FAQAnar:A.2.3 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de l'organisation ?

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Catégorie:Que représente l'Anarchisme?

FAQ anarchiste
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« L'anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir »
A - Qu'est-ce que l'anarchisme ?

Introduction

A.1 - Qu'est ce que l'Anarchisme ?


A.1.1 - Qu'est-ce que "Anarchie" signifie ?
A.1.2 - Qu'est-ce que "Anarchisme" signifie ?
A.1.3 - Pourquoi l'Anarchisme est appelé aussi socialisme libertaire ?
A.1.4 - Les Anarchistes sont-ils socialistes ?
A.1.5 - D'où vient l'anarchisme ?


A.2 - Que représente l'Anarchisme?


A.2.1 - Quelle est l'essence de l'anarchisme ?
A.2.2 - Pourquoi les anarchistes prônent-ils la liberté ?
A.2.3 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de l'organisation ?
A.2.4 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de la liberté "absolue" ?
A.2.5 - Pourquoi les anarchistes sont-ils en faveur de l'égalité ?
A.2.6 - Pourquoi la solidarité est importante pour les anarchistes ?
A.2.7 - Pourquoi les anarchistes plaident-ils pour l'émancipation individuelle ?
A.2.8 - Est-il possible d'être un anarchiste sans s'opposer à la hiérarchie ?
A.2.9 - Quelle sorte de société les anarchistes veulent-ils ?
A.2.10 - Qu'est-ce que la suppression de la hiérarchie signifiera et amènera ?
A.2.11 - Pourquoi la plupart des anarchistes soutiennent-ils la démocratie directe ?
A.2.12 - Le consensus est-il une alternative pour s'organiser en démocratie ?
A.2.13 - Les anarchistes sont-ils des individualistes ou des collectivistes ?
A.2.14 - Pourquoi le volontarisme n'est pas suffisant ?
A.2.15 - Que dites-vous de la nature humaine ?
A.2.16 - L'anarchisme exige-t-il des personnes "parfaites" pour qu'une société anarchiste puisse exister ?
A.2.17 - Est-ce que la plupart des gens ne sont pas trop stupides pour qu'une société libre puisse exister ?
A.2.18 - Est-ce que les anarchistes supportent le terrorisme ?
A.2.19 - Quelles vues éthiques les anarchistes tiennent-ils ?
A.2.20 - Pourquoi la plupart des anarchistes sont athées ?


A.3 - Quelles sortes d'anarchisme existe-t-il ?


A.3.1 - Quelles sont les différences entre les individualistes et les socialistes anarchistes ?
A.3.2 - Y-a-t-il des différents types d'anarchisme socialiste ?
A.3.3 - Quels sortes d'écologisme anarchiste y a t il ?
A.3.4 - Est-ce que l'anarchisme est pacifiste ?
A.3.5 - Qu'est-ce que l'anarcha-feminisme ?
A.3.6 - Quelle est la culture Anarchiste ?
A.3.7 - Existe-t-il des anarchistes religieux ?
A.3.8 - Qu'est-ce que "anarchisme sans adjectif" ?
A.3.9 - Qu'est ce que l'anarcho-primitivisme ?


A.4 - Qui sont les penseurs reconnus dans l'anarchisme ?


A.5 - Quels sont des exemples "d'anarchie en action" ?


A.5.1 - La commune de Paris
A.5.2 - Les martyrs de Haymarket
A.5.3 - La création des unions syndicales
A.5.4 - Les anarchistes dans la Révolution russe
A.5.5 - Les anarchistes dans les occupations d'usines en Italie
A.5.6 - L'anarchisme et la révolution en Espagne
A.5.7 - Révolte en France en Mai/Juin 1968

Sommaire complet et détaillé


Oui. Sans association, une vraie humaine est impossible. La liberté ne peut pas exister sans société et sans organisation. Comme le montrait George Barrett :

« Pour obtenir le plein sens de la vie nous devons coopérer, et pour coopérer nous devons faire des accords avec nos prochains. Mais supposer que de tels accords entraînent une restriction à la liberté est à coup sûr une absurdité ; au contraire, ils sont l'exercice de notre liberté.

« Si nous inventons un dogme qui stipule que faire des accords nuit à la liberté, alors ans ce cas la liberté devient tyrannique, car elle interdit aux hommes de satisfaire leurs plaisirs quotidiens les plus ordinaires. Par exemple, je ne peux pas aller me promener avec un ami car cela est contraire au principe de Liberté qui veut que je devrais d'abord être d'accord pour être à un certain endroit à un certain moment pour le rencontrer. De même, je ne peux pas étendre mon propre pouvoir au-delà de moi-même, car pour faire cela je dois coopérer avec quelqu'un d'autre, et la coopération implique un accord, et cela est opposé à la liberté. Nous verrons que cet argument est absurde. Je ne limite pas ma liberté — au contraire, je ne fais que l'exercer — quand je me mets d'accord avec un ami d'aller nous promener.

