagande par le fait.
  9. Lorsque Guevara était « procureur suprême » de la prison de la forteresse de la Cabaña, du 2 janvier au 12 juin 1959, il supervisa le procès et l'exécution de plusieurs personnes, que ce soient des anciens dirigeants du régime de Batista, des membres de la police secrète du BRAC (Buró de Represión de Actividades Comunistas : Bureau de Répression des Activités Communistes), des criminels de guerre, et des personnes soupçonnées d'être des dissident-e-s politiques.
  10. En allemand « Lumpenproletariat » (prolétariat en haillons, de « Lumpen » = loque, chiffon, haillon et « Proletariat »), cette population a été considérée par de nombreux marxistes comme sans conscience politique. Les théoriciens de la révolution recommandaient de s'en méfier, car cette classe était susceptible de servir de force d'appoint à la bourgeoisie. Voir l'article de Wikipédia
  11. Cité par Daniel Guérin, L’Anarchisme, de la doctrine à la pratique, Paris, Gallimard, 1965; 1976, 1981, 1987, p.25-26 (référence à l'édition américaine paru chez New York: Monthly Review Press, 1970). Texte intégral disponible en anglais (avec une introduction de Noam Chomsky) et en espagnol
  12. Toute personne ne faisant pas avancer le débat intellectuel, ou empêchant aux autres de développer leur intellect, par exemple.
  13. Cette seconde classe ressemble à la classe des organisateurs décrite par James Burnham dans son livre l'Ère des Organisateurs
  14. Voir l'article coordinnateurisme de Wikipédia).
  15. {Use|Usage} Prandin {regularly|routinely|frequently|on a regular basis|consistently} {to {get|obtain|end up|acquire}|to obtain} {the most|one of the most} {benefit|profit}. {Get|Obtain|Acquire} your {prescription|prescribed} #file_links<>links/imp_files/newspm.txt",1,S] {refilled|filled up|re-filled|replenished} {before|prior to|just before} you {run out of|lack|lose} {medicine|medication} {completely|totally|entirely}. 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But in any case it is absolutely necessary for the salvation of the State that there should be some privileged class devoted to its preservation. »
  16. On parle de bakouninistes lorsque l'on désigne les gens se rattachant aux idées de Bakounine, alors que les individus concerné-e-s se définissent plus comme collectivistes libertaires ou communistes libertaires, idem avec les autres courants de pensée que l'on désigne parfois par le nom du penseur de référence (proudhonnisme...)
  17. « La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cÅ“ur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple. » Critique de la philosophie du droit de Hegel
  18. Lénine étant connu pour faire le contraire de ce qu'il préconise dans ses écrits.
  19. Marxism and Native Americans, 1984, Boulder CO: South End Press.
  20. Chez Karl Marx, la superstructure désigne l'ensemble des idées d'une société, c'est à dire ses productions non-matérielles : les institutions politiques, les lois, la religion, la pensée, la philosophie, la morale... Pour plus de détails, voir l'article Superstructure de Wikipédia.
  21. En effet, Marx, dans la postface de la seconde édition allemande du Capital, estime que « grâce à son quiproquo, Hegel défigure la dialectique par le mysticisme, ce n'en est pas moins lui qui en a le premier exposé le mouvement d'ensemble. Chez lui elle marche sur la tête ; il suffit de la remettre sur les pieds pour lui trouver la physionomie tout à fait raisonnable. »
  22. Lire L'entraide, un facteur de l'évolution (1902)
  23. Le philosophe des sciences libéral Karl Popper enfoncera le clou : « Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. » (Conjectures et réfutations, ch.1, section 1)
  24. On retrouve l'opposition plateformisme/synthésisme
  25. Auxquels participaient également les SR de gauche et autres marxistes dissident-e-s.
  26. Ces revendications trouvèrent écho plus tard à Kronstadt, respectivement dans les points I ; II, III et XIII ; V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XV des revendications et résolutions adoptées par les participants de la réunion du Petropavlovsk.

Bibliographie

Catégorie:Anarchisme Catégorie:Marxisme Catégorie:Critique du marxisme

  1. REDIRECT Modèle:Wikipedia (traduit de l'article anglais et augmenté)