Difference between revisions of "FAQAnar:A.2.9 - Quelle sorte de société les anarchistes veulent-ils ?"

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Les anarchistes veulent une société décentralisée, basée sur la libre association. Nous considérons que cette forme de société est la plus à même de maximiser les valeurs que nous avons soulignées auparavant — la '''[[liberté]]''', l''''[[égalité]]''' et la '''[[solidarité]]'''. Il n'y a que grâce à une décentralisation rationnelle du pouvoir, autant structurellement que territorialement, que la liberté individuelle peut être nourrie et encouragée. La délégation du pouvoir dans les mains d'une minorité est un déni flagrant de la liberté individuelle et de la '''dignité'''. Plutôt que d'éloigner la gestion de leurs affaires loin du peuple et de la confier à d'autres, les anarchistes sont en faveur d'organisations qui minimisent l'autorité, en gardant le pouvoir à la base, dans les mains de celles et ceux qui sont affecté(e)s par chaque décision prise.
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Les anarchistes veulent une société [[décentralisation|décentralisée]], basée sur la libre association. Nous considérons que cette forme de société est la plus à même de maximiser les valeurs que nous avons soulignées auparavant — la '''[[liberté]]''', l''''[[égalité]]''' et la '''[[solidarité]]'''. Il n'y a que grâce à une décentralisation rationnelle du pouvoir, autant structurellement que territorialement, que la liberté individuelle peut être nourrie et encouragée. La délégation du pouvoir dans les mains d'une minorité est un déni flagrant de la liberté individuelle et de la '''dignité'''. Plutôt que d'éloigner la gestion de leurs affaires loin du peuple et de la confier à d'autres, les anarchistes sont en faveur d'organisations qui minimisent l'autorité, en gardant le pouvoir à la base, dans les mains de celles et ceux qui sont affecté(e)s par chaque décision prise.
  
 
La libre association est la pierre angulaire de la société anarchiste. Les individus doivent être libre de se réunir comme ils le veulent car c'est la base de la liberté et de la dignité humaine. Cependant, chaque accord libre doit être basé sur la décentralisation du pouvoir, sinon il ne serait qu'un faux-semblant (comme dans le [[capitalisme]]), car seule l'égalité peut donner le contexte sociale nécessaire à la liberté de développement et de croissance. Ainsi les anarchistes soutiennent les collectifs de '''[[démocratie directe]]''' qui sont basés sur le principe d'« ''une personne, un vote'' » (pour les justifications de la démocratie directe en tant que contrepartie du libre accord, voir la [[FAQAnar:A.2.11 - Pourquoi la plupart des anarchistes soutiennent-ils la démocratie directe ?|section A.2.11]]).  
 
La libre association est la pierre angulaire de la société anarchiste. Les individus doivent être libre de se réunir comme ils le veulent car c'est la base de la liberté et de la dignité humaine. Cependant, chaque accord libre doit être basé sur la décentralisation du pouvoir, sinon il ne serait qu'un faux-semblant (comme dans le [[capitalisme]]), car seule l'égalité peut donner le contexte sociale nécessaire à la liberté de développement et de croissance. Ainsi les anarchistes soutiennent les collectifs de '''[[démocratie directe]]''' qui sont basés sur le principe d'« ''une personne, un vote'' » (pour les justifications de la démocratie directe en tant que contrepartie du libre accord, voir la [[FAQAnar:A.2.11 - Pourquoi la plupart des anarchistes soutiennent-ils la démocratie directe ?|section A.2.11]]).  
  
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Nous nous devons d'indiquer ici qu'une société anarchiste n'est pas une sorte d'état idyllique d'harmonie où tout le monde est d'accord sur tout. La réalité est bien éloignée. Comme [[Luigi Galleani]] le montre : « les désaccords et les frictions existeront toujours. En fait ils sont la condition essentielle d'un progrès sans limite. Mais une fois l'instinct animalier primaire de compétition — la lutte pour la nourriture — éliminé, les problèmes de désaccord pour être résolus sans la moindre menace à l'ordre social et la liberté individuelle. »<ref>« [non ha quindi più alcuna ragione di esistere in unasocietà vera e reale in cui gli interessi economici di tutti i suoimembri siano solidali, siano comuni, in cui] le divergenze e gliattriti (che ve ne saranno sempre, ed è questa la condizione es-senziale dell’indefinito progresso), esulata l’arena sanguinosadelle competizioni puramente animali, della lotta pel pane e peldomani, si potranno svolgere senza la più pallida minacciaall’ordine sociale ed alla libertà individuale. »<br>[[Luigi Galleani]], ''La fine del Anarchismo?''.</ref> L'anarchisme a pour but de « réveiller l'esprit d'initiative des individus et des groupes, ceux qui arriveront à créer dans leurs rapports mutuels une action et une vie basées sur ces principes, ceux qui comprendront que la variété, le conflit même, sont la vie, et que l’uniformité c’est la mort, travailleront non pour les siècles à venir, mais bel et bien pour la prochaine révolution. »<ref>[[Piotr Kropotkine]], ''[[L'Anarchie, sa philosophie, son idéal]]''.</ref>
  
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Ainsi, une société anarchiste devra être basée sur des conflits [[coopération|coopératifs]], car un « conflit, en soi, n'est pas dangereux [...], les désaccords existent [et ne doivent pas être pas être cachés] [...]. Ce qui fait que les désaccords deviennent destructifs n'est pas le conflit en lui-même mais l'ajout de la compétition. » En fait, « une exigence d'accords signifie que les gens seront en réalité empêché(e)s de faire partager leur sagesse à l'effort de groupe. »<ref>« [c]onflict, per se, is not harmful [...] disagreements exist [and should not be hidden] [...] What makes disagreement destructive is not the fact of conflict itself but the addition of competition. » « a rigid demand for agreement means that people will effectively be prevented from contributing their wisdom to a group effort. »<br>[[Alfie Kohn]], ''No Contest: The Case Against Competition'', p. 156.</ref> C'est pour cela que la plupart des anarchistes rejettent les consensus pris dans de grandes assemblées (voir pour cela la section [[FAQAnar:A.2.12 - Le consensus est-il une alternative pour s'organiser en démocratie ?|A.2.12]]).
  
