FAQAnar:A.1.4 - Les Anarchistes sont-ils socialistes ?
Catégorie:Qu'est ce que l'Anarchisme? Oui. Toutes les branches de l'anarchisme sont opposées au capitalisme, parce que le capitalisme est basé sur l'oppression et l'exploitation (voir les sections B et C). Les anarchistes rejettent la "notion que les hommes ne peuvent pas travailler ensemble sans qu'il y ait un chef qui prenne un pourcentage de leur produit" et pensent que dans une société anarchiste "les vrais travailleurs se géreront eux-mêmes, décideront de quand, où et comment les choses devraient être faites." Par là même, les travailleurs seront libérés "du terrible esclavage du capitalisme."[1]
(Nous devons souligner ici que les anarchistes sont opposés à toutes formes économiques basées sur la domination et l'exploitation, y compris le féodalisme, le "socialisme" à la sauce Soviet - mieux nommé "capitalisme d'État" -, esclavage etc. Nous nous concentrons sur le capitalisme, parce que c'est ce qui domine le monde actuellement).
Les individualistes comme Benjamin Tucker avec des anarchistes sociaux comme Proudhon et Bakounine se disaient "socialistes". Ils le faisaient, parce que, comme le disait Kropotkine dans son essai classique _"Modern Science and Anarchism"_, "[aussi] longtemps que le Socialisme était compris dans son sens global, générique, et vrai - comme un effort pour abolir l'exploitation du travail par le capital - les Anarchistes marchaient main dans la main avec les Socialistes de ce temps." [2] Ou, selon les termes de Tucker, "la revendication de fond du socialisme [est] que le travail doit être en possession de son propriétaire", une revendication sur laquelle "les deux écoles du Socialisme à travers [...] le socialisme d'état et l'anarchisme" sont d'accord.[3] De là , le mot "socialiste" était originellement défini pour inclure "tout ceux qui croyaient dans le droit individuel de posséder ce qu'il ou elle produisait"[4] Cette opposition à l'exploitation (ou usure) est partagée par tous les vrais anarchistes et les place sous la bannière socialiste.
Pour la plupart des socialistes, "la seule garantie de ne pas se faire voler le fruit de son travail est de posséder son instrument de travail."[5] Pour ces raisons Proudhon, par exemple, supportait les coopératives de travailleur, où "chaque employé dans l'association [...] possède une partie indivisible de la propriété de la compagnie" parce que par "la participation dans les pertes et les gains [...] la force collective cesse de devenir une source de profit pour un petit nombre de managers : cela devient la propriété de tous les travailleurs."[6]
Ainsi, en plus du désir d'abolir l'exploitation du travail par le capital, les vrais socialistes veulent une société dans laquelle les producteurs possèdent et contrôlent les moyens de production (en incluant, il faut le souligner, lieu de travail qui fournissent des services). Les moyens par lesquels les producteurs feront cela sont un sujet de discussion dans les cercles anarchistes et socialistes, mais c'est un désir commun. Les anarchistes préfèrent le contrôle direct par les travailleurs et la propriété par des associations de travailleurs ou par la commune (voir la section A.3 sur les différents types d'anarchistes).
De plus, les anarchistes rejettent aussi le capitalisme puisqu'il est aussi autoritaire qu'exploiteur. Dans un système capitaliste, les ouvriers ne contrôlent ni leur place dans le processus de production ni le produit de leur travail. Un telle situation n'est pas basée sur une liberté équivalente pour tous, et ne peut qu'être exploitante, c'est pourquoi les anarchistes s'y opposent. Cette vision est mieux explicitée dans le travail de Proudhon (qui a inspiré Tucker et Bakounine) où il montre que l'anarchisme verrait "L'exploitation capitaliste et propriétaire partout arrêtée [et] le salariat aboli" pour qu"où le travailleur (...) sera simplement le salarié du propriétaire-capitaliste-entrepreneur ; ou bien auquel il participera (...) Dans le premier cas le travailleur est subalternisé, exploité ; sa condition perpétuelle est l'obéissance (...) Dans le second cas, il reprend sa dignité d'homme et de citoyen (...) il fait partie de l'organisation de production, dont il n'était auparavant que l'esclave (...) nous n'avons point à hésiter, car nous n'avons pas le choix. (...) il y a nécessité de former entre les travailleurs de cette industrie une ASSOCIATION, puisque sans cela ils resteraient les uns par rapport aux autres subalternes et supérieurs, et qu'il y aurait ainsi, du fait de l'industrie, deux castes, celle des maîtres et celle des salariés : chose qui répugne dans une société libre et démocratique" [7]
C'est pour cela que tous les anarchistes sont anti-capitalistes ("Si le travail possédait toute la richesse qu'il a produit, il n'y aurait pas de capitalisme"[8]). Benjamin Tucker, par exemple - l'anarchiste le plus influencé par le libéralisme (nous y reviendrons plus tard) - appelait ses idées "Anarcho-socialisme" et dénonçait le capitalisme comme un système basé sur "l'usure, la réception des intérêts, la rente et le profit." Tucker pensait que dans une société anarchiste, non-capitaliste, et de libre marché, les capitalistes deviendraient redondants et que l'exploitation du travail par le capital cesserait, puisque "le travail [...] assurera des salaires naturels, l'ensemble de son produit."[9] Une telle économie serait basée sur la banque mutuelle et le libre échange des produits entre les coopératives, les artisans et les paysans. Pour Tucker, et d'autre anarchistes individualistes, le capitalisme n'est pas un vrai marché libre, puisque des lois diverses et variées et des monopoles assurent aux capitalistes un avantage sur la classe ouvrière, donc leur exploitation future via le profit, les intérêts et les prêts (voir section G pour plus de détails). Même Max Stirner, l'ultra-égoïste, n'avait rien d'autre que du mépris pour la société capitaliste et ses divers "fantômes", ce qui pour lui signifie que les idées sont considérées comme sacrées ou religieuses, telles que la propriété privée, la concurrence, la division du travail, et ainsi de suite.
