Difference between revisions of "FAQAnar:A.2.15 - Que dites-vous de la nature humaine ?"

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L'anarchisme, bien loin d'ignorer la « nature humaine », est la seule théorie politique qui donne à ce concept la plus profonde réflexion. Trop souvent, la « nature humaine » est lancée comme dernière ligne de défense contre l'anarchisme, car on pense que les anarchistes ne peuvent répliquer. Cependant, ce n'est pas le cas.
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L'anarchisme, bien loin d'ignorer la « '''nature humaine''' », est la seule théorie politique qui donne à ce concept la plus profonde réflexion. Trop souvent, la « nature humaine » est lancée comme dernière ligne de défense contre l'anarchisme, car on pense que les anarchistes ne peuvent répliquer. Cependant, ce n'est pas le cas.
  
 
Avant tout, la « nature humaine » est un concept complexe. Si, par « nature humaine », on veut signifier « ce que les humains font », il est alors évident que la nature humaine est contradictoire — amour et haine, compassion et absence de pitié, paix et violence, ainsi de suite — ces sentiments ou états ont toujours été exprimés ou ressentis par les êtres humains et sont donc tous des produits de la « nature humaine ». Bien sûr, cette « nature humaine » peut changer avec les évolutions sociales. Par exemple, l'esclavage a été considéré comme une part de la « nature humaine » et « normal » pendant des milliers d'années. L'homosexualité était parfaitement normale pour les Grecs anciens mais l'Église chrétienne l'a par la suite condamnée. La guerre n'est devenue une partie de la « nature humaine » qu'une fois que les États se furent développés. Comme l'explique [[Noam Chomsky]] :
 
Avant tout, la « nature humaine » est un concept complexe. Si, par « nature humaine », on veut signifier « ce que les humains font », il est alors évident que la nature humaine est contradictoire — amour et haine, compassion et absence de pitié, paix et violence, ainsi de suite — ces sentiments ou états ont toujours été exprimés ou ressentis par les êtres humains et sont donc tous des produits de la « nature humaine ». Bien sûr, cette « nature humaine » peut changer avec les évolutions sociales. Par exemple, l'esclavage a été considéré comme une part de la « nature humaine » et « normal » pendant des milliers d'années. L'homosexualité était parfaitement normale pour les Grecs anciens mais l'Église chrétienne l'a par la suite condamnée. La guerre n'est devenue une partie de la « nature humaine » qu'une fois que les États se furent développés. Comme l'explique [[Noam Chomsky]] :
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« Si nos institutions faisaient de l'avidité la seule propriété des êtres humains et encourageaient la pure avidité aux dépends des autres émotions et engagements humains, nous aurions une société basée sur l'avidité, avec tout ce qui s'ensuit. Une société différente pourrait être organisée de telle manière que d'autres sortes de sentiments et d'émotions, par exemple, au hasard, la solidarité, le soutien, la sympathie deviennent dominants. Ainsi vous obtiendriez différents aspects de la nature humaine et de la personnalité qui se révéleraient. »<ref>[[Noam Chomsky]], ''Chronicles of Dissent'', p. 158.</ref>
 
« Si nos institutions faisaient de l'avidité la seule propriété des êtres humains et encourageaient la pure avidité aux dépends des autres émotions et engagements humains, nous aurions une société basée sur l'avidité, avec tout ce qui s'ensuit. Une société différente pourrait être organisée de telle manière que d'autres sortes de sentiments et d'émotions, par exemple, au hasard, la solidarité, le soutien, la sympathie deviennent dominants. Ainsi vous obtiendriez différents aspects de la nature humaine et de la personnalité qui se révéleraient. »<ref>[[Noam Chomsky]], ''Chronicles of Dissent'', p. 158.</ref>
  