« Si, d'un autre côté, je décide, à partir de mon savoir supérieur, qu'il est bon pour mon ami de faire de l'exercice, et que j'essaye de l'obliger à aller se promener, alors je commence à limiter la liberté. C'est la différence entre l'accord libre et le gouvernement. »[1]

Aussi poussées les organisations sont, les anarchistes pensent que « loin de créer une quelconque autorité, [c'est] le seul remède et le seul moyen grâce auquel chacun de nous sera habitué à prendre part activement et consciencieusement à un travail collectif,et cessera d'être un instrument passif dans les mains des dirigeants. » [2] Ainsi les anarchistes sont particulièrement conscients du besoin de s'organiser de manière structurée et ouverte. Comme Carole Ehrlich le montre, tandis que les anarchistes « ne sont pas supposés se structurer » et « veulent abolir la structure hiérarchique », ils sont « presque toujours stéréotypés comme refusant toute structure. » Ce n'est pas le cas pour « les organisations qui établiraient de manière responsable la répartition du pouvoir entre le maximum d'individus, la rotation des tâches, le partage des compétences et la diffusion des informations et des ressources » et qui sont basées sur « les bons principes anarchistes de l'organisation sociale ! »[3]

Le fait que les anarchistes soient en faveur de l'organisation peut sembler étrange à première vue, mais c'est compréhensible. « Pour ceux qui n'ont toujours connu qu'une organisation autoritaire », expliquent deux anarchistes britanniques, « il apparaît que l'organisation peut seulement être totalitaire ou démocratique, et ceux qui sont incrédules vis-à-vis du gouvernement sont forcément incrédules vis-à-vis de toute organisation. Alors que ce n'est pas le cas. »[4] En d'autres termes, nous vivons dans une société dans laquelle toutes les organisations sont virtuellement autoritaires ce qui fait qu'elles apparaissent comme le seul type d'organisation possible. Ce qui n'est pas reconnu, c'est que ce mode d'organisation est historiquement conditionné, survenant au sein d'un type de société spécifique — celles dont les principes directeurs sont la domination et l'exploitation. D'après les archéologues et les anthropologues, ce type de société n'existe que depuis 5 000 ans environ. Elles sont apparues avec les premiers états primitifs basés sur la conquête et l'esclavage, le travail des esclaves ayant créé un surplus qui a soutenu une classe dirigeante.

Avant cette époque, pendant des centaines de milliers d'années, les sociétés humaines et proto-humaines étaient « organiques », comme les appellent Murray Bookchin, c'est-à-dire basées sur des formes d'activité économique coopérative, impliquant l'entraide, le libre accès aux ressources, et un partage des produits du travail selon les besoins. Ainsi dans de telles sociétés il n'y avait pas de hiérarchie dans le sens de relations de domination-subordination institutionnalisées, renforcées par des sanctions coercitives et résultantes d'une catégorisation en classes sociales impliquant l'exploitation économique d'une classe par une autre (voir Murray Bookchin, L'écologie de la liberté).

Nous devons cependant insister sur le fait que les anarchistes rejettent tout « retour à l'âge de pierre ». Nous notons simplement que puisque le mode d'organisation hiérarchique-autoritaire est relativement récent dans l'histoire de l'évolution sociale humaine, il n'y a pas de raisons de supposer qu'il est voué à être permanent. Nous ne pensons pas que les êtres humains sont génétiquement « programmés » pour avoir un comportement autoritaire, concurrentiel et agressif, puisqu'il n'y a pas de preuve tangible de cette affirmation. A contrario, un tel comportement est socialement conditionné, ou appris, et que par conséquent il peut être désappris (voir Ashley Montagu, La nature de l'agression humaine). Nous ne sommes pas fatalistes ou pro-déterminisme génétique, mais nous croyons dans le libre arbitre, c'est-à-dire que les gens puissent changer la façon dont ils font certaines choses, et notamment la façon dont ils s'organisent en société.

Et il n'y a pas de doute que notre société doit être mieux organisée, car actuellement, la plupart des richesses — qui sont produites par la majorité des gens — et des pouvoirs appartiennent à une petite minorité élitiste au sommet de la pyramide sociale, entraînant des privations et de la souffrance pour les autres, en particulier ceux à la base. Puisque cette élite contrôle les moyens de coercition grâce à son contrôle de l'État (voir la section B.2), il est facile pour elle de réprimer la majorité et d'ignorer ses souffrances — un phénomène qui apparaît dans une moindre mesure dans toutes les hiérarchies. C'est sans surprise, alors, que les gens qui vivent dans des structures autoritaires et centralisées se mettent à les haïr comme symboles de leur déni de liberté. Comme Alexandre Berkman le dit :