Ainsi les anarchistes se considèrent comme socialistes, mais socialistes d'une certaine sorte - socialistes libertaires. Ainsi que l'anarchiste individualiste Joseph A. Labadie le disait (faisant écho à Tucker et Bakounine) :
« On dit que l'anarchisme n'est pas le socialisme. C'est une erreur. L'anarchisme est du socialisme volontaire. Il y a deux sortes de socialisme, archiste et anarchiste, autoritaire et libertaire, étatique et libre. En fait, toutes les propositions d'amélioration sociale reviennent soit à augmenter soit à diminuer les pouvoirs des volontés et forces extérieures [qui s'exercent] sur l'individu. Lorsqu'elles les augmentent elles sont archistes ; Lorsqu'elles les baissent elles sont anarchistes. »[10]
Labadie a noté à plusieurs occasions que "tous les anarchistes sont socialistes, mais que tous les socialistes ne sont pas anarchistes." Par conséquent, l'observation de Daniel Guérin que "l'anarchisme est réellement un synonyme de socialisme. L'anarchiste est avant tout un socialiste dont le but est d'abolir l'exploitation de l'homme par l'homme" trouve un écho dans toute l'histoire du mouvement anarchiste, qu'elle soit sociale ou individualiste.[11] En effet, Adolph Fischer (le Martyr de Haymarket) utilisait aussi exactement les mêmes mots que Labadie pour exprimer le même fait -- "tout anarchiste est socialiste, mais tout socialiste n'est pas nécessairement un anarchiste" -- Tout en reconnaissant que le mouvement était "divisé en deux factions, les communistes anarchistes et Proudhon ou la classe moyenne anarchiste."[12]
Alors, que les socialistes et individualistes anarchistes sont en désaccord sur de nombreuses questions - par exemple, si un marché libre véritable, c'est-à -dire non capitaliste, serait le meilleur moyen de maximiser la liberté - ils conviennent que le capitalisme doit être combattu en tant qu'exploitation et oppression, et qu'une société anarchiste doit, par définition, être fondée sur l'association, et non le travail salarié. Seuls les travailleurs associés "diminueront les pouvoirs des volontés et des forces extérieures sur l'individu" durant les heures de travail, et par exemple, l'auto-gestion du travail, par les travailleurs eux mêmes, est le cœur idéal du socialisme réel. Cette perspective peut être vue quand Joseph Labadie notait que le syndicat était "L'exemplarité dans le gain en liberté par association" et que "Sans cette association, le travailleur est beaucoup plus esclave de son employeur qu'il n'est avec [le syndicat]".[13]
Cependant, les significations des mots changent avec le temps. Aujourd'hui, le "socialisme" fait presque toujours référence au socialisme d'état, un système auxquels tous les anarchistes se sont opposés comme un déni à la liberté et aux véritables idéaux socialistes. Tous les anarchistes seraient d'accord avec la déclaration de Noam Chomsky sur cette question :
« Si la gauche est comprise en incluant le "Bolchevisme", alors je me dissocie totalement de la gauche. Lénine fut l'un des plus grands ennemis du socialisme. »[14]
L'Anarchisme s'est développé en constante opposition aux idées du Marxisme, de la social democratie et du Léninisme. Longtemps avant que Lénine accède au pouvoir, Michel Bakounine avertissait les partisans de Marx contre la "Bureaucratie rouge" qui instituerait "Le pire de tous les gouvernements despotiques" si les idées d'État socialiste de Marx étaient mises en œuvre. En effet, les œuvres de Stirner, Proudhon et tout particulièrement Bakounine prédisent l'horreur de l'état-socialiste avec une grande exactitude. En outre, les anarchistes ont été parmi les premiers et les plus critiques et en opposition au régime bolchévique en Russie.