We should point out here that an anarchist society does not imply some sort of idyllic state of harmony within which everyone agrees. Far from it! As Luigi Galleani points out, "[d]isagreements and friction will always exist. In fact they are an essential condition of unlimited progress. But once the bloody area of sheer animal competition - the struggle for food - has been eliminated, problems of disagreement could be solved without the slightest threat to the social order and individual liberty." [The End of Anarchism?, p. 28] Anarchism aims to "rouse the spirit of initiative in individuals and in groups." These will "create in their mutual relations a movement and a life based on the principles of free understanding" and recognise that "variety, conflict even, is life and that uniformity is death." [Peter Kropotkin, Anarchism, p. 143]
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Dans une société anarchiste, les associations seraient dirigées par des '''assemblées de masse''' où chacun est impliqué, et basées sur des discussions et des débat approfondis, ainsi que sur des "conflits" coopératifs entre individus égaux. Les tâches purement administratives seraient confiées à des comités élus. Ces comités seraient composés de délégué(e)s avec un mandat temporaire et révocable qui accompliraient leurs tâches sous la vigilance de l'assemblée qui les aura élu(e)s. Ainsi, dans une société anarchiste, « nous traiterons nos affaires nous-mêmes, et quand, pour mettre à exécution nos délibérations, il faudra en charger quelqu'un, nous lui dirons de faire de telle ou telle manière et non autrement [...] rien ne se fera sans notre volonté. Et ainsi, nos délégués, au lieu d'être des individus à qui nous avons donné le droit de nous commander, de nous imposer des lois, seront des personnes [...] qui n'auront aucune autorité, mais seulement le devoir d'exécuter ce que le peuple aura ordonné. »<ref>« noi tratteremo da noi stessi le cose nostre, e decideremo il da farsi; e, quando per mettere in esecuzione le nostre deliberazioni, ci fosse bisogno d’incaricare qualcuno, noi lo incaricheremo di fare e così e così e non altrimenti [...] in ogni modo niente sarebbe fatto senza la nostra volontà. Così i nostri delegati, invece di essere degli individui a cui abbiamo dato il diritto di comandarci su tutte le cose, su cui piace loro far delle leggi, sarebbero persone scelte apposta e fra le più capaci di ogni singola faccenda, che non avrebbero nessuna autorità e solamente il dovere di eseguire quello che gl’interessati vorrebbero »<br>[[Errico Malatesta]], ''Fra Contadini''.</ref> Si les délégué(e)s agissent à l'encontre de leur mandat ou tentent d'étendre leur influence ou travaillent en opposition à ce qui a déjà été décidé par l'assemblée (c'est-à-dire s'ils/elles commencent à prendre des décisions politiques), ils/elles peuvent être '''rappelé(e)s sur le champ''' et les décisions qu'ils/elles ont prises abolies. De cette façon, l'organisation reste dans les mains de l'union des individus qui l'a créée.
  
Therefore, an anarchist society will be based upon co-operative conflict as "[c]onflict, per se, is not harmful. . . disagreements exist [and should not be hidden] . . . What makes disagreement destructive is not the fact of conflict itself but the addition of competition." Indeed, "a rigid demand for agreement means that people will effectively be prevented from contributing their wisdom to a group effort." [Alfie Kohn, No Contest: The Case Against Competition, p. 156] It is for this reason that most anarchists reject consensus decision making in large groups (see section A.2.12).
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Cette '''[[autogestion]]''' et le pouvoir de rappeler les délégué(e)s sont les éléments fondamentaux de toute organisation anarchiste. La différence essentielle entre un système [[État|étatique]] ou [[hiérarchie|hiérarchique]] et une communauté anarchiste est qui détient le pouvoir. Par exemple, dans un système parlementaire, le peuple confie le pouvoir à une groupe de représentant(e)s pour qu'ils/elles prennent les décisions à leur place pendant une période donnée. Le fait qu'ils/elles tiennent ou non leurs promesses est hors-de-propos car le peuple ne peut les rappeler avant les élections suivantes. Le pouvoir est entre les mains de ceux d'en haut et le peuple doit se contenter d'obéir. De la même façon, dans une entreprise [[capitalisme|capitaliste]], le pouvoir est détenu par une minorité de patrons et de gestionnaires et les ouvriers doivent obéir.
  
So, in an anarchist society associations would be run by mass assemblies of all involved, based upon extensive discussion, debate and co-operative conflict between equals, with purely administrative tasks being handled by elected committees. These committees would be made up of mandated, recallable and temporary delegates who carry out their tasks under the watchful eyes of the assembly which elected them. Thus in an anarchist society, "we'll look after our affairs ourselves and decide what to do about them. And when, to put our ideas into action, there is a need to put someone in charge of a project, we'll tell them to do [it] in such and such a way and no other . . . nothing would be done without our decision. So our delegates, instead of people being individuals whom we've given the right to order us about, would be people . . . [with] no authority, only the duty to carry out what everyone involved wanted." [Errico Malatesta, Fra Contadini, p. 34] If the delegates act against their mandate or try to extend their influence or work beyond that already decided by the assembly (i.e. if they start to make policy decisions), they can be instantly recalled and their decisions abolished. In this way, the organisation remains in the hands of the union of individuals who created it.
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Dans une société anarchiste, ces relations seraient inversées. Personne, individu ou groupe, élu ou non, ne détiendrait le pouvoir dans une communauté anarchiste. À la place, les décisions seraient prises par les principes de '''[[démocratie directe]]''' et, quand cela serait nécessaire, la communauté pourrait élire ou nommer des délégué(e)s pour mettre en place ces décisions. Il y aurait une distinction très nette entre la prise de décision (qui est faite par tous/tes ceux/celles qui sont affecté(e)s) et la coordination et l'administration des décisions adoptées (qui sont réalisées par les délégué(e)s).
  