Donc l'environnement joue un rôle primordial dans la définition de la « nature humaine », de cla façon dont elle se développe et de ses aspects qui s'expriment. En réalité, un des mythes les plus tenaces à propos de l'anarchisme est que nous pensons que la nature humaine est fondamentalement bonne. En fait, nous pensons plutôt que la nature humaine est fondamentalement sociable. Comment elle se développe et s'exprime dépend du type de société dans laquelle nous vivons et que nous créons. Une société hiérarchique façonnera les gens détestablement et produit une « nature humaine » radicalement différente de celle produite par une société libertaire. Donc, « quand nous entendons des hommes [et des femmes] dirent que les Anarchistes s'imaginent les hommes [et les femmes] d'une bien meilleure façon qu'ils [ou elles] le sont en réalité, nous nous demandons simplement comment des gens si intelligents peuvent répéter ces absurdités. Ne disons-nous pas continuellement que la seule façon de rendre les hommes [et les femmes] moins rapaces, moins égoïstes, moins ambitieux et moins serviles en même temps est d'éliminer ces conditions qui favorisent l'expansion de l'égoïsme et de la rapcité, de la servilité et de l'ambition ? »<ref>[[Piotr Kropotkine]], ''Act for Yourselves'', in ''[[Freedom]]'', p. 83.</ref>
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Donc l'environnement joue un rôle primordial dans la définition de la « nature humaine », de la façon dont elle se développe et de ses aspects qui s'expriment. En réalité, un des mythes les plus tenaces à propos de l'anarchisme est que nous pensons que la nature humaine est fondamentalement ''bonne''. En fait, nous pensons plutôt que la nature humaine est fondamentalement ''sociable''. Comment elle se développe et s'exprime dépend du type de société dans laquelle nous vivons et que nous créons. Une société [[hiérarchie|hiérarchique]] façonnera les gens détestables et produit une « nature humaine » radicalement différente de celle produite par une société libertaire. Donc, « quand nous entendons des hommes [et des femmes] dirent que les Anarchistes s'imaginent les hommes [et les femmes] d'une bien meilleure façon qu'ils [ou elles] le sont en réalité, nous nous demandons simplement comment des gens si intelligents peuvent répéter ces absurdités. Ne disons-nous pas continuellement que la seule façon de rendre les hommes [et les femmes] moins rapaces, moins égoïstes, moins ambitieux et moins serviles en même temps est d'éliminer ces conditions qui favorisent l'expansion de l'égoïsme et de la rapacité, de la servilité et de l'ambition ? »<ref>[[Piotr Kropotkine]], ''Act for Yourselves'', in ''[[Freedom]]'', p. 83.</ref>
  
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Ainsi, l'utilisation de la « nature humaine » comme argument contre l'anarchisme est superficiel et, finalement, rien de plus qu'une esquive. C'est une excuse pour ne pas penser. « Chaque idiot », comme le dit [[Emma Goldman]], « du roi au policier, de l'ecclésiastique qui aurait pris la grosse tête au dilettante en sciences, croit pouvoir parler avec autorité de la nature humaine. Plus il se rapproche du charlatan mental, plus son insistance sur la pourriture et la faiblesse de la nature humaine est grande. Pourtant, comment peut-on parler de cela aujourd'hui, quand chaque âme est en prison, quand chaque cœur est enchainé, blessé et mutilé ? » Changeons de société, créons un meilleur environnement social et après nous pourrons juger ce qui est produit nos natures et ce qui est produit par le système autoritaire. Pour cette raison, l'anarchisme « se dresse pour la libération de l'esprit humain du dominion de la religion ; la libération du corps humain du dominion de la propriété ; la libération des fers et des restrictions du gouvernement. » Pour « la liberté, le développement, l'occasion, et, au-dessus de tout, la paix et le repos, seuls peuvent nous apprendre les vrais facteurs dominants de la nature humaine et toutes ses merveilleuses possibilités. »<ref>[[Emma Goldman]], ''Red Emma Speaks'' (Emma la rouge parle), p. 73.</ref>
  
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Cela ne veut pas dire que les êtres humains sont infiniment plastiques. Aucun individu ne naît avec l'esprit comme une ''table rase''<ref>Ou ''Tabula rasa'', concept notamment développé par le philosophe anglais [[John Locke]] ([[1632]]-[[1704]]), en particulier dans son ouvrage ''[[Essai sur l'entendement humain]]'' : l'esprit naît vierge et toute connaissance vient de l'expérience. Ce concept fut très critiqué par le philosophe allemand [[Emmanuel Kant]] ([[1724]]-[[1804]]) qui prouve l'existence nécessaire de connaissances ''a priori'' dans son ouvrage ''[[Critique de la raison pure]]''.</ref> (état vierge) en attendant d'être formé par la société. Comme le montre Noam Chomky : « Je ne pense pas qu'il soit possible de donner un crédit rationnel au concept d'aliénation par le travail sur cette hypothèse [que la nature humaine n'est rien d'autre qu'un produit historique], ni qu'il soit possible de produire quelque chose comme une justification morale à son implication dans certains changements sociaux, sauf sur la base d'hypothèses à propos de la nature humaine et sur comment des modifications de la structure de la société la rendraient plus adaptée à certains de nos besoins fondamentaux qui font partie de notre nature essentielle. »<ref>Noam Chomsky, ''Language and Politics'' (Langage et Poitique), p. 215.</ref> Nous ne voulons pas entrer dans le débat sur les caractéristiques humaines qui sont ou non « innées ». Tout ce que nous diront est que les êtres humains ont la capacité innée de penser et d'apprendre — ce qui est évident, d'après nous — et que les humains sont des créatures sociales, qui ont besoin de la compagnie d'autrui pour se sentir complètes et pour prospérer. De plus, ils ont la capacité de reconnaître et de s'opposer à l'injustice et à l'oppression. D'ailleurs, [[Michel Bakounine]] confie à l'être humain « deux facultés précieuses : la faculté de penser et la faculté, le besoin de se révolter. »<ref>[[Michel Bakounine]], ''[[Dieu et l'Etat|Dieu et l'État]]'', p. 9.</ref>
  