Néanmoins, étant socialistes, les anarchistes partagent quelques idées avec certains marxistes (Mais aucune avec les léninistes). Autant Bakounine et Tucker ont accepté l'analyse de Marx et la critique du capitalisme, ainsi que sa théorie de la valeur travail (voir la section C). Marx lui-même a été fortement influencé par le livre de Max Stirner "L'unique et sa propriété", qui contient une brillante critique de ce que Marx a appelé le communisme "vulgaire" ainsi que le socialisme d'État. Il y a eu aussi des éléments du mouvement marxiste tenant des vues très similaires à l'anarchisme social (particulièrement la branche anarcho-syndicaliste de l'anarchisme social) -- par exemple, Anton Pannekoek, Rosa Luxembourg, Paul Mattick et d'autres, qui sont très loin de Lénine. Karl Korsch et d'autres ont écrit avec bienveillance sur la révolution anarchiste en Espagne. Il y a beaucoup de continuités de Marx à Lénine, mais il y a aussi des continuités de Marx vers des "marxistes" libertaires(communistes de conseils???), qui ont été sévèrement critiques à l'égard de Lénine et du bolchévisme et dont les idées se rapprochent du désir de la libre association d'égaux de l'anarchisme.
Donc, l'anarchisme est à la base une forme de socialisme, celui qui est l'opposé de ce qui est habituellement défini comme étant le "socialisme" (e.g., le contrôle et la propriété d'État). Au lieu de la "planification centralisée", dont beaucoup de gens associent le mot "socialisme", les anarchistes prônent la libre association et la coopération entre individus, les communautés et les lieux de travail et ainsi s'opposent au socialisme d'État comme étant une forme de capitalisme d'État dans lequel "tous les hommes [et femmes] seront récepteurs d'un salaire, et l'État l'unique payeur du salaire."[15] Ces anarchistes rejettent le marxisme (Ce que la plupart des gens pensent être le "socialisme") comme juste "l'idée de l'État comme capitaliste, à laquelle les sociaux-démocrates de la grande fraction du Parti socialiste tentent maintenant de réduire le socialisme." [16] L'objection anarchiste sur l'identification du marxisme, "Planification centralisée" et socialisme/capitalisme d'État avec le socialisme sera examinée dans la section H.
C'est du fait de ces différences avec les socialistes d'État, et pour réduire la confusion, que beaucoup d'anarchistes s'appellent "anarchistes", comme il est tenu pour acquis que les anarchistes sont socialistes. Toutefois, avec l'avènement de la soi-disant droite «libertaire» aux États-Unis, certains pro-capitalistes ont pris l'habitude de s'appeler "anarchistes", et c'est pourquoi nous avons travaillé un peu le point ici. Historiquement, et logiquement, l'anarchisme implique l'anti-capitalisme, c'est-à -dire le socialisme, ce qui est quelque chose, que nous tenons à souligner, que tous les anarchistes ont convenu (Pour de plus amples discussions du pourquoi l'"anarcho"-capitalisme n'est pas anarchiste voir la section F).
Notes et références[edit]
- ↑ Voltairine de Cleyre, "Anarchism", Exquisite Rebel, p.75 and p.79
- ↑ Evolution and Environment, p.81
- ↑ The Anarchist Reader, p.144
- ↑ Lance Klafta "Ayn Rand and the Perversion of Libertarianism", in Anarchy : A journal of Desire Armed, no. 34
- ↑ Peter Kropotkine, The Conquest of Bread, p.145
- ↑ The General Idea of the Revolution, p.222 et 223
- ↑ Op. Cit., p. 233 and pp. 215-216
- ↑ Alexander Berkman, What is Anarchism?, p. 44
- ↑ The Individualist Anarchists, p.82 et p.85
- ↑ Anarchism: What It Is and What It Is Not
- ↑ Anarchism, p. 12
- ↑ The Autobiographies of the Haymarket Martyrs, p. 81
- ↑ Different Phases of the Labour Question
- ↑ Marxism, Anarchism, and Alternative Futures, p. 779
- ↑ Benjamin Tucker, The Individualist Anarchists, p. 81
- ↑ Peter Kropotkin, The Great French Revolution, vol. 1, p. 31
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