This self-management by the members of a group at the base and the power of recall are essential tenets of any anarchist organisation. The key difference between a statist or hierarchical system and an anarchist community is who wields power. In a parliamentary system, for example, people give power to a group of representatives to make decisions for them for a fixed period of time. Whether they carry out their promises is irrelevant as people cannot recall them till the next election. Power lies at the top and those at the base are expected to obey. Similarly, in the capitalist workplace, power is held by an unelected minority of bosses and managers at the top and the workers are expected to obey.
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Ces communautés égalitaires, fondées sur le [[libre accord]], s'associeraient elles-aussi librement en '''confédérations'''. Une confédération de ce type fonctionnerait de bas en haut, les décisions suivant le même chemin vers les assemblées en-haut. Les confédérations fonctionneraient comme les collectifs. Il y aurait des conférences régulières au niveau régional, "national" et international où tous les problèmes importants qui pourraient affecter les collectifs qui y seraient impliqués seraient débattus. De plus, et c'est fondamental, les principes et idées qui guident la société y seraient débattus et les décisions politiques prises, mises en pratique, revues et coordonnées. Les délégué(e)s se contenteraient « [de porter] dans les assemblées spéciales les vœux de leurs mandants et [de chercher] à concilier les besoins et les désirs divers. Les délibérations seront toujours soumises au contrôle et à l'approbation des mandants, de manière que les intérêts du peuple ne seront pas négligés. »<ref>« i delegati rispettivi porteranno in apposite assemblee i voti dei loro mandanti e cercheranno di armonizzare i vani bisogni ed i vani desideri. Le deliberazioni saranno sempre soggette al controllo ed all’approvazione dei mandanti, in modo che non c’è pericolo che gli interessi del popolo siano posti in oblio. »<br>[[Errico Malatesta]], ''Op. Cit.''.</ref>
  
In an anarchist society this relationship is reversed. No one individual or group (elected or unelected) holds power in an anarchist community. Instead decisions are made using direct democratic principles and, when required, the community can elect or appoint delegates to carry out these decisions. There is a clear distinction between policy making (which lies with everyone who is affected) and the co-ordination and administration of any adopted policy (which is the job for delegates).
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Si nécessaire, des comités d'action seraient créés, pour coordonner et administrer les décisions des assemblées et de leur congrès, sous le strict contrôle mentionné plus haut. Les délégué(e)s de ces comités auraient une tenure et, comme les délégué(e)s aux congrès, auraient un mandat limité — ils/elles ne sont pas capable de prendre les décisions à la place du peuple qui les a élu(e)s. De plus, comme leurs confrères et consœurs mandaté(e)s aux conférences et congrès, ils/elles pourraient être rappelé(e)s par les assemblées et les congrès qui les a élu(e)s. De cette façon, chaque comité nécessaire pour coordonner des activités communes serait, pour citer [[Errico Malatesta]], « toujours sous le contrôle direct de la population » et exprimerait « les décisions prises lors des assemblées populaires. »<ref>[[Errico Malatesta]], ''His Life and Ideas'', p. 129 et 175.</ref>
  
These egalitarian communities, founded by free agreement, also freely associate together in confederations. Such a free confederation would be run from the bottom up, with decisions following from the elemental assemblies upwards. The confederations would be run in the same manner as the collectives. There would be regular local regional, "national" and international conferences in which all important issues and problems affecting the collectives involved would be discussed. In addition, the fundamental, guiding principles and ideas of society would be debated and policy decisions made, put into practice, reviewed, and co-ordinated. The delegates would simply "take their given mandates to the relative meetings and try to harmonise their various needs and desires. The deliberations would always be subject to the control and approval of those who delegated them" and so "there would be no danger than the interest of the people [would] be forgotten." [Malatesta, Op. Cit., p. 36]
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Plus important encore, les communautés peuvent révoquer toute décision prise lors des conférences et se retirer de n'importe quelle confédération. Chaque '''compromis''' pris par un(e) délégué(e) lors de négociations doit retourner à une assemblée générale pour qu'elle soit ratifiée. Sans cette ratification, tout compromis adopté par un(e) délégué(e) n'entraîne aucun engagement de la part de la communauté qui l'a délégué(e). Elles peuvent demander l'organisation de conférences pour discuter de nouveaux développements et pour informer les comités d'action des souhaits de changement et pour leur indiquer quoi faire à propos de n'importe quel développement ou idée.
  
Action committees would be formed, if required, to co-ordinate and administer the decisions of the assemblies and their congresses, under strict control from below as discussed above. Delegates to such bodies would have a limited tenure and, like the delegates to the congresses, have a fixed mandate -- they are not able to make decisions on behalf of the people they are delegates for. In addition, like the delegates to conferences and congresses, they would be subject to instant recall by the assemblies and congresses from which they emerged in the first place. In this way any committees required to co-ordinate join activities would be, to quote Malatesta's words, "always under the direct control of the population" and so express the "decisions taken at popular assemblies." [Errico Malatesta: His Life and Ideas, p. 175 and p. 129]
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En d'autres termes, au sein d'une société ou d'une organisation anarchiste, chaque délégué n'est pas un représentant,(comme ils le sont dans un gouvernement démocratique). [[Piotr Kropotkine]] fait bien la différence :
  
Most importantly, the basic community assemblies can overturn any decisions reached by the conferences and withdraw from any confederation. Any compromises that are made by a delegate during negotiations have to go back to a general assembly for ratification. Without that ratification any compromises that are made by a delegate are not binding on the community that has delegated a particular task to a particular individual or committee. In addition, they can call confederal conferences to discuss new developments and to inform action committees about changing wishes and to instruct them on what to do about any developments and ideas.
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::« La question de la vraie délégation contre la représentation peut être mieux appréhendée si on imagine une ou deux centaines d'hommes [et de femmes], qui se voient tous les jours au travail et qui partagent des intérêts communs [...] et qui ont discuté chaque aspect de la question qui les occupe et ont pris une décision. Ils choisissent ensuite quelqu'un et l'envoient pour parvenir à un accord avec les autres délégués du même genre [...]. Le [ou la] délégué[e] n'est pas autorisé[e] de faire plus qu'expliquer aux autres délégués les facteurs qui ont conduit ses collègues à cette conclusion. En étant incapable d'imposer quoi que ce soit, il [ou elle] cherchera à obtenir un arrangement et retournera avec une simple proposition que ses mandataires peuvent accepter ou refuser. C'est ce qui se passe quand des vraies délégations sont créées. »<ref>[[Piotr Kropotkine]], ''Paroles d'un révolté'', p. 132.</ref>
  
In other words, any delegates required within an anarchist organisation or society are not representatives (as they are in a democratic government). Kropotkin makes the difference clear:
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À l'inverse d'un système représentatif, le pouvoir n'est pas délégué dans les mains d'une minorité. C'est plutôt que tout(e) délégué(e) est simplement le/la porte-parole d'une association qui l'a élu(e) (ou sinon sélectionné(e)) en premier lieu. Tous les délégué(e)s et tous les comités d'action seraient mandaté et soumis à la possibilité d'un rappel immédiat pour s'assurer qu'ils/elles expriment les désirs des assemblées plutôt que leurs propres souhaits. De cette façon, le gouvernement est remplacé par l'anarchie, un réseau d'associations libres et de communautés coopérant en égales, basé sur un système de délégué(e)s mandaté(e)s, de rappel immédiat, de libre accord et de libre fédération de bas en haut.
  