As such, the use of "human nature" as an argument against anarchism is simply superficial and, ultimately, an evasion. It is an excuse not to think. "Every fool," as Emma Goldman put it, "from king to policemen, from the flatheaded parson to the visionless dabbler in science, presumes to speak authoritatively of human nature. The greater the mental charlatan, the more definite his insistence on the wickedness and weakness of human nature. Yet how can any one speak of it to-day, with every soul in prison, with every heart fettered, wounded, and maimed?" Change society, create a better social environment and then we can judge what is a product of our natures and what is the product of an authoritarian system. For this reason, anarchism "stands for the liberation of the human mind from the dominion of religion; the liberation of the human body from the dominion of property; liberation from the shackles and restraint of government." For "[f]reedom, expansion, opportunity, and above all, peace and repose, alone can teach us the real dominant factors of human nature and all its wonderful possibilities." [Red Emma Speaks, p. 73]
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Ces trois aspects suggèrent, à notre avis, la viabilité d'une société anarchiste. La capacité innée de penser par soi-même rend automatiquement toute forme de hiérarchie illégitime, et notre besoin de relations sociales implique que nous pouvons nous organiser sans État. Le profond malheur et l'aliénation qui affligent la société moderne révèlent que la [[centralisation]] et l'[[autoritarisme]] du [[capitalisme]] et de l'État réprouvent certains de nos besoins innés. En réalité, comme dit plus haut, pendant la majeure partie de son existence, l'être humain a vécu dans des communautés anarchistes, sans hiérarchie ou presque. Notre société moderne appellent ces individus des « sauvages » ou des « primitifs » par pure arrogance. Donc qui peut encore dire que les anarchistes sont contre la « nature humaine » ? Les anarchistes ont au contraire accumulé beaucoup de preuves que cela n'est pas le cas.
  
This does not mean that human beings are infinitely plastic, with each individual born a tabula rasa (blank slate) waiting to be formed by "society" (which in practice means those who run it). As Noam Chomsky argues, "I don't think its possible to give a rational account of the concept of alienated labour on that assumption [that human nature is nothing but a historical product], nor is it possible to produce something like a moral justification for the commitment to some kind of social change, except on the basis of assumptions about human nature and how modifications in the structure of society will be better able to conform to some of the fundamental needs that are part of our essential nature." [Language and Politics, p. 215] We do not wish to enter the debate about what human characteristics are and are not "innate." All we will say is that human beings have an innate ability to think and learn -- that much is obvious, we feel -- and that humans are sociable creatures, needing the company of others to feel complete and to prosper. Moreover, they have the ability to recognise and oppose injustice and oppression (Bakunin rightly considered "the power to think and the desire to rebel" as "precious faculties." [God and the State, p. 9]).
 
 
These three features, we think, suggest the viability of an anarchist society. The innate ability to think for oneself automatically makes all forms of hierarchy illegitimate, and our need for social relationships implies that we can organise without the state. The deep unhappiness and alienation afflicting modern society reveals that the centralisation and authoritarianism of capitalism and the state are denying some innate needs within us. In fact, as mentioned earlier, for the great majority of its existence the human race has lived in anarchic communities, with little or no hierarchy. That modern society calls such people "savages" or "primitive" is pure arrogance. So who can tell whether anarchism is against "human nature"? Anarchists have accumulated much evidence to suggest that it may not be.
 
  
 
As for the charge the anarchists demand too much of "human nature," it is often non anarchists who make the greatest claims on it. For "while our opponents seem to admit there is a kind of salt of the earth -- the rulers, the employers, the leaders -- who, happily enough, prevent those bad men -- the ruled, the exploited, the led -- from becoming still worse than they are" we anarchists "maintain that both rulers and ruled are spoiled by authority" and "both exploiters and exploited are spoiled by exploitation." So "there is [a] difference, and a very important one. We admit the imperfections of human nature, but we make no exception for the rulers. They make it, although sometimes unconsciously, and because we make no such exception, they say that we are dreamers." [Peter Kropotkin, Op. Cit., p. 83] If human nature is so bad, then giving some people power over others and hoping this will lead to justice and freedom is hopelessly utopian.
 
As for the charge the anarchists demand too much of "human nature," it is often non anarchists who make the greatest claims on it. For "while our opponents seem to admit there is a kind of salt of the earth -- the rulers, the employers, the leaders -- who, happily enough, prevent those bad men -- the ruled, the exploited, the led -- from becoming still worse than they are" we anarchists "maintain that both rulers and ruled are spoiled by authority" and "both exploiters and exploited are spoiled by exploitation." So "there is [a] difference, and a very important one. We admit the imperfections of human nature, but we make no exception for the rulers. They make it, although sometimes unconsciously, and because we make no such exception, they say that we are dreamers." [Peter Kropotkin, Op. Cit., p. 83] If human nature is so bad, then giving some people power over others and hoping this will lead to justice and freedom is hopelessly utopian.

Revision as of 15:04, 27 August 2010