FAQAnar:A.3.2 - Y a-t-il des différents types d'anarchisme socialiste ?

From Anarchopedia
Revision as of 15:50, 24 August 2011 by Eidôs (Talk | contribs) (relecture, citations et sources à corriger)

Jump to: navigation, search

Catégorie:Quelles sortes d'anarchisme existe-t-il ?

FAQ anarchiste
Anarchy-symbol.svg
« L'anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir »
A - Qu'est-ce que l'anarchisme ?

Introduction
A.1 - Qu'est ce que l'Anarchisme ?



A.2 - Que représente l'Anarchisme?



A.3 - Quelles sortes d'anarchisme existe-t-il ?



A.4 - Qui sont les penseurs reconnus dans l'anarchisme ?



A.5 - Quels sont les exemples "d'anarchie en action" ?



Sommaire complet et détaillé

Oui. Il existe quatre tendances majeures au sein de l'anarchisme socialiste : le mutualisme, le collectivisme, le communisme et le syndicalisme. Les différences ne sont pas énormes et sont simplement d'ordre stratégique. La seule différence majeure qui existe est entre le mutualisme et les autres types d'anarchisme socialiste. Le mutualisme est construit autour d'une forme de socialisme de marché - les coopératives de travailleurs/euses échangent le produit de leur travail via un système de banque communautaire. Ce réseau de banques mutuelles serait « formé par l'ensemble de la communauté, non pour l'avantage spécial d'un individu ou d'une classe, mais pour le bénéfice de tous [...] [sans] intérêt [...] pris sur les prêts, sauf ce qui est suffisant pour couvrir les risques et les dépenses. » Un tel système mettrait fin à l'exploitation et à l'oppression capitaliste « [puisqu']en introduisant le mutualisme au sein de l'échange et du crédit, on l'introduit partout, et le travail prendra un nouvel aspect et deviendra vraiment démocratique. »[1]

La version anarchiste socialiste du mutualisme diverge de la forme individualiste par le fait que les banques mutuelles appartiennent à la communauté (ou commune) locale au lieu d'être des coopératives indépendantes. Cela assurerait qu'elles fournissent les fonds d'investissement aux coopératives plutôt qu'aux entreprises capitalistes. Une autre différence est que quelques anarchistes socialistes mutualistes soutiennent la création de ce que Pierre-Joseph Proudhon appelle une « fédération agro-industrielle » pour compléter la fédération des communautés libertaires (appelées communes par Proudhon). C'est une « confédération [...] qui a pour but de fournir une sécurité réciproque dans le commerce et l'industrie » et des développements à grande échelle tels que des routes, des voies de chemin de fer, etc. Le but « d'arrangements fédéraux spécifiques est de protéger les citoyens des états [sic] fédéraux du féodalisme capitaliste et financier, à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. » C'est parce que « le droit politique a besoin d'être étayé par le droit économique. » Ainsi la fédération agro-industrielle serait requise pour assurer la nature anarchiste de la société face aux effets déstabilisants des échanges de marché (qui peuvent générer un accroissement des inégalités de richesse et de pouvoir). Un tel système serait un exemple pratique de solidarité, puisque « les industries sont sÅ“urs ; elles font partie du même corps ; l'une ne peut souffrir sans que les autres partagent ses souffrances. Elles doivent de ce fait se fédérer, non pas pour être absorbées et fusionnées, mais afin de garantir la mutualité des conditions d'une prospérité commune [...] Passer un tel accord ne leur enlèvera pas leur liberté ; cela donnera simplement à leur liberté plus de sécurité et de force. »[2]