    "The question of true delegation versus representation can be better understood if one imagines a hundred or two hundred men [and women], who meet each day in their work and share common concerns . . . who have discussed every aspect of the question that concerns them and have reached a decision. They then choose someone and send him [or her] to reach an agreement with other delegates of the same kind. . . The delegate is not authorised to do more than explain to other delegates the considerations that have led his [or her] colleagues to their conclusion. Not being able to impose anything, he [or she] will seek an understanding and will return with a simple proposition which his mandatories can accept or refuse. This is what happens when true delegation comes into being." [Words of a Rebel, p. 132]  
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Il n'y a que ce système qui pourrait assurer l'émergence d'« une organisation nouvelle n’ayant d’autre base que les intérêts, les besoins et les attractions naturelles des populations, ni d’autre principe que la fédération libre des individus dans les communes, des communes dans les provinces, des provinces dans les nations, enfin de celles-ci dans les États-Unis de l’Europe d’abord et plus tard du monde entier. »<ref>[[Michel Bakounine]], ''Œuvres, Tome I, Fédéralisme, socialisme et antithéologisme'', I Le fédéralisme.</ref> Ce réseau de communautés anarchistes fonctionnerait à trois niveaux différents. Il y aurait « des communes indépendantes pour l'organisation territoriale, et des fédérations de syndicats pour l'organisation des hommes [et des femmes] en accord avec leurs fonctions respectives [...] et des groupes et sociétés libres [...] pour la satisfaction de tous les besoins économiques, sanitaires et éducatifs possibles et imaginables ; pour la protection mutuelle, pour la diffusion des idées, pour les arts, pour le divertissement, et ainsi de suite. »<ref>« independent Communes for the territorial organisation, and of federations of Trade Unions [i.e. workplace associations] for the organisation of men [and women] in accordance with their different functions [...] [and] free combines and societies [...] for the satisfaction of all possible and imaginable needs, economic, sanitary, and educational; for mutual protection, for the propaganda of ideas, for arts, for amusement, and so on. »<br>[[Piotr Kropotkine]], ''Evolution and Environment'', p. 79. Evolution and Environment, p. 88 et 79. (Ndt : ''Evolution and Environment'', 11<sup>e</sup> volume des œuvres complètes de Kropotkine, est constitué de deux parties : la première est l'ouvrage ''[[La science moderne et l'anarchie]]'' ; la seconde, ''Thoughts on Evolution'', regroupe des articles en rapport avec l'évolution. La citation est extraite de la seconde partie, mais le texte original est inconnu.)</ref>. Tout cela serait basé sur l'autogestion, sur la libre association, sur des organisations et des fédérations libres fonctionnant de bas en haut.
  
Unlike in a representative system, power is not delegated into the hands of the few. Rather, any delegate is simply a mouthpiece for the association that elected (or otherwise selected) them in the first place. All delegates and action committees would be mandated and subject to instant recall to ensure they express the wishes of the assemblies they came from rather than their own. In this way government is replaced by anarchy, a network of free associations and communities co-operating as equals based on a system of mandated delegates, instant recall, free agreement and free federation from the bottom up.
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En s'organisant de cette façon, la [[hiérarchie]] est abolie sous tous ses aspects rencontrés dans la vie. Seule cette forme d'organisation peut remplacer le gouvernement (c'est-à-dire une minorité qui possède l'initiative et l'autonomisation) par l'[[anarchie]] (l'initiative et l'autonomisation pour tous). Cette forme d'organisation peut exister dans toutes les activités qui requièrent un travail en groupe et la coordination de beaucoup d'individus. Ce serait, d'après [[Michel Bakounine]], le moyen « d'intégrer les individus dans des structures qu'ils [ou elles] puissent comprendre et contrôler. »<ref>[[Michel Bakounine]], cité par [[Cornelius Castoriadis]], ''Le contenu du socialisme'', p. 116. Voir [http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?rubrique26 des extraits de l'ouvrage] et [http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article219 un article à propos des liens entre Castoriadis et l'anarchisme.]</ref> Les initiatives individuelles seraient gérées par les individus.
  
Only this system would ensure the "free organisation of the people, an organisation from below upwards." This "free federation from below upward" would start with the basic "association" and their federation "first into a commune, then a federation of communes into regions, of regions into nations, and of nations into an international fraternal association." [Michael Bakunin, The Political Philosophy of Bakunin, p. 298] This network of anarchist communities would work on three levels. There would be "independent Communes for the territorial organisation, and of federations of Trade Unions [i.e. workplace associations] for the organisation of men [and women] in accordance with their different functions. . . [and] free combines and societies . . . for the satisfaction of all possible and imaginable needs, economic, sanitary, and educational; for mutual protection, for the propaganda of ideas, for arts, for amusement, and so on." [Peter Kropotkin, Evolution and Environment, p. 79] All would be based on self-management, free association, free federation and self-organisation from the bottom up.
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Comme on peut le voir, les anarchistes cherchent à créer une société qui repose sur des structures qui garantissent qu'aucun individu ou groupe ne peut exercer un quelconque pouvoir sur les autres. Le libre accord, la confédération et le pouvoir de rappeler les élus, les mandats limités sont les mécanismes par lequel le pouvoir est retiré des mains du gouvernement et placé dans celles de celles et ceux directement affecté(e)s par les décisions prises.
  
