Giliana Berneri

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Giliana Berneri, aussi connue sous son nom francisé Giliane Berneri, (Florence, 3 octobre 1919 - Paris, 19 juillet 1998), est une anarchiste d'origine italienne, fille de Camillo Berneri et de Giovanna Caleffi et sœur de Marie Louise Berneri. Elle a eu deux enfants avec Jean Senninger, Hélène Senninger, née en 1950, et Franck Senninger né en 1955, écrivain et docteur en médecine.

Biographie[edit]

Giliana Berneri avec sa mère Giovanna Caleffi (au centre et à sa droite) et sa sœur Marie Louise.

Giliana Berneri naît à Florence le 3 octobre 1919. Elle est la fille de Giovanna Caleffi et de Camillo Berneri et la sœur de Marie Louise, trois figures importantes de l'anarchisme italien et européen en général.

Les persécutions fascistes et l'exil en France[edit]

En 1926, les persécutions fascistes deviennent de plus en plus fréquentes, et Camillo Berneri, persécuté par le régime à causes de ses idées, est contraint de fuir en France, où il est rejoint par sa femme, Giovanna Caleffi et ses deux filles, Marie Louise et Giliana. Petit à petit, toute la famille s'installe à Saint-Maure-des-Fossés (Val-de-Marne). Là-bas, en 1933, Giovanna ouvre une droguerie (au 20 rue de Terre-Neuve), qui servira un temps de refuge sûr pour les anarchistes fugitifs italiens, qui permet à la famille de survivre financièrement. Grâce à cette petite activité, les deux filles Berneri réussissent à étudier et à rester actives culturellement parlant.

En juillet 1936, son père part pour la Catalogne, en Espagne, pour participer à la Révolution espagnole qu'ils suivent avec intérêt. L'intention de Camillo Berneri est de constituer une colonne italienne. L'OVRA (Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell'Antifascismo, Organisation de vigilance et de répression de l'antifascisme, la police secrète du régime fasciste italien de Mussolini) signale Giliana comme une activiste engagée dans la levée de fonds pour les révolutionnaires espagnols dans la volonté d'un fuoriuscitismo[1] antifasciste italien (en collaborant avec Giustizia e Libertà[2]). La mort de Camillo le 5 mai 1937 est un bouleversement dramatique dans la vie de Giliana et de Marie Louise et de leur mère Giovanna. Mais la douleur est plus intense pour Giliana qui doit être internée dans la clinique Les Ormeaux de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie).

Se remettant de la douleur, Giliana s'emploie en 1939 à libérer Ernesto Bonomini, un anarchiste détenu dans le camp d'internement de Rieucros, à Mende (Lozère), qu'elle aide à fuir aux USA. La même année, elle est signalée dans la Rubrica di frontiera (Rubrique des frontières) comme « anarchiste à arrêter. »

L'après-guerre[edit]

Camillo Berneri, le père de Giliana.

Une fois la terrible dictature fasciste et la guerre terminées, Giliana, sa mère et le nouveau compagnon de celle-ci Cesare Zaccaria participent à Carrare (Toscane), du 15 au 19 septembre 1945, au congrès constitutif de la Fédération Anarchiste Italienne (Federazione Anarchica Italiana) [3].

Giliana participe au renouveau du mouvement anarchiste français dans les années 40 et 50, estimée et considérée par tous ses camarades non seulement pour nom de famille, mais par dessus tout pour sa capacité dialectique et son ton posé et rassurant. Giliana refuse un poste au sein du mouvement pour faire partie activement du "Groupe Ve arrondissement", qui deviendra ensuite "Groupe Sacco et Vanzetti puis finalement "Groupe Kronstadt".

Au même moment, en 1946, Giliana est diplômée de médecine à Paris, d'abord spécialisée en pédiatrie puis en psychanalyse, et exercera la profession de médecin jusqu'en 1989. D'une certaine façon, Giliana réalisa ce qu'était si intéressant pour son père, en mettant en avant une vision et une tradition proprement familiale :

« Je n'ai pas étudié la médecine par un concours de circonstances qui m'en a empêché, mais toute ma culture, qui est plus médicale qu'on ne l'imagine, est biologique, physiologique et psychiatrique. (Depuis des années j'étudie la psychologie anormale.) Cet intérêt de la médecine est aussi une tradition familiale. Mon arrière-grand-père, mon grand-père, mon oncle et ma cousine sont médecins : quatre générations, donc. »

Camillo Berneri à Niccolò Converti.[4]


Malgré la fin du régime fasciste, la police "démocratique" italienne continue de suivre les mouvements de Giliana : en 1948, malgré qu'elle ait déjà acquis la nationalité française, son fichier indique : « n'a pas donné plus de nouvelles et présumée se trouver à l'étranger. »

Après la mort prématurée de sa sÅ“ur Marie Louise, survenue en 1949, Giliana s'emploie pendant un certain temps avec sa mère à la constitution et la gestion de ce qui sera appelée la « Communauté Maria Luisa Berneri », une colonie de vacances d'été pour les enfants d'anarchistes de toutes nationalités, créée en souvenir de Marie Louise.