Les autres formes d'anarchisme socialiste ne partagent pas le soutien aux marchés, même ceux non-capitalistes. Au lieu de ça, ils pensent que mettre en commun la production et partager librement l'information et les produits entre coopératives permet de mieux assurer la liberté. En d'autres termes, les autres formes d'anarchisme socialiste sont basée sur la propriété commune (et sociale) par des fédérations d'associations de producteurs et de communes plutôt que sur le système mutualiste de coopératives individuelles. Selon les propres termes de Michel Bakounine, « la future organisation sociale doit être construite uniquement de bas en haut, par la libre association ou fédération de travailleurs, d'abord dans leurs syndicats, ensuite dans leurs communes, régions, nations, et finalement dans une grande fédération, internationale et universelle » et « la terre, les instruments de travail et tout autre capital peut devenir la propriété collective de toute la société et être utilisé uniquement par les travailleurs, en d'autres mots par les associations agricoles et industrielles. »[3] C'est uniquement en étendant le principe de la coopération au-delà des lieux de travail individuels que la liberté individuelle peut être maximisée et protégée. En cela, ils partagent quelques bases avec Proudhon, comme on peut le voir. Les confédérations industrielles « garantiraient l'utilisation mutuelle des outils de production qui sont la propriété de chacun de ces groupes et qui deviendra, par un contrat réciproque, la propriété collective de la fédération toute entière. De cette façon, la fédération de groupes sera capable de [...] réguler le taux de production pour répondre aux besoins fluctuants de la société. »[4]

Ces anarchistes partagent avec les mutualistes le soutien de l'autogestion par les travailleurs de la production au sein des coopératives mais voient les confédérations de ces associations comme étant le point central pour exprimer une aide mutuelle, et non un marché. L'autonomie du lieu de travail et l'autogestion seraient les bases de toute fédération, puisque « les travailleurs des différentes usines n'ont pas la moindre intention de remettre leur contrôle si durement gagné de l'outil de production à un pouvoir supérieur se faisant lui-même appeler 'corporation'. »[5] En plus de cette fédération à travers toute l'industrie, il existerait aussi des confédérations inter-industries et inter-communautés afin de s'occuper de tâches qui ne font pas partie de la capacité ou de la juridiction exclusive d'aucune de ces fédérations industrielles ou qui sont de nature sociale. Encore une fois, il existe des similarités avec les idées mutualistes de Proudhon.

Les socialistes anarchistes partagent un engagement fort à la possession commune des moyens de production (en excluant ceux utilisés uniquement par des individus) et rejettent l'idée individualiste qu'ils peuvent être "vendus" à ceux qui les utilisent. La raison, comme noté précédemment, en est que si cela pouvait être fait, le capitalisme et l'étatisme pourraient reprendre pied dans la société libre. En outre, d'autres socialistes anarchistes ne sont pas d'accord avec l'idée mutualiste suivant laquelle le capitalisme peut être réformé en socialisme libertaire par l'introduction des banques mutuelles. Pour eux le capitalisme ne peut être remplacé par une société libre que par une révolution sociale.

La différence majeure entre collectivistes et communistes porte sur la question de la "monnaie" après une révolution. Les anarcho-communistes considèrent que la suppression de la monnaie est essentielle, alors que les anarcho-collectiviste considèrent que la fin de la propriété privée des moyens de production est la clé. Comme le notait Piotr Kropotkine, l'anarchisme collectiviste « exprime un état des choses dans lequel tout ce qui est nécessaire à la production appartient de façon commune aux groupes de travail et aux communes libres, tandis que les voies de rétribution [i.e. de distribution] du travail, communiste ou autre, seraient mises en place par chaque groupe pour lui-même. »[6] Ainsi, tandis que le collectivisme et le communisme organisent tous deux la production en commun via des associations de producteurs, ils diffèrent sur la façon dont les biens produits seront distribués. Le communisme est basé sur la libre consommation de tous, tandis que le collectivisme est plutôt basé sur la distribution de biens en fonction du travail effectué. Cependant, la plupart des anarcho-collectivistes pensent que, au fil du temps, avec l'augmentation de la productivité et un sens de la communauté devenu plus fort, la monnaie va disparaître. Les deux courants sont d'accord sur le fait que, à la fin, la société fonctionnera selon la maxime communiste : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. »[7] Ils/elles ne sont simplement pas d'accord sur la vitesse à laquelle cela arrivera.

En ce qui concerne les anarcho-communistes, ils/elles pensent que « le communisme — au moins partiel — a plus de chance d'être établi que le collectivisme »[8] après une révolution. Ils/elles pensent que des mouvements en direction du communisme sont essentiels puisque le collectivisme « commence par abolir la propriété privée des moyens de production et se retourne immédiatement en revenant au système de rémunération suivant le travail effectué, ce qui signifie la réintroduction de l'inégalité. »[9] Plus vite on passe au communisme, moins on a de risque de voir de nouvelles inégalités se développer. Pas besoin de le dire, ces positions ne sont pas si différentes et, en pratique, la nécessité d'une révolution sociale et le niveau de conscience politique de ceux qui introduisent l'anarchisme déterminera quel système sera appliqué dans quelle zone.