By organising in this manner, hierarchy is abolished in all aspects of life, because the people at the base of the organisation are in control, not their delegates. Only this form of organisation can replace government (the initiative and empowerment of the few) with anarchy (the initiative and empowerment of all). This form of organisation would exist in all activities which required group work and the co-ordination of many people. It would be, as Bakunin said, the means "to integrate individuals into structures which they could understand and control." [quoted by Cornelius Castoriadis, Political and Social Writings, vol. 2, p. 97] For individual initiatives, the individual involved would manage them.
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Pour une discussion plus complète sur ce à quoi ressemblerait une société anarchiste, voir la [[FAQAnar:I - À quoi une société anarchiste ressemblerait-elle ?|section I]]. Par conséquent l'anarchie n'est pas un but lointain, une [[utopie]], mais plutôt l'aspect des luttes actuelles contre l'oppression et l'exploitation. Les fins et les moyens sont liés et l''''[[action directe]]''' aboutit à des organisations avec une participation massive et prépare le peuple à gérer directement ses intérêts propres et communs, car les anarchistes, comme nous le verront dans la section [[Modification de FAQAnar:I.2 - Est-ce un plan de travail pour une société anarchiste ?|I.2]], voit la charpente d'une société libre comme étant basée sur les organisations créées par les opprimé(e)s dans leur lutte contre le capitalisme ici et maintenant. Dans ce sens, les luttes collectives créent aussi bien les organisations que les attitudes individuelles dont l'anarchisme a besoin pour fonctionner. La lutte contre l'oppression est l'école de l'anarchie. Elle nous apprend certes comment être des anarchistes mais aussi nous donne un aperçu de ce à quoi une société anarchiste ressemblerait, quelle serait son organisation initiale et surtout les expériences pour gérer nos activités pour qu'une telle société puisse fonctionner. Ainsi, nous, les anarchistes, essayons de créer le type de monde que nous voulons à travers nos luttes actuelles et ne pensons pas que nos idées soient seulement applicables « après la révolution. » En fait, en appliquant nos principes maintenant, nous accélérons l'établissement de l'anarchie.
  
As can be seen, anarchists wish to create a society based upon structures that ensure that no individual or group is able to wield power over others. Free agreement, confederation and the power of recall, fixed mandates and limited tenure are mechanisms by which power is removed from the hands of governments and placed in the hands of those directly affected by the decisions.
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==Notes et références==
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<references/>
  
For a fuller discussion on what an anarchist society would look like see section I. Anarchy, however, is not some distant goal but rather an aspect of current struggles against oppression and exploitation. Means and ends are linked, with direct action generating mass participatory organisations and preparing people to directly manage their own personal and collective interests. This is because anarchists, as we discuss in section I.2.3, see the framework of a free society being based on the organisations created by the oppressed in their struggle against capitalism in the here and now. In this sense, collective struggle creates the organisations as well as the individual attitudes anarchism needs to work. The struggle against oppression is the school of anarchy. It teaches us not only how to be anarchists but also gives us a glimpse of what an anarchist society would be like, what its initial organisational framework could be and the experience of managing our own activities which is required for such a society to work. As such, anarchists try to create the kind of world we want in our current struggles and do not think our ideas are only applicable "after the revolution." Indeed, by applying our principles today we bring anarchy that much nearer.
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==Sources==
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*[[Michel Bakounine]] : {{fr}} ''[http://fr.wikisource.org/wiki/Bakounine/%C5%92uvres_compl%C3%A8tes/TomeI2 Œuvres, Tome I, Fédéralisme, socialisme et antithéologisme]''.
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*[[Luigi Galleani]] : {{it}} ''[http://www.scribd.com/doc/46111390/Luigi-Galleani-La-fine-dell-Anarchismo La fine del Anarchismo]''.
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*[[Piotr Kropotkine]] :
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**{{fr}} ''[[L'Anarchie, sa philosophie, son idéal]]''.
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**{{fr}} ''[http://fr.wikisource.org/wiki/Paroles_d%E2%80%99un_r%C3%A9volt%C3%A9 Paroles d'un révolté]''.
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 +
*[[Errico Malatesta]] : {{it}} ''[http://ita.anarchopedia.org/Fra_contadini:_dialogo_sull%27anarchia_%28di_Errico_Malatesta%29 Fra contadini]'', {{fr}} ''[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81781m Entre paysans]''.
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{{source|http://www.infoshop.org/faq/secA2.html#seca29|Quelle sorte de société les anarchistes veulent-ils ?|http://fra.anarchopedia.org/FAQAnar:A.2.9_-_Quelle_sorte_de_soci%C3%A9t%C3%A9_les_anarchistes_veulent-ils_%3F}}

Latest revision as of 09:45, 7 June 2011

Catégorie:Que représente l'Anarchisme?

FAQ anarchiste
Anarchy-symbol.svg
« L'anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir »
A - Qu'est-ce que l'anarchisme ?

Introduction

A.1 - Qu'est ce que l'Anarchisme ?


A.1.1 - Qu'est-ce que "Anarchie" signifie ?
A.1.2 - Qu'est-ce que "Anarchisme" signifie ?
A.1.3 - Pourquoi l'Anarchisme est appelé aussi socialisme libertaire ?
A.1.4 - Les Anarchistes sont-ils socialistes ?
A.1.5 - D'où vient l'anarchisme ?


A.2 - Que représente l'Anarchisme?


A.2.1 - Quelle est l'essence de l'anarchisme ?
A.2.2 - Pourquoi les anarchistes prônent-ils la liberté ?
A.2.3 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de l'organisation ?
A.2.4 - Les Anarchistes sont-ils en faveur de la liberté "absolue" ?
A.2.5 - Pourquoi les anarchistes sont-ils en faveur de l'égalité ?
A.2.6 - Pourquoi la solidarité est importante pour les anarchistes ?
A.2.7 - Pourquoi les anarchistes plaident-ils pour l'émancipation individuelle ?
A.2.8 - Est-il possible d'être un anarchiste sans s'opposer à la hiérarchie ?
A.2.9 - Quelle sorte de société les anarchistes veulent-ils ?
A.2.10 - Qu'est-ce que la suppression de la hiérarchie signifiera et amènera ?
A.2.11 - Pourquoi la plupart des anarchistes soutiennent-ils la démocratie directe ?
A.2.12 - Le consensus est-il une alternative pour s'organiser en démocratie ?
A.2.13 - Les anarchistes sont-ils des individualistes ou des collectivistes ?
A.2.14 - Pourquoi le volontarisme n'est pas suffisant ?
A.2.15 - Que dites-vous de la nature humaine ?
A.2.16 - L'anarchisme exige-t-il des personnes "parfaites" pour qu'une société anarchiste puisse exister ?
A.2.17 - Est-ce que la plupart des gens ne sont pas trop stupides pour qu'une société libre puisse exister ?
A.2.18 - Est-ce que les anarchistes supportent le terrorisme ?
A.2.19 - Quelles vues éthiques les anarchistes tiennent-ils ?
A.2.20 - Pourquoi la plupart des anarchistes sont athées ?