« N'importe quelle personne qui vous dit que les anarchistes ne croient pas en l'organisation raconte n'importe quoi. L'organisation est tout, et tout est organisation. La vie entière est organisation, qu'elle soit consciente ou inconsciente... Mais il y a organisation et organisation. La société capitaliste est si mal organisée que ses différents membres souffrent : comme lorsqu'une certaine partie de votre corps vous fait souffrir et que votre corps entier est malade..., pas un seul membre de l'organisation ou de l'union peut impunément subir une discrimination, être opprimé ou ignoré. Car réaliser cela équivaudrait à ignorer un mal de dents : vous seriez complétement malade. »[5]

C'est précisément ce qui se passe dans la société capitaliste, avec pour résultat qu'elle est, en réalité, « complétement malade. »

Pour ces raisons, les anarchistes rejettent les formes autoritaires de l'organisation et préfèrent soutenir les associations basées sur le libre accord. Le libre accord est important car, comme le dit Berkman, « ce n'est que quand chacun est une unité libre et indépendante, coopérant à partir de ses propres choix avec les autres pour des intérêts mutuels, que le monde fonctionne avec succès et devient puissant. »[6] Comme nous en discuterons dans la section A.2.14, les anarchistes insistent sur le fait que le libre accord doit être complémenté par la démocratie directe (ou, comme elle est généralement appelée par les anarchistes, l'autogestion) au sein de l'association elle-même, autrement la « liberté » deviendrait à peine plus que choisir ses maîtres.

L'organisation anarchiste est basée sur une décentralisation massive du pouvoir dans les mains du peuple, c'est-à-dire à à ceux qui sont directement affectés par les décisions prises. Pour citer Proudhon :

« Ã€ moins que la démocratie ne soit un leurre, et la souveraineté du Peuple une dérision, il faut admettre que chaque citoyen dans le ressort de son industrie, chaque conseil municipal, départemental ou provincial, sur son territoire, est le représentant naturel et seul légitime du Souverain; qu'en conséquence chaque localité doit agir directement et par elle-même dans la gestion des intérêts qu'elle embrasse, et exercer à leur égard la plénitude de la souveraineté. »[7]

Cela implique aussi un besoin de fédéralisme pour coordonner les intérêts communs. Pour l'anarchisme, le fédéralisme est le naturel complément de l'autogestion. Avec l'abolition de l'État, la société « peut, et doit, s'organiser d'une autre façon, mais pas du haut vers le bas... L'organisation sociale future doit être entièrement construite à partir de la base, grâce à la libre association ou fédération des travailleurs, en premier lieu en syndicats, puis en communes, régions, nations et finalement en une grande fédération, internationale et universelle. Après seulement sera réalisé le vrai et vital ordre de la liberté et du bien commun, cet ordre qui, loin de démentir, au contraire affirme et apporte l'harmonie dans les intérêts des individus et de la société. »[8] Car « une organisation véritablement populaire commence... d'en bas » et ainsi « le fédéralisme devient une institution politique du socialisme, l'organisation libre et spontanée de la vie populaire. » Ainsi le socialisme libertaire « est fédérateur en caractère. »[9]

Donc l'organisation anarchiste est basée sur la démocratie directe (ou l'autogestion) et sur le fédéralisme (ou la confédération). Ces concepts sont l'expression et l'environnement de la liberté. La démocratie directe (ou participative) est essentielle car la liberté et l'égalité impliquent un besoin de forums au sein desquels les gens peuvent discuter et débattre en égaux et qui autorisent le libre exercice de ce que Murray Bookchin appelle « le rôle créative de la dissidence. » Le fédéralisme est nécessaire pour s'assurer que les intérêts communs sont discutés et les activités communes organisées d'une façon qui reflète les souhaits de tous ceux affectés par elles. Pour s'assurer que les décisions viennent du bas et remontent plutôt que d'être imposées par une petite poignée de dirigeants.

Les idées anarchistes sur l'organisation anarchiste et le besoin d'une démocratie directe et d'une confédération seront approfondis dans les sections A.2.9 et A.2.11.


Notes et références

  1. George Barrett, Objections à l'anachisme, pp. 338-349.
  2. Errico Malatesta, Sa vie et ses idées, p. 86.
  3. Carole Ehrlich, Socialisme, anarchisme et féminisme, Rumeurs silencieuses : une lectrice anarcha-féministe, p. 46-47.
  4. Stuart Christie and Albert Meltzer, Les vannes de l'anarchie, p. 122.
  5. Alexandre Berkman, Op. Cit., p. 198.
  6. Alexandre Berkman, Op. Cit., p. 199.
  7. Pierre-Joseph Proudhon, Idée générale de la révolution au XIXe siècle (1925), p. 292. (à lire en ligne ici)
  8. Michel Bakounine, Å’uvres choisies, pp. 205-206.
  9. Michel Bakounine, La philosophie politique de Bakounine, pp. 272-274.