Le syndicalisme est une autre forme majeure d'anarchisme socialiste. Les anarcho-syndicalistes, à l'instar des autres syndicalistes, veulent créer un mouvement syndical industriel, mais basé sur les idées anarchistes. De ce fait ils préconisent des syndicats décentralisés et fédérés qui utilisent l'action directe afin d'obtenir des réformes du capitalisme jusqu'au moment où ils seront assez puissants pour le renverser. À bien des égards l'anarcho-syndicalisme peut être considéré comme une nouvelle version de l'anarcho-collectivisme, qui met aussi l'accent sur l'importance pour les anarchistes de travailler au sein du mouvement ouvrier et de créer des syndicats qui préfigurent le future d'une société libre.

Ainsi, même au sein du système capitalisme, les anarcho-syndicalistes cherchent à créer des « associations libres de producteurs libres. » Ils pensent que ces associations pourraient servir « d'école de la pratique anarchiste » et prennent très au sérieux la remarque de Bakounine selon laquelle les organisations de travailleurs doivent créer « non seulement les idées mais aussi les faits du futur lui-même » dans une période pré-révolutionnaire.

Les anarcho-syndicalistes, comme tous les anarchistes socialistes, « sont convaincus qu'un ordre économique Socialiste ne peut être créé par des décrets et des lois d'un gouvernement, mais seulement par une collaboration solidaire des travailleurs avec une main et un cerveau dans chaque branche de la production ; c'est-à-dire, à travers la prise de contrôle du management de toutes les usines par les producteurs eux-mêmes sous des formes telles que les groupes séparés, les usines, et les branches de l'industrie soient des membres indépendants de l'organisme économique générale et procèdent systématiquement à la production et la distribution des produits dans l'intérêt de la communauté sur la base d'accords libres et mutuels. »[10]

Encore une fois, comme tou(te)s les anarchistes socialistes, les anarcho-syndicalistes voient dans l'organisation et la lutte collective qu'impliquent les syndicats comme l'école de l'anarchisme. Comme Eugène Varlin (un anarchiste actif dans la Première Internationale qui a été tué à la fin de la Commune de Paris) le disait, les syndicats ont « l'avantage considérable d'habituer les gens à une vie de groupe et ainsi de les préparer à une organisation sociale plus étendue. Ils habituent les gens non seulement à s'entendre les uns les autres et à se comprendre les uns les autres, mais aussi à s'organiser eux-mêmes, à discuter, et à raisonner avec une perspective collective. » En outre, en plus d'atténuer l'exploitation capitaliste et l'oppression dans la société actuelle, les syndicats « forment les éléments naturels de l'édifice social de l'avenir ; ce sont eux qui peuvent être facilement transformés dans les associations de producteurs ; ce sont eux qui peuvent faire que les composantes sociales et l'organisation de travail de production fonctionnent. »[11]

La différence entre les syndicalistes et les autres anarchistes socialistes révolutionnaires est mince et tourne uniquement autour de la question des syndicats anarcho-syndicalistes. Les anarcho-collectivistes sont d'accord sur le fait que construire des syndicats libertaires est important et que travailler au sein du mouvement ouvrier est essentiel pour assurer « le développement et l'organisation [...] du pouvoir social (et, par conséquence, anti-politique) des masses laborieuses. »[12] Les anarcho-communistes prennent également en considération l'importance du travail au sein du mouvement ouvrier, mais il pensent généralement que les organisations syndicales seront créées par les travailleurs en lutte, et ils/elles considèrent donc comme plus important d'encourager "l'esprit de révolte" plutôt que de créer des syndicats et espérer que les travailleurs les rejoindront (bien sûr, les anarcho-syndicalistes soutiennent de telles luttes et organisations autonomes, donc la différence n'est pas énorme). Les anarcho-communistes ne se concentrent également pas autant sur le lieu de travail, puisqu'ils/elles considèrent que les luttes en son sein sont de même importance que les autres luttes contre la hiérarchie et la domination à l'extérieur du lieu de travail (la plupart des anarcho-syndicalistes sont d'accord avec cela, cependant, et ce n'est souvent qu'une question de degré d'importance). Quelques anarcho-communistes rejettent le mouvement ouvrier car ils pensent qu'il est réformiste par nature et refusent donc de travailler en son sein, mais ce n'est qu'une petite minorité.