A.3 - Quelles sortes d'anarchisme existe-t-il ?


A.3.1 - Quelles sont les différences entre les individualistes et les socialistes anarchistes ?
A.3.2 - Y-a-t-il des différents types d'anarchisme socialiste ?
A.3.3 - Quels sortes d'écologisme anarchiste y a t il ?
A.3.4 - Est-ce que l'anarchisme est pacifiste ?
A.3.5 - Qu'est-ce que l'anarcha-feminisme ?
A.3.6 - Quelle est la culture Anarchiste ?
A.3.7 - Existe-t-il des anarchistes religieux ?
A.3.8 - Qu'est-ce que "anarchisme sans adjectif" ?
A.3.9 - Qu'est ce que l'anarcho-primitivisme ?


A.4 - Qui sont les penseurs reconnus dans l'anarchisme ?


A.5 - Quels sont des exemples "d'anarchie en action" ?


A.5.1 - La commune de Paris
A.5.2 - Les martyrs de Haymarket
A.5.3 - La création des unions syndicales
A.5.4 - Les anarchistes dans la Révolution russe
A.5.5 - Les anarchistes dans les occupations d'usines en Italie
A.5.6 - L'anarchisme et la révolution en Espagne
A.5.7 - Révolte en France en Mai/Juin 1968

Sommaire complet et détaillé


Les anarchistes veulent une société décentralisée, basée sur la libre association. Nous considérons que cette forme de société est la plus à même de maximiser les valeurs que nous avons soulignées auparavant — la liberté, l'égalité et la solidarité. Il n'y a que grâce à une décentralisation rationnelle du pouvoir, autant structurellement que territorialement, que la liberté individuelle peut être nourrie et encouragée. La délégation du pouvoir dans les mains d'une minorité est un déni flagrant de la liberté individuelle et de la dignité. Plutôt que d'éloigner la gestion de leurs affaires loin du peuple et de la confier à d'autres, les anarchistes sont en faveur d'organisations qui minimisent l'autorité, en gardant le pouvoir à la base, dans les mains de celles et ceux qui sont affecté(e)s par chaque décision prise.

La libre association est la pierre angulaire de la société anarchiste. Les individus doivent être libre de se réunir comme ils le veulent car c'est la base de la liberté et de la dignité humaine. Cependant, chaque accord libre doit être basé sur la décentralisation du pouvoir, sinon il ne serait qu'un faux-semblant (comme dans le capitalisme), car seule l'égalité peut donner le contexte sociale nécessaire à la liberté de développement et de croissance. Ainsi les anarchistes soutiennent les collectifs de démocratie directe qui sont basés sur le principe d'« une personne, un vote » (pour les justifications de la démocratie directe en tant que contrepartie du libre accord, voir la section A.2.11).

Nous nous devons d'indiquer ici qu'une société anarchiste n'est pas une sorte d'état idyllique d'harmonie où tout le monde est d'accord sur tout. La réalité est bien éloignée. Comme Luigi Galleani le montre : « les désaccords et les frictions existeront toujours. En fait ils sont la condition essentielle d'un progrès sans limite. Mais une fois l'instinct animalier primaire de compétition — la lutte pour la nourriture — éliminé, les problèmes de désaccord pour être résolus sans la moindre menace à l'ordre social et la liberté individuelle. »[1] L'anarchisme a pour but de « réveiller l'esprit d'initiative des individus et des groupes, ceux qui arriveront à créer dans leurs rapports mutuels une action et une vie basées sur ces principes, ceux qui comprendront que la variété, le conflit même, sont la vie, et que l’uniformité c’est la mort, travailleront non pour les siècles à venir, mais bel et bien pour la prochaine révolution. »[2]

Ainsi, une société anarchiste devra être basée sur des conflits coopératifs, car un « conflit, en soi, n'est pas dangereux [...], les désaccords existent [et ne doivent pas être pas être cachés] [...]. Ce qui fait que les désaccords deviennent destructifs n'est pas le conflit en lui-même mais l'ajout de la compétition. » En fait, « une exigence d'accords signifie que les gens seront en réalité empêché(e)s de faire partager leur sagesse à l'effort de groupe. »[3] C'est pour cela que la plupart des anarchistes rejettent les consensus pris dans de grandes assemblées (voir pour cela la section A.2.12).

Dans une société anarchiste, les associations seraient dirigées par des assemblées de masse où chacun est impliqué, et basées sur des discussions et des débat approfondis, ainsi que sur des "conflits" coopératifs entre individus égaux. Les tâches purement administratives seraient confiées à des comités élus. Ces comités seraient composés de délégué(e)s avec un mandat temporaire et révocable qui accompliraient leurs tâches sous la vigilance de l'assemblée qui les aura élu(e)s. Ainsi, dans une société anarchiste, « nous traiterons nos affaires nous-mêmes, et quand, pour mettre à exécution nos délibérations, il faudra en charger quelqu'un, nous lui dirons de faire de telle ou telle manière et non autrement [...] rien ne se fera sans notre volonté. Et ainsi, nos délégués, au lieu d'être des individus à qui nous avons donné le droit de nous commander, de nous imposer des lois, seront des personnes [...] qui n'auront aucune autorité, mais seulement le devoir d'exécuter ce que le peuple aura ordonné. »[4] Si les délégué(e)s agissent à l'encontre de leur mandat ou tentent d'étendre leur influence ou travaillent en opposition à ce qui a déjà été décidé par l'assemblée (c'est-à-dire s'ils/elles commencent à prendre des décisions politiques), ils/elles peuvent être rappelé(e)s sur le champ et les décisions qu'ils/elles ont prises abolies. De cette façon, l'organisation reste dans les mains de l'union des individus qui l'a créée.