Le 11 mars 1950, après cinq années de concubinage, elle épouse Jean Senninger (aussi connu sous le nom de Serge Ninn), un ex-communiste converti à l'anarchisme en 1944 à l'occasion d'une participation à une conférence anarchiste de War Commentary (Commentaires de guerre, un journal antimilitariste britannique fondé par Marie Louise Berneri entre autres), tenue à Londres par Freedom Press, où il rencontre Marie Louise à quelques occasions, laquelle lui présente ensuite Giliana à Paris. Il fait partie du Comité National en tant que secrétaire général du Bureau de Propagande. De leur union naitront Hélène en 1950 et Franck en 1955.

Les conflits internes dans l'anarchisme français[edit]

En France, elle participe à de nombreuses initiatives et conférences avec plusieurs intellectuels et artistes, parmi lesquels Albert Camus et Georges Brassens, et collabore au journal Le Libertaire (fondé par Louise Michel et Sébastien Faure en 1895, organe de la Fédération Anarchiste à partir de 1944, puis de la Fédération Communiste Libertaire à partir de 1953).

Giliana, avec Georges Fontenis, participe en 1950 à la fondation, au sein de la Fédération Anarchiste, de la fraction Organisation Pensée Bataille, dans le but de se souvenir du travail de Camillo Berneri. Ensemble, ils partagent l'idée que les anarchistes peuvent facilement nouer des relations avec plus authentiques du mouvement communiste, en refusant l'autoritarisme stalinien.

Au congrès de la Fédération Anarchiste (du 23 au 25 mai 1953), la dérive autoritaire entraîne une fracture interne et la naissance de la Fédération Communiste Libertaire. Les cinq membres, dont Giliana, du "Groupe Kronstadt" qui s'alignent autant sur les positions de la Fédération Anarchiste que sur celles de l'Organisation Pensée Bataille sont expulsés de ce deux groupes. Giliana pense que tout cela n'est rien qu'une manœuvre pour substituer à la pensée de son père celle de Georges Fontenis. Le groupe publiera ainsi en 1954 un document appelé Mémorandum du groupe Kronstadt qui dénonce les pratiques anti-anarchistes de l'Organisation Pensée Bataille et de la Fédération Communiste Libertaire.

La fin du militantisme anarchiste[edit]

Profondément désillusionnée par autant d'intrigues au sein du mouvement anarchiste français, Giliana continue de militer pour le "Groupe Kronstadt" jusqu'à son transfert à Montreuil-sous-Bois, puis décide d'abandonner définitivement l'activisme anarchiste.

Giliana à maintenir des rapports épistolaires avec un groupe restreint d'amis et de camarades. En 1962, la mort de sa mère l'atteint profondément et cette douleur va s'ajouter à celles subies lors de la mort de son père et de sa sœur. À ce moment, elle décide de léguer toute la documentation en sa possession (fruit de l'héritage de son père et de sa mère) à Aurelio Chessa qui peu à peu constitue l'importante Archive Chessa-Berneri[5].

Elle meurt le 19 juillet 1998 à Paris d'une grave maladie. Elle repose au cimetière de Saint-Laurent-Nouan (Loir-et-Cher).

Anecdote[edit]

À la première conférence anarchiste d'après-guerre, à Paris en 1948, les délégations française, italienne et britannique contenaient chacune un membre de la famille Berneri : Giliana représentait la France, sa sÅ“ur Marie Louise la Grande-Bretagne et sa mère Giovanna l'Italie.

Bibliographie[edit]

  • Berneri Giliana, in Dizionario Biografico degli Anarchici Italiani, I, Pise, BFS 2003.
  • Fiamma Chessa, Le donne di casa Berneri, BAP, n.12, 1999.

Voir aussi[edit]

Liens externes[edit]

Liens internes[edit]

Notes et références[edit]

  1. Terme italien que l'on pourrait traduire par exilisme politique et qui désigne un ensemble d'activités et d'initiatives pratiquées par les exilé(e)s politiques qui donnent vie à une opposition au gouvernement qui les a banni.
  2. En français Justice et Liberté, mouvement politique italien créé à Paris en 1929 par un groupe d'exilés antifascistes.
  3. (it) Archive de la FAI.
  4. « Non ho studiato medicina per un complesso di circostanze che me lo ha impedito, ma quasi tutta la mia cultura, che è più medica di quella che immagini, è biologica, fisiologica e psichiatrica. (Da anni sto studiando problemi di psicologia anormale). Quella della medicina è anche una tradizione di famiglia. Mio bisnonno, mio nonno, mio zio e una mia cugina sono stati e sono medici: quattro generazioni, dunque. »
    (it) "CentroStudiLibertari", bulletin n° 12.
  5. (it) Archives Berneri-Chessa.