Aussi bien les anarchistes communistes que collectivistes reconnaissent le besoin pour les anarchistes de s'unir dans des organisations purement anarchistes. Ils/elles pensent que c'est essentiel que les anarchistes travaillent ensemble en tant qu'anarchistes pour clarifier et diffuser leurs idées aux autres. Les syndicalistes nient souvent l'importance des groupes et fédérations anarchistes, en soutenant que la révolution industrielle et les syndicats de communauté se suffisent à eux-mêmes. Les syndicalistes pensent que les mouvements anarchistes et syndicalistes peuvent être fusionnés en un seul mouvement, mais la plupart des anarchistes ne sont pas d'accord. Les non-syndicalistes font remarquer la nature réformisme du syndicalisme et demandent instamment que, pour garder les syndicats révolutionnaires, les anarchistes doivent travailler en leur sein dans le cadre d'un groupe anarchiste ou d'une fédération. La plupart des non-syndicalistes considèrent la fusion de l'anarchisme et le syndicalisme comme une source de confusion potentielle qui résulterait pour les deux mouvements à ne pas faire correctement leur travail respectif. Pour plus de détails sur l'anarcho-syndicalisme voir la section J.3.8 (et la section J.3.9 pour une discussion sur les raisons pour lesquelles beaucoup d'anarchistes rejettent certains de ses aspects). Il convient de souligner que les anarchistes non-syndicalistes ne rejettent pas la nécessité d'une lutte collective et l'organisation par les travailleurs (voir section H.2.8 sur ce mythe marxiste notamment).

Dans la pratique, quelques anarcho-syndicalistes rejettent totalement la nécessité d'une fédération anarchiste, tandis que quelques anarchistes sont totalement anti-syndicalistes. Par exemple, Michel Bakounine a inspiré à la fois des idées anarcho-syndicalistes et anarcho-communistes, et des anarcho-communistes comme Piotr Kropotkine, Errico Malatesta, Alexander Berkman et Emma Goldman étaient tou(te)s favorables à des mouvements et des idées anarcho-syndicalistes.

Pour en savoir plus sur les différents types d'anarchisme social, nous recommandons les lectures suivantes : le mutualisme est habituellement associé à l'Å“uvre de Proudhon, le collectivisme à celui de Bakounine, le communisme avec Kropotkine, Malatesta, Goldman et Berkman. Le syndicalisme est un peu différent, car il était beaucoup plus le produit de travailleurs dans la lutte que de réflexions d'un théoricien « célèbre ». L'idée que des ouvriers/ères puissent développer leurs propres idées, par eux/elles-mêmes, n'est généralement pas reconnue par ceux/celles-ci. Cependant, Rudolf Rocker est souvent considéré comme un théoricien de premier plan anarcho-syndicaliste et les Å“uvres de Fernand Pelloutier et d'Émile Pouget sont une lecture essentielle pour comprendre l'anarcho-syndicalisme. Pour un aperçu de l'évolution de l'anarchisme social et de ses mots-clés, lire l'excellente anthologie de Daniel Guérin Ni dieu ni maîtres qui ne peut pas être améliorée.


Notes et références

  1. Charles A. Dana, Proudhon and his "Bank of the People", pp. 44-45 et p. 45.
  2. Pierre-Joseph Proudhon, The Principle of Federation, p. 70, p. 67 et p. 72.
  3. Michel Bakounine, Selected Writings, p. 206 et p. 174.
  4. James Guillaume, Bakunin on Anarchism, p. 376.
  5. Jams Guillaume, Op. Cit., p. 364.
  6. Piotr Kropotkine, Anarchism, p. 295.
  7. Par comparaison, une maxime collectiviste est : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail. »
  8. Piotr Kropotkine, Op. Cit., p. 298.
  9. Alexander Berkman, What is Anarchism?, p. 230.
  10. Rudolf Rocker, Anarcho-syndicalism, p. 55.
  11. Eugène Varlin, cité par Julian P. W. L'archer in The First International in France, 1864-1872, p. 196.
  12. Michel Bakounine, Michael Bakunin: Selected Writings, p. 197.

==Sources==