Cette autogestion et le pouvoir de rappeler les délégué(e)s sont les éléments fondamentaux de toute organisation anarchiste. La différence essentielle entre un système étatique ou hiérarchique et une communauté anarchiste est qui détient le pouvoir. Par exemple, dans un système parlementaire, le peuple confie le pouvoir à une groupe de représentant(e)s pour qu'ils/elles prennent les décisions à leur place pendant une période donnée. Le fait qu'ils/elles tiennent ou non leurs promesses est hors-de-propos car le peuple ne peut les rappeler avant les élections suivantes. Le pouvoir est entre les mains de ceux d'en haut et le peuple doit se contenter d'obéir. De la même façon, dans une entreprise capitaliste, le pouvoir est détenu par une minorité de patrons et de gestionnaires et les ouvriers doivent obéir.

Dans une société anarchiste, ces relations seraient inversées. Personne, individu ou groupe, élu ou non, ne détiendrait le pouvoir dans une communauté anarchiste. À la place, les décisions seraient prises par les principes de démocratie directe et, quand cela serait nécessaire, la communauté pourrait élire ou nommer des délégué(e)s pour mettre en place ces décisions. Il y aurait une distinction très nette entre la prise de décision (qui est faite par tous/tes ceux/celles qui sont affecté(e)s) et la coordination et l'administration des décisions adoptées (qui sont réalisées par les délégué(e)s).

Ces communautés égalitaires, fondées sur le libre accord, s'associeraient elles-aussi librement en confédérations. Une confédération de ce type fonctionnerait de bas en haut, les décisions suivant le même chemin vers les assemblées en-haut. Les confédérations fonctionneraient comme les collectifs. Il y aurait des conférences régulières au niveau régional, "national" et international où tous les problèmes importants qui pourraient affecter les collectifs qui y seraient impliqués seraient débattus. De plus, et c'est fondamental, les principes et idées qui guident la société y seraient débattus et les décisions politiques prises, mises en pratique, revues et coordonnées. Les délégué(e)s se contenteraient « [de porter] dans les assemblées spéciales les vÅ“ux de leurs mandants et [de chercher] à concilier les besoins et les désirs divers. Les délibérations seront toujours soumises au contrôle et à l'approbation des mandants, de manière que les intérêts du peuple ne seront pas négligés. »[5]

Si nécessaire, des comités d'action seraient créés, pour coordonner et administrer les décisions des assemblées et de leur congrès, sous le strict contrôle mentionné plus haut. Les délégué(e)s de ces comités auraient une tenure et, comme les délégué(e)s aux congrès, auraient un mandat limité — ils/elles ne sont pas capable de prendre les décisions à la place du peuple qui les a élu(e)s. De plus, comme leurs confrères et consÅ“urs mandaté(e)s aux conférences et congrès, ils/elles pourraient être rappelé(e)s par les assemblées et les congrès qui les a élu(e)s. De cette façon, chaque comité nécessaire pour coordonner des activités communes serait, pour citer Errico Malatesta, « toujours sous le contrôle direct de la population » et exprimerait « les décisions prises lors des assemblées populaires. »[6]

Plus important encore, les communautés peuvent révoquer toute décision prise lors des conférences et se retirer de n'importe quelle confédération. Chaque compromis pris par un(e) délégué(e) lors de négociations doit retourner à une assemblée générale pour qu'elle soit ratifiée. Sans cette ratification, tout compromis adopté par un(e) délégué(e) n'entraîne aucun engagement de la part de la communauté qui l'a délégué(e). Elles peuvent demander l'organisation de conférences pour discuter de nouveaux développements et pour informer les comités d'action des souhaits de changement et pour leur indiquer quoi faire à propos de n'importe quel développement ou idée.

En d'autres termes, au sein d'une société ou d'une organisation anarchiste, chaque délégué n'est pas un représentant,(comme ils le sont dans un gouvernement démocratique). Piotr Kropotkine fait bien la différence :

« La question de la vraie délégation contre la représentation peut être mieux appréhendée si on imagine une ou deux centaines d'hommes [et de femmes], qui se voient tous les jours au travail et qui partagent des intérêts communs [...] et qui ont discuté chaque aspect de la question qui les occupe et ont pris une décision. Ils choisissent ensuite quelqu'un et l'envoient pour parvenir à un accord avec les autres délégués du même genre [...]. Le [ou la] délégué[e] n'est pas autorisé[e] de faire plus qu'expliquer aux autres délégués les facteurs qui ont conduit ses collègues à cette conclusion. En étant incapable d'imposer quoi que ce soit, il [ou elle] cherchera à obtenir un arrangement et retournera avec une simple proposition que ses mandataires peuvent accepter ou refuser. C'est ce qui se passe quand des vraies délégations sont créées. »[7]

À l'inverse d'un système représentatif, le pouvoir n'est pas délégué dans les mains d'une minorité. C'est plutôt que tout(e) délégué(e) est simplement le/la porte-parole d'une association qui l'a élu(e) (ou sinon sélectionné(e)) en premier lieu. Tous les délégué(e)s et tous les comités d'action seraient mandaté et soumis à la possibilité d'un rappel immédiat pour s'assurer qu'ils/elles expriment les désirs des assemblées plutôt que leurs propres souhaits. De cette façon, le gouvernement est remplacé par l'anarchie, un réseau d'associations libres et de communautés coopérant en égales, basé sur un système de délégué(e)s mandaté(e)s, de rappel immédiat, de libre accord et de libre fédération de bas en haut.

Il n'y a que ce système qui pourrait assurer l'émergence d'« une organisation nouvelle n’ayant d’autre base que les intérêts, les besoins et les attractions naturelles des populations, ni d’autre principe que la fédération libre des individus dans les communes, des communes dans les provinces, des provinces dans les nations, enfin de celles-ci dans les États-Unis de l’Europe d’abord et plus tard du monde entier. »[8] Ce réseau de communautés anarchistes fonctionnerait à trois niveaux différents. Il y aurait « des communes indépendantes pour l'organisation territoriale, et des fédérations de syndicats pour l'organisation des hommes [et des femmes] en accord avec leurs fonctions respectives [...] et des groupes et sociétés libres [...] pour la satisfaction de tous les besoins économiques, sanitaires et éducatifs possibles et imaginables ; pour la protection mutuelle, pour la diffusion des idées, pour les arts, pour le divertissement, et ainsi de suite. »[9]. Tout cela serait basé sur l'autogestion, sur la libre association, sur des organisations et des fédérations libres fonctionnant de bas en haut.

En s'organisant de cette façon, la hiérarchie est abolie sous tous ses aspects rencontrés dans la vie. Seule cette forme d'organisation peut remplacer le gouvernement (c'est-à-dire une minorité qui possède l'initiative et l'autonomisation) par l'anarchie (l'initiative et l'autonomisation pour tous). Cette forme d'organisation peut exister dans toutes les activités qui requièrent un travail en groupe et la coordination de beaucoup d'individus. Ce serait, d'après Michel Bakounine, le moyen « d'intégrer les individus dans des structures qu'ils [ou elles] puissent comprendre et contrôler. »[10] Les initiatives individuelles seraient gérées par les individus.

Comme on peut le voir, les anarchistes cherchent à créer une société qui repose sur des structures qui garantissent qu'aucun individu ou groupe ne peut exercer un quelconque pouvoir sur les autres. Le libre accord, la confédération et le pouvoir de rappeler les élus, les mandats limités sont les mécanismes par lequel le pouvoir est retiré des mains du gouvernement et placé dans celles de celles et ceux directement affecté(e)s par les décisions prises.

Pour une discussion plus complète sur ce à quoi ressemblerait une société anarchiste, voir la section I. Par conséquent l'anarchie n'est pas un but lointain, une utopie, mais plutôt l'aspect des luttes actuelles contre l'oppression et l'exploitation. Les fins et les moyens sont liés et l'action directe aboutit à des organisations avec une participation massive et prépare le peuple à gérer directement ses intérêts propres et communs, car les anarchistes, comme nous le verront dans la section I.2, voit la charpente d'une société libre comme étant basée sur les organisations créées par les opprimé(e)s dans leur lutte contre le capitalisme ici et maintenant. Dans ce sens, les luttes collectives créent aussi bien les organisations que les attitudes individuelles dont l'anarchisme a besoin pour fonctionner. La lutte contre l'oppression est l'école de l'anarchie. Elle nous apprend certes comment être des anarchistes mais aussi nous donne un aperçu de ce à quoi une société anarchiste ressemblerait, quelle serait son organisation initiale et surtout les expériences pour gérer nos activités pour qu'une telle société puisse fonctionner. Ainsi, nous, les anarchistes, essayons de créer le type de monde que nous voulons à travers nos luttes actuelles et ne pensons pas que nos idées soient seulement applicables « après la révolution. » En fait, en appliquant nos principes maintenant, nous accélérons l'établissement de l'anarchie.

Notes et références[edit]

  1. « [non ha quindi più alcuna ragione di esistere in unasocietà vera e reale in cui gli interessi economici di tutti i suoimembri siano solidali, siano comuni, in cui] le divergenze e gliattriti (che ve ne saranno sempre, ed è questa la condizione es-senziale dell’indefinito progresso), esulata l’arena sanguinosadelle competizioni puramente animali, della lotta pel pane e peldomani, si potranno svolgere senza la più pallida minacciaall’ordine sociale ed alla libertà individuale. »
    Luigi Galleani, La fine del Anarchismo?.
  2. Piotr Kropotkine, L'Anarchie, sa philosophie, son idéal.
  3. « [c]onflict, per se, is not harmful [...] disagreements exist [and should not be hidden] [...] What makes disagreement destructive is not the fact of conflict itself but the addition of competition. » « a rigid demand for agreement means that people will effectively be prevented from contributing their wisdom to a group effort. »
    Alfie Kohn, No Contest: The Case Against Competition, p. 156.
  4. « noi tratteremo da noi stessi le cose nostre, e decideremo il da farsi; e, quando per mettere in esecuzione le nostre deliberazioni, ci fosse bisogno d’incaricare qualcuno, noi lo incaricheremo di fare e così e così e non altrimenti [...] in ogni modo niente sarebbe fatto senza la nostra volontà. Così i nostri delegati, invece di essere degli individui a cui abbiamo dato il diritto di comandarci su tutte le cose, su cui piace loro far delle leggi, sarebbero persone scelte apposta e fra le più capaci di ogni singola faccenda, che non avrebbero nessuna autorità e solamente il dovere di eseguire quello che gl’interessati vorrebbero »
    Errico Malatesta, Fra Contadini.
  5. « i delegati rispettivi porteranno in apposite assemblee i voti dei loro mandanti e cercheranno di armonizzare i vani bisogni ed i vani desideri. Le deliberazioni saranno sempre soggette al controllo ed all’approvazione dei mandanti, in modo che non c’è pericolo che gli interessi del popolo siano posti in oblio. »
    Errico Malatesta, Op. Cit..
  6. Errico Malatesta, His Life and Ideas, p. 129 et 175.
  7. Piotr Kropotkine, Paroles d'un révolté, p. 132.
  8. Michel Bakounine, Œuvres, Tome I, Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, I Le fédéralisme.
  9. « independent Communes for the territorial organisation, and of federations of Trade Unions [i.e. workplace associations] for the organisation of men [and women] in accordance with their different functions [...] [and] free combines and societies [...] for the satisfaction of all possible and imaginable needs, economic, sanitary, and educational; for mutual protection, for the propaganda of ideas, for arts, for amusement, and so on. »
    Piotr Kropotkine, Evolution and Environment, p. 79. Evolution and Environment, p. 88 et 79. (Ndt : Evolution and Environment, 11e volume des Å“uvres complètes de Kropotkine, est constitué de deux parties : la première est l'ouvrage La science moderne et l'anarchie ; la seconde, Thoughts on Evolution, regroupe des articles en rapport avec l'évolution. La citation est extraite de la seconde partie, mais le texte original est inconnu.)
  10. Michel Bakounine, cité par Cornelius Castoriadis, Le contenu du socialisme, p. 116. Voir des extraits de l'ouvrage et un article à propos des liens entre Castoriadis et l'anarchisme.

Sources